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On ne sert pas la France en insultant le Liban

Le Hamas a appelé à une solidarité internationale et à un djihad le 13 octobre 2013. Le 13 donc, à Arras (nord-ouest de la France), un islamiste ingouche est entré dans son ancien lycée, et il a poignardé un professeur d’histoire, Dominique Bernard, et égorgé un professeur de sport, David Verhaeghe.

Le professeur Bernard est mort en tentant de protéger des lycéens. Le professeur Verhaeghe a été égorgé en tentant aussi de protéger des lycéens, mais il a heureusement survécu.

Suite à ces attentats, et à plusieurs alertes à la bombe qui ont abouti à l’évacuation du Louvre et de Versailles, un internaute a commis le commentaire ci-dessus concernant le Liban.

Je lui ai fait la réponse suivante:

“Monsieur, on ne sert pas la France en insultant le Liban. Et renseignez-vous avant de parler.

1-Il n’y a pas de tels attentats au Liban. Il y en avait sous l’occupation des Syriens et des Palestiniens, parce que ce sont eux qui les commettaient. Eux et ceux qu’ils payaient. Vous n’étiez pas renseignés, c’est vrai. Car depuis Giscard, la politique de la France au Levant est islamiste par crainte d’un nouveau choc pétrolier, et parce que lui et ses successeurs ont fait de la France un pays marchand d’armes. Et comme les Arabes ne donnent rien pour rien, ils achètent ces contrats avec des clauses sous la table, qui impliquent le soutien à leur politique au Moyen-Orient. En d’autres termes, le silence quand ceux qu’ils financent tuent. D’où la fable que la guerre au Liban était civile et religieuse.

En 1989, au nom de cette même politique arabe, la France a accepté de livrer le Liban à la Syrie en reconnaissant une constitution faite en Arabie Saoudite et achetée avec l’argent saoudien, à des députés élus par la génération précédente en 1972. Cette constitution était refusée par la majorité absolue au Liban, toutes communautés confondues, entre autres, parce qu’elle légalise l’occupation syrienne du Liban. Et prive les chrétiens de leur droit à gouverner en tant que majorité. (Car ils sont encore majoritaires, puisque la Constitution ne prive pas les Libanais non résidents de leur nationalité.) Elle les prive en fait de leur droit de participer au gouvernement du pays.

En quoi tout ceci ressemble à la situation en France?

2-Le Liban n’a pas fait entrer les 2 millions de migrants syriens volontairement, et il ne les a pas encouragés à venir. Ainsi, il ne leur donne pas la nationalité libanaise, il ne la donne pas à leurs enfants, il ne leur donne pas de protection inaliénable s’ils sont entrés petits dans son territoire, et il ne les favorise pas par des allocations. Comme il n’y a pas de droit du sol au Liban, les migrants syriens partiront comme ils sont venus, dès que le flux de cet argent européen et américain cessera.

Mais vous, pouvez-vous dire la même chose de ceux auxquels vous avez donné la nationalité française?

3-Les gouvernements américains et européens violent la souveraineté libanaise en payant les migrants syriens au Liban avec des dollars, alors qu’ils ne les paient pas s’ils rentrent en Syrie. N’est-ce pas injuste envers les autres Syriens, de payer ceux qui les ont quittés pour les empêcher de revenir les aider ? Vous trouvez bon que ces migrants soient dans des camps alors qu’ils ont chez eux des maisons en dur, des champs et des amis? Vous ne pensez pas que leur pays a besoin d’eux pour se reconstruire? Vous ne pensez pas que leur armée a besoin d’eux pour pouvoir résister au terrorisme islamique qui est présent en Syrie et qui, en cas de succès, ne manquera pas de frapper la France?

Si vous connaissiez l’Histoire, vous n’attaqueriez pas le Liban. Car il est formé des restes résistants de tous les pays chrétiens de la région. Ces pays qui vous ont donné votre religion, car ils étaient chrétiens bien avant la France. C’est bien parce qu’il est composé de ces ilots de fidélité que le Liban est encore debout. Si cela ne se voit pas, c’est que sous les coups, le Liban est mort. Mais historiquement, il ressuscite toujours très vite, et les signes montrent que ce sera bientôt.

D’ailleurs, oubliez la démographie: au Liban, on est fier d’être chrétien, et les musulmans nous respectent. Dans ce climat, beaucoup de musulmans au Liban se convertissent. Dans la Békaa, un seul prêtre en a baptisé plusieurs centaines.

Est-ce qu’on est fier d’être chrétien en France? Est-ce qu’on y est respecté par la majorité des musulmans?

Lina Murr Nehmé

Grossière désinformation américaine sur le Liban

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On ne se serait pas attendu à ce que Libération, journal fondé par J.P. Sartre, se mette à copier ce que disent les Américains. Le cycle des manifestations contre les taxes a été entamé par le Hezbollah, dont le public est très pauvre. Qu’on aime le Hezbollah ou non (et je suppose que c’est le cas de Libération), on ne peut pas dire que les manifestations se font contre l’Iran. Ni que ces manifestations sont d’une non-violence exemplaire. Quand on me dit qu’en Irak et au Chili, il y a des morts, je réponds: “Mais au Liban, il n’y en a pas eu parce que ceux qui étaient insultés ont donné l’ordre de ne pas répondre.”

En effet que feriez-vous si, ayant le sang chaud comme les Levantins, vous entendiez chanter en boucle un refrain totalement stupide, mais lancé dans le but de provoquer une guerre civile: “Héla héla héla héla ho, Gebran Bassil, le vagin de sa mère.” Ainsi de suite, des milliers de fois en un jour. Ou encore: “Mon pénis dans Gébran Bassil et dans son beau-père”. Sachant que Gebran Bassil est chef du plus grand parti du pays, même si à la vérité il a été désigné par son beau-père le général Aoun, mais qui a été critiqué par à peu près tout le monde pour ce choix. Contrairement à Bassil, Aoun est l’homme le plus populaire du pays, si l’on en croit les élections: son bloc est le plus gros de l’Assemblée nationale, et le seul grand parti qui ne soit pas confessionnel.

Ce n’est pas le cas des partis qui prétendent parler au nom des manifestants, et qui tiennent cour dans les tentes, offrant café et rafraîchissements, et recevant la presse. Aux élections, et malgré toute la publicité que leur avaient procurée les médias en 2015 à l’occasion de la crise des ordures, ils n’ont pu obtenir qu’une seule députée. Exploiter un mouvement de révolte populaire contre les impôts pour réclamer un renversement du pouvoir, est une tentative de coup d’Etat de la part d’un parti si peu populaire qu’il ne peut pas se faire élire. Car si des élections avaient lieu maintenant, elles produiraient, plus ou moins, les mêmes députés, ou du moins, les mêmes forces. 

