Hier, Ursula Van der Leyen est venue informer les Libanais qu’elle donnerait un milliard d’euros sur quatre ans, pour que les migrants syriens soient empêchés d’aller en Europe. Ceci, sachant qu’en même temps, tout est fait par elle et les puissances occidentales, pour empêcher ces migrants de rentrer en Syrie.
Les migrants syriens coûtent au Liban 4,5 milliards par an, mais Najib Mikati, ex-Premier ministre dont le mandat est expiré en octobre 2022 – et qui donc, exerce le pouvoir de façon illégale – s’est aplati devant Ursula en disant : « Oui, Führer. Le Syrien qui voudra partir partira, et celui qui devra rester au Liban restera. »
Voilà le dernier coup de boutoir donné au Liban par les nations amies. En quelques décennies, elles ont détruit cette nation qui avait résisté 1400 ans à l’arabisme, au turquisme, à l’islamisme. Elles ont tout fait pour qu’elle perde son identité, soutenant la spoliation des chrétiens de leur pouvoir politique, soutenant les hommes de paille imposés par l’ennemi, et qui modifiaient la démographie libanaise par des naturalisations illégales, jusqu’à ce qu’il soit possible d’appeler le Liban « pays arabe » et « pays musulman ». Pour la première fois de l’histoire.
Maintenant vient la condamnation ultime qui consiste à imposer au Liban comme citoyens, 2,2 millions de migrants syriens musulmans sunnites et plus de 400.000 réfugiés palestiniens également sunnites, alors que les Libanais résidant sur le territoire sont 4 millions. Les autres, vous l’avez deviné, ont été chassés. Vous les voyez à Paris, à Londres, aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine, en Afrique, dans les pays du Golfe, bref, partout ailleurs que dans leur pays.
Donc, voici un milliard d’euros pour changer à jamais la démographie libanaise et briser toute possibilité de redresser ce pays économiquement.
Un milliard ? Mais vous vous moquez de nous ! Selon la Banque Mondiale, la présence des Syriens coûte au Liban 4,5 milliards de dollars par an, dont un milliard directement, et 3,5 milliards indirectement. Si l’on fait le calcul, cela fait 63 milliards de dollars depuis 2011.
Étant donné que la dette publique libanaise s’élevait à 102,7 milliards de dollars fin septembre 2022, il est facile de comprendre pourquoi le Liban s’est trouvé en défaut de paiement et pourquoi son économie s’est effondrée comme celle du Venezuela. Chargez l’âne toujours plus, faites-lui porter quatre fois son poids, frappez-le, tirez à hue et à dia autant que vous le voudrez, il finira bien par mourir.
Quand le Cèdre s’écroulera, sa chute entraînera avec elle l’ensemble de l’édifice mondial. Car les paix de Munich ont un défaut, c’est que leurs conséquences reviennent comme un boomerang frapper ceux qui les ont concoctées.
Le Liban n’est pas tombé par faiblesse, mais par trahison. Sa chute progressive a apporté au monde l’islamisme de façon tout aussi progressive. La trahison, c’était le prix payé sous la table pour un pétrole bon marché, et pour chaque contrat mirifique d’armement. Mettez-vous à la place de ces puissances du pétrole qui, depuis 1400 ans, convoitent le Liban et n’ont pu le vaincre ni militairement, ni moralement, alors qu’elles l’ont toujours considéré comme le joyau du Moyen-Orient sinon du monde. Pourquoi se seraient-elles privées de conditionner leurs contrats d’armement à ces clauses secrètes qui leur ont procuré, concession après concession, la souveraineté de fait sur ce bout de terre toujours désiré et jamais obtenu ?
Le Liban est formé des restes combattants et résistants des nations détruites par les califats. Ensemble, ces restes formaient au Liban un barrage, un rempart, une tour de garde qui protégeait l’e monde l’Occident de l’islamisme, de ses armées et de son terrorisme. Le Liban recevait tous les coups en premier, et en absorbait l’essentiel. Et toujours, ce pays se relevait, même si une mauvaise information – ou une désinformation payée à prix d’or – donnait l’impression du contraire.
