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lettre de Michel Aoun à François Mitterrand en 1989

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Suite à mon article d’hier, montrant Mitterrand accueillant des hors-la-loi à égalité avec le Président libanais en 1984, voici comment Mitterrand traite la légalité libanaise en 1989.

Cette fois, elle est représentée par Michel Aoun, Premier ministre d’un Cabinet exerçant les pouvoirs présidentiels à titre intérimaire.

Les Saoudiens prétendent imposer au Liban une nouvelle constitution made in Saudi Arabia. Pour cela, ils ont réuni à Taef, ce qui restait du Parlement élu en 1972, par la génération précédente — et qui n’est plus valide depuis 1976. Ils leur ont fait signer cet accord qui dépouille les chrétiens de tout pouvoir et, pire, légalise l’occupation syrienne d’une partie du Liban.

La Constitution libanaise a été violée une dizaine de fois pour rendre cela possible. De façon toute aussi illégale, les ex-députés élisent ensuite un Président en région sous occupation syrienne. Il n’est évidemment pas valide, à cause de ces violations de la loi et de la Constitution, que j’ai détaillées dans mon livre “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”. Mais c’est lui que Mitterrand a reconnu.

Dans une lettre écrite alors que ces événements sont encore récents, Aoun pense émouvoir Mitterrand en lui rappelant les manifestations du voile à Paris, et en lui disant qu’il y aura une confrontation entre l’islamisme et le monde occidental avant la fin du siècle. Voici leur échange épistolaire:

Lina Murr Nehmé, Du règne de la Pègre au réveil du Lion, Beyrouth 2009

Lettre envoyée par le Premier ministre libanais Michel Aoun au président François Mitterrand, le 29 octobre 1989

« Une défaite, ici, maintenant, ne sera pas sans conséquences, chez vous, demain. J’ai lu la semaine dernière que trois tchadors bouleversaient la France. Une des grandes affaires de notre siècle finissant sera, à n’en pas douter, la confrontation entre l’islam et la chrétienté. Il y aura dialogue, ou pas. Accepter la disparition du Liban, c’est se priver d’une terre où ce dialogue a été depuis longtemps plus qu’une réalité quotidienne, une culture constitutive…

« J’ai aujourd’hui un véritable problème de conscience. Vous avez, naturellement, été informé de l’essentiel des accords de Taëf. On me dit que la diplomatie française, comme celle de toutes les grandes puissances, est en faveur de leur mise en œuvre très rapide. J’ai fait savoir publiquement que je n’avais aucune objection aux plans de réforme politique qu’ils comportent. En revanche, quand je lis les textes complets et les formules censées s’appliquer à la restauration de l’indépendance libanaise, à la fin des occupations étrangères et à la définition des rapports futurs avec la Syrie, je suis profondément inquiet. Ai-je, encore une fois en conscience, après des années d’attente et de sacrifices, ai-je le droit d’accepter ces phrases qui consacrent le rôle de la Syrie, placent pratiquement tous les gouvernements sous son influence, donnent pour la première fois par écrit une justification à sa présence et à son action, avec uniquement pour son retrait des calendriers vagues et des engagements ambigus ? N’est-il pas légitime et indispensable que des précisions publiques, internationalement garanties, soient apportées à cet accord ? Actuellement, la Syrie peut interpréter ce texte comme elle le veut. Les Libanais sont désarmés. On me demande des gestes de compréhension. Ils ne peuvent être dans ce contexte que des gestes d’abandon…

« Vous connaissez les circonstances de la réunion de Taëf et les pressions exercées. Les députés présents à Taëf n’ont pas reçu l’investiture du suffrage universel depuis 1972. Aucun Libanais de moins de 40 ans n’a pu voter pour eux. Ces députés peuvent-ils vraiment engager l’avenir du Liban ? »

Réponse que Mitterrand dit avoir envoyée à Aoun

Le 10 décembre, Mitterrand déclara avoir écrit à Aoun que Hraoui, élu par un Parlement dissous, est légitime :

« La légitimité appartient au Président et au gouvernement issu du choix du Parlement, en application des accords de Taëf».

Qui était-il pour prétendre que dans une démocratie, la légitimité n’appartient pas au peuple, mais à ce qui reste du Parlement élu par la génération précédente, qui a empiété sur les prérogatives du gouvernement en négociant ce traité, et commis un crime de haute trahison en livrant une partie du pays à l’occupant ? L’Occident refusait aux Libanais des élections libres, car un Parlement représentatif aurait rejeté Taëf et mis les importations de pétrole en danger.

Lina Murr Nehmé
Extrait de “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”, (lettre ouverte à monsieur Sarkozy), Beyrouth, 2009

Fac-similé tiré du livre de Lina Murr Nehmé
“Du règne de la Pègre au réveil du Lion”, (lettre ouverte à monsieur Sarkozy),
Beyrouth, 2009


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Mitterrand et le petit Hitler libanais

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Massacre de Bmariam. Lina Murr Nehmé, 1984.

1er septembre 1983: commencement des massacres des chrétiens du Chouf au Liban, à l’anniversaire du début de la 2e guerre mondiale et des massacres de Pologne.

Une armée représentant quatre nations — américaine, française, anglaise et italienne — était là soi-disant pour aider les civils. En fait, c’était pour aider les civils palestiniens seulement. Quand il s’agit des civils chrétiens, Mitterrand argua la clause de non-intervention en-dehors de Beyrouth. Or à Beyrouth, les chrétiens n’étaient alors pas en danger d’être massacrés. Mais on savait qu’ils le seraient au Chouf, dès que les Israéliens se retireraient, car ceux-ci avaient laissé subsister deux armées, et il était évident qu’après leur départ, la plus forte des deux tuerait les civils de l’autre. Et la plus forte, c’était évidemment celle de Joumblatt, puisqu’il était l’homme des Syriens. En un jour, ses miliciens, quelques centaines, devinrent 2000, après l’entrée de soldats syriens et palestiniens au Chouf.

