Archives de catégorie : FIS

Pierre Liscia et Rachid Nekkaz

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Pierre Liscia, élu LR du XVIIIème arrondissement de Paris, qui se plaint notamment de la situation à la Chapelle (trafic et consommation de crack, insécurité), est copieusement insulté pour avoir dit à Rachid Nekkaz qu’il était un “islamiste bon teint”. Depuis 2 jours, il est la cible de réseaux “organisés” qui lui en veulent d’avoir dit ce qui semble bel et bien correspondre à la réalité.

Rachid Nekkaz a renoncé, paraît-il, à la nationalité française, après avoir fait fortune dans l’immobilier. Il affiche son soutien à Tariq Ramadan, s’est fait connaître en payant les amendes des femmes en niqab sur le territoire français, ce qui est une manière d’insulter la loi française et de se rendre sympathique aux islamistes. Tout cela, faute de réussir électoralement en France.

Fin novembre 2015, deux semaines après les attentats du Bataclan, il avait instrumentalisé la fermeture de la mosquée de Gennevilliers, cherchant à communiquer contre l’état d’urgence – “Hollande va-t-il fermer les 2500 mosquées de France au nom de l’état d’urgence?” (sic). Tant de mauvaise foi en si peu de mots, est-ce possible ? On ne construit rien de bon en lâchant des phrases mensongères et en flattant les bas instincts. Mais on sème une discorde sur laquelle les réseaux islamistes savent tabler depuis longtemps, sous prétexte de ressentiment social.

La violence et la quantité d’insultes reçues par Pierre Liscia est révélatrice et inquiétante: les “nik ta mere”, les photos de Hitler sur fond de tour Eiffel, les insultes en tout genre montrent hélas qu’une certaine jeunesse, qui se dit algérienne et patriote, n’arrive pas à trouver de modèles politiques et moraux autres que ceux qui étalent leur goût de l’argent et de la notoriété facile. Qu’a fait Rachid Nekkaz de valable pour ses compatriotes algériens ? Il ne leur reste que des arguments revanchards, le mépris de la loi et l’insulte. Comme dit Kamel Daoud, il serait bien triste de passer d’un cadavre à un clown.

Lina Murr Nehmé, 14 mars 2019

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Katia Bengana, assassinée pour avoir refusé le voile

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En 1994, en Algérie, les islamistes, désireux d’imposer à l’Algérie l’Etat islamique, avaient imposé aux étudiantes et aux lycéennes le port du voile.

Katia Bengana refusa et déclara ce qu’elle pensait. Traitée de dévergondée par certains camarades pour avoir refusé ce symbole de “pudeur”, elle fut plusieurs fois menacée de mort, et apparemment dénoncée, puisque, le 28 février 1994, alors qu’elle marchait dans la rue avec une amie, un homme armé fit signe à l’amie de partir, et tira sur Katia. Cela se passait en plein jour, dans une rue de sa ville natale de Meftah, à Blida.

Katia était une enfant: elle avait 17 ans seulement.

Une pensée pour sa mémoire: elle est morte il y a 25 ans, jour pour jour.

Lina Murr Nehmé, 27 février 2019

Voici la lettre posthume que lui écrivit son père, publiée dans Le Matin d’Algérie en 2010 :

Le 28 février 1994 – le 28 février 2010, voilà déjà 16 ans depuis ton assassinat par l’intégrisme religieux pour avoir refusé de porter le voile… Et depuis cette date, ta mère n’a pas cessé de te pleurer chaque jour que Dieu fait. Aujourd’hui ma chère Katia, je tiens à t’annoncer que ta mère est venue te rejoindre pour de bon dans sa dernière demeure en cette date du 23.01.2008 vers 23 heures environ.

Prends soin de ta mère, ma chère Katia. Fasse Dieu qu’elle ne manque de rien avec toi. Rassure-la que de notre côté tout va bien, et qu’elle n’a pas à se faire de soucis surtout pour Celia, la dernière de la famille. Car ici-bas, tu lui as beaucoup manqué, Katia. Elle a manqué de tout à cause de cette politique favorable à l’intégrisme religieux de la part de ceux qui sont censés nous protéger et nous rendre justice. Ta perte cruelle, son chagrin, son désespoir, ses souffrances, ton deuxième assassinat à travers cette réconciliation nationale ont fait que ta mère et moi-même n’avons pas pu tenir le coup. La non-prise en charge de notre situation dramatique par l’Etat, les difficultés matérielles et sociales suite à ta disparition ont fait que ta mère n’a pas pu résister à sa maladie qui n’a pas été prise en charge afin de la sauver d’une mort prématurée par manque de moyens et de désespoir.