Le Liban a eu une longévité étonnante : il a résisté à des centaines de massacres, parfois de génocides, sans perdre son identité dans un océan d’islam, et sans cesser de recevoir les réfugiés par vagues, rendant le bien pour le mal aux citoyens des pays qui l’avaient combattu.
Le Liban peut absorber de vrais réfugiés, mais non des communautés qui, dans leurs pays d’origine, ont mené durant des décennies des guerres de djihad contre des minorités. Tel est le cas des réfugiés palestiniens et syriens qui se sont installés au Liban.
En Palestine, une guerre de djihad a été décrétée par le Grand Mufti depuis 1936. La guerre de 1947 était part de ce djihad, qui n’a jamais été révoqué, et que dirigeaient les sunnites palestiniens.
Quand ces derniers vinrent au Liban, ils ne tardèrent pas à reprendre le même genre de guerre, mais contre les chrétiens et contre les autorités libanaises. Même dans les années 1970, quand ils se disaient de gauche, ils utilisaient le cri du djihad – « Allahou Akbar ! » – quand ils combattaient les quartiers chrétiens ou l’armée libanaise.
Quant aux Syriens, ils vécurent, depuis 1963, dans un état permanent de guerre de djihad, menée par les islamistes sunnites sous la bannière des Frères Musulmans. Au plus fort de cette guerre, des centaines de personnes appartenant aux minorités, surtout alaouite, étaient assassinées, soit de façon individuelle, soit dans des attentats collectifs. Le régime baassiste répliqua par une énorme répression que la propagande des Frères Musulmans syriens utilisa par la suite dans ses appels à appliquer la charia et à exterminer les alaouites. Au début de la guerre syrienne, il y eut même sur al-Jazeera une émission positive sur ce sujet.
En 2011, lorsque la guerre éclata en Syrie, l’opposition n’était pas seulement islamiste : elle comprenait aussi d’importantes personnalités intellectuelles et laïques. Cependant, les djihadistes ne tardèrent pas à prendre les rênes, grâce à l’argent provenant du Golfe arabe et à la guerre de djihad qui faisait déjà rage en Syrie depuis des décennies, et ils se débarrassèrent des laïques. L’opposition syrienne devint alors islamiste, avec l’ASL, puis al-Nosra et Daesh comme porte-drapeaux.
Beaucoup de sunnites syriens sont patriotes et fidèles, mais ceux-là sont demeurés en Syrie. Ceux qui sont dans les camps de migrants au Liban appartiennent en majorité à l’opposition syrienne. Il existait en 2011 une opposition intellectuelle au régime en Syrie, mais grâce à l’argent du Golfe, les djihadistes ont rapidement pris le contrôle de la situation, écartant les intellectuels et les rendant inefficaces. L’opposition syrienne est aujourd’hui presque exclusivement islamiste, avec pour ténors al-Nosra (al-Qaïda) et Daesh, et dans une moindre mesure, l’ASL (Armée Syrienne Libre).
Ces organisations sont encore présentes sur le terrain. Elles commettent des attentats et recrutent. Et al-Qaïda et Daesh recrutent aussi au Liban, en offrant beaucoup d’argent aux plus pauvres. L’une d’elles – ou toute autre organisation djihadiste syrienne ou palestinienne disposant d’autant de prestige et d’argent – pourrait, le jour où elle recevrait l’argent et les armes, recruter une armée islamiste sunnite plus grande que l’armée libanaise, rien que dans les camps de migrants syriens. En effet, au moins 100 000 à 200 000 de ces migrants ont reçu un entraînement militaire en Syrie, soit en tant que conscrits, soit dans les organisations djihadistes. Et d’ailleurs, il est facile d’entraîner une nouvelle recrue, comme l’a prouvé la guerre syrienne.
Mais au lieu de regarder ce danger en face, la communauté internationale a simplement décrété la mort du Liban : les islamistes ne rentreront pas chez eux, et n’émigreront pas en Europe (alors que ce n’est pas le Liban qui a bombardé leur pays, mais les puissances occidentales). Et le Liban ne vend pas les migrants comme esclaves, comme il en a été en Libye.
