Archives de catégorie : Empire ottoman

1917 : la “paix honorable” de Charles Ier d’Autriche

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La Grande Guerre. On aurait pu l’arrêter avant son terme, et éviter ainsi un million de morts. En 1917, l’Autriche eut un nouvel empereur, Charles, jeune homme révolutionnaire, qui estimait que sa couronne ne méritait pas ces massacres. Il proposa donc “une paix honorable”. Son offre convenait à la France, qui commença par s’y intéresser. Mais l’Italie s’y opposa, car une paix trop précoce lui aurait fait perdre la possibilité d’agrandir ses territoires aux dépens de l’Autriche, justement. Et l’Angleterre voulait le Levant.

 

Pour résultat, l’Autriche-Hongrie, la seule qui eût voulu la paix, la seule dont le monarque était populaire parce qu’il était humain, fut aussi la plus mal traitée. Démembrée, elle vit son souverain chassé malgré la volonté du peuple, au moins en Hongrie, et privé de ses biens personnels en dépit du droit. Il mourut en exil, d’une pneumonie, parce qu’il n’avait pas les moyens de chauffer correctement la maison froide et humide qu’un ami lui avait prêtée. On ne trouva rien de convenable parmi ses vêtements, et on lui fit porter une tenue qu’il avait autrefois donnée à l’un de ses serviteurs. Pendant ce temps, le kaiser allemand, qui avait provoqué la guerre, se prélassait dans le luxe d’un château.

Le peuple de Vienne pleura dans les rues en apprenant la mort de son empereur. Charles était le premier chef d’Etat d’Europe à avoir fondé un ministère pour résoudre les problèmes sociaux. Des pauvres étant morts de froid à Vienne, l’Empereur commanda d’utiliser ses propres voitures à transporter les vivres et le charbon pour empêcher d’autres de mourir. Il lutta contre la corruption, notamment celle de la presse, combattit le principe de la guerre sous-marine, qui faisait périt des civils en mer . Et contrairement à ce qu’on prétendit, il refusa aussi l’usage des gaz; mais c’étaient les Allemands qui commandaient. Charles, voyant qu’ils utilisaient ses ports pour mener la guerre sous-marine malgré son opposition, prit l’initiative de proposer la paix aux Alliés. Il était donc très populaire en France, où Anatole France, bien qu’il fût antimonarchiste, disait qu’il était “le seul homme honnête” dans cette guerre.

Le plus regrettable ne fut cependant pas la déchéance et la mort de l’homme d’État le plus populaire de son temps, mais les trois catastrophes engendrées par son échec, et dont le monde a payé très chèrement le prix.

La première de ces catastrophes fut la vocation d’Hitler, alors un des sujets de Charles. Son succès fut rendu possible par l’unification de l’Allemagne. Car les Alliés reconnurent à la Prusse ses annexions, sauf celle de l’Alsace-Lorraine. Injustice suprême, que de faire payer aux victimes les dettes de guerre des bourreaux. Mais si on les traitait comme les Alsaciens et les Lorrains, c’est-à-dire comme des victimes de la Prusse (ce qu’ils étaient), celle-ci ne pourrait pas payer la dette de guerre que voulaient lui imposer les Alliés. En unifiant l’Allemagne tout en démantelant l’Autriche, en imposant aux Allemands exsangues une dette de guerre qu’ils ne pourraient pas honorer, on a rendu la Deuxième Guerre mondiale inévitable.

La seconde catastrophe, ce fut la série de massacres commis par Lénine et Staline. Pour se maintenir au pouvoir, Lénine fut obligé de tuer des millions de civils. Si Charles avait réussi auprès des Alliés, la guerre se serait arrêtée au printemps 1917. Sa lutte avec les Allemands au sujet de la guerre sous-marine eut lieu le 20 janvier. Il passa les jours suivants — cela fait 102 ans exactement — à élaborer un projet de paix séparée, et à étudier la proposition qu’il ferait aux Alliés.

