Il paraît que l’offensive terrestre approche à Gaza…

Il paraît que l’offensive terrestre approche à Gaza, et j’avoue que je suis terrifiée pour tout ce qui peut arriver, non au Liban – qui en a vu d’autres – mais aux deux belligérants qui, tous deux, l’ont combattu et ruiné.

Les Israéliens, en effet, ne réalisent pas que leur situation est bien plus compliquée que lors de la précédente guerre de Kippour (1973). Ils étaient alors plus motivés, ils étaient plus unis, ils croyaient en eux-mêmes, et les Américains étaient une grande puissance capable de les aider avec un pont aérien. Elle avait l’argent et les armes. Ce n’est plus le cas.

Malgré cette aide, les Israéliens n’ont alors gagné que de justesse. Or cette seconde guerre de Kippour se passe sur leur territoire; et les Palestiniens sont tellement plus forts parce que djihadistes et épaulés par l’Iran et les milices qu’il a entraînées au Liban, en Irak et au Yémen; et les Américains sont au bord de la crise financière (qui, quand elle éclatera, sera mille fois pire que celle du Liban); et ils ont vidé leur arsenal en faveur de l’Ukraine et n’en ont plus guère; et les Israéliens sont au bord de la guerre civile.

Ils ont réussi le prodige d’unir les sunnites et les chiites contre eux. Songez que l’Iran et le Hezbollah défendent le Hamas qui soumet les Palestiniens à une dictature impitoyable et s’approprie les dons qui devraient leur revenir. Et qui, il y a quelques années seulement, trahissait le régime syrien et le Hezbollah et prenait le parti de Daesh contre eux !

Et une fois que le Hamas aura gagné grâce au Hezbollah, croyez-vous qu’il ne se retournera pas contre ce dernier et contre les alaouites syriens, et ultimement, contre l’Iran?

Bien sûr qu’il le fera. L’ouléma médiéval Ibn Taymiyya est le mentor des Frères Musulmans dont le Hamas est la principale branche palestinienne. Or Ibn Taymiyya a décrété le génocide des chiites et des alaouites, bien plus que des juifs.

Ce quelque chose qui fait notre humanité…

Il y a deux commandements de Moïse qui sont peu connus chez les chrétiens, et même chez les juifs. Les voici: “Aime ton prochain comme toi-même”, et “Aime l’étranger comme toi-même”.

Et c’est dommage, car ils sont la clé du bonheur. En effet, on est heureux quand l’autre nous traite aussi bien que lui-même. Et il est heureux si nous le traitons de même.

Je ne pense pas que cette loi universelle puisse avoir moins de valeur à l’échelle des nations, qu’à l’échelle individuelle.

Même durant la guerre.

Il est inévitable qu’une armée se défende quand elle a été attaquée. En 2007, l’armée libanaise a eu face à elle des terroristes islamistes palestiniens du genre du Hamas et des Brigades al-Qassam: le Fatah el-Islam, issu du Fatah el-Intifada, lui-même issu du Fatah d’Arafat.

Et la bataille a eu lieu à cause de l’égorgement, dans leur sommeil, de 20 soldats de l’armée libanaise.

Certes, l’armée libanaise a, dans cette bataille, utilisé ce qu’elle possédait en matière d’artillerie. Elle a frappé dur, et fort. Mais auparavant, elle avait mis une semaine à évacuer les civils de l’ennemi qui n’avaient pas pu – ou voulu – sortir. Toute la journée, durant une semaine, les camions de l’armée libanaise ont fait la navette pour évacuer les civils. Jusqu’aux femmes de Chaker el-Absi, chef du Fatah el-Islam, portées en piaillant par les soldats libanais qui refusaient de commencer la bataille tant qu’ils ne les avaient pas mises à l’abri.

L'armée libanaise évacuant les civilks du camp palestinien de Nahr el-Bared avant la bataille avec le Fatah el-Islam

Cette évacuation des civils de l’ennemi a coûté à l’armée libanaise deux martyrs et plusieurs blessés, ces opérations l’ayant mise durant une semaine en position de vulnérabilité, les islamistes tirant sur elle comme sur les civils palestiniens.

C’est parce qu’elle s’est faite après l’évacuation des civils que la bataille de Nahr el-Bared a été une victoire libanaise non seulement sur le plan militaire, comme sur le plan éthique et moral.

L’armée qui n’épargne pas les civils de l’ennemi est tôt ou tard condamnée par ses propres compatriotes et par sa conscience. Et une fois que le moral est perdu, la guerre est perdue, même quand elle a été gagnée sur le terrain.

On ne peut pas défendre le carnage. On ne peut pas le justifier au nom de ses propres intérêts, car en écrasant l’ennemi, en lui tuant beaucoup de civils qu’on aurait pu épargner parce qu’on veut avoir le moins de pertes possible, on en arrive à se haïr soi-même.