Les précédentes élections avaient été déclarées honnêtes par les observateurs envoyés par la communauté internationale. Dans le jeu démocratique, on attend son tour. En exigeant des élections immédiates pour renverser un parlement vieux de deux ans seulement, et alors que son renouvellement a lieu dans deux ans, les leaders du mouvement montrent qu’ils ne seraient pas élus s’ils ne profitaient du battage publicitaire en cours. Il est vrai qu’ils bénéficient d’une exposition médiatique inouïe depuis cinq semaines. Si l’on se souvient du battage médiatique positif dont a bénéficié le candidat Macron, et négatif subi par ses adversaires, on réalise combien l’exposition médiatique positive d’un cadidat, et négative de ses adversaires, fausse le résultat des élections. Ceci, sachant que pendant la campagne électorale française, un temps égal avait été donné dans les médias, à tous les candidats. Il pouvait y avoir de la tricherie, mais du moins, le temps de parole était comptabilité.

C’est le cas au Liban durant les campagnes électorales, mais ce n’est pas le cas maintenant. Durant des semaines, plusieurs chaînes de télévision ont couvert les manifestations 24h sur 24, sans vraiment donner à l’autre bord voix au chapitre. Les médias n’interrogent que les individus qui sont sur les places et non ceux qui sont restés chez eux. Quant aux politiciens, le chef de l’Etat a été extrêmement mal desservi, d’abord par un discours découpé de façon lamentable, ensuite, par une phrase malencontreuse qui a circulé partout, alors que les médias n’ont pas trouvé à redire aux “Héla héla héla héla ho, Gebran Bassil, le vagin de sa mère,” aux “mon pénis dans Gébran Bassil et dans son beau-père”, sans compter le reste. Une journaliste de télévision s’est même permis d’écrire sur les réseaux sociaux qu’elle sentait que ce refrain allait devenir l’hymne national!

Au Liban, ce sont des mots très, très gros qui peuvent aboutir au meurtre. Et, ainsi chantés par des foules, ils peuvent aboutir à la guerre civile. A laquelle se préparaient d’ailleurs les anciens seigneurs de guerre qui sentent déjà l’odeur du sang. C’est pourquoi de véritables barrages de guerre avaient été établis dans la région chrétienne, en prévision, probablement, de la riposte des très nombreux partisans du général Aoun (qui forment encore la majorité chrétienne, comme le prouvent les élections). Et donc, de la guerre civile qui aurait pu avoir lieu. Ce qui ne veut pas dire que les cœurs ne sont pas bouillants de colère, y compris ceux des personnes hostiles à Aoun, mais qui ont été empêchées pendant cinq semaines d’aller au travail. Et donc, qui n’ont pas été payées, ou qui ont été licenciées ou risquent de l’être parce qu’une entreprise qui a acheté des machines à crédit, ne peut payer un mois de salaires et de traites bancaires, si elle n’a rien produit, et n’a pas eu de rentrées.

Les chiites ne sont pas aussi patients que les chrétiens. D’où la demande de Nasrallah à ses miliciens d’évacuer les places, disant dans un demi-sourire que c’est pour qu’ils n’entendent pas les insultes adressées à lui, et qu’ils ne se sentent pas obligés de les venger. De fait, un groupe de chiites se réclamant de Berri et de Nasrallah est allé se venger des insultes que recevaient ses chefs (insultes pourtant bien moindres, en quantité, que celles que reçoivent les hommes les populaires de la communauté chrétienne), en détruisant les tentes où se tiennent les organisateurs des manifestations de Beyrouth. 

Des tentes chères, mais payées par l’Arabie Saoudite: c’était écrit dessus. Elles ne furent donc pas difficiles à remplacer. Reste à savoir pourquoi l’Arabie paie des tentes à des manifestants au Liban, alors qu’elle était hostile aux manifestants de 1989-1990. Et qui paie l’Internet haut débit gratuit à des dizaines de milliers de personnes, et qui leur a payé la sono, l’électricité et le reste ? L’électricité, surtout, me pose problème. De même que cette fête de l’Indépendance qui a été faite au nez et à la barbe de l’armée libanaise qui a été empêchée de le faire par les manifestations. Une fête qui a coûté en matériel et surtout en feu d’artifice, plus de 100.000 dollars américains. Qui paie cela? Certainement pas les pauvres affamés et les chômeurs.

Le blocage des routes a forcément entraîné la fermeture des écoles et des universités. D’où la jeunesse de la foule, devant laquelle se sont extasiés les médias d’Occident. Il n’y a rien d’étonnant à voir les jeunes là où ils ont une kermesse gratuite tout le jour, et une boîte de nuit gratuite au coucher du soleil.

La destruction des tentes a davantage choqué les médias d’Occident, que le fait de voir un avocat recevoir des coups de hache au crâne, parce qu’il était venu critiquer le discours des chefs qui parlent au centre-ville. Ou de voir les gens interdits d’aller au travail ou à l’hôpital ou à l’école, par des barrages établis par des miliciens en civil. Appelez cela un parti-pris, si vous le voulez. Le fait est que l’information est rapportée en Occident comme s’il y avait des races spérieures et des races inférieures. Les races supérieures sont bichonnées: tout ce qu’elles font est admirable, et il faut occulter leurs aspects négatifs. Quant aux races inférieures, elles peuvent avoir des blessés à la hache pour délit d’expression (et un coup de hache au crâne, ça peut tuer!), on n’en parlera pas.

Jeffrey Feltman ne sait-il pas tout cela, après toutes ces années passées comme ambassadeur américain au Liban? Non, visiblement puisqu’il est un adepte de la race supérieure. Il l’a prouvé tout au long de son mandat. Il a écrit, dans son rapport au Congrès, que Nasrallah avait ordonné aux chiites de quitter les manifestations. Qu’il aime ou n’aime pas Nasrallah, son discours peut apporter au Liban une guerre dont le pays se passerait volontiers. Dans ce cas, un ancien ambassadeur américain au Liban devrait prendre la peine de se faire traduire les discours de Nasrallah: s’il l’avait fait, il aurait su qu’il a, à plusieurs reprises, appelé les manifestants à rester sur les places et à faire de la pression, mais à laisser les routes ouvertes. Et je le répète: aimer ou ne pas aimer Nasrallah n’est pas censé influer sur le travestissement ou non, de son discours. Quand on attribue une parole à Nasrallah, il faut qu’il l’ait dite. S’il a dit le contraire à plusieurs reprises, on produit une très grave désinformation.

Mais ce n’est pas la seule bêtise qu’ait dite Feltman et que la presse occidentale ait reproduite aveuglément, sous prétexte qu’il a été ambassadeur omnipotent, au point de décider de la composition du parlement libanais, en interdisant au Liban, en 2005, le mois de délai demandé pour modifier la loi électorale imposée par l’occupant… après la fin de l’occupation. C’est pourquoi la corruption imposée sous les Syriens, se poursuit aujourd’hui. Car une loi électorale honnête, non imposée par Abdel-Halim Khaddam et Ghazi Kanaan aurait amené au pouvoir des députés non corrompus, un Premier ministre non corrompu, et tout ce monde aurait refusé l’argent de la corruption versé par les chancelleries. Ça, ça n’arrange pas les Américains! Comment pourraient-ils faire faire ce qu’ils veulent à des gens qui n’acceptent pas de se vendre? Mais c’est toujours la faute des autres, du tiers-monde, s’il est corrompu. Jamais la faute des grandes sociétés qui financent les campagnes électorales américaines, ouvertement ou en secret. Celui qui jette ainsi des millions, veut avoir sa contrepartie.

Lina Murr Nehmé, 24 novembre 2019

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Samir Geagea bouche le tunnel de Nahr-el-kalb

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En bas, le tunnel de Nahr-el-Kalb, bouché par Samir Geagea pour couper la route principale du Liban durant sa guerre contre le pouvoir en 1990. 

En haut, le tunnel de Nahr-el-Kalb maintenant. Il a été bouché par Samir Geagea ou ses alliés avec des travaux de béton à l’intérieur du tunnel… — qui ont fini par être démantelés après avoir scandalisé tout le pays. 

Le responsable des relations extérieures du parti de Geagea a reconnu sur la chaîne al-Hadass que ce sont les gens de son parti qui ferment toutes les routes des régions chrétiennes. Il a dit aussi: “Nous sommes à l’origine de la révolution”. C’est peut-être pourquoi Macron le soutient… tout comme il soutenait Bouteflika en Algérie, contre le peuple.

Et quelle est l’utilité d’emprisonner les gens chez eux en fermant toutes les routes des régions chrétiennes? Mauvais, mauvais souvenir.

Lina Murr Nehmé, 18 novembre 2019

PS : Les Occidentaux traitent avec Samir Geagea, oubliant qu’il est condamné à mort pour meurtre, et qu’il a été amnistié pour que puissent être amnistiés les assassins islamistes de Denniyé et de Majdal Anjar.


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Discours de Joseph Aoun (18/11/2019)

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Le commandant en chef de l’armée libanaise en novembre 2019:

« Votre comportement a fait perdre la possibilité de pêcher en eau trouble, à ceux qui cherchent à faire cela. 

« Quand les manifestations ont commencé, une partie des manifestants étaient avec nous, les autres, contre nous. Après quelques jours, la situation s’est renversée. Ceux qui étaient avec nous sont devenus contre nous [car nous voulons les obliger à laisser les gens libres d’utiliser les routes publiques], et ceux qui étaient contre nous sont maintenant avec nous [car nous leur ouvrons les routes].

« Nous devons travailler selon notre conscience, et une fois analysée la situation. Ne vous laissez pas influencer par les rumeurs. [Gardez] votre professionnalisme, votre endurance, votre esprit de discipline. Laissez-moi être fier d’être le commandant de l’armée consciencieuse, à la haute moralité, et qui a le courage de remplir n’importe quelle mission dans l’honneur et l’esprit de sacrifice, quels qu’en soient les défis…

“Je désire que vous remerciiez vos familles: vos épouses, vos enfants, vos parents. Je sais combien cela leur en coûte [de vous entendre insultés]. Dites-leur de ne pas répondre, de ne pas écouter, de ne pas interroger. Qu’ils soient fiers de ce que leurs enfants remplissent cette mission qui sauve le Liban et garde la paix civile. 

“Regardez la carte des manifestations autour de nous. Ils ont utilisé les balles réelles de Hong-Kong à l’Ukraine, de l’Irak à la Bolivie, à l’Iran, et hier, à Paris. Vous, vous êtes en train de gagner l’admiration de tout le monde. Je vous le redis: ce n’est pas notre mission [d’ouvrir les routes], et nous ne sommes ni entraînés à cela, ni équipés. Et pourtant, nous remplissons cette mission avec professionnalisme et haute moralité. Les gens vous louent [car dans les autres pays] au cours d’une bataille, si quelqu’un va remplir une mission contre des terroristes ou des trafiquants de drogue, la décision est claire et il n’a pas besoin de réfléchir : ils tirent sur lui, il les tue immédiatement. Chez nous, on hésite à tirer, et c’est cela qui est normal. Ne vous en veuillez pas pour cela. Je vous le redis : ne vous laissez influencer par personne. Il faut étudier la situation. S’il le faut, on reste en arrière, étudiant la situation. Quand nous le jugeons bon, nous avançons de nouveau. Et c’est ce qui a lieu ici.

« Mais eux, ici, ne sont pas nos ennemis : c’est le peuple du Liban. Ceux qui manifestent ont un droit sur nous. Et ceux qui ne manifestent pas ont un droit sur nous. Et la liberté de se déplacer est un droit sacré d’après les conventions internationales. Nous ne nous sommes pris à personne de ceux qui manifestaient sur les places. Mais quand ils ferment les routes et ils veulent humilier les gens, qu’ils m’excusent: moi, je vais alors intervenir et ouvrir la route. C’est ce que disent les conventions internationales. Nous arrêtons ceux qui causent des séditions, ceux qui ne sont pas libanais, qui sont des agents, et ceux qui se révèlent avoir de la drogue. Et je continuerai à le faire. 

« Nous avons eu une tragédie douloureuse, la victime en a été Ala Abou Fakhr ; la justice procède à une enquête ; nous attendons d’apprendre où sont les responsabilités, et nous prendrons alors nos responsabilités. Mais voyez ce qui se passe autour de nous. Combien de morts y a-t-il chaque jour en Irak et dans d’autres pays ? Ceci, sachant que nous avons eu des blessés. 

« Ne tenez pas compte des rumeurs: ce que vous faites, il y a de quoi en être fier. Ce moment difficile passera, et on verra quelle a été la noblesse de votre comportement. L’histoire, dans le futur, prouvera que c’est vous qui avez sauvé le Liban. N’ayez pas honte de ce que vous faites [en ouvrant les routes et en refusant de prendre parti], au contraire: relevez la tête. Chaque fois que vous menez une mission, vous me rendez fier d’être le commandant d’une armée consciencieuse à la haute moralité, agissant avec noblesse, discipline et professionnalisme. Je vous demande d’être fidèles à votre serment… »

[Le serment du soldat comme de l’officier dans l’armée libanaise est: «Je jure par Dieu le très-grand, d’accomplir pleinement mon devoir, pour garder le drapeau de mon pays, et protéger ma patrie, le Liban.»]

« Des défis se dressent devant nous. Espérons qu’ils passeront ; mais il y en aura d’autres — espérons que non ; mais nous devons être prêts à tout. »

Le commandant en chef de l’armée libanaise s’adresse aux soldats après qu’ils aient été victimes d’attaques à coups de pierres, suite à la mort d’un des hommes de Joumblatt, venu bloquer la route, et qui a été tué par un autre militant de Joumblatt, officier de l’armée libanaise, qui voulait passer. 