La troisième catastrophe est l’islamisme que l’Autriche-Hongrie, au centre de l’Europe, aurait réussi à canaliser: tant Belgrade que Vienne furent des capitales qui résistèrent à l’Etat islamique de leur temps et le vainquirent. Cela arriverait-il encore aujourd’hui ?

J’avoue avoir été très négative quand Charles Ier a été béatifié. J’ai pensé: “Ils nous cassent les pieds avec leur blabla sur la paix, et ils veulent nous béatifier des politiciens, maintenant.”

Pendant que je travaillais à mon livre sur la Première Guerre mondiale, Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique, je suis tombée sur un personnage qu’on ne pouvait pas ne pas admirer. En rédigeant sa biographie, indispensable à la compréhension de la politique britannique au Levant, je me suis sentie toute petite devant un homme qui osa braver ses ennemis pour arrêter un massacre, et qui, ensuite, sut rester digne jusqu’au bout. Je me suis dit: “Est-ce que par hasard c’est celui qui a été béatifié?”

C’était lui. J’étais bien attrapée: être l’admiratrice d’un homme que j’avais qualifié de “politicien”. Mais il faut m’excuser: pour moi qui travaille sur les guerres et sur les morts, les discours lénifiants que le clergé nous sert sur la paix m’enquiquinent, à dire la vérité, car les paix qu’ils proposent sont celles des plus forts, celles des cimetières. Excepté celle de Charles d’Autriche. Mais avez-vous entendu parler de lui dans votre église paroissiale?

En Autriche, j’ai demandé à un employé de musée pourquoi je ne trouvais rien sur Charles Ier dans les églises autrichiennes, alors qu’il venait d’être béatifié. Il me dit: “Nous n’aimons pas mélanger la religion et la politique.” Je lui dis: “Pourquoi? Vous n’aimez pas que vos politiciens vous aiment?” Il s’est planté, ne sachant pas que répondre, car dans le cas de Charles, ce sont ses convictions religieuses qui ont motivé sa conduite.

Ce qui ne veut pas dire qu’un non-catholique ne l’aimera pas. Après tout, je suis descendante d’une farouche famille montagnarde orthodoxe ; mon arrière grand-père était pope, et mon grand-père apprenait à ses enfants (ma mère) dans les années 1930 à réciter : “Vive Staline, le défenseur du tsar Nicolas!”

D’ailleurs, une des premières personnes que j’aie affrontées après la parution de mon livre fut une dame autrichienne protestante qui m’a chanté les louanges de Charles. Il est vrai qu’un Autrichien ne peut pas être à la fois avec Hitler et avec Charles d’Autriche.

Le film le plus célèbre de l’histoire du cinéma, “The Sound of Music” (La Mélodie du Bonheur), basé sur une histoire vraie, est indirectement lié à Charles Ier. Il s’agit de l’Anschluss imposé par Hitler et accepté de bon cœur par la haute société autrichienne, sauf par les partisans de Charles Ier, dont faisait partie Georg von Trapp, le héros du film. Von Trapp, qui avait été officier de Charles Ier, refusa de hisser le drapeau nazi sur sa demeure à Salzbourg, refusa un poste d’officier dans la marine nazie, refusa de chanter avec sa famille devant Hitler. Il préféra même prendre sa famille en exil plutôt que de faire subir à ses enfants la propagande nazie.

Lina Murr Nehmé, 24 janvier 2019

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Les massacreurs magnifiques

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“Le siècle magnifique” : un feuilleton qui présente l’histoire comme on aimerait la voir, avec le sultan massacreur montré comme un homme juste, qui prêche la morale de la justice, qui parle même d’égalité et de fraternité, qui couchait toujours seul, sauf parfois une de deux esclaves (et encore, pas en même temps), alors que le personnage historique en a eu des centaines au cours des ans.

Un harem avec des esclaves toutes appelées “sitt” ou “hanem” (“madame”, titre qu’on ne donnait alors qu’aux dames les plus importantes de la société). Et toutes sont vêtues de pied en cap avec des robes de luxe à traînes, au palais, dans le jardin, etc. Merveilleusement, ces traînes ne se salissent jamais. Et ces esclaves qui font le gros ménage dans un palais gigantesque, sont toujours sur leur trente-et-un. Elles reçoivent régulièrement des cadeaux, des pièces d’or, des soieries venues de Chine, extra coûteuses (avec quel argent ont-elles été payées) ?