Aussi, j’accuse le pouvoir algérien de nous avoir abandonnés à notre sort. J’accuse ceux qui ont relâché et pardonné à ces sanguinaires aux mains tachées de sang. J’accuse le pouvoir algérien pour ses sympathies avec les bourreaux de nos parents. J’accuse cette réconciliation pour la paix qui a glorifié et amnistié ces monstres assassins de plus de deux cent mille civils innocents et autres corporations confondues. J’accuse tous ceux qui ont voté pour ce référendum de la honte. J’accuse cette réconciliation qui a consacré l’impunité et qui a ignoré la justice. J’accuse tous ceux qui ont été indifférents à notre douleur. J’accuse tous ceux qui ont été favorables à cette mascarade de vente concomitante d’êtres humains, de civils et autres pour simplement plaire aux maîtres et par la même occasion obtenir quelques miettes en contrepartie de leur soumission et servitude. J’accuse cette réconciliation qui nous a assassinés une deuxième fois à travers cette idéologie arabo-baâthiste pour faire de nous des Arabes par la force et malgré nous. J’accuse tous ceux qui instrumentalisent la religion pour se maintenir au pouvoir en sacrifiant des civils et autres. J’accuse tous ceux qui utilisent la religion pour y accéder en assassinant des innocents. J’accuse tous ceux qui utilisent la religion pour nous détourner de nos racines, de nos coutumes, de nos traditions et de notre langue historique et ancestrale (…)

M. Bengana

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Retour sur l’assassinat d’Ameziane Mehenni

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Aujourd’hui, où l’on parle de l’identité des peuples, la langue, la culture, l’histoire des Arabes sont imposées à la majorité d’origine berbère. La notion même d’arabisme, quand on l’applique à l’Algérie, revient à glorifier et légitimer une occupation qui a imposé sa culture dans le sang, le viol et l’esclavagisme, et qui fait encore souffrir les Maghrébins, même ceux qui se croient arabes.

On aurait pu croire que les fils du chanteur kabyle Ferhat Mehenni échapperaient, en France, à la mort que promettait le régime algérien à leur père dans leur pays. Ce ne fut pas le cas.

Il est vrai qu’en avril 2004, en effet, Ferhat Mehenni a publié à Paris un ouvrage dérangeant : Algérie, la question kabyle (Michalon).

Le mois suivant, deux hommes de type maghrébin se dirigent vers son fils Ameziane, 30 ans, et lui donnent un coup de poing au visage au niveau du 100 rue de Clichy (XVIIIe). Ameziane tombe. L’un des agresseurs fait le guet et l’autre donne à sa victime un coup de pied. Plusieurs passants avaient vu la scène, mais aucun d’eux n’avait vu le coup de poignard qui le frappa au cœur.

Quand fut-il frappé ? Comment ? Par qui ? De façon experte, l’assassin avait repéré en un clin d’œil l’endroit auquel il devait frapper à travers les habits pour atteindre le ventricule, entre les côtes et le sternum. Le coup, aussi précis que violent, sectionna la quatrième côte et provoqua une hémorragie d’abord interne.

Les deux tueurs s’enfuirent, et le blessé parvint à se relever et à saisir ses affaires. Il marcha quelques mètres et s’affala sur le terre-plein qui sépare les deux voies de circulation, entre le 104 et le 106 boulevard de Clichy, non loin de la place Blanche. Son sang s’écoula soudain, formant une mare de sang autour de lui.

Qui étaient ces deux hommes ? Des tueurs à gages ? Des djihadistes ?

Comment un crime pareil a-t-il pu être commis dans ce quartier rempli de bars de nuits, de cabarets et de discothèques, animé en juin, même à cette heure, devant plusieurs personnes qui avaient témoigné par la suite ?

Transporté à l’hôpital Bichat, Ameziane mourut le jour même vers midi.

Le meurtre était aussi embarrassant pour les autorités françaises — qui cultivaient l’amitié du régime algérien — que le sera celui de Sarah Halimi en 2017. La police française déclara que c’était un crime dû à l’ivresse ou à la drogue, et il n’y eut pas de procès.

