Archives de catégorie : Guerre du Golfe

Les armes à l’uranium apauvri

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L’uranium apauvri est un déchet des centrales nucléaires. Il est donc quasi gratuit. Comme ce métal est très dense, un obus ayant un pénétrateur en uranium apauvri perce facilement le fer dont sont faits les blindés. L’idée de se débarrasser de déchets encombrants pour tuer l’ennemi a fait son chemin.


L’uranium apauvri n’est pas censé être radio-actif, et il a été classé parmi les armes conventionnelles. Mais quand il brûle (ce qui est le cas au moment de la mise à feu du projectile, et de son impact sur les cibles blindées), il produit des poudres hautement radioactives qui pénètrent dans le corps par inhalation, mais peuvent aussi polluer le sol.

Un épisode de la guerre du Golfe le prouve. Quand un char américain porteur de munitions à l’uranium apauvri a explosé en Irak en 1990, une commission américaine spécialisée a été rapidement dépêchée sur place pour l’étudier. Elle examiné le tank, et en a extrait les parties qui pouvaient être décontaminées. Elle a soigneusement emballé les parties irrémédiablement contaminées et les a envoyées aux Etats-Unis pour qu’elles y soit enterrées en tant que déchets radio-actifs. Elle a également examiné le sol, au-dessous du tank, et l’a trouvé radio-actif.

Malgré cette découverte, le gouvernement américain a utilisé cette arme alors inconnue dans la guerre contre l’Irak, sans en informer ses électeurs. Le rapport des spécialistes qui avaient examiné le tank, resta secret, et fut par la suite déclassifié.

Les Américains ont utilisé en Syrie contre l’Etat islamique en 2015, des obus à l’uranium appauvri.
Photo SAFIN HAMED – AFP



Après la guerre de 1991, on constata une augmentation foudroyante du nombre de cancers et de malformations congénitales chez les enfants en Irak, cancers attribués à l’usage de l’uranium apauvri, car, explique une résolution de l’Union Européenne, “depuis son utilisation par les forces alliées dans la première guerre contre l’Irak, de sérieuses inquiétudes se sont fait jour quant à la toxicité radiologique et chimique des fines particules d’uranium libérées au moment de l’impact des projectiles contre des cibles blindées”, et “des craintes ont également été exprimées quant à la contamination du sol et des nappes phréatiques par des projectiles ayant manqué leur cible, avec les conséquences qui en résultent pour les populations civiles… Il existe de nombreux témoignages sur les effets nocifs, et souvent mortels, tant sur les militaires que sur les civils… l’emploi d’uranium appauvri dans les conflits viole les règles et principes fondamentaux consacrés par le droit international humanitaire et environnemental, écrit et coutumier.”

Dans la guerre contre l’Etat islamique, les Etats-Unis ont utilisé en Syrie des armes à l’uranium apauvri. Il peut donc y avoir eu dans ce pays — comme autrefois en Irak, au Koweït et en Afghanistan — une pollution durable qui, en cas de pluie, peut s’être communiquée à la nappe phréatique des régions concernées. Et la pollution nucléaire ne disparaît pas de sitôt.

Lina Murr Nehmé, 7 août 2019

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Les accords de TaëF

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En 1989, le traité de Taef fut imposé au Liban au mépris de la population qui, dans son écrasante majorité, n’en voulait pas. Rappelez-vous, diplomates, agents et médias: le réduit libanais qui était encore libre et soumis à l’Etat libanais manifestait tous les jours contre ce traité imposé par l’Arabie. Il manifestait parce que ce traité légalisait l’occupation d’une partie du Liban par l’armée syrienne.

Les manifestations durèrent plus d’un an. Puis vint la guerre du Golfe. Obtenir l’accord de la Syrie de l’époque était une étape cruciale. Pour obtenir la participation de Hafez el-Assad contre l’Irak, il fallait une contrepartie alléchante. Ainsi, toute la communauté internationale, y compris le Vatican, imposa au Liban l’occupation d’une partie de son pays par les troupes syriennes.