En réalité, le costume était la nudité forcée. (Voir les explications dans Fatwas et caricatures). Mais dans ce film, c’est tout juste si ces esclaves montrent le haut, assez pour détourner l’attention du spectateur de leur visage. On n’entend jamais le mot de flagellation, c’est tabou ! Pourtant, c’était encore appliqué avant Atatürk. Et on ne voit quasiment jamais de décapitations. Comment se fait-il donc que tout ce monde baisse toujours la tête? Cela, on le sait, ne peut être obtenu que par une peur permanente due à la connaissance d’actes de violence. Ainsi, M. Macron ne pourrait pas voir tous les gardes de l’Elysée garder la tête baissée, car il n’a jamais procédé à une flagellation, ni à une décapitation pour un mot mal placé ou parce qu’une esclave s’est retrouvée enceinte. Et aussi, parce qu’il n’a jamais donné l’ordre que les gardes aient toujours la nuque baissée. Mais ces pauvres gardes n’attrapent-ils pas un disque ?

Et ni les dames libres ni les esclaves affranchies ne se montrent en niqab ou burqa, au contraire: elles affichent des décolletés.

Et le sultan recommande à son fils de bien traiter ses frères lors de son accession au pouvoir. Encore un gros mensonge: le sultan Mahomet II avait institué une loi stipulant que tout nouveau sultan doit tuer ses frères pour éviter les guerres de succession. Lui-même avait fait égorger son frère, un bébé d’un an et demi, dans son bain.

Le même feuilleton ne montre jamais comment sont venus tous ces esclaves. Il ne signale pas qu’Ibrahim pacha, l’assassin du père de Fakhreddine et de milliers de druzes libanais, était un janissaire recruté dans le cadre du devchirmé dont j’ai déjà parlé.

Et l’article ci-dessous prétend que c’est dans sa vérité que l’Empire ottoman est montré !

Concernant ce feuilleton, je suis totalement d’accord avec M. Erdogan, même si nos opinions divergent sur le plan du jugement de valeur.

C’est vrai: le sultan Suleiman ne passait pas son temps à sa table en train de fabriquer des bijoux pour ses femmes, ou à faire des entretiens amoureux avec Roxelane sur sa terrasse, ou à parler des amours des autres et des disputes entre ses exclaves. Il les passait plutôt à se battre, et ensuite, à massacrer les hommes des villes qui avaient été vaincues par les armes, à enlever leurs femmes et enfants pour en faire ces esclaves qui peuplaient le harem, et ces janissaires, dont Ibrahim pacha.

A propos, dans la version arabe, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre que “Char Kan”, c’était “Charles Quint”.

Enfin, ce feuilleton fait de la publicité à la conquête islamique, il médit des chrétiens et présente leur défaite, notamment celle des Hongrois et des Autrichiens, comme un bienfait pour l’humanité.

Lina Murr Nehmé, 7 octobre 2018
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Lien de l’article AFP et extraits:

teleobs.nouvelobs.com/…/le-siecle-magnifique-la-serie-qui-d…

“Le siècle magnifique” : la série qui défrise le gouvernement turc
Où Soliman le Magnifique apparaît comme un buveur et un coureur de jupons.
Par TéléObs
Publié le 28 novembre 2012 à 15h45
“C’est l’une des séries les plus populaires de la télé turque mais elle n’a pas échappé aux foudres du Premier ministre. Réputé pour ses sorties tonitruantes, Recep Tayyip Erdogan s’en est pris cette fois à un feuilleton qui décrit les turpitudes de Soliman le Magnifique, le jugeant contraire à l’Histoire et aux bonnes moeurs musulmanes.
“L’objet de l’ire du chef du gouvernement s’appelle “Le siècle magnifique”. Depuis maintenant un an, cette série dépeint sans fard le règne du plus fameux sultan de l’empire ottoman (1520-1566), entre conquêtes militaires, intrigues de palais et rivalités de harem. Des millions de téléspectateurs s’en régalent chaque semaine, en Turquie comme dans les pays du Maghreb ou d’Europe de l’Est où elle a été vendue.
“Mais apparemment, cette chronique romancée et décadente, qui montre Soliman un verre d’alcool à la main ou en plein ébats avec ses promises, n’est pas du goût du chef du gouvernement turc, qui l’a fait savoir dimanche au détour d’une pique adressée à ceux qui critiquent sa politique étrangère. “Ils demandent pourquoi nous nous occupons de ce qui se passe en Irak, en Syrie ou à Gaza. Mais nous nous intéressons à tout ce qui est lié à nos ancêtres. Ils ne connaissent nos pères et nos ancêtres que par ‘Le siècle magnifique’ mais ce n’est pas le Soliman que nous connaissons”, s’est exclamé Recep Tayyip Erdogan
“ ‘Il a passé trente ans de sa vie à dos de cheval et non dans des palais comme on nous le montre à la télé’, a-t-il poursuivi. “Je maudis et condamne les réalisateurs de ces séries et les propriétaires de cette chaîne de télévision”, a menacé Erdogan avant d’ajouter : “ceux qui jouent avec les valeurs du peuple doivent recevoir une leçon”. Le chef du gouvernement n’est pas le premier à critiquer “Le siècle magnifique”. Dès ses premiers épisodes, la fiction a créé de nombreux remous, dans les milieux religieux mais également politiques – parfois très liés entre eux.
“La semaine dernière encore, un des vice-Premiers ministres du gouvernement islamo-conservateur est monté au créneau lors du débat parlementaire consacré au budget de l’audiovisuel. “Ceux qui veulent humilier nos ancêtres et nos valeurs sur les écrans de télévision doivent d’une manière ou d’une autre être punis”, s’est emporté Bülent Arinç. Dès le début de l’année, l’organisme de supervision de l’audiovisuel a adressé un avertissement à Star TV pour “atteinte à la vie privée du Sultan” sur la base de dizaines de milliers de plaintes de simples citoyens.
“Les producteurs de la série se sont défendus en soulignant que leur fiction décrivait “l’une des facettes d’un sultan et la grandeur qu’il incarne”. Et ils ont rappelé que le goût de Soliman pour le vin était historiquement avéré. Sans surprise, les critiques du Premier ministre ne sont pas passées inaperçues dans les rangs de l’opposition, qui y a vu un nouveau coup de canif contre l’héritage laïc du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. “Nous ne savions pas que le Premier ministre comptait dans ses fonctions la supervision des émissions de télé”, a raillé le vice-président du principal parti d’opposition (CHP), Umut Oran. (AFP/TéléObs, 28 novembre 2012)


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Origine des janissaires et du devchirmé ottomans

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Un des sultans ottomans, en admiration devant la qualité combattive et militaire des chrétiens, s’était dit qu’il ne pourrait défaire les armées chrétiennes d’Europe Centrale que s’il employait des enfants éduqués chrétiens, mais islamisés.

Ce fut l’origine du devchirmé (voir notre post sur le sujet). Une fois que les Ottomans avaient enlevé le cinquième des enfants chrétiens, les petites filles étaient gardées pour la prostitution, et les petits garçons étaient gardés pour servir de soldats.

On appelait ces enfants islamisés et envoyés à l’armée “janissaires” (jeunes recrues). Evidemment, ceux qui résistaient à ce traitement mouraient. Les autres devenaient de farouches soldats, l’élite de l’armée ottomane.

Lina Murr Nehmé, 19 septembre 2018

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Attentat de Soueida : pourquoi Daech s’en prend aux druzes

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Parlant de ce massacre de Soueida, qui a fait un grand nombre de victimes druzes, certains ont dit: “Bah! les druzes tuent les chrétiens”. Il faut mettre quelques points sur les i.

