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Un cœur à 650000 euros

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Photo : Erwan Floc’h

Le nord de Paris est sale, sale! Allez voir autour des monuments historiques, les papiers de sandwich, la saleté, les déchets. Il y a des endroits où on n’ose pas vraiment aller, mais on y va contraint et forcé. Et quand vous venez en voiture ou en autobus à la porte de Clignancourt, vous devez vous attendre à voir une cour des miracles, quelques centaines de mères plus loin. Soit vous passez près de la station de Stalingrad, que les sans-papiers venus de Calais ont transformée en campement pendant si longtemps, en débordant sur les rues avoisinantes. Soit vous passez directement à La Chapelle-Pajol, où les hommes islamistes ne pensent pas à offrir des cœurs aux femmes le jour de la Saint-Valentin.

C’est pourtant en cet endroit de Clignancourt que la Mairie de Paris, qui a le sens de l’ironie, a dressé un cœur géant, qu’elle a fait payer au contribuable 650.000 euros.

Et ce, alors que le pays se débat dans les crises les plus douloureuses. Pendant qu’il y a des manifestations parfois causées par la faim, les dépenses du pouvoir défraient la chronique, qu’il s’agisse d’un service de vaisselle de l’Elysée payé par le contribuable, ou de modifications artistiquement terribles de l’Elysée, payées elles aussi par le contribuable, ou même, d’une piscine enlaidissant un monument historique dans un paysage imprenable — également payée par le contribuable.

Et comment le pouvoir résoud-il la crise? En distribuant des sucettes, en donnant l’ordre de frapper les manifestants à la tête, et en leur donnant des coups bas dans les médias.

Normaux, ces coups bas: avez-vous remarqué que la popularité de Macron et celle des Gilets Jaunes sont étroitement liées, comme les deux côtés d’une planche de balançoire? Quand la popularité des Gilets Jaunes décroît, celle de Macron croît. Il faut donc que le phénomène existe et s’amplifie, ce Président n’étant parvenu au pouvoir qu’en faisant démolir les autres par les médias, ses amis (on a vu les dizaines de Unes qu’il a eues).

Maintenant, il ne peut régner qu’en faisant démolir les manifestants. Au physique comme au moral.

Pendant ce temps, le soi-disant cœur de Paris made in Portugal, veille, se moquant des femmes de La Chapelle-Pajol en leur disant: “Bonne fête de la saint-Valentin!”

Au fond, qui était saint Valentin ? C’était un évêque, qui avait refusé d’obéir à l’empereur. Il avait marié les amoureux qui le demandaient. Alors que l’empereur voulait empêcher ces mariages pour que les hommes aillent à la guerre.

Lina Murr Nehmé, 2 mars 2019

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A Paris, un slogan du “Printemps arabe”

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Apparition, sur les murs de Paris, des slogans du “Printemps arabe” Traduction: “Le peuple veut la chute de régime. L’Etat a vite réagi au karcher, mais entre-temps, plusieurs personnes avaient eu le temps de prendre des photos et de les publier.

Un graffiti n’engage à rien: il suffit d’un seul pour en mettre. Mais un graffiti est une publicité, il se voit, il se lit, il se raconte, il se répète. Avant que les foules tunisiennes ne scandent ce slogan, il a bien fallu que quelqu’un l’invente et l’enseigne aux autres.

On nous a servi ce slogan au Liban, durant les manifestations réclamant le ramassage des ordures. Mais au Liban, ça n’a pas marché : on ne voulait pas de la chute du régime, c’est-à-dire du système démocratique. On avait entendu ce slogan en Tunisie, en Egypte, en Syrie, et partout, il avait été suivi des pires malheurs, le soi-disant “Printemps arabe”.

L’apparition de tels slogans n’est jamais à sous-estimer, car ce ne sont pas les Français qui les importent. Déjà, le slogan “Dégage” (qui est la mauvaise traduction de “Irhal“, qui veut dire “Pars”), a été importé en France, et certainement pas par les petits retraités français qui voyaient les foules tunisiennes, égyptiennes ou syriennes le scander sous les balcons de Ben Ali, de Moubarak et de Bachar Assad. Avant le Printemps arabe, les manifestants scandaient en France : “Démission”, ils ne disaient pas “Dégage”. Le mot “Dégage” ne peut pas s’appliquer à la France, où un Président ne s’incruste pas vingt ans comme Moubarak en Egypte. Il n’est pas besoin de lui dire de partir, il suffit qu’il démissionne.

Ces deux slogans sont extrêmements contagieux : ils ont commencé en Tunisie (1), puis en Egypte, puis en Libye, en Syrie, au Bahreïn, au Yémen. On a même tenté de nous servir le second au Liban, comme je l’ai dit.

Ce qui m’inquiète, c’est que la télévision satellitaire al-Jazeera, financée par le Qatar, s’y intéresse et bourre la tête des musulmans français et surtout non-français qui la regardent. Elle ose parler d’un “Printemps parisien”. Or c’est elle qui a fabriqué les “printemps arabes” en Tunisie, en Egypte, en Syrie. Elle s’est livrée à un battage, à un pilonnage médiatique qui frisait le lavage de cerveaux. Elle avait serré un tel étau autour de ses journalistes que les chefs, Ghassan Ben Jeddou et Michel Kik, ont démissionné. Alors il n’y a plus eu de frein à Al-Jazeera.

Addendum : En tout cas, certains sont ravis de cette photo.

 

Lina Murr Nehmé, 2 décembre 2018

 

(1) Pour les détails concernant l’origine des émeutes en Tunisie, voir le chapitre consacré à ce sujet dans L’Islamisme et les femmes.