Et pourtant, les ivrognes ont tendance à ne pas maîtriser leurs mouvements. Ils ne visent pas si bien et de façon aussi précise. Et les assassins n’avaient rien volé. Le crime ne pouvait être que religieux ou politique étant donné les circonstances, qu’expliqua son père dans la lettre ouverte adressée au président Chirac en 2006 (en annexe à cet article).

Les suites de l’événement aussi sont troublantes. En effet, un des hommes qui avaient été présents et a témoigné, a été menacé d’être envoyé “dans un cercueil comme l’avait été Ameziane”.

Pour les personnes qui ne connaîtraient pas encore les problèmes de la majorité algérienne berbère ou kabyle, j’ai expliqué dans Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils cachent, comment en Algérie, les droits de cette majorité sont brimés au profit des colons d’origine arabe, demeurés minoritaires. J’ai traduit dans ce livre les textes arabes de première main qui racontent ces horreurs.

Lina Murr Nehmé, 1er juillet 2018

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Lettre de Ferhat Mehenni au président Chirac en 2006

Monsieur le Président,
Il m’est très pénible de vous adresser cette lettre, tant ma culture et mon statut de résident étranger sur le territoire français m’obligent à un devoir de réserve auquel, jusqu’ici, je tenais par-dessus tout. Je suis extrêmement reconnaissant à la France qui, il y a plus de dix ans, m’avait accueilli au moment où des assassins au service soit d’officines occultes du pouvoir algérien, soit de l’islamisme, cherchaient à m’atteindre. Nous étions en septembre 1994 lorsque des menaces de mort m’étaient adressées par des milieux se réclamant des services algériens. Ils me reprochaient d’avoir pris la responsabilité d’organiser, en Kabylie, un boycott scolaire du primaire au supérieur dès le premier jour de la rentrée afin d’exiger l’enseignement de tamazight, notre langue maternelle. Ils me disaient en substance : “A la première marche à laquelle vous allez participer nous vous descendrons. Dans tous les cas, si nous n’y arrivons pas, n’oubliez pas qu’il y a vos enfants sur lesquels nous pouvons nous rabattre à n’importe quel moment et qui sont des proies et des cibles très faciles !” Entre temps, quelques terroristes abattus à un barrage de police, dans une voiture volée à une entreprise publique à 50 mètres de chez moi, avaient sur eux ma photo. En moins de trois mois j’avais échappé à deux tentatives d’assassinat. Je m’étais alors adressé à un diplomate français, en poste à Alger, pour mettre ma famille hors de portée des tueurs. J’avais poussé un soupir de soulagement lorsque, le 13 février 1995, mes enfants, accompagnés de leur mère, arrivèrent pour la première fois sur le sol français. En effet, j’assume en toute logique tous mes combats et le fait d’exposer ma vie aux dangers qui en découlent. En revanche, je ne me sentais pas, et à ce jour je ne me sens toujours pas, avoir le droit d’exposer celle des miens. Et tant pis pour l’accusation infondée dont mes adversaires allaient m’accabler par voie de rumeur selon laquelle j’avais envoyé mes enfants étudier en France au moment où j’avais mis les enfants kabyles en grève de plusieurs mois déjà. Mon peuple me comprendra lorsqu’il saura la vérité, me disais-je. Je tiens, par conséquent, à exprimer ma gratitude à la France de m’avoir permis de m’établir chez elle pour sauver mes enfants de deux morts : l’assassinat et l’arabisation. Je suis resté quatre ans sans retourner dans mon pays.

En 2001, lorsque Bouteflika avait pris la décision de tirer sur les enfants kabyles qui avaient l’outrecuidance de revendiquer pacifiquement le droit à la vie, je réalisai à ce moment-là, comme d’autres intellectuels kabyles, que l’Algérie ne saurait devenir un Etat-nation à la française, c’est à dire, en suivant les mêmes étapes chronologiques d’évolution que la France. J’avais de nouveau relevé le défi de l’Histoire de mon pays en revendiquant le 5 juin 2001 une autonomie régionale pour la Kabylie afin de tourner la page de ce bras de fer qui dure entre elle et Alger depuis près de quarante ans et qui déstabilise en permanence l’ensemble de l’Algérie, et par voie de conséquence l’ensemble du bassin méditerranéen. Cette autonomie était et demeure pour nous, la meilleure voie pour apaiser les tensions entre la Kabylie et le pouvoir algérien pour mieux s’occuper des problèmes de développement à travers une meilleure gestion de notre quotidien, une autre projection de notre avenir et un meilleur usage de nos ressources dans le cadre d’une démocratie de plus en plus enracinée. Malheureusement, des tenants du régime en place n’ont rien trouvé de mieux à faire que de recourir aux anciens réflexes de menaces et d’intimidations, comme au temps du boycott scolaire de 1994/95.