Les massacres du Chouf furent un nettoyage ethnique total, qui dura un mois. Tous les deux ou trois jours, il y avait un nouveau massacre. 60 villages furent ainsi nettoyés de toute présence chrétienne, alors que les chrétiens étaient majoritaires dans ce territoire. 60 Oradours-sur-Glane. Les églises furent brûlées ou démantelées, leurs pierres de taille étant utilisées pour construire les beaux murs des routes du Chouf. Les cloches disparurent durant des années pour empêcher les chrétiens, s’ils reconstruisaient leurs églises, de les faire sonner. Joumblatt, qui avait un goût artistique acéré, fit main basse sur les icônes des églises et des couvents pour orner sa maison. (Il les rendit sur l’intercession de hauts personnagesTrès longtemps après, les chrétiens survivants furent autorisés à rentrer chez eux et à reconstruire leurs maisons brûlées. Joumblatt avait réussi à se faire nommer ministre des réfugiés, et il exigea beaucoup plus d’argent pour ses druzes qui avaient squatté les maisons des chrétiens, que pour ces derniers, privés de leurs biens et des fruits de leurs arbres.

Entre-temps, le mal était fait. Les chrétiens n’ont reconstruit au Chouf que des résidences secondaires, n’osant pas y revenir. D’ailleurs, celui qui a fait sa vie en ville durant vingt ans ne revient pas s’installer en montagne.

Ce qui a initié la solution du contentieux est la montée du patriarche Sfeir au Chouf, dans les années 1990. Au Liban, la réconciliation se fait traditionnellement de la façon suivante: le tueur vient se livrer entre les mains de la famille de sa victime. C’est elle qui lui donne le pardon et le relâche, et il est en sécurité. C’est ainsi que se font les réconcilisations au Liban. Le patriarche Sfeir, lui, a marché sur la dignité des victimes, et il est tout à fait normal que Joumblatt dise tant de bien de lui. C’est ainsi que les dhimmis allaient autrefois se concilier leurs massacreurs, et Joumblatt aime qu’on se soumette à lui. Ne disait-il pas des maronites (ou des chrériens en général?) il y a quelques années: “C’est une mauvaise race”. Il se faisait filmer, et la vidéo a circulé. Voyant le pays scandalisé, il a dit que ce n’était pas fait pour être diffusé. Mais l’Occident n’a pas cessé ses relations avec lui.

N’a-t-il pas également appelé à tuer tous les druzes de Syrie parce qu’ils ne prenaient pas le parti de Daech et Nosra? Aucun homme, au Liban, n’applique le fascisme et le racisme à l’état pur, comme lui. Que gagne l’Occident à honorer un individu qui décrète l’extermination de tout un groupe humain sur base confessionnelle — et qui exécute cette sentence quand il en a le pouvoir? C’est lui qui, récemment, commettait un assassinat parce qu’un rival druze était monté au Chouf sans lui en demander la permission. Est-ce qu’un pays vous appartient du simple fait que vous avez exterminé ou déporté 60% de sa population? C’est un raisonnement hitlérien. Pourquoi l’Occident favorise-t-il des Hitler locaux?

Il est honteux que les chefs d’Etat occidentaux, connaissant tous ces crimes, aient continué à traiter avec Joumblatt, tout en sachant qu’en plus, il obéissait aux ordres de la Syrie. Quelques semaines après le génocide du Chouf, Mitterrand le reçut à l’Elysée, à égalité avec le Président de la République élu. Et il serra sa main tachée de sang chrétien. Il fit le même accueil à l’autre larron, Berri, qui avait envahi Beyrouth-Ouest, sans toutefois commettre de nettoyage ethnique.

Pour expliquer à mes amis la situation, il faut signaler que ces deux hommes ont été propulsés par Khaddam, le haut-commissaire syrien, en même temps que le Hezbollah, et à la même époque: en 1982-1983. Khaddam avait également des poulains chrétiens, et il a utilisé tout ce monde pour créer le chaos. Or c’est avec les hommes de la Syrie que l’Occident traitait, et avec eux seuls, au détriment de l’autorité légitime libanaise. J’ai fait il y a quelques semaines une conférence privée, enregistrée, sur l’histoire de la guerre du Liban. Elle est un peu longue, mais elle explique les choses de façon claire, en remontant au choc pétrolier de 1973, qui a causé la guerre du Liban.

Mitterrand a reçu Joumblatt et Berri à l’Elysée, à égalité avec le Président libanais, sous prétexte que ce dernier était chrétien. Mais au Liban, on ne dit pas “le Président chrétien”, on dit “le Président” tout court. Et quand on dit “Président”, on implique tout le pays et non une confession.

En faisant le contraire, en recevant deux hors-la-loi, chefs de milices confessionnelles, à égalité avec le Président légitime, Mitterrand a consacré dans les chancelleries et dans les médias la fable d’une division du Liban qui n’existait que dans son esprit, et qui a donné naissance au mot “libanisation”, alors qu’il n’y a jamais eu de division humaine sur le terrain. Il y avait seulement l’armée syrienne qui faisait occuper des parties du Liban par ses hommes de paille libanais interposés, en prétendant que le Liban était éclaté. Mais encore une fois, dans mes livres j’ai publié les preuves du contraire.

Ni Joumblatt ni Berri ne représentaient leurs communautés respectives. Les chiites dans leur majorité à l’époque, refusaient Berri. Et les meilleurs druzes refusaient Joumblatt. (Cf. le témoignage de l’un des druzes les plus considérables à cette époque, cheikh Farid Hamadé, que j’ai traduit dans mon livre “Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique”, dans lequel je raconte l’histoire de la famille Joumblatt, entre autres. Il raconte comment Walid Joumblatt, après avoir massacré les chrétiens, a massacré des centaines de druzes qui lui étaient hostiles.) Si cela plaisait à Mitterrand de traiter avec des hors-la-loi impopulaires à l’exclusion des hommes populaires, c’est peut-être digne de son passé de collaborateur. Mais cela ne change pas la réalité de ces hommes et la haine que leur vouait alors le peuple.