Ceci, quand on est humain. Et il y a toujours, dans un recoin de nos cœurs les plus endurcis, quelque part, quelque chose qui nous pousse à haïr le meurtre.

Lina Murr Nehmé

On ne sert pas la France en insultant le Liban

Le Hamas a appelé à une solidarité internationale et à un djihad le 13 octobre 2013. Le 13 donc, à Arras (nord-ouest de la France), un islamiste ingouche est entré dans son ancien lycée, et il a poignardé un professeur d’histoire, Dominique Bernard, et égorgé un professeur de sport, David Verhaeghe.

Le professeur Bernard est mort en tentant de protéger des lycéens. Le professeur Verhaeghe a été égorgé en tentant aussi de protéger des lycéens, mais il a heureusement survécu.

Suite à ces attentats, et à plusieurs alertes à la bombe qui ont abouti à l’évacuation du Louvre et de Versailles, un internaute a commis le commentaire ci-dessus concernant le Liban.

Je lui ai fait la réponse suivante:

“Monsieur, on ne sert pas la France en insultant le Liban. Et renseignez-vous avant de parler.

1-Il n’y a pas de tels attentats au Liban. Il y en avait sous l’occupation des Syriens et des Palestiniens, parce que ce sont eux qui les commettaient. Eux et ceux qu’ils payaient. Vous n’étiez pas renseignés, c’est vrai. Car depuis Giscard, la politique de la France au Levant est islamiste par crainte d’un nouveau choc pétrolier, et parce que lui et ses successeurs ont fait de la France un pays marchand d’armes. Et comme les Arabes ne donnent rien pour rien, ils achètent ces contrats avec des clauses sous la table, qui impliquent le soutien à leur politique au Moyen-Orient. En d’autres termes, le silence quand ceux qu’ils financent tuent. D’où la fable que la guerre au Liban était civile et religieuse.

En 1989, au nom de cette même politique arabe, la France a accepté de livrer le Liban à la Syrie en reconnaissant une constitution faite en Arabie Saoudite et achetée avec l’argent saoudien, à des députés élus par la génération précédente en 1972. Cette constitution était refusée par la majorité absolue au Liban, toutes communautés confondues, entre autres, parce qu’elle légalise l’occupation syrienne du Liban. Et prive les chrétiens de leur droit à gouverner en tant que majorité. (Car ils sont encore majoritaires, puisque la Constitution ne prive pas les Libanais non résidents de leur nationalité.) Elle les prive en fait de leur droit de participer au gouvernement du pays.

En quoi tout ceci ressemble à la situation en France?

2-Le Liban n’a pas fait entrer les 2 millions de migrants syriens volontairement, et il ne les a pas encouragés à venir. Ainsi, il ne leur donne pas la nationalité libanaise, il ne la donne pas à leurs enfants, il ne leur donne pas de protection inaliénable s’ils sont entrés petits dans son territoire, et il ne les favorise pas par des allocations. Comme il n’y a pas de droit du sol au Liban, les migrants syriens partiront comme ils sont venus, dès que le flux de cet argent européen et américain cessera.

Mais vous, pouvez-vous dire la même chose de ceux auxquels vous avez donné la nationalité française?

3-Les gouvernements américains et européens violent la souveraineté libanaise en payant les migrants syriens au Liban avec des dollars, alors qu’ils ne les paient pas s’ils rentrent en Syrie. N’est-ce pas injuste envers les autres Syriens, de payer ceux qui les ont quittés pour les empêcher de revenir les aider ? Vous trouvez bon que ces migrants soient dans des camps alors qu’ils ont chez eux des maisons en dur, des champs et des amis? Vous ne pensez pas que leur pays a besoin d’eux pour se reconstruire? Vous ne pensez pas que leur armée a besoin d’eux pour pouvoir résister au terrorisme islamique qui est présent en Syrie et qui, en cas de succès, ne manquera pas de frapper la France?

Si vous connaissiez l’Histoire, vous n’attaqueriez pas le Liban. Car il est formé des restes résistants de tous les pays chrétiens de la région. Ces pays qui vous ont donné votre religion, car ils étaient chrétiens bien avant la France. C’est bien parce qu’il est composé de ces ilots de fidélité que le Liban est encore debout. Si cela ne se voit pas, c’est que sous les coups, le Liban est mort. Mais historiquement, il ressuscite toujours très vite, et les signes montrent que ce sera bientôt.

D’ailleurs, oubliez la démographie: au Liban, on est fier d’être chrétien, et les musulmans nous respectent. Dans ce climat, beaucoup de musulmans au Liban se convertissent. Dans la Békaa, un seul prêtre en a baptisé plusieurs centaines.

Est-ce qu’on est fier d’être chrétien en France? Est-ce qu’on y est respecté par la majorité des musulmans?

Lina Murr Nehmé