Les tensions sont grandes sur ces routes depuis un mois où des miliciens en civil viennent les bloquer chaque jour, alors que des citoyens voudraient passer. 

A noter que Joumblatt a été accusé d’avoir organisé cet assassinat. Mais dans l’armée libanaise, la politique et la religion sont interdites, pour éviter les divisions. C’est pourquoi le commandant a supposé que c’est l’armée qui est coupable de l’assassinat d’Abou Fakhr. (Enregistrement réalisé à partir de vidéos amateur prises par les assistants.)

Traduction et commentaire: Lina Murr Nehmé, 18/11/2019.

قائد الجيش يعطي تعليماته

Le commandant en chef de l'armée libanaise en novembre 2019:« Votre comportement a fait perdre la possibilité de pêcher en eau trouble, à ceux qui cherchent à faire cela. « Quand les manifestations ont commencé, une partie des manifestants étaient avec nous, les autres, contre nous. Après quelques jours, la situation s'est renversée. Ceux qui étaient avec nous sont devenus contre nous [car nous voulons les obliger à laisser les gens libres d’utiliser les routes publiques], et ceux qui étaient contre nous sont maintenant avec nous [car nous leur ouvrons les routes].« Nous devons travailler selon notre conscience, et une fois analysée la situation. Ne vous laissez pas influencer par les rumeurs. [Gardez] votre professionnalisme, votre endurance, votre esprit de discipline. Laissez-moi être fier d'être le commandant de l'armée consciencieuse, à la haute moralité, et qui a le courage de remplir n’importe quelle mission dans l’honneur et l’esprit de sacrifice, quels qu’en soient les défis…"Je désire que vous remerciiez vos familles: vos épouses, vos enfants, vos parents. Je sais combien cela leur en coûte [de vous entendre insultés]. Dites-leur de ne pas répondre, de ne pas écouter, de ne pas interroger. Qu'ils soient fiers de ce que leurs enfants remplissent cette mission qui sauve le Liban et garde la paix civile. "Regardez la carte des manifestations autour de nous. Ils ont utilisé les balles réelles de Hong-Kong à l'Ukraine, de l'Irak à la Bolivie, à l'Iran, et hier, à Paris. Vous, vous êtes en train de gagner l'admiration de tout le monde. Je vous le redis: ce n'est pas notre mission [d’ouvrir les routes], et nous ne sommes ni entraînés à cela, ni équipés. Et pourtant, nous remplissons cette mission avec professionnalisme et haute moralité. Les gens vous louent [car dans les autres pays] au cours d'une bataille, si quelqu’un va remplir une mission contre des terroristes ou des trafiquants de drogue, la décision est claire et il n’a pas besoin de réfléchir : ils tirent sur lui, il les tue immédiatement. Chez nous, on hésite à tirer, et c’est cela qui est normal. Ne vous en veuillez pas pour cela. Je vous le redis : ne vous laissez influencer par personne. Il faut étudier la situation. S’il le faut, on reste en arrière, étudiant la situation. Quand nous le jugeons bon, nous avançons de nouveau. Et c’est ce qui a lieu ici.« Mais eux, ici, ne sont pas nos ennemis : c’est le peuple du Liban. Ceux qui manifestent ont un droit sur nous. Et ceux qui ne manifestent pas ont un droit sur nous. Et la liberté de se déplacer est un droit sacré d’après les conventions internationales. Nous ne nous sommes pris à personne de ceux qui manifestaient sur les places. Mais quand ils ferment les routes et ils veulent humilier les gens, qu’ils m’excusent: moi, je vais alors intervenir et ouvrir la route. C’est ce que disent les conventions internationales. Nous arrêtons ceux qui causent des séditions, ceux qui ne sont pas libanais, qui sont des agents, et ceux qui se révèlent avoir de la drogue. Et je continuerai à le faire. « Nous avons eu une tragédie douloureuse, la victime en a été Ala Abou Fakhr ; la justice procède à une enquête ; nous attendons d’apprendre où sont les responsabilités, et nous prendrons alors nos responsabilités. Mais voyez ce qui se passe autour de nous. Combien de morts y a-t-il chaque jour en Irak et dans d’autres pays ? Ceci, sachant que nous avons eu des blessés. « Ne tenez pas compte des rumeurs: ce que vous faites, il y a de quoi en être fier. Ce moment difficile passera, et on verra quelle a été la noblesse de votre comportement. L’histoire, dans le futur, prouvera que c’est vous qui avez sauvé le Liban. N’ayez pas honte de ce que vous faites [en ouvrant les routes et en refusant de prendre parti], au contraire: relevez la tête. Chaque fois que vous menez une mission, vous me rendez fier d’être le commandant d’une armée consciencieuse à la haute moralité, agissant avec noblesse, discipline et professionnalisme. Je vous demande d’être fidèles à votre serment… »[Le serment du soldat comme de l’officier dans l’armée libanaise est: «Je jure par Dieu le très-grand, d’accomplir pleinement mon devoir, pour garder le drapeau de mon pays, et protéger ma patrie, le Liban.»]« Des défis se dressent devant nous. Espérons qu’ils passeront ; mais il y en aura d’autres — espérons que non ; mais nous devons être prêts à tout. »Le commandant en chef de l'armée libanaise s'adresse aux soldats après qu'ils aient été victimes d'attaques à coups de pierres, suite à la mort d’un des hommes de Joumblatt, venu bloquer la route, et qui a été tué par un autre militant de Joumblatt, officier de l’armée libanaise, qui voulait passer. Les tensions sont grandes sur ces routes depuis un mois où des miliciens en civil viennent les bloquer chaque jour, alors que des citoyens voudraient passer. A noter que Joumblatt a été accusé d’avoir organisé cet assassinat. Mais dans l’armée libanaise, la politique et la religion sont interdites, pour éviter les divisions. C’est pourquoi le commandant a supposé que c’est l’armée qui est coupable de l’assassinat d’Abou Fakhr. (Enregistrement réalisé à partir de vidéos amateur prises par les assistants)Traduction et commentaire Lina Murr Nehmé

Geplaatst door Lina Murr Nehme op Maandag 18 november 2019

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Quand attaquer et quand défendre

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Il y a eu aujourd’hui un consensus autour de Mohamed Safadi comme nouveau Premier ministre au Liban. Il semble donc qu’il sera nommé durant les consultations.

J’ai précisé dans mon post précédent que j’attaquerais Safadi s’il ne combattait pas la corruption. J’ai bien cité cette seule clause. S’il se dénonce lui-même et répare ses torts, pourquoi en serais-je fâchée? Ceux qui m’ont suivie les dernières semaines savent que je l’ai attaqué pour une affaire très grave, dans une vidéo en arabe où je me suis adressée à lui personnellement autant qu’à Mikati, et je les ai traînés dans la boue en leur disant que leurs milliards et leurs élections comptaient davantage, pour eux, que la sécurité de leur ville, Tripoli.

J’ai toujours dit qu’il y avait des masses de musulmans sunnites de très haute qualité humaine au Liban, et qu’on n’est pas obligé de prendre les pourris. Mais j’ai écrit, la semaine dernière, un article montrant que le Premier ministre libanais serait nommé par l’Arabie Saoudite et que son identité ne changerait rien. Les Saoudiens nomment le Premier ministre à travers les hommes corrompus qui ont été imposés au Liban à la faveur de l’occupation. Ils se vendent, et les Saoudiens paient.

La vidéo suivante, en arabe, fondée sur un document saoudien publié par Wikileaks, donne un exemple de leurs méthodes. Il s’agit d’une lettre envoyée par l’ambassadeur saoudien à son ministre, pour lui dire que le leader chrétien Samir Geagea demande de l’argent saoudien pour financer sa milice, et dit qu’il est prêt à aller en discuter en Arabie. Et l’ambassadeur a expliqué au ministre que Samir Geagea serait utile pour combattre le général Aoun et le patriarche Rai (chefs politique et religieux de la majorité des chrétiens), ainsi que le Hezbollah. Depuis, Geagea va et vient régulièrement en Arabie. L’accord financier qu’il a demandé a donc été conclu et demeure actif. Les Saoudiens ont payé Abdel-Halim Khaddam 30 millions de dollars pour monter une milice et combattre le Président Assad. Combien donnent-ils à Geagea pour rendre le même genre de services au Liban?

Les chefs d’Etat occidentaux collaborent en reconnaissant ces personnalités corrompues. Ils refusent ainsi de traiter avec des hommes qui représenteraient vraiment le peuple libanais. Ils ne traitent pas avec la majorité chrétienne. Ils ne traitent pas avec les sunnites intègres. Et ils ont contribué à fabriquer une majorité sunnite haririenne qui, à l’origine, ne correspondait pas à la volonté populaire. Comme le prouve le besoin qu’a eu Rafic Hariri de recourir aux attentats pour éliminer son rival politique Mustapha Saad, et plus tard, aux distributions d’argent pour se faire élire et réélire.

Après la mort de Rafic Hariri, les Saoudiens ont imposé son fils Saad pour lui succéder, alors que le parti et la famille Hariri, au Liban, avaient déjà élu son frère Baha, l’aîné. Du jour au lendemain, Saad a été parachuté au Liban, et il a mené les élections à la place de Baha. Puis l’Arabie Saoudite a imposé le banquier des Hariri, Fouad Siniora, comme Premier ministre à la place de Saad qui avait gagné les élections. Et on n’en finit pas de raconter les histoires des ingérences saoudiennes dans les affaires du Liban, dont la plus grave reste le changement de la Constitution et le pillage des pouvoirs du Président (qui doit rester chrétien d’après ce texte) au profit du Premier ministre (qui doit rester sunnite). À ce sujet, je renvoie à mon livre “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”.

A cause de ce processus de corruption qui se nourrit d’elle-même, j’ai écrit, la semaine dernière, que le Premier ministre serait choisi par l’Arabie Saoudite et que son identité importait peu. Car le régime saoudien n’est pas une entreprise de philanthropie. S’il désigne quelqu’un, c’est pour qu’il agisse selon sa volonté. Et cela, ce n’est pas la faute des Libanais. Quand vous êtes en prison, on vous impose les geôliers que l’on veut. Que vous soyez un homme ou que vous soyez un peuple. Mais quand on vous impose un Premier ministre, autant lui donner une chance. Sinon, on va dans le sens du chaos.

Ceux qui ont vu ma vidéo ci-dessus sur Mikati et Safadi savent que, selon moi, Safadi est très corrompu. Il est donc évident que d’après moi, il ne pourrait combattre la corruption que s’il commençait par se dénoncer lui-même. Mes lecteurs sont assez intelligents pour comprendre ce sous-entendu sans que j’aie à le souligner.

Ma raison me dit que Safadi ne le fera pas. Mais je ne l’attaquerai pas, en tant que Premier ministre, avant qu’il n’ait donné de raisons de le faire.

J’ai agi de même avec Macron: si vous vous en souvenez, je l’ai attaqué en veux-tu en voilà; puis, quand il a été élu, j’ai écrit l’article “Emmanuel Macron ou le cauchemar qui vient”.

Ensuite, j’ai cessé les attaques, car pour la sécurité du public, on ne doit pas attaquer un conducteur d’autobus au démarrage. On ne l’attaque par la suite, s’il conduit l’autobus dans le précipice. J’ai donc repris les attaques lorsqu’il a réuni les évêques de France aux Bernardins. J’ai alors annoncé que nous devions nous attendre à voir une ouverture vers les islamistes, notamment l’UOIF, qui l’avait soutenu aux élections. J’ai également montré ce que signifiait sa réception de Sherin Khankan. Et ce que signifiait sa donation à Syria Charity, la façade d’une organisation djihadiste.

Les informations que je mets sur ce site, sur ma page Facebook, sur ma chaîne Youtube, et occasionnellement, sur mon compte Twitter, sont des bouteilles jetées à la mer. Parfois, elles arrivent à destination; mais le plus souvent, elles n’arrivent nulle part, sauf dans les cœurs de bonnes gens remplis de bonne volonté, et qui, comme moi, ne peuvent rien faire; et que je remercie pour leur fidélité et leur affection, que je leur rends de tout cœur.

Je me rappelle cette scène qui a eu lieu en 1969, lorsque le président Charles Helou avait laissé Yasser Arafat imposer au Liban, par le biais de Nasser, le traité du Caire, qui donnait aux camps palestiniens le statut d’extraterritorialité. Petite fille, et entendant tout le temps mes parents attaquer Charles Helou (mon père disait: “Charles ma elo” (Charles qui n’a pas [les organes]), j’ai voulu le ridiculiser en lui mettant des oreilles d’âne sur une photo. Mon père a regardé et m’a dit: “C’est tout de même ton Président”.

Ce fut pour moi une leçon pour toujours. Finalement, les institutions — la présidence, les ministères, la police, l’armée — ne doivent pas être confondues avec ceux qui les commandent. Un policier peut être salaud, brutal, il doit être puni. Lui et non l’institution, car celle-ci a pour but de servir la société.

Idem pour la Présidence. Macron doit rendre des comptes. Il doit être jugé, mais après l’échéance présidentielle. Encore faudrait-il ne pas le réélire. Mais non le brûler en effigie pendant qu’il est Président, car si l’institution et la fonction sont méprisées, un bon Président, par la suite, ne pourrait pas gouverner.

Or actuellement, c’est ce qui arrive au Liban, avec des slogans, des injures, des insultes, des dessins obscènes préparés par avance par des personnages qui flétrissent des institutions, indépendamment du fait que les hommes qui les occupent le méritent, ou non. Car pourquoi vouloir la chute du Parlement, puisqu’il a été élu deux ans plus tôt? Il n’y a qu’à attendre deux ans pour en élire un autre: c’est la règle en démocratie. Pourquoi vouloir la chute du Président qui, de toute façon, va finir son mandat? Pourquoi vouloir la chute du gouvernement, et exiger un “gouvernement de technocrates”, alors qu’on accepte que le Premier ministre soit un homme politique et non un “technocrate”? Il y a quelque chose de corrompu dans le fait d’accepter que le Premier ministre soit issu de la classe politique, tout en exigeant que les ministres, qui représentent tout le pays, ne le soient pas.

J’ai toujours été connue comme une empêcheuse de tourner en rond. Il n’y a pas un politicien que je n’aie pas attaqué en public. En feuilletant mon livre “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”, une journaliste m’a dit: “Mais tu attaques tout le monde! Je comprends que ton livre les dérange. Ainsi, si quelqu’un veut changer d’alliances, tu l’en empêches!”

Pour la même raison, et après avoir attaqué Safadi dans la vidéo ci-dessus qui le traînait dans la boue, et même après avoir écrit que le nouveau Premier ministre ferait ce que voudrait l’Arabie, j’ai voulu lui donner sa chance, et croire sincèrement — car l’hypocrisie n’est pas mon genre — à un impossible amendement. Comme, au chevet d’un agonisant, un secouriste qui fait le bouche à bouche croit, jusqu’à la dernière minute, que grâce à son souffle, le corps d’un noyé aura un sursaut et reviendra à la vie.

Croire et essayer contre tout espoir, c’est cela qu’on appelle “l’espérance”. Et parfois, ça marche: les secouristes le savent. A plus forte raison essaierais-je avec un politicien placé au sommet de l’échelle, qu’il soit Hariri ou Safadi, et alors que le pays descend vers l’abîme.

Lina Murr Nehmé, le 15 novembre 2019

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Liban : Cette menace islamiste en embuscade

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Mon article dans Marianne au sujet des armées en présence au Liban, et des armées qui pourraient se constituer. Ont été omises les petites milices du genre de celles de Geagea, désarmé après l’occupation syrienne, et dont la milice reconstituée n’a pas l’expérience des combats; celle de Joumblatt, qui ne s’est pas non plus battue depuis trente ans; celle de Berri, dont les meilleurs éléments sont allés au Hezbollah. Ces trois milices, qui faisaient la pluie et le beau temps dans certaines régions en 1985, sont pour le moment plus ou moins folkloriques, même si elles sont sont armées et capables de tuer.

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Liban: cette menace islamiste en embuscade

L’euphorie des manifestations libanaises ne doit pas faire oublier ce qui est arrivé en Tunisie, en Egypte, en Libye et en Syrie, où des manifestations laïques et pacifiques ont eu pour résultat une forte poussée des islamistes sunnites. Ce scénario pourrait-il se reproduire au Liban?

Octobre 2019. Dans un pays au bord de la faillite, les catastrophes se succèdent. L’économie est gelée par des taux d’intérêt de 20%. Les banques ne prêtent plus, et les importateurs manquent de dollars, la Banque du Liban voulant défendre la livre libanaise en cas de spéculation.
La nuit du 13 au 14 octobre, d’immenses incendies brûlent une partie des forêts de la montagne libanaise. Durant deux jours, la fumée est si dense qu’elle couvre l’entrée de Beyrouth, de Sidon et du Chouf.

Le jeudi 16, le gouvernement annonce de nouvelles taxes, dans le cadre des mesures d’austérité exigées par l’Union Européenne pour accorder des prêts au Liban. Une des taxes est illégale: elle consiste à rendre payante l’utilisation de l’application Whatsapp.

Une foule en colère déferle dans les rues et exige la fin de la corruption. Le gouvernement renonce à la taxe sur Whatsapp, mais les manifestations se poursuivent, avec des nouveautés.

On entend ainsi scander le slogan du printemps arabe: «Le peuple veut la chute du système». Des hommes dressent sur les routes des barrages en incendiant des pneus, et s’installent pour jouer au tric-trac, au tennis ou au baby-foot, ou fumer le narguilé. La fermeture des routes paralyse le travail de la population active.

Le président Aoun avait annoncé des réformes et la lutte contre la corruption, et pour diverses raisons, il a déçu. Les manifestations ont permis l’ouverture du dossier de la corruption. Les ministres et députés du bloc d’Aoun ont levé le secret de leur compte bancaire, en demandant à leurs rivaux d’en faire autant. Ce que certains ont fait.
Les manifestations ne semblent pourtant pas devoir s’arrêter avant le renversement du pouvoir: mardi 12 novembre, les bureaux de poste ont été occupés dans plusieurs villes, et l’un d’eux a été incendié. Un sit-in a lieu au palais de justice. Le siège de la compagnie d’électricité a même été pris d’assaut, ses fonctionnaires bloqués. L’ambassade de France a été assiégée.

Dans tous les pays touchés par le «printemps arabe», le renversement du pouvoir se faisait au moment où l’armée passait aux insurgés. Au Liban, ce n’est pas aussi simple, car plusieurs armées sont présentes sur le terrain.
Côté national, l’armée libanaise, laïque, compte 56 000 hommes. Si son chef passait aux insurgés, ce serait un coup dur pour le pouvoir, mais ce ne serait pas décisif, à cause des forces islamistes présentes dans le pays. Ces forces sont:

Côté chiite, le Hezbollah, qui compte plus de 20 000 miliciens. Comme il est la seule force libanaise ayant le niveau d’une armée, il passe en Occident pour être le maître du Liban. Ce n’est pas vrai, puisque le Premier ministre, qui a les vrais pouvoirs, est pro-saoudien. Ce n’est pas non plus le Hezbollah, mais le chef du parti rival qui occupe le plus important poste chiite. Et l’Iran, asphyxié par les sanctions, n’envoie plus d’argent comme avant.
Contrairement à la version entretenue par Israël et les Etats-Unis, le Hezbollah n’est pas le seul parti islamiste à disposer de milices au Liban. Il est la force libanaise la plus importante. En revanche, les islamistes sunnites armés sont plus nombreux. On peut les classer en quatre groupes qui s’allieraient en cas de guerre:

1° Les islamistes sunnites libanais. Ils alignent 5 000 djihadistes dont une partie est en prison. En 2014, Daesh avait promis de prendre Beyrouth pour les libérer, et de fait, elle avait attaqué par la frontière montagneuse. Mais l’armée libanaise l’a refoulé.

2° Les islamistes sunnites palestiniens, qui totalisent plus de 10 000 combattants dont certains appartiennent à al-Qaïda, Daesh ou al-Nosra. Leur férocité, leurs relations internationales et leur qualité de combat ont été souvent démontrées, notamment lors de la guerre du Fatah-el-Islam contre l’armée libanaise en 2007. Cette organisation palestinienne qui attirait des recrues locales ou étrangères, était financée par de mystérieux donateurs, équipée en matériel sophistiqué, et extrêmement bien entraînée.

3° Le Fatah de Yasser Arafat dispose d’environ 10 000 guérilleros. Mais il doit être compté au nombre des islamistes, car il a toujours combattu avec eux contre les chrétiens et les chiites du Liban. D’ailleurs, c’est de lui qu’est issu le Fatah-el-Islam.

4° Les réfugiés syriens, dont au moins 200 000 sont réservistes. Leur nombre est inquiétant. Le 7 septembre 2015, le président Hollande déclara: «Il y a aujourd’hui un résident au Liban sur trois qui est un réfugié. J’irai au Liban pour aller dans un camp de réfugiés, pour voir où sont les réfugiés, pour que nous puissions justement aider à ce qu’ils puissent y rester.» Il évaluait ainsi à 2 millions les réfugiés syriens et palestiniens. Ces derniers étant environ 500 000, les Syriens étaient, d’après ses chiffres, 1,5 million au Liban. 

De source informée, ils sont aujourd’hui plus de 2 millions, faisant du pays, d’après le Premier ministre Saad Hariri, «un grand camp de réfugiés». Le Liban étant déjà surpeuplé, «la concurrence pour de maigres ressources constitue une source de tensions entre les réfugiés et les communautés libanaises», dit un document de l’UE et du gouvernement libanais.

Le Liban demande à la communauté internationale de cesser de leur fournir des aides financières s’ils restent au Liban, et de les leur donner s’ils s’installent dans des régions de Syrie où il n’y a pas de guerre. La plupart des réservistes ont en effet fui la mobilisation. Ils affirment qu’ils ne peuvent rentrer en Syrie, car un soldat y est si mal payé qu’ils ne pourraient plus nourrir leurs familles. Si cet obstacle financier était levé, la plupart d’entre eux rentreraient dans leur pays.

Mais dans ce cas, le président Assad disposerait de centaines de milliers de réservistes, sans compter des combattants potentiels, en âge de faire leur service militaire. Or la politique française, depuis le début du conflit, a visé à affaiblir le régime syrien. Et il en est de même de la politique américaine. L’argent des ONG a donc continué à parvenir aux réfugiés s’ils restaient au Liban, et non s’ils rentraient chez eux. Le général Aoun raconte dans son discours du 31 octobre que face aux plaintes du Liban, les délégués internationaux «nous répondaient systématiquement la même chose: des paroles fleuries sur le rôle humanitaire que joue le Liban, et un langage politique liant le retour des migrants à une solution politique. Une pression a été constamment exercée pour les maintenir là où ils sont, afin qu’ils puissent être utilisés comme moyen de pression quand il s’agira d’imposer les règlements politiques.» 

La fin de la guerre en Libye a libéré des terroristes d’al-Qaïda, qui sont allés combattre en Syrie. La fin de la guerre syrienne, qui semble imminente, va libérer des terroristes d’al-Qaïda au Levant (premier nom d’al-Nosra). Ils voudront faire le djihad dans le reste du Levant: le Liban, Israël et la Jordanie. Pour empêcher leur infiltration, les Américains avaient promis d’aider l’armée libanaise à acheter du matériel permettant de surveiller les frontières (lunettes de vision nocturne notamment). Ils viennent de geler cette aide.

Financés par les pays du Golfe, les terroristes d’al-Qaïda peuvent offrir des armes et des sommes intéressantes aux réservistes syriens installés au Liban. On ne peut prédire exactement le nombre d’hommes qu’ils pourraient alors recruter, mais le chiffre de 40 000 ne paraît pas exagéré.
L’armée et les milices libanaises sont majoritairement non-sunnites. En cas d’annihilation de l’armée libanaise, la balance des forces pencherait en faveur des islamistes sunnites, dont les armées sont plus nombreuses que celle du Hezbollah. Qu’arriverait-il si elles étaient rejointes par l’armée des djihadistes d’Idlib et par une partie des réservistes réfugiés syriens? 
Là est la grande inconnue.

Lina Murr Nehmé

https://www.marianne.net/…/liban-cette-menace-islamiste-en-…

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Discours de Saad Hariri (22 octobre 2019)

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Excellent discours de Saad Hariri. Il y a une solution dans ses propositions, et comme il dit, cette éruption de colère aura rendu possible, pour le gouvernement, de prendre les mesures d’austérité qu’il n’osait pas prendre parce qu’elles feraient mal aux seigneurs de guerre, notamment les puissants Berri et Joumblatt. 

Saad parle ainsi de supprimer un ministère et toutes les organisations inutilement financées par l’Etat. Songer qu’il ose défaire le travail de son père qui nous a plongés dans cette dette! Et qu’il ose défier les seigneurs de guerre, Berri et Joumblatt — en privant d’argent (jusqu’à 70% du budget que leur payait l’Etat) leurs associations parallèles confessionnelles dont ils ont imposé le financement à l’Etat libanais —, alors que ces associations leur permettaient de recruter des partisans, armés ou non, et d’être aussi puissants! Bravo pour ce courage, cheikh Saad, bravo pour cette humilité avec laquelle vous avez parlé aux manifestants, et pour la première fois depuis 1990, je vois un Premier ministre du Liban. Et pour que je dise du bien d’un discours de Premier ministre, moi, qui n’ai jamais eu un seul mot positif pour un seul premier ministre depuis Taëf — y compris Saad lui-même autrefois, et même aujourd’hui jusqu’à ce soir —, il faut qu’il le mérite. 

Voilà 29 ans que je dévoile les vices, les crimes, les trahisons des Premiers ministres que nous ont imposés les grandes puissances, et que je déplore que les politiciens intègres acceptent de parler avec eux, parce que ce sont des collaborateurs. Ce soir, je n’ai plus cette impression. C’est un peu comme un cauchemar dont on s’éveille. C’était fatiguant, de toujours jouer les Cassandre et de toujours prédire des malheurs, et d’être malheureuse deux fois: une fois en les prédisant, et une fois, parce que les événements me donnaient raison. 

Reste à appliquer ce que vous avez dit, M. le Premier ministre. Et j’en connais qui vont tout faire pour vous en empêcher. Car si certains d’entre eux sont vraiment poussés par la faim, et d’autres, intègres, veulent se solidariser avec le peuple, il y a aussi un troisième parti qui est constitué d’une bande de voyous bien organisés pour casser le gouvernement et empêcher le retour des réfugiés syriens dans leur patrie. Ils sont payés. D’où vient tout l’argent jeté? Des sonos de prix inabordables, des distributions de bouteilles d’eau minérales toute la journée aux manifestants, une grosse console pour produire un Internet haut débit et gratuit, des distributions de sandwiches gratuits à volonté à des dizaines de milliers de personnes, du direct télévisé — plusieurs télévisions — 24h sur 24! Ça coûte cher, le direct, et personne ne fait du direct 24h sur 24! 

Qui paie? MBS, l’ennemi de Hariri? Il a tout fait pour le faire tomber, et il a tellement d’argent que ce n’est pas grand-chose pour lui. George Soros, dont l’organisation Otpor, a entraîné un des dirigeants du mouvement “Vous puez”, qui se retrouvent dans l’actuel mouvement, avec les mêmes méthodes et le même slogan? Bachar el-Assad, qui trouve que les réfugiés syriens sont bien chez nous, une partie d’entre eux étant islamistes? Les trois? Je n’en sais rien. Mais l’apparition soudaine de centaines de milliers de pneus, qui ont été mis à brûler dans toutes les rues des régions chrétiennes — on n’a jamais eu ça — dans tout le pays, pour asphyxier les Libanais. Puis ces manifestations organisées dans des dizaines de villes à la fois… un jour plus tard! Depuis quand une manifestation s’organise en un ou deux jours dans des dizaines de villes à la fois? 

En tout cas, monsieur le Premier ministre, je vous donne pour la première fois ce titre de tout cœur, et je souhaite que vous arriviez à mettre votre parole en pratique. Vous savez en tout cas que vous ne pourrez pas revenir en arrière. Mais je crois que beaucoup de personnes vous ont aimé après avoir entendu ce discours.

Lina Murr Nehmé, 22 octobre 2019

PS : S. Hariri va également essayer de faire rendre l’argent volé à tous les collaborateurs qui se sont succédés au pouvoirs… et les pires sont de son parti. Il y a 11 milliards de dollars réclamés par l’Etat libanais au Premier ministre Siniora. A l’époque, le mufti avait dit: “Siniora, ligne rouge”. Le tribunal avait répondu: “Devant la justice, il n’y a pas de ligne rouge.”

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Le slogan du printemps arabe au liban

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Au Liban, le slogan du printemps arabe: “Le peuple veut la chute du système”. Al-Jazeera, la télévision du Qatar, joue exactement le rôle qu’elle avait joué pour faire dégénérer des manifestations, en révolution. Elle a réussi en Tunisie, amenant les Frères Musulmans d’Ennahda. Elle a réussi en Egypte, amenant les Frères Musulmans de Morsi. Elle a partiellement réussi en Syrie, amenant l’ASL et al-Qaïda (Nosra et Daesh). 

Maintenant, tout le monde parle de la corruption du Liban. Je veux bien, j’ai été la première à la dénoncer et à la prouver dans mes livres. Mais cette corruption nous a été imposée par les grandes puissances pour qu’elles puissent plaire au roi d’Arabie. Il fallait que le Liban éclate pour qu’il n’y ait plus de chrétien gouvernant le plus beau pays du Moyen-Orient, la citadelle des résistants et des hommes libres. Ce calvaire décrété après la guerre de Kippour (1973), dure depuis 1975. Et vous parlez de corruption? 

Fac-similé tiré d’une page de mon livre Du règne de la Pègre au réveil du Lion, nommé ainsi à dessein, puisque la pègre a été placée au pouvoir au Liban, pour tuer le Liban. Et c’est pourquoi l’Occident a maintenant tous ces problèmes de terrorisme: parce que le rempart qui résistait au front, a été brisé et ne résiste plus.

Pour que vous compreniez cette photo, il faut que vous sachiez que dans cette église de style byzantin, les boiseries, au fond, étaient remplies d’icônes, qui ont été pillées et profanées. Le milicien musulman qui a ainsi profané cette église à l’est de Sidon, s’est accoutré des vêtements d’un prêtre de rite byzantin.

Lina Murr Nehmé, 18 octobre 2019

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noce au liban, en 1954

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Une noce dans un village libanais en 1954. Il s’agit du mariage de mes parents, le 10 octobre. 

À cette époque, comme dans ma jeunesse, chaque femme faisait venir la couturière et lui expliquait comment elle voulait les manches, la forme du col, les épaules, la longueur de la robe. J’ai connu cela. J’ai même fait des robes, car nous apprenions la couture à l’école, et nous avions un examen de couture, filles et garçons. C’était au programme. Pour mon BEPC, ainsi, nous avions à couper et coudre une bavette de bébé. 

Nos robes étaient toutes originales, toutes seyantes. Et beaucoup plus seyantes qu’aujourd’hui, où elles semblent parfois faites, soit pour attirer les hommes physiquement en dénudant tellement le corps qu’il en voie tout (très antiféministe, cela), soit pour les repousser en l’habillant comme un sac de pommes de terre. Il est vrai que les modes occidentales et le prêt-à-porter qu’on achète depuis qu’on ne coud plus, sont, comme le jilbab et le tchador, des inventions d’hommes. Chacun impose à la femme le costume qu’il veut, en la flattant pour la persuader de l’accepter. L

P.S.: Le vieil homme est le grand-oncle de ma mère, qui lui donne le bras jusqu’au moment où elle verra son futur, soit à la porte du domaine de l’église. Alors elle entre à l’église au bras de ce dernier, après qu’il y ait eu une “bagarre” de village, chacune des familles tirant son rejeton pour que le conjoint ne puisse pas dire que c’est lui qui est allé au mariage le premier. C’est le grand-oncle qui lui donne le bras parce que son père était furieux de ce qu’elle ait vu son futur le jour même, et qu’ils soient allés dans une église catholique, alors que son propre père était pope. D’où les larmes de ma mère après que mon grand-père lui ait fait une scène et ait dit; “Je ne lui donnerai pas le bras pour la prendre à l’église.” Alors le grand-oncle l’a grondé et a dit: “Tu ne lui donnes pas le bras? Eh! bien, c’est moi qui vais le lui donner.”

Lina Murr Nehmé, 11 octobre 2019

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Benoît Hamon et Wadih al-Asmar

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En juin 2018, Wadih al Asmar est devenu le président d’EuroMed-Droits, qui rassemble plus de 80 organisations de droits de l’homme des deux côtés de la Méditerranée. Quelques jours plus tard, il est ingénieur informaticien en chef de Malomatia Qatar, et il réside au Qatar. Il traîne le Liban dans la boue, mais il ne critique pas le Qatar.

Cela veut dire qu’à ses yeux, le Qatar respecte les droits de l’homme quand il coupe les têtes, fouette les homosexuels et les musulmans qui ont bu une goutte de vin, condamne les apostats à mort, emprisonne à vie les poètes qui ont osé critiquer le régime, fouette les gens qui ont eu des relations sexuelles extra maritales, et interdit aux chrétiens de sonner les cloches, d’avoir des croix, des images saintes ou tout autre signe chrétien à l’extérieur de leur église.

Eglise catholique Sainte-Marie de Doha: tout ce qui peut faire penser à une église (clocher, croix, icônes, statues de saints) est interdit: la charia règne au Qatar. Photo Wikipedia

Le Liban en revanche, ne respecte pas les droits de l’homme aux yeux de Wadih el Asmar, parce qu’il a un problème d’ordures, et parce que les gens de Byblos se sont plaints d’une soirée musicale.

Lina Murr Nehmé, 17 août 2018

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