En réalité, cela arrangeait les grandes puissances de prétendre que ce qui arrivait au Liban n’était pas une guerre d’extermination dirigée contre une nation, mais une guerre civile, un éclatement, une implosion. Ainsi pouvaient-elles laisser faire le massacre sans intervenir. Car il fallait satisfaire le roi qui avait voulu cette guerre et en avait financé l’essentiel: Fayçal d’Arabie. Et satisfaire les roitelets arabes qui faisaient aussi chanter l’Occident avec des contrats d’armement…

Tout cela se paie aujourd’hui. Les Israéliens savaient que les fedayine avaient commis des crimes contre l’humanité au Liban, puisqu’ils les ont alors publiés. Et ils les ont laissés partir sans jugement en 1982, parce que Mitterrand le voulait. Mais pourquoi poursuivre les criminels de guerre nazis après cinquante ans, quand ils les toléraient sur place, et qu’ils les avaient sous la main?

Et Joumblatt, n’avait-il pas commis des crimes contre l’humanité sous les yeux de la communauté internationale présente sur place? N’avait-il pas fait assassiner, égorger, tronçonner à la hache 3000 civils hommes, femmes et enfants? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de tribunal international alors, et il y en a eu pour le seul Rafiq Hariri, qui n’était alors même pas Premier ministre?

Toutes les horreurs qu’on voit arriver maintenant dans le monde en matière de terrorisme et d’islamisme, remontent à tous ces abandons. Moi, franchement, je suis au-dessus du nationalisme étriqué. Défendre la France, la Pologne, le Liban ou n’importe quel autre pays m’est égal, pourvu que la cause soit juste. Je ne raconte donc pas ces choses comme étant concernée personnellement, sauf en tant qu’être humain. J’étais là-bas, et j’ai entendu les récits et la détresse des réfugiés, j’ai vu la cruauté des massacres, et le mensonge des alliés. On ne peut pas, à moins de trente ans, être témoin de tout cela, et rester de glace. Sinon, on n’est pas un être humain, on est un monstre. Je connais des réfugiés du Chouf qui vivent depuis 1983 dans un local gouvernemental qu’ils squattent. Une famille qui vivait, père, mère, quatre enfants, dans une seule pièce sans fenêtre. Le père est mort. Des enfants sont partis. il y a des petits-enfants, et la femme que j’ai connue, devenue handicapée, est toujours dans cette chambre. “Pourquoi ne rentrez-vous pas chez vous? — Il n’y a pas de sécurité. Et les druzes qui ont habité dans ma maison durant 25 ans, ont beaucoup sali, il y a beaucoup de choses abîmées. Cela coûte trop cher de restaurer.” Ils auraient restauré au fur et à mesure s’ils étaient restés dans cette maison, mais venir restaurer, en une seule fois, les dégâts causés par d’autres durant 25 ans d’usage… l’Etat libanais ne donnait pas assez d’argent pour cela.

Les chancelleries savaient tout ce qui se passait au Chouf, et elles savaient que c’étaient essentiellement des armées étrangères. Pour les preuves, voir mes livres “Le Liban Assassiné” et “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”. Elles auraient pu sauver ces milliers de civils en démasquant les criminels. Elles n’ont pas bougé mais ont collaboré avec eux, n’étant pas humainement choquées, visiblement. La raison d’Etat? Est-ce que la raison d’Etat, concernant alors le pétrole et les contrats d’armement, mérite de voir mourir des milliers de civils tués à la hache, et de s’abaisser à serrer les mains au petit Hitler qui les a tués et de le recevoir à l’Elysée?

C’est en voyant l’humanité ainsi traînée dans la boue que j’ai pu, dès 1976, prédire que cette guerre se transporterait en Occident, et spécifiquement, en France. Car, quand on honore des Hitler chez le voisin, chez l’ami, on doit s’attendre à les voir débarquer chez soi, sous la même forme ou sous une autre, et sous un autre nom. Je suis bien désolée d’avoir eu raison: les mêmes stratégies utilisées par les Palestiniens contre le Liban sont actuellement utilisées en France, contre la France, les mêmes exactement. Il est vrai que les principaux financiers ont d’abord été les Saoudiens, en France comme au Liban, en Syrie et ailleurs.

J’écris cela alors que les bombes tombent au Sud, et alors qu’une nouvelle guerre peut être déclenchée.

Je comprends l’importance du pétrole pour l’Occident. Mais je crois que sa survie devrait être plus importante pour lui que son confort, ou même, son économie. Car le problème a quitté le domaine économique, il est devenu existentiel. On ne vend pas son bouclier, on ne vend pas sa poutre maîtresse pour faire du feu.

À l’occasion je publie pour la première fois une photo d’un tableau exposé en 1984, et fait pour commémorer le massacre de Bmariam, le 1er septembre 1983. Ne me demandez pas qui c’est: c’est inspiré par les horribles récits des réfugiés. A cette époque je voulais faire un tableau par massacre. Mais il y a eu trop de dizaines de massacres de chrétiens au Liban. J’ai abandonné l’idée après avoir fait quelques tableaux, dont celui-ci.

Lina Murr Nehmé,
1er septembre 2019, 36e anniversaire du massacre de Bmariam.

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“Fumer est Haram!”

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Souheil Hammoud, surnommé Abou Taou, était l’un des principaux artilleurs de l’opposition syrienne à Bachar el-Assad, et il tua beaucoup de soldats loyalistes. Il appartenait à l’armée djihadiste de l’ASL, mais il aimait fumer, et il décida de défier al-Qaïda/Nosra, qui se donne aujourd’hui le nom de Fatah-ech-Cham.

Il pensait que les services qu’il avait rendus à l’opposition, et sa propre réputation de tueur de soldats syriens, lui procureraient l’impunité. Il se fit ainsi photographier fumant devant un des panneaux placés par al-Nosra sur les routes: “Fumer est haram. Le narguilé est haram”, et signés “Vos frères moudjahidine”. Et il publia cette photo sur les réseaux sociaux.

Souheil Hammoud, de l’ASL, fume devant un panneau placé par al-Qaïda/Nosra, disant que fumer est haram.

Punition: il fut enlevé et traîné devant le tribunal selon la charia établi par al-Nosra, et qui était semblable à ceux de Daech. Ce tribunal le condamna à deux semaines de prison pour “manque de respect à l’islam”. Il publia ensuite sa photo avec un baillon devant un autre panneau. Je la publierai dans un autre article avec un commentaire spécifique.

Cette révolte personnelle contre la cigarette traduit la rivalité entre l’ASL et al-Nosra. La plupart des membres syriens de l’ASL ont été débauchés par al-Nosra qui, envoyée par Baghdadi former une branche syrienne de Daesh, proposa à ces djihadistes des paies plus importantes que celles qu’ils percevaient dans l’ASL. Al-Nosra fut ainsi formée au début, de ces dissidents de l’armée syrienne qui avaient accepté, au début de la révolution, de passer à al-Qaïda pour des soldes plus consistantes, payées par les pays du Golfe.

Souheil Hammoud faisait partie de ceux de l’ASL qui ne se sont pas laissés débaucher par al-Nosra durant toutes ces années. Il croyait que ses hauts faits militaires lui vaudraient l’impunité, pensant que l’opposition ne pouvait se passer de lui.

www.akhbaralaan.net/news/arab-world/2017/05/04/سهيل-أبو-التاو-من-صائد-دبابات-الأسد-إلى-سجون-هيئة-تحرير-الشام

Dans l’affaire du tabac, al-Nosra a poursuivi la même politique que Daech qui, non seulement interdisit le tabac, mais assembla tout ce qu’elle avait pu confisquer dans les commerces et les maisons, et… le brûla dans un grand feu… infligeant aux gens de fumer une énorme quantité de tabac à la fois, et… malgré eux.

Attention. Ce n’est pas parce que le tabac est nocif pour la santé qu’al-Nosra, dans ce panneau, le juge haram: al-Qaïda, dont elle fait partie, ne donne pas un sou pour l’opinion des médecins mécréants.

Mais Ibn Abdel-Wahhab, le cofondateur du royaume saoudien et le père du wahhabisme, l’avait dit. Et il fouettait ou tuait les délinquants.

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Il y a général et général…

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Les commandants en chef de l’armée libanaise espèrent souvent, en favorisant les agresseurs de la légalité libanaise, que les Arabes feront pression pour les faire élire Présidents de la République.

Il y a eu ce cas en 1958, et Fouad Chehab est devenu Président parce qu’il n’avait pas accepté de faire intervenir l’armée pour défendre la légalité. Si le Premier ministre musulman Sami Solh n’avait pas agi en sens contraire au risque de sa vie, de son portefeuille et de son avenir politique, il n’y aurait plus de Liban.

L’injustice de ce monde a donné le pouvoir à l’homme qui avait prétendu que le Liban était en état de guerre civile. Et comme Fouad Chehab savait qu’il n’en était rien, il fit le nécessaire, une fois Président, pour renforcer les services secrets de façon tentaculaire.

Le général Michel Aoun, ayant refusé d’admettre que ce conflit était une guerre civile et dit qu’il “ne prenait pas parti”, fut écarté et exilé en 1990-1991, par la volonté internationale, alors que la majorité libanaise était avec lui.

Le général Kahwaji connaissait ces précédents, et il préférait, comme Fouad Chehab, ne pas trop résister aux puissances qui soutenaient l’ennemi. Quand Daech et Nosra occupèrent une partie du territoire libanais à Ersal, il envoya naturellement l’armée libanaise se battre contre eux. Elle fut victorieuse, mais eut beaucoup de martyrs, dont certains furent tués avec l’approbation du maire d’Ersal (photo).

Mais l’échéance présidentielle approchait. Tout changea donc à Ersal quand Kahwaji rencontra Hariri, qui revenait d’Arabie Saoudite, pays dont il est citoyen. Après cette rencontre, Kahwaji ordonna à l’armée d’arrêter les opérations alors qu’elle était victorieuse. Puis il lui ordonna de laisser les djihadistes partir. Et dans sa précipitation, il omit d’exiger la libération des otages libanais que détenaient les djihadistes de Daech et Nosra. C’est à ce sujet que je lui ai adressé ce message, qui scandalisa beaucoup de monde, parce que toute personne attachée au Liban défend l’armée libanaise, seule institution restée laïque, et servant tout le monde sans distinction de religion. En pleine guerre, ils ne concevaient donc pas que je puisse en critiquer le commandant en chef.


Je ne crois pas que mon post choque encore, cinq ans après. Car, quelques jours avant le départ des terroristes avec leurs otages, Daech et Nosra annoncèrent qu’elles égorgeraient les otages un à un, si le Liban ne libérait pas les terroristes islamistes détenus dans ses prisons.

Pour commencer, le soldat sunnite Ali Sayyed fut égorgé par Daech. Les djihadistes avait d’abord pris soin, comme ils firent plus tard avec les otages occidentaux, de lui extorquer un reniement filmé, de façon à le tuer aussi dans sa réputation. La vidéo de sa décapitation circula, et l’armée n’annonça pas sa mort, considérant qu’il était un déserteur passé à Daech. Ceci révolta le pays, qui considérait que Daech ne pouvait tuer un soldat libanais déserteur.

Des jeunes brûlèrent les drapeaux de Daech et Nosra, de façon quasi anonyme, et les firent circuler sur les réseaux sociaux. Mais le 30 août, le ministre de la justice, Achraf Rifi, un ami des djihadistes de Tripoli, et notamment de Omar Bakri Fustok, réclama pour eux la prison “et les peines les plus sévères”.

Personne n’osa réagir ou manifester, alors que tout le pays était électrifié. Deux personnes seulement réagirent, toutes deux sur les réseaux sociaux: Charbel Khalil et moi. Lui écrivit sur son compte Twitter: “Bon, ce drapeau, on ne peut pas le brûler, mais est-ce qu’on peut se torcher avec?” Et moi, je me fis photographier brûlant ce drapeau et je mis ma photo sur les réseaux sociaux.

Lina Murr Nehmé, le 17 août 2018

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Benoît Hamon et Wadih al-Asmar

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En juin 2018, Wadih al Asmar est devenu le président d’EuroMed-Droits, qui rassemble plus de 80 organisations de droits de l’homme des deux côtés de la Méditerranée. Quelques jours plus tard, il est ingénieur informaticien en chef de Malomatia Qatar, et il réside au Qatar. Il traîne le Liban dans la boue, mais il ne critique pas le Qatar.

Cela veut dire qu’à ses yeux, le Qatar respecte les droits de l’homme quand il coupe les têtes, fouette les homosexuels et les musulmans qui ont bu une goutte de vin, condamne les apostats à mort, emprisonne à vie les poètes qui ont osé critiquer le régime, fouette les gens qui ont eu des relations sexuelles extra maritales, et interdit aux chrétiens de sonner les cloches, d’avoir des croix, des images saintes ou tout autre signe chrétien à l’extérieur de leur église.

Eglise catholique Sainte-Marie de Doha: tout ce qui peut faire penser à une église (clocher, croix, icônes, statues de saints) est interdit: la charia règne au Qatar. Photo Wikipedia

Le Liban en revanche, ne respecte pas les droits de l’homme aux yeux de Wadih el Asmar, parce qu’il a un problème d’ordures, et parce que les gens de Byblos se sont plaints d’une soirée musicale.

Lina Murr Nehmé, 17 août 2018

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Un soulier d’enfant…

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Soulier d’enfant ramassé sur le lieu du mariage, à Kaboul, où un attentat-suicide a fait aujourd’hui plus de 63 morts et 182 blessés.

Daesh a fièrement revendiqué l’attentat, disant qu’elle avait “tué et blessé 400 rafidah mécréants et forces de l’ordre afghanes apostates”. Daech désigne sous le nom de “rafidah”, les “hérétiques” comme les chiites, les ibadites et autres, dont il a décrété l’extermination. Ici, il s’agit de chiites.

Lina Murr Nehmé​, le 18 août 2018

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Les questions des années 1982

Dans les années 1982, un médecin m’a dit qu’à Strasbourg, on faisait des expériences pour s’assurer que le sperme de l’homme était fertile avant de procéder à une fécondation in vitro. On fécondait des guenons avec du sperme humain.

Au début des années 1980, un médecin m’a dit qu’à Strasbourg, on faisait des expériences pour s’assurer que le sperme de l’homme était fertile avant de procéder à une fécondation in vitro. On fécondait des guenons avec du sperme humain.

Je me suis toujours posé la question de ce qu’il advenait de ces ovules de guenon fécondés avec du sperme humain — puisque, visiblement, ils existaient. Je pense qu’on devait les tuer, car on n’en a jamais entendu parler. C’est encore un côté Frankenstein et horrible de la science moderne.

Les années suivantes, on nous a dit que le sida venait des relations sexuelles de l’homme avec le singe, en Afrique. Visiblement, cela ne se faisait pas dans des éprouvettes.

Maintenant, on évoque toujours le singe et l’Afrique, mais non les relations sexuelles. Je suppose qu’un jour, je saurai toutes les réponses à ces questions que j’éludais à cette époque par pudeur, et que je pose pour la première fois.

Lina Murr Nehmé, 5 août 2019


La bataille de Belgrade, 6 août 1456

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Siège de Belgrade d’après une miniature ottomane

Le sultan ottoman Mahomet II vainquit Constantinople en 1453, et avança ensuite en Europe avec une vitesse foudroyante. Il croyait pouvoir prendre Rome et, pour encourager ses soldats qu’il envoyait par centaines de milliers à l’assaut des villes d’Europe Centrale, il leur faisait crier: “Roma! Roma!”

Ci-dessous, extrait de mon livre “1453: Mahomet II impose le schisme orthodoxe”, qui raconte la bataille de Belgrade, dont on commémore la victoire, le 6 août:

“En juillet 1456, il [Mahomet II] commença à assiéger et pilonner Belgrade. Mais Hunyadi, un vieillard de près de 70 ans, avait prévu cette guerre et constitué une flotte avec 40 petits bateaux et un grand. C’était dérisoire, face aux centaines de galères turques dont des dizaines étaient très grandes, et qui, reliées l’une à l’autre par une chaîne, formaient un rempart fluvial autour de Belgrade. Le 14 juillet à l’aube, pourtant, Hunyadi attaqua la flotte turque et la vainquit. 

Siège de Belgrade

Dans le combat au corps à corps qui suivit, les chrétiens tuèrent 500 Turcs, brisèrent la chaîne et entrèrent dans Belgrade, où ils s’enfermèrent.
Les soldats de l’armée de Mahomet furent démoralisés d’avoir été vaincus par une troupe si petite, et armée de façon si ridicule. Mais un discours du sultan les encouragea, et les bombardements reprirent, féroces. Trois larges brèches s’étant ouvertes dans les murs de Belgrade, ils foncèrent et entrèrent, le 22 juillet, en criant “La Ilaha IllAllah !”, dans la ville qui semblait vide de ses habitants.
Les janissaires commencèrent à pénétrer par milliers dans les maisons pour la traditionnelle curée.  Mais soudain, une trompette sonna.  Des centaines de chrétiens en armes les attaquèrent et les combattirent au corps à corps. Les chrétiens eurent 60 morts, et la plupart des Turcs moururent : “D’innombrables guerriers turcs, écrit Saadeddine, goûtèrent le miel pur de la mort des martyrs et furent pris alors dans les bras des houris du paradis”.

Weapons and Warfare

Mais ils n’avaient pas vu le pire… Le 6 août, 100 000 Turcs virent 8 000 de ces pèlerins [guidés par Jean de Capistran] émaciés par les jeûnes et les mortifications, mal vêtus, et presque désarmés, fondre sur leur camp et s’emparer de la plupart de leurs canons. Ils furent tellement terrifiés par leur audace qu’ils les laissèrent faire, et que les janissaires eux-mêmes refusèrent de se battre. En vain le sultan cria et tempêta. Il finit par tuer sa garde de sa propre main.
Après cette cuisante défaite, il quitta Belgrade la tête basse.
Hunyadi et Capistran moururent quelques jours plus tard. Leurs succès, là où cela paraissait impossible, relevèrent tellement le moral européen que le pape Callixte III décida que le 6 août, date de la victoire de Belgrade, on célébrerait désormais la Transfiguration — et c’est encore le cas aujourd’hui.”