Le massacre des chrétiens de Damas, en 1860, a été commis par des sunnites. Il a commencé après le massacre des chrétiens du Liban par les druzes, mais ceux-ci étaient des mercenaires à la solde des autorités ottomanes, comme l’ont reconnu les grandes puissances (voir mon livre: Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique). Et une partie des druzes n’avait pas participé au massacre des chrétiens du Liban.

La communauté druze au Liban est divisée en deux partis fortement opposés, qui s’entretuent à l’occasion (voir les révélations que j’ai traduites dans le même livre). Les Joumblatt, d’origine sunnite, ne sont pas reconnus par la communauté druze, qui les considère comme des intrus.

Enfin, il y a quelques années, Joumblatt a décrété à la télévision la mort de tous les druzes de Syrie parce qu’ils soutiennent le régime (j’ai la vidéo.) Donc il n’est pas possible de dire, au sujet des druzes syriens, qu’ils tuent les chrétiens syriens, puisqu’ils sont dans le même camp.

Non: ce massacre de Soueida frappe toutes les minorités de Syrie, et à terme, vise toutes les minorités du Levant. Le but de Daech et de Nosra est en effet d’unifier la Syrie, le Liban, Israël, la Jordanie et les territoires palestiniens sous sa houlette et sous le nom de “Cham” que leur donnaient les califes. Nosra a le même but, comme le prouve son nom actuel, Fatah el-Cham (“Conquête de Cham”).

Lina Murr Nehmé, 30 juillet 2018

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Portraits de femmes 1 : Mère Teresa aurait-elle pu réussir en tant que musulmane ?

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Née à Skopje en Macédoine — qui faisait alors partie de l’État islamique ottoman — elle était fille de parents albanais. Orpheline de père à 8 ans, elle désire dans son adolescence devenir missionnaire, ce qui n’est pas possible dans l’État islamique : tout musulman converti doit être tué.

À 18 ans, elle se rend en Angleterre et intègre un ordre de religieuses enseignantes à vocation missionnaire. Elle apprend l’anglais et prend le nom de Maria Teresa. Elle est envoyée en Inde, où elle devient professeur dans une école de jeunes filles, dont elle est plus tard nommée directrice.

Mais en fréquentant davantage les Indiens, elle réalise que les Européens sont bien mieux logés et nourris que la majorité indienne. En 1946, elle décide de fonder une nouvelle congrégation, vivant dans une pauvreté totale et partageant la vie des plus pauvres. Des jeunes filles indiennes se joignent à elle. Elles font vœu non seulement d’obéissance, de pauvreté, de chasteté, mais aussi, d’accueil des pauvres. Elles vivent dans un bidonville de Calcutta. Chacune d’elles possède un chapelet, un seau et les vêtements qu’elle porte, costume à mi-chemin entre celui des religieuses occidentales et des femmes indiennes.

Un soir, Mère Teresa trouve un jour une vieille femme qui agonise dans la rue, personne ne voulant s’occuper d’elle. Elle la recueille et la soigne jusqu’à sa mort. Et elle fonde un mouroir pour aider les agonisants trouvés dans les rues, à mourir dans la dignité. Ce n’est qu’une des œuvres fondées par la mère Teresa, à côté d’établissement d’enseignement scolaire, d’orphelinats, d’hôpitaux pour les pauvres.

Ceux qui en bénéficient le plus sont d’abord les Intouchables. Ce sont eux, les plus pauvres en Inde.

Dans la religion hindoue, en effet, la société est divisée en castes. Au sommet, il y a les prêtres, les brahmanes, considérés comme étant les plus purs, les meilleurs. Et au bas de l’échelle, il y a les Intouchables. La caste formée par ces derniers est jugée tellement impure chez les Hindous, que non seulement ses membres sont considérés impurs, mais leur ombre elle-même l’est. Pour justifier la ségrégation qu’ils leur infligent de siècle en siècle, les Brahmanes ont convaincu le peuple qu’il s’agit de personnes ayant commis beaucoup de péchés dans une vie antérieure, et qu’ils sont punis. Donc ils doivent accepter leur sort pour pouvoir se réincarner dans une caste supérieure à la leur. Ainsi, les Intouchables ne peuvent être soignés que par des Intouchables, ils ne peuvent fréquenter les mêmes écoles que les autres, ils ne peuvent exercer des métiers les mettant en contact avec d’autres castes qu’ils rendraient impurs, ils ne peuvent se marier qu’entre eux, et ils vivent dans une pauvreté sordide. Mais bien moins que le mépris dont ils sont victimes.

Si Teresa avait été musulmane, toute son activité aurait été impossible, notamment le vœu de pauvreté et d’accueil des pauvres. Car une femme n’a pas le droit de donner des aumônes sans la permission de son mari ou de son père. Et pour bien d’autres raisons qu’on verra peu à peu dans ma série « Les femmes et l’islam », et qu’on pourra lire progressivement, avec les textes et les références, dans mon livre L’Islamisme et les femmes.

Lina Murr Nehmé, 29 juillet 2018

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Réponse à Nader Allouche: Al-Azhar n’a pas à décider pour les chrétiens d’Orient

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Nader Allouche écrit : “Je demande aux autorités musulmanes en premier desquelles Al-Azhar de requérir des Patriarches chrétiens d’Orient, notamment certains bien connus, d’arrêter de chercher une protection extérieure pour laquelle ils se mettent au service d’agendas étrangers ou de la “francophonie”. C’est inacceptable. Si les chrétiens d’Orient veulent la citoyenneté alors qu’ils se lèvent contre les instrumentalisations à l’étranger et en particulier en France de leur nom et de leur cause. Tout le monde sait quels libanais tournent autour de Fillon.”


 

Ma réponse :
Nader Allouche, ce n’est pas le chef d’Al-Azhar qui va décider ce que mon patriarche, moi, Lina Murr Nehmé, va dire et faire, et à qui nous, chrétiens d’Orient, irons demander de l’aide.
Il est fini, le temps des Ottomans où, sous peine de mort, il était interdit aux chrétiens d’Orient de parler aux chrétiens d’Occident.
Vous voulez ramener le temps de la dhimmitude, mais je suis désolée, ce temps est révolu.Si les autorités islamiques prétendaient peser sur les autorités chrétiennes, nous, le peuple, nous refuserions.
Il est d’autant plus honteux, de votre part, de parler ainsi, qu’en tant qu’ancien journaliste de Sawt El Mada et de Tayyar.org vous savez parfaitement que le frère du patriarche grec-orthodoxe a été enlevé depuis plusieurs années, avec un autre évêque, que les deux ne sont jamais revenus. Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui les a ramenés? Est-ce lui qui a empêché leur enlèvement? Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui a empêché l’enlèvement des religieuses du couvent de Saydneya? Est-ce lui qui les a ramenées? Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui a empêché les massacres de prêtres et de villages chrétiens entiers, enfants compris? Vous me direz que ce sont Daech et Nosra (issue de Daech) qui ont commis ces enlèvements. Je vous répondrai: pourquoi le recteur d’Al-Azhar a-t-il refusé d’excommunier Daech et Nosra, disant au contraire, qu’ils représentent l’islam ?

 

Le lendemain, j’ai mis ces deux captures d’écran avec le texte sur ma page Facebook. J’ai eu notamment le commentaire suivant de François Bacha, économiste et journaliste franco-libanais:

Commentaire de François Bacha à la capture d’écran ci-dessus, publiée par Lina Murr Nehmé sur sa page, après la discussion avec Nader Allouche
.
Capture d’écran prise sur la page de Nader Allouche avec les commentaires de François Bacha et de lIna Murr Nehmé

Tout cela avait été publié avec le lien à la page de l’intéressé, alors que tout cela était encore visible sur sa page: les lecteurs ont pu vérifier son texte et le mien.

Lina Murr Nehmé, 7 juillet 2018

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Le site de Brad bombardé par les Turcs

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Pour illustrer mon livre Si Beyrouth parlait…, j’avais pris cette photo des ruines de la ville morte syrienne de Brad, trois mois avant le début de la guerre syrienne.

Tout récemment, l’aviation turque aurait endommagé ce site de première importance archéologique et religieuse, où se trouve également le tombeau de saint Maron, patron des maronites.

On parle peu des villes mortes de Syrie, dont certaines ont été endommagées par les bombardements. Ceux des Turcs aujourd’hui, et ceuxde leurs alliés depuis 2011. Ces alliés sont essentiellement des djihadistes, notamment l’ASL (Armée syrienne libre), rebuts de l’armée syrienne, et les premiers à avoir procédé à des égorgements devant caméra, et même, à avoir diffusé un acte de cannibalisme filmé.

L’ASL a constitué l’essentiel des effectifs d’al-Qaïda quand celle-ci est venue d’Irak en Syrie pour fonder la branche syrienne d’al-Qaïda appelée Nosra. Nosra est ainsi la fille de Daech.

L’ASL, Nosra, Daech et plusieurs autres organisations terroristes se sont battues entre elles ou contre l’armée syrienne (et souvent aussi contre les habitants) de la région des villes mortes, qui se situe en Syrie, à la frontière entre la Syrie et la Turquie.

On attend cependant la fin de la guerre pour savoir ce qu’il reste vraiment de ce précieux patrimoine archéologique datant des débuts du christianisme.

Lina Murr Nehmé, 26 mars 2018

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Pillage d’Afrin par l’ASL et la Turquie

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Le pillage d’Afrin par les alliés d’al-Qaïda et de la Turquie: l’ASL (Armée Syrienne Libre). L’ASL, ce sont les déserteurs sunnites et islamistes qui refusaient le gouvernement alaouite. Ce sont eux qui, les premiers, ont diffusé des vidéos d’égorgements (de policiers syriens en l’occurrence) , et même, une vidéo dans laquelle un de leurs chefs pratiquait le cannibalisme, mangeant le cœur d’un soldat syrien en faisant crier “Allahou Akbar!” par ses hommes. Ce sont eux que l’Occident appelle “opposition modérée” et a financés et armés contre l’armée nationale qu’ils avaient désertée.

 

Quelques mois plus tard, ils obtenaient une fatwa leur ordonnant de faire le djihad, fatwa qu’ils exhibent toujours. Leur sincérité quand ils prétendaient avoir déserté par patriotisme, a été vite prouvée par le fait que la plupart d’entre eux ont déserté l’ASL parce qu’al-Qaïda, venue d’Irak fonder la branche syrienne al-Nosra, leur offrait davantage d’argent.

Les reporters occidentaux et orientaux ayant rapporté l’existence de ce pillage généralisé de la malheureuse ville syrienne tombée aux mains des Turcs, la direction de l’ASL s’est dépêchée de publier un communiqué interdisant le pillage……… mais le djihad n’implique-t-il pas le pillage des vaincus ? C’est la charia qui le stipule, ajoutant que les femmes et les enfants font partie du butin.

En l’occurrence, l’armée turque, qui donne tout de même les ordres, n’en est pas revenue au stade de barbarie de l’ancienne Turquie ottomane d’avant les Tanzimat, où le butin était la loi officielle, qu’on faisait sans se cacher — et qui est la loi de l’ASL, puisqu’elle a reçu une fatwa de faire le djihad, dans lequel le djihadiste sait que sa récompense sera soit le paradis, soit le butin.

Afrin, comme je l’ai expliqué précédemment, est une ville syrienne frontalière. En l’occupant, la Turquie en fait le clou qui empêche le raccordement des Kurdes de Turquie et de Syrie, la réalisation du Kurdistan, et qui auraient pu se réfugier en Syrie.

Contrairement à une légende répandue, les Kurdes, traditionnellement dans l’opposition, combattent avec le gouvernement syrien parce qu’ils ont, dès le début de la guerre de 2011, demandé et obtenu un nombre substantiel d’avantages, dont des promesses d’autonomie partielle. Les Kurdes d’Irak soutiennent leurs frères kurdes de Syrie, et le risque de voir les Kurdes raccorder le Kurdistan turc au Kurdistan syrien, était pour Erdogan un danger qui a justifié, à ses yeux, des massacres de Kurdes, non seulement près de la Syrie, mais dans d’autres régions de Turquie également. Et, plutôt que de perdre la partie kurde de Turquie, il a préféré envahir une ville syrienne.

(Photo publiée sur Twitter par la journaliste Jenan Moussa, célèbre pour ses reportages du côté des rebelles libyens et syriens.)

Lina Murr Nehmé, 21 mars 2018

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Afrin : Erdogan massacre les Kurdes, silence mondial

La guerre d’Erdogan contre les Kurdes, qu’il massacre dans son pays dans le silence mondial, semble se terminer avec la chute de l’enclave d’Afrin aux mains d’Erdogan. Cette chute empêche la jonction entre le Kurdistan turc et le Kurdistan syrien et permet à Erdogan d’isoler les Kurdes turcs et de les empêcher de fuir en Syrie, ou d’en recevoir de l’assistance.

Les médias parlent pudiquement des “alliés syriens d’Erdogan” pour minimiser l’impact de cette perte, par l’Etat syrien, d’une partie de son territoire. Comme nous sommes beaucoup moins diplomates qu’eux, nous allons nommer ces alliés: les plus forts d’entre eux ne sont pas du tout les milices financées par Erdogan, mais bien al-Qaïda, et dérivés, Daech et surtout, en l’occurrence, Nosra.

Les islamistes n’aiment aucun régime sunnite, et surtout pas celui d’Erdogan, qui se réclame officiellement d’Atatürk, tout en détruisant son héritage en ramenant celui du sultan ottoman. Mais face à une même victime, les bêtes de proie s’allient. Après, elles se disputeront. Nous devons donc nous attendre à ce qu’al-Qaïda provoque une seconde bataille pour arracher Afrin à Erdogan. Le choix, en somme, entre la peste et le choléra.

 

Lina Murr Nehmé, 18 mars 2018

L’armée turque encercle Afrin (13 mars 2018)

L’armée turque annonce qu’elle a totalement encerclé Afrin, c’est-à-dire qu’elle a opéré la jonction avec le Hayat Tahrir Cham (al-Qaïda) pour couper cette localité syrienne du nord d’Alep, de son gouvernement.

Afrin est une petite ville de moins de 40 000 habitants, mais le district d’Afrin, qui est concerné, en compte 172 095. Il est surtout peuplé de Kurdes (alliés, comme toutes les minorités en Syrie, avec l’actuel gouvernement syrien). J’ai été frappée de voir que dans la littérature de Daech (al-Qaïda), les PKK, Peshmergas et autres, sont autant salis que le gouvernement syrien, et les statistiques où Daesh se vante de ses massacres, citent le PKK, les Peshmergas et Assad ensemble. Ce n’est pas du tout cela qu’on voit en Occident, où les PKK et Peshmergas sont montrés comme les “bons”, et Assad, comme le “mauvais”. Ils se battent pourtant côte à côte et pour la même cause. Mais il est vrai que les Kurdes, n’étant pas au pouvoir, ne sont pas responsable du fait qu’en matière de pétrole, Assad n’a pas accepté de privilégier l’Arabie Saoudite à l’Iran. L’alliance des minorités. Ainsi, la tragédie des Kurdes est bel et bien racontée, mais non des autres Syriens, alors qu’elle est strictement identique.
Or pour les sociétés pétrolières d’Occident, qui influent sur les gouvernements et sur les médias d’Occident, c’est essentiel, car la différence de prix que peut représenter le transport, peut se chiffrer par millions de dollars. Or la guerre contre Assad a pour but d’obtenir pour le gaz du Golfe, par la force, le passage à travers la Syrie qui lui a été refusé par la diplomatie. Le chaos en Syrie, ne l’oublions pas, est financé surtout par ces pays dont le pétrole et le gaz est concerné.

 

Lina Murr Nehmé, 13 mars 2018