Ce traité commença le 30 septembre, date anniversaire des Accords de Munich de 1938. C’est en effet à cette date que l’Arabie Saoudite réunit les députés libanais chez elle, à Taef, et non à la Mecque, car certains d’entre eux, étant chrétiens, auraient souillé les lieux, selon elle. Après leur avoir confisqué leur passeport, elle leur expliqua au cours des jours suivants qu’ils ne partiraient qu’à condition de signer ce traité fait par elle, qui dépouillait les chrétiens de tout pouvoir dans leur propre pays.

Toute la communauté internationale s’inclina, un peu comme dans l’Apocalypse, toute la terre s’incline et dit: “Qui est comme la Bête?”

Le traité était saoudien, puisque Hariri l’avait écrit et imposé en tant que sujet du roi d’Arabie. Et Hafez Assad avait imposé sa clause, car un tel traité ne pouvait exister sans son accord. Quant au parrainage du traité, il fut assuré par les Américains, car sans eux cet accord n’aurait pu être imposé au Liban. Rappelons que George Bush était l’ami personnel du roi d’Arabie.

La Syrie avait déjà tenté d’imposer un tel traité quelques années plus tôt, elle avait échoué. C’est Rafic Hariri, travaillant pour les Saoudiens avec l’aide américaine, qui l’imposa grâce à l’argent saoudien et aux pressions des Américains, devenus la seule superpuissance.

Pourquoi ce parallèle avec les Accords de Munich ? Parce que de la même manière, on permit à une puissance militaire agressive, la Syrie, d’envahir un territoire qu’elle réclamait, et que l’une des conséquences de ce traité fut la chute du régime irakien, et l’apparition de Daech.

Lina Murr Nehmé, 5 mars 2019

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Iran et Pakistan : deux poids, deux mesures

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En 2002, les Américains ont déclenché contre l’Irak une guerre terrible en accusant Saddam Hussein de se livrer à des recherches nucléaires. L’Irak fut détruit, Daech en jaillit, et l’histoire de l’armement atomique de Saddam se révéla fausse.

Deux poids, deux mesures: les Américains savaient très bien que leurs alliés pakistanais, eux, avaient l’arme atomique. Ils avaient fait des essais nucléaires réussis quatre ans plus tôt: en 1998. Depuis, ils ont construit plusieurs missiles pouvant porter des ogives nucléaires.

La photo montre le missile balistique pakistanais sol-sol de moyenne portée Ghouri-1, pouvant être armé d’ogives nucléaires. Ce n’est qu’un des missiles balistiques pakistanais de ce genre. Il y en a plusieurs autres, de différentes portées.

Cet armement pourrait tomber aux mains d’al-Qaïda et des talibans, lesquels sont plus forts que jamais, ayant des avatars un peu partout dans le monde. Car au lieu de combattre le gouvernement pakistanais de Zia qui imposait la charia, torturait les Pakistanais et les mettait en prison pour un mot, les Américains ont travaillé avec lui, ils l’ont financé, ils l’ont fortifié, et pour finir, il a obtenu la bombe, et le monde a eu al-Qaïda et les talibans, payés avec l’argent américain et saoudien. L’argent récolté a servi à construire plus de madrassas radicales.

Et quand, le 11 septembre, al-Qaïda a frappé les Américains qui l’avaient financée, ce n’est pas le Pakistan qui a été attaqué parce qu’il avait la bombe et parce qu’il finançait al-Qaïda: c’est l’Irak qui combattait al-Qaïda, qui l’a été.

Des décennies de madrassas déobandies ou barelvies au Pakistan, et nous avons le résultat sous nos yeux: les émeutes meurtrières paralysant le pays après l’acquittement d’Asia Bibi, les appels au meurtre, et le gouvernement qui cède aux islamistes et accepte qu’Asia Bibi et sa famille ne quittent pas le Pakistan et que le jugement de la Cour Suprême puisse être un jour revu.

Deux millions de personnes de ce genre qui pourraient avoir la bombe, et on veut attaquer l’Iran qui ne l’a pas?

Le comble est que la technologie nucléaire iranienne est pakistanaise aussi: le père de la bombe pakistanaise, Abdel-Kadeer Khan, a déclaré en 2004, qu’il avait vendu à l’Iran et à la Libye les secrets de la technologie de la fabrication de l’arme nucléaire, notamment en matière d’enrichissement de l’uranium (sur ordre de son gouvernement bien sûr).

Attaquer et détruire l’Irak, puis parler d’attaquer l’Iran pour une bombe qui n’existe pas encore, et dont les secrets ont été vendus par le Pakistan, qui possède la bombe, et qui n’a jamais été attaqué, vous trouvez ça logique ? 

Lina Murr Nehmé, 11 janvier 2019

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Les Etats sont des remparts

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“Regarder comme un temps de paix, le temps où par la prise de toutes les places qui nous environnent, il s’aplanit un chemin pour venir à nous, c’est folie” disait Démosthène aux Athéniens (1) qui, selon lui, avaient été vendus par leurs politiciens pour de l’argent.

Que dirait-il aux Américains, aux Français, aux Anglais, qui cèdent (vendre n’est pas joli) des pays, des nations, des populations pour du pétrole qui pue, ou pour des contrats ?

Si les peuples de ces démocraties étaient informés des véritables enjeux, s’ils connaissaient le rapport entre les souffrances des populations dont ils voient les cadavres à la télévision, et ces marchés juteux, est-ce qu’ils accepteraient les plaisirs de la vie moderne… à ce prix ?

Ceci en sachant que la chute des pays, ce sont des remparts qui tombent. La chute de l’Irak a amené la montée de Daech. Qu’amènerait la chute de la Syrie ou du Liban aux mains des islamistes ?

 

Lina Murr Nehmé, 1er octobre 2018

(1) Démosthène, Philippiques, III, traduction par l’abbé d’Olivet, Lyon, Amable Leroy, 1812.

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Retour sur les bombardements américains en Irak (1990-1991)

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J’écris en ce moment un roman qui m’oblige à faire des recherches sur la guerre contre l’Irak en 1990-1991. Je croyais avoir atteint le fond de l’horreur durant mes recherches pour mes livres passés. Mais je me trompais.
 
Quand on se plonge dans les documents d’époque, on est terrifié de la facilité avec laquelle les civils irakiens ont été affamés durant cinq mois et demi avant la guerre en dépit de toutes les lois de la guerre que reconnaissaient les Etats-Unis, et qui interdisent le blocus d’un pays quand cela affame les civils.
 
L’Irak importait 70 % de sa nourriture. Au bout de quelques mois de blocus, les civils irakiens ne mangeaient plus que le tiers de leurs rations d’avant la guerre. Dans le cas des pauvres, ils n’avaient même pas ce tiers, car le prix des aliments était monté de façon vertigineuse, à cause du bombardement, par les Américains, des principaux silos à grain et des camions qui pouvaient apporter des vivres de Jordanie ou même d’Iran.
 
Ceci, sans parler du nombre de personnes brûlées vives dans le bombardement de leurs demeures. Car contrairement à la propagande qui a sévi à l’époque, ce n’était pas “une guerre propre”, et ce n’étaient pas des “bombes intelligentes”. La plupart des bombes manquaient leur but et tuaient à côté. Les coûteuses “bombes intelligentes” étaient très peu nombreuses et réservées à Bagdad, car c’est là qu’était basée la presse mondiale, et il ne fallait pas montrer une ville trop ruinée. Bassora, n’étant pas une ville très visitée par les journalistes, a subi n’importe quel genre de bombes et a été ruinée de façon terrible.
 
Un rapport de l’Unicef a décrit la situation de l’Irak après les bombardements comme étant “quasi apocalyptique”. Pourtant, le blocus n’a pas été levé. Il a fallu, des années plus tard, que l’Unicef produise un autre rapport disant que la mortalité des enfants était très largement supérieure à ce qu’elle avait été avant la guerre — au point que 500.000 enfants irakiens étaient morts, et ne seraient pas morts s’il n’y avait pas eu cette guerre — pour qu’on accepte d’autoriser l’Irak à vendre du pétrole pour acheter de la nourriture.
 
Il y avait la faim, certes, qui tuait ces enfants. Mais il y avait aussi le cancer, à cause de l’usage, par les Américains, de bombes à l’uranium appauvri, qui ont rendu les régions où elles ont été utilisées radioactives et ont produit une quantité inexplicable de leucémies par la suite. On attribue aussi le “syndrome du Golfe” à cette arme, car la poudre radioactive produite par les explosions frappait évidemment les Américains et autres alliés avant de frapper les Irakiens.
 
Les objectifs civils bombardés volontairement étaient innombrables: on bombardait partout où il y avait un risque de tuer des militaires, alors que les lois de la guerre commandent l’inverse.
 
Ainsi furent bombardées durant cette guerre des écoles, des hôpitaux, des mosquées, des églises, 83 ponts (cela fauchait parfois des maisons entières et brûlait vives les familles), deux barrages hydroélectriques (qui, s’ils se brisaient, pouvaient noyer des villages entiers), des usines qui fabriquaient du ciment, des vêtements, des ustensiles d’aluminium, des câbles électriques, du lait maternisé, et j’en passe.
 
Des bombes guidées ont été utilisées pour frapper un abri réservé aux civils à Amiriyyah en banlieue de Bagdad, faisant 400 morts civils. Comme le fit remarquer un journaliste de la BBC, et aussi les organisations humanitaires, il n’y avait pas traces d’utilisation de cet abri par les militaires.
 
La photo ci-dessous montre le bombardement, par l’armée américaine, des restes de l’armée irakienne qui rentrait chez elle après avoir quitté le Koweït. Comme on le voit, une grande partie des véhicules bombardés sont civils. Il s’agissait de réfugiés qui avaient à craindre la colère de l’émir du Koweït: des Irakiens, des Jordaniens, des Palestiniens, des Yéménites qui travaillaient au Koweït et fuyaient avec leurs familles et leurs biens. Pour expliquer leur présence, les Américains les ont accusés d’être des soldats qui avaient pillé le Koweït. Un simple examen de cette photo montre le contraire.
 
Le convoi moitié militaire, moitié civil, faisait 100 km de long. Les pilotes américains reçurent l’ordre de frapper le véhicule en tête et le véhicule à la queue du convoi, créant un embouteillage terrible. Ensuite, ils jetèrent des tapis de bombes durant des heures, du début du convoi à la fin.
 
Cette autoroute qui reliait Koweït-ville à Bassora en Irak, a depuis été appelée “l’Autoroute de la Mort” à cause de ce massacre qui a tué des dizaines de milliers de personnes et a traumatisé certains des pilotes qui ont aidé à le commettre.
 
Il y avait de quoi.
 
Les photos de “l’Autoroute de la Mort” ont tellement scandalisé les Américains qui les ont vues que George Bush a hâtivement mis fin à la guerre. C’est pourquoi Saddam Hussein est resté au pouvoir.
 
Cette photo est l’une des rares qui montrent des gens encore vivants après ce bombardement. Elle semble avoir été prise au début du bombardement, et on y voit clairement des hommes civils, et même des femmes. La plupart des autres photos, notamment celles publiées par l’Armée Américaine, ne donnent pas l’impression qu’il y ait eu des rescapés. Elles sont bien trop horribles pour être montrées ici.
 
Lina Murr Nehmé, 22 mai 2018
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