Lina Murr Nehmé, 6 août 2019
extrait de “1453: Mahomet II impose le schisme orthodoxe”. (Epuisé, réédition prochaine)

Lina Murr Nehmé
1453: Mahomet II impose le schisme orthodoxe”, publié à Beyrouth en 2001, réédité par F.X. de Guibert en 2003, et en 2006. Egalement publié en arabe et en anglais, il sera bientôt réédité.
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Qui critique Greta?

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J’ai récemment écrit, répondant à Greta Thunberg, que la guerre était un bien plus grand facteur de pollution que les machines civiles. Comme j’ai eu le malheur de mentionner son autisme, on s’est focalisé sur cela pour oublier le reste de ce que je dis, et pour me reprocher de “critiquer Greta Thunberg”.

Ce n’est pas la critiquer que de critiquer ce qu’elle dit. Si son infirmité n’affecte pas ses capacités intellectuelles, elle a droit à ce qu’on la prenne au sérieux. Ce qui implique qu’on puisse critiquer ses paroles et ses idées, puisqu’elles prétendent influer sur les politiciens qui décident de notre sort.

Dans le débat démocratique, on donne des idées, elles sont reçues ou critiquées avec des arguments. Greta est libre de penser, libre de parler, et je respecte cela. Mais je ne respecte pas ceux qui l’exploitent.

Car il y a bien eu des gens qui ont introduit cette terreur dans la tête de Greta et l’ont exploitée. Vous trouvez humain qu’on terrorise une fille à ce point, puis qu’on lui vole sa jeunesse en la promenant de forum en parlement et de parlement en résidence présidentielle? Car n’en doutez pas, il y a exploitation, puisqu’il y a médiatisation à outrance (et donc argent versé). Et on n’est pas invité à faire des conférences devant ce genre d’assistances si on ne la sert pas politiquement…

Si la mère de Greta avait voulu le bien de sa fille, elle l’aurait envoyée à l’école. Elle lui en aurait rendu l’idée agréable. Imaginez que Greta soit votre fille. Qu’est-ce qui vaut mieux pour elle? Aller à l’école? Ou aller se faire flatter par les politiciens et les gens de la finance, soit le milieu le plus corrompu qui soit?

Une fois finies toutes ces conférences, une fois qu’on aura fini d’exploiter Greta et qu’elle ne servira plus, que fera-t-on d’elle, après l’avoir habituée à ces idées de grandeur? Ce sera une nouvelle dépression nerveuse: demandez aux anciennes vedettes, ce qu’elles ressentent quand les chefs d’Etat, le public et les journalistes ne sont plus là pour les adulter.

L’idéal pour Greta serait alors de retourner à l’école. Mais après un si long arrêt passé à assener des leçons aux grands de ce monde, supportera-t-elle d’apprendre?

On m’a répondu que Greta n’aurait pas fait ce qu’elle a fait si elle ne l’a pas voulu, car on ne peut pas pousser un autiste à faire ce qu’il ne veut pas. Une mère aimant Greta n’en aurait pas profité pour lui ouvrir son carnet de relations publiques, relations qui l’utilisent pour servir des fins pas toujours louables. Sa mère lui a fourni les moyens de perdre son adolescence en voyages transatlantiques et en conférences devant des VIP, au lieu d’aller à l’école.

Ne croyez pas que si un autiste tient à faire ce qu’il veut, on ne peut pas l’influencer. Il y a mille manière de présenter les choses à quelqu’un de manière à l’obliger à penser comme on veut qu’il pense — et en lui cachant le reste. C’est ce que font nos gouvernements et leurs médias. Et vous voulez qu’une fille seule, victime d’une dépression nerveuse, ne puisse pas être influencée par la manière dont on lui présente les choses, et qu’elle se sorte de sa dépression toute seule par le miracle d’avoir décidé de parler à tout le monde du climat?

J’imagine très bien les terreurs nocturnes de cette enfant qui imagine la banquise fondant, et les océans la noyant et noyant l’humanité. Les adultes sont très forts à inculquer ce genre de terreurs en faisant une seule description. Chacun de nous n’a qu’à se rappeler ce qu’il ressentait, enfant, quand on lui parlait de cataclysmes ou de guerres.

Aucun enfant n’a la science infuse des histoires de réchauffement climatique, de pollution, d’océans, etc. Et si Greta l’avait eue, elle aurait su que la plus grande source de pollution, aujourd’hui, est la guerre.

Non pas la guerre à venir, mais la guerre récente, la guerre présente. On voit à l’école, à la télévision, dans les encyclopédies les images de guerre, le feu des avions bombardiers et des bombes à Hiroshima, Nagazaki, au Vietnam, des bombardements en Irak, toutes ces guerres, et ces avions bombardiers qui, non seulement brûlent de l’essence comme l’aviation civile que condamne Greta, mais produisent des explosions, des incendies.

Elle aurait acquis toute seule toute cette science en matière d’écologie, mais n’aurait pas remarqué qu’une bombe pollue plus qu’un grand nombre d’aérosols?

Greta peut avoir ses idées personnelles, elle peut y tenir, elle semble y croire en tout cas. Bien lui en fasse, si cela l’a sorti de sa dépression. Mais en quoi cela nous regarde-t-il, nous? Pourquoi nous imposer cela par le biais de nos politiciens?

Et encore une fois, je parle indépendamment de son handicap: je dirais cela de n’importe quelle personne menant une action politique ayant une telle envergure, avec la complicité, l’aide des politiciens. Ce n’est pas Greta qui est le problème. Elle ne serait rien si on ne lui avait ouvert les salles où se fait la politique du monde. Ce n’est pas elle qui est à blâmer — elle n’a jamais été à blâmer: elle parlait, elle était libre de parler. Ce sont ceux qui l’ont mise sur un podium qu’il faut blâmer.

Ensuite, n’est-il pas criminel d’avoir mis dans la tête de cette fille ces terreurs, au point qu’elle vive dans cette hantise que dans des années, les océans envahiront la terre et l’engloutiront? Est-ce humain? Et est-ce logique?

D’abord, l’Europe n’est pas seule au monde. Si elle subit des changements climatiques dans le sens du discours de Greta, dans d’autres pays, c’est le contraire. Au Liban, tout petit pays situé au nord d’Israël, et où la chaleur est censée s’installer dès le printemps, il y a eu un hiver exceptionnellement froid, dont 20m de neige tombée au printemps, et qui n’a pas encore totalement fondu.

Liban (Ouyoun Simon), mai 2019


Au moins en deux fois et en deux régions différentes au Liban cette année, il a plu des grêlons gros comme un poing d’homme — et parfois davantage — qui ont causé de très gros dégâts aux arbres et aux automobiles. Vous parlez d’un réchauffement climatique !

Et si en Europe, il y a eu ces canicules cet été, au Liban, on avait dix degrés de moins. Quand on avait 32 ou 34 degrés, on disait: “Ouf! comme il fait chaud!” alors qu’à Paris, il faisait 45 degrés.

Est-ce que quelqu’un ne pourrait pas dire tout cela à Greta pour calmer ses peurs? Ce serait un acte de charité envers elle et envers les populations qui la regardent à la télévision, transies de terreur. Car tôt ou tard, il va bien falloir que les chefs d’Etat nous parlent de l’Etat islamique. Si seulement ils se réveillaient maintenant de leur torpeur, on pourrait éviter cette troisième guerre du Golfe qui donnerait à Daech les moyens de procéder à l’invasion mondiale de ses rêves.

Lina Murr Nehmé, 31 juillet 2019

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L’Etat islamique avance vers la Méditerranée

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Cette carte montre l’état des combats en Libye il y a six ou sept mois. L’Etat islamique a bien avancé depuis.

www.francesoir.fr/en-coop-matteo-puxton/en-libye-letat-islamique-profite-de-loffensive-du-marechal-haftar-sur-tripoli

La Libye, par mer, est plus proche de l’Europe que le nord de la France ne l’est de son sud. L’Etat islamique avance vers le nord, avec pour but de traverser la Méditerranée, de débarquer en Italie, de marcher sur Rome et de la prendre pour transformer la basilique Saint-Pierre en mosquée. C’est le rêve des califes depuis des siècles, car un hadith de Mahomet annonce que les musulmans prendront Rome et Constantinople. Interrogé, il avait dit qu’ils prendraient d’abord Constantinople. Daech l’a souvent annoncé dans sa propagande, dans laquelle il a également dit qu’il prendrait Paris et Londres.

Théoriquement, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le rêve de Daesh de revenir au Moyen-Orient et de déborder sur le continent européen ne peut se réaliser qui si les minorités armées qui résistent aux islamistes sunnites au Moyen-Orient, sont brisées: les Kurdes, les alaouites, les chiites.

Dans l’état actuel des choses, Daech ne peut pas revenir, car les armées iranienne, syrienne, kurde, irakienne, avec le Hezbollah, s’y opposeraient. Ici, il ne faut pas compter avec l’armée libanaise, car par principe, le Liban est le seul pays de la région qui ne fait pas de guerre offensive: il ne combat pas à l’extérieur de ses frontières, il se bat de l’intérieur, s’il est attaqué. Quant à la Turquie, son comportement dépendrait de la situation.

Les Américains semblent décidés à provoquer une guerre. Et, étrangement, cela se passe à la même période de l’année que la Première Guerre mondiale, et que la Guerre du Golfe en 1990. Durant le mois de juillet, chacun prend ses positions, il y a des escarmouches, les buts réels ne sont pas ceux proclamés. Et la guerre éclate en août.

Mais cette guerre est une folie, plus que toutes celles qui l’ont précédées. Le prétexte est, depuis des années, l’uranium enrichi qui pourrait permettre à l’Iran d’avoir la bombe atomique, alors que l’Iran ne parvient pas à amasser l’uranium à un rythme suffisamment important pour pouvoir avoir des armes nucléaires avant très longtemps. C’est pourquoi les Américains, il y a quelques années, ont abandonné leurs projets de guerre contre l’Iran.

L’hypocrisie a consisté, en même temps, à autoriser l’Arabie Saoudite à avoir son programme nucléaire, et à l’aider à le réaliser. Il est de très loin plus avancé que celui de l’Iran. En 2009, les Etats-Unis auraient autorisé l’Arabie Saoudite à avoir, non seulement un programme nucléaire à but civil, mais aussi un programme nucléaire militaire: des têtes nucléaires, et des sites de production de missiles balistiques.

Eliminer l’Iran, seul obstacle capable de résister à l’Arabie Saoudite et aux autres régimes islamistes sunnites du Golfe, affaiblira irrémédiablement les chiites irakiens, qui ont le pouvoir en Irak. Cela impliquera, pour les sunnites irakiens, la possibilité de reconstituer la force de Daech.

L’armée de Daech n’était pas vraiment islamiste. Car avant 2001, la milice islamiste de Zarqawi avait de modestes proportions, et Ben Laden la dédaignait, malgré les 200.000 dollars qu’il avait payés pour lui offrir un camp d’entraînement à Hérat, en Afghanistan.

Mais les Américains, pour briser Saddam et justifier une guerre, ont fait de Zarqawi l’ennemi numéro Un, prétendant qu’il représentait Ben Laden. Alors celui-ci a cessé de le dédaigner. Il l’a autorisé à appeler sa milice al-Qaïda en Irak, et à dater de ce moment, c’est au nom d’al-Qaïda que Zarqawi s’est mis à recruter. Ceci, sachant que Saddam avait fait le nécessaire, jusque-là, pour qu’al-Qaïda n’existe pas en Irak. Ben Laden lui avait proposé une coopération, et il avait refusé.

Caricature gouvernementale datant du temps de Saddam Hussein. Le gouvernement irakien — et le parti Baas irakien — combattaient alors al-Qaïda. Elle montre Zarqawi dans une cage tenue par le gouvernement, avec, écrit: “Ton futur, ô Zarqawi”.

Quand les Américains, en 2003, ont vaincu Saddam, ils ont dissous l’armée irakienne et interdit le parti Baas. 300.000 soldats ont été jetés à la rue, sans recevoir leurs salaires, sans compensation, sans pension, amers et ayant des familles à nourrir. Al-Qaïda en Irak a profité de leur misère pour recruter des soldats professionnels, aguerris, et des officiers supérieurs de haute qualité militaire.

Manifestations quotidiennes de soldats irakiens, demandant du travail ou leur salaire, après leur renvoi par les Américains sans compensation.

Quand Zarqawi mourut, en 2006, Baghdadi prit sa place et força les milices sunnites du pays à s’allier à lui. L’organisation fut appelée Etat-Islamique-Irak, et plus tard, Etat Islamique en Irak et au Levant (Daech).

Les soldats, les officiers de Daech ont été vaincus, mais les 300.000 militaires licenciés en 2003 ne sont pas tous morts. La plupart d’entre eux vivent encore; et les morts ont des frères ou des enfants qui souffrent, se sentent opprimés, et ne songent qu’à la vengeance, après tout ce que ce pays a souffert depuis 1990. Ils pourraient flamber s’ils sentaient les chiites imposés par les Américains, soudain en position de faiblesse.

Car les massacres de chiites opérés par Zarqawi, sa propagande islamiste contre eux, la souffrance causée par la guerre de 1990, puis par le blocus des années suivantes, puis l’invasion américaine en 2003, l’alliance des Américains avec les chiites contre les sunnites, ont divisé le peuple irakien, que la laïcité avait uni autrefois. Daech faisait sauter les mosquées chiites avec les fidèles chiites dedans, tuant parfois jusqu’à 25 d’entre eux à la fois. Il tuait jusqu’à 1300 chiites à la fois. Il est vrai qu’en une seule journée, il lui est aussi arrivé de tuer 2000 sunnites dont certains avaient 15 ans, parce qu’ils n’avaient pas combattu l’Etat syrien.

Connaissant les tragédies des deux guerres américaines du Golfe et l’amertume qu’ont les militaires sunnites irakiens et leurs familles contre les chiites, on peut savoir que la chute ou l’affaiblissement de l’Iran, qui amènera l’affaiblissement des chiites irakiens, fortifiera immanquablement les régimes islamistes sunnites de là-bas — l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats, etc. — en brisant leur ennemi héréditaire. Et permettra avec leur aide, aux islamistes sunnites en Irak, de prendre leur revanche sur les chiites. Ici, on peut se demander si les baassistes de Saddam s’allieront avec al-Qaïda/Daesh comme avant, ou s’ils se combattront. Cela dépendra du rapport des forces sur le terrain. Car al-Qaïda/Daesh, après avoir combattu le Baas, est devenu l’allié objectif du vieux parti de Saddam, en recrutant ses chômeurs et en leur permettant d’assouvir leur vengeance contre les Américains. Ce sont les cadres de l’armée irakienne qui ont aidé Zarqawi à acquérir sa puissance militaire, et cela s’est poursuivi sous Baghdadi, quand l’organisation est devenue Daech, puis l’Etat islamique.

Si l’Iran est brisé, les chiites au pouvoir en Irak seront affaiblis, et les sunnites irakiens fortifiés. Daech a ses régions amies en Irak, ses cellules dormantes sur place, il a de l’argent pillé en Afrique et en Asie, et il recrutera des chômeurs mourant de faim, comme il l’a fait quand les Américains ont licencié les 300.000 soldats et officiers de l’armée irakienne. La plupart d’entre eux caressent ce rêve. Ils ont faim. Il veulent nourrir leurs enfants. Ce sera pour eux une aubaine: de l’argent et des armes, et la possibilité de renverser la situation en leur faveur.

Pendant son exil du Moyen-Orient, Daech a gagné beaucoup de positions en Afrique et en Asie. Son but est de venir d’Orient en Occident et d’Afrique en Europe, prenant les villes en tenailles: cette conquête-là serait plus facile que l’autre. Car si les Américains brisent leurs ennemis chiites, les laissant seuls sur la scène, comme ils ont fait quand ils ont brisé leur ennemi Saddam en 2003, Daech aura trois points forts à la fois: l’Extrême-Orient, l’Afrique et l’Irak, ainsi qu’une partie de la Syrie.

Alors Daech aura des chances, s’il vient d’Orient et d’Afrique, de prendre certaines armées en tenailles, tenant compte des très nombreuses cellules dormantes qu’il possède, et de la facilité qu’il y a à recruter une armée, très vite, rien qu’avec de l’argent. C’est ce qu’avait fait Daech autrefois en Syrie, pour former al-Nosra (al-Qaïda au Levant).

Cette fois, et étant donné la force de Daech en Afrique, et les terres immenses qu’il s’est procuré directement ou par vassaux interposés (comme Boko Haram par exemple), le scénario annoncé dans la vidéo du martyre des chrétiens coptes, pourrait matériellement se réaliser si Daech devenait maître de la côte libyenne, et surtout s’il s’agrandissait aux dépens des pays voisins de la Libye — sachant qu’il se trouve déjà au Sinaï, en Egypte, et qu’il a déjà frappé en Tunisie.

Car en envahissant un pays, il s’approprie ses ressources militaires et sa flotte. Jusqu’à présent, il n’avait pas réussi à prendre un pays tout entier, avec ses ports et ses aéroports. Mais les victoires en Afrique pourraient rendre cela possible. Je ne pousse pas plus loin le scénario de ce qui pourrait arriver au Levant, c’est trop effrayant.

Je ne sais pas si les Français réalisent qu’une fois que les Daesh seraient maîtres de la côte libyenne, il leur suffirait d’un jour de bateau pour arriver en Italie continentale. Et à partir de là, vous le savez, il y a de très bonnes routes jusqu’à Paris.

C’est d’ailleurs comme ça que les migrants africains, ces migrants de Calais et de Stalingrad, sont arrivés en France. Certes, l’armée italienne se dresserait face à eux. Il y aurait des batailles. Mais le sud du pays est très souvent plein de touristes, et les civils sont un point faible en cas de guerre.

Et pendant que Daech avance lentement mais sûrement, en direction de la mer Méditerranée, les Américains sont assez fous pour déclencher une guerre contre l’Iran.

Lina Murr Nehmé​, 31 juillet 2019

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