Monsieur le Président,
Au lendemain d’une conférence de presse, tenue en Kabylie à l’occasion du 3e anniversaire de cette revendication autonomiste, je fus abordé dans l’enceinte de l’aéroport d’Alger par un homme qui, visiblement, n’était pas un voyageur (normalement, depuis l’attentat du 26 août 1992, ne peuvent y avoir accès que les personnes munies d’un billet d’avion ou qui y travaillent) pour m’affubler d’un certain nombre noms d’oiseaux et autres agressions verbales qu’il ponctua avec cette terrible phrase : “Puisque vous revendiquez l’autonomie de la Kabylie, vous allez regretter d’être venu au monde !” Sur le champ, je crus que le “vous” désignait tous les Kabyles et pensai à un génocide que des cercles occultes étaient en train de planifier dans ma région. Je n’en percutai le sens véritable que le 19 juin 2004, quinze jours plus tard. Mon fils aîné Ameziane, 30 ans, venait d’être abattu au moyen d’une arme blanche à Paris.

Monsieur le Président,
J’ai été choqué, martyrisé dans ma chair et mon esprit, de lire dans la presse française qui en avait rapporté l’événement, dans la rubrique des faits divers que, selon les services de police, ce meurtre n’avait d’une part aucun lien avec mes activités politiques, et d’autre part qu’il était survenu à la suite d’une rixe “à la sortie d’un dancing” !!! Il se trouve qu’aucun ticket de boîte de nuit n’a été trouvé sur mon fils, à sa mort. Les nombreux gardiens, à l’entrée de “La Locomotive” devant laquelle avait eu lieu le crime, et les cassettes vidéo de surveillance saisies sur place et mises sous scellés ont infirmé une telle version. Autrement, on aurait identifié les meurtriers depuis longtemps. Pour moi et ma famille, c’est un autre coup de couteau dans l’honneur et la mémoire d’Ameziane. En vérité, même si les investigations n’ont jamais voulu, depuis deux ans, retenir la piste politique, mon fils est bel et bien victime d’un attentat politico-terroriste commis par des professionnels de la mort. L’affaire est étouffée. Par qui ? Pourquoi ? Nous l’ignorons. Y a-t-il, derrière ce silence, une raison d’Etat ? L’échec des investigations policières ne fait que nourrir un tel sentiment et une foultitude de supputations que la déférence avec laquelle je vous écris m’interdit de détailler.

Monsieur le Président,
Vous comprenez la douleur d’une famille qui n’entamera son travail de deuil que lorsque toute la vérité sera connue, preuve(s) à l’appui. Je suis convaincu que pour vous, un assassinat à Paris est une insulte au Droit, lorsqu’il est politique, un affront à la France ! C’était pour cela que le Général de Gaulle, à l’assassinat de Ben Barka, avait mis à mal les relations diplomatiques avec le Maroc qu’il soupçonnait d’être derrière le crime. J’ai été admiratif devant votre indignation et votre intransigeance face à la Syrie dans l’assassinat de Rafik Hariri à Beyrouth. Dans le cas de mon fils, je cherche à dissiper mes craintes d’une réédition de l’affaire Mecili. Nous attendons de votre Excellence que l’enquête qui est en passe d’être clôturée, sans résultat, redémarre de manière plus conséquente et au plus vite. Nous tenons tant, ma famille et moi, à l’image et à l’honneur de la France que nous ne pouvons nous résoudre à l’idée que ce meurtre puisse entacher la réputation d’efficacité des services de police français.

Dans l’attente d’un geste naturel et historique de votre part, je vous prie, Monsieur le Président de la République Française, d’agréer l’expression de ma plus haute considération.

Ferhat Mehenni
Paris, le 18 juin 2006

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