Il y a deux commandements de Moïse qui sont peu connus chez les chrétiens, et même chez les juifs. Les voici: “Aime ton prochain comme toi-même”, et “Aime l’étranger comme toi-même”.
Et c’est dommage, car ils sont la clé du bonheur. En effet, on est heureux quand l’autre nous traite aussi bien que lui-même. Et il est heureux si nous le traitons de même.
Je ne pense pas que cette loi universelle puisse avoir moins de valeur à l’échelle des nations, qu’à l’échelle individuelle.
Même durant la guerre.
Il est inévitable qu’une armée se défende quand elle a été attaquée. En 2007, l’armée libanaise a eu face à elle des terroristes islamistes palestiniens du genre du Hamas et des Brigades al-Qassam: le Fatah el-Islam, issu du Fatah el-Intifada, lui-même issu du Fatah d’Arafat.
Et la bataille a eu lieu à cause de l’égorgement, dans leur sommeil, de 20 soldats de l’armée libanaise.
Certes, l’armée libanaise a, dans cette bataille, utilisé ce qu’elle possédait en matière d’artillerie. Elle a frappé dur, et fort. Mais auparavant, elle avait mis une semaine à évacuer les civils de l’ennemi qui n’avaient pas pu – ou voulu – sortir. Toute la journée, durant une semaine, les camions de l’armée libanaise ont fait la navette pour évacuer les civils. Jusqu’aux femmes de Chaker el-Absi, chef du Fatah el-Islam, portées en piaillant par les soldats libanais qui refusaient de commencer la bataille tant qu’ils ne les avaient pas mises à l’abri.
Cette évacuation des civils de l’ennemi a coûté à l’armée libanaise deux martyrs et plusieurs blessés, ces opérations l’ayant mise durant une semaine en position de vulnérabilité, les islamistes tirant sur elle comme sur les civils palestiniens.
C’est parce qu’elle s’est faite après l’évacuation des civils que la bataille de Nahr el-Bared a été une victoire libanaise non seulement sur le plan militaire, comme sur le plan éthique et moral.
L’armée qui n’épargne pas les civils de l’ennemi est tôt ou tard condamnée par ses propres compatriotes et par sa conscience. Et une fois que le moral est perdu, la guerre est perdue, même quand elle a été gagnée sur le terrain.
On ne peut pas défendre le carnage. On ne peut pas le justifier au nom de ses propres intérêts, car en écrasant l’ennemi, en lui tuant beaucoup de civils qu’on aurait pu épargner parce qu’on veut avoir le moins de pertes possible, on en arrive à se haïr soi-même.
Ceci, quand on est humain. Et il y a toujours, dans un recoin de nos cœurs les plus endurcis, quelque part, quelque chose qui nous pousse à haïr le meurtre.
Lina Murr Nehmé