Mais maintenant, apparemment, c’est fini. Comme disait l’Osservatore Romano au début de la guerre : « Si le Liban meurt, il mourra assassiné. »
Les conséquences en seront effrayantes. Car si l’islamisme frappe si fort l’Occident en s’engouffrant dans les brèches de la digue libanaise, que fera-t-il quand cette digue se rompra et que le flot se déchaînera dans toute sa vigueur ?
Gilad Erdan, ambassadeur israélien à l’ONU, annonce pour bientôt une guerre au Liban, disant que son pays veut appliquer la résolution 1701 du Conseil de Sécurité. Il oublie qu’Israël viole tous les jours l’espace aérien libanais.
J’ai appris l’ampleur du phénomène en 2011, quand j’ai passé une nuit au Liban-Sud parce que je devais faire une conférence matinale au contingent français de la FINUL. Il y a eu ce dialogue ubuesque entre un des employés de la FINUL et moi :
– Il peut y avoir du bruit. N’aie pas peur. Ce sera un avion israélien.
– Ils viennent souvent ?
– Une fois par jour, parfois deux.
– Et que fait la Finul ?
– Elle compte les avions.
Gentil.
* * *
Malgré ces violations quotidiennes de l’espace aérien libanais depuis 18 ans que la résolution 1701 existe, Gilad Erdan a déclaré, le 21 février 2024 :
« J’ai alerté le Conseil sur la situation à notre frontière nord. Pendant des années, nous avons appelé l’ONU à appliquer la résolution 1701 du Conseil de sécurité et à éliminer le Hezbollah, mais l’ONU s’est comportée comme une autruche et n’a rien fait. Le temps presse, et d’ici quelques semaines, Israël sera contraint de mettre en œuvre lui-même la résolution 1701. Nous ne tolérerons ni le terrorisme ni la menace contre nos citoyens. »
Gentil. Je suppose que pour lui, si les avions israéliens viennent tous les jours au Liban, c’est pour y faire du tourisme. Je reconnais que ce pays est beau et mérite d’être visité, même par les avions et leurs pilotes. Mais enfin, ces incursions quotidiennes constituent des violations prolongées et répétées de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité, depuis 18 ans que cette résolution a été adoptée.
Ces avions poussent parfois la promenade jusqu’à Beyrouth où, pour ne pas être canardés, ils brisent le mur du son et font voler nos vitres en éclats.
Un jour, c’est arrivé pendant que je donnais un cours à l’Université. Le bâtiment était un ancien asile de vieillards construit dans l’entre-deux guerres, avec une hauteur sous plafond de 4m., à l’ancienne. Ma salle ne recevant pas assez de lumière par la fenêtre donnant sur le couloir, elle avait été dotée de vitres au sommet du mur qui donnait sur la salle voisine – laquelle était très ensoleillée. J’enseignais debout au-dessous de ces vitres, quand a eu lieu la déflagration. Heureusement, j’ai eu le réflexe de me pousser rapidement, évitant de justesse les grands éclats de verre tombés du haut du mur. C’était la panique chez les étudiants : ils croyaient à des bombardements. Je leur ai interdit de sortir, je les ai calmés et envoyés au fond de la salle, et je me suis moi-même éloignée du mur où des éclats restaient encore accrochés au bâti et pouvaient tomber. Et nous avons continué le cours.
Que pense M. Erdan de ces violations quotidiennes de l’espace aérien libanais alors que l’armée libanaise n’a jamais violé la résolution 1701 de l’ONU, et que durant les premières années suivant son adoption, le Hezbollah ne la violait pas non plus ?
* * *
Les vitres brisées, ce sont des broutilles quand on pense aux destructions de 2006 : des centaines de ponts et de routes, la centrale électrique de Jiyeh bombardée – elle était remplie de mazout qui s’est écoulé dans la Méditerranée et y a formé une marée noire, tuant les animaux, ruinant le gagne-pain des pêcheurs et abîmant les rivages libanais.
Certes, les immeubles des régions chiites ont été reconstruits avec l’argent de l’Iran ; d’autres donateurs ont financé d’autres chantiers. Mais la grosse facture, celle de la réparation des ponts, des routes, des pistes et installations d’aéroport bombardés, des installations électriques, des canalisations d’eau et d’égouts détruites, c’est l’État libanais au bord de la faillite qui l’a payée, alors qu’il était privé des revenus d’une saison touristique perdue. L’argent que lui ont coûté ces réparations n’a jamais été compensé par Israël, et il se l’est procuré en demandant de l’argent à M. Riad Salamé, qui l’obtenait en se livrant à son lamentable schéma de Ponzi. La guerre de 2006 ne fut pas le seul des malheurs qui ont abouti au défaut de paiement de 2020, mais ce fut un des principaux.
L’économie libanaise aussi ne s’est pas rétablie de la perte de son gagne-pain cette année-là. Le pays vit en effet du tourisme : hôtels, restaurateurs, marchands, etc. La saison touristique perdue a frappé tout ce monde. Et bien des PME libanaises qui s’étaient endettées pour acheter des machines et fonder des fermes modèles, des imprimeries ultra modernes, etc., ont fait faillite parce qu’elles n’ont pas eu de commandes durant les 33 jours de cette guerre, tout en devant payer le service de la dette et les salaires des employés. Et d’innombrables transporteurs et chauffeurs de taxi pauvres ont perdu leurs camions ou voitures. Certes, les Israéliens frappaient un petit coup sur la route avant de bombarder. Averti, le conducteur avait le temps de sauter… avant de voir son engin exploser avec sa cargaison.
Tout en disant ne pas en avoir contre le peuple libanais, Israël n’a jamais songé à dédommager ceux qu’il a lésés au Liban. Il ne doit donc pas s’étonner de l’hostilité qu’il suscite. Il envoie des bombes et détruit des maisons, tue des civils ; et les organisations qu’il combat, reçoivent de l’argent étranger et procurent aux pauvres des aides sociales, des aumônes, des écoles et des services médicaux gratuits.
Si Israël ne met pas en œuvre une sorte de plan Marshall à Gaza comme ont fait les Américains en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, il n’y aura pas d’issue possible à ce conflit, et l’endoctrinement continuera à être dispensé par la même voie que les aumônes, les soins de santé et le système scolaire régis par le Hamas et l’Autorité palestinienne, tandis que des tunnels souterrains de plus en plus profonds et impossibles à déceler, seront construits.
Certes, le coût de la reconstruction sera astronomique. Mais la paix, les vies humaines, l’existence d’une nation ont une valeur bien plus grande. L’argent qui était collecté pour la guerre peut être collecté pour la paix. Et la paix est encore possible : beaucoup de Palestiniens détestent le Hamas et l’Autorité palestinienne qui leur ont été imposés, longtemps avant qu’il y ait des élections. S’ils cessaient de leur devoir les services médicaux, les aumônes et la réparation des dégâts etc., ils les quitteraient, car ils ont fait leur malheur.
Aucun pays ne peut vivre en état de guerre perpétuelle. Si les Israéliens ne font pas tout leur possible pour arranger la situation entre eux et les Palestiniens de façon à contrer la propagande, et à faire revivre l’amitié et la coopération qui, avant la partition, existaient entre les juifs et la plupart des Palestiniens, je leur garantis qu’aucun barrage, aucun mur ne pourra endiguer le flot de haine qui s’apprête, au moment où j’écris, à se déverser sur eux par le biais de djihadistes armés venus du monde entier, et qui n’ont qu’une chose en tête : les tuer tous et supprimer leur pays de la carte.
En cette fête de l’indépendance, je regarde la photo d’une fille qui était belle avant de se mutiler en faisant exploser son corps pour tuer des civils ennemis. Je songe à ce qui reste des corps de jeunes gens qui se sont décapités eux-mêmes dans un but similaire, et j’ai le cœur serré.
Je regrette qu’ils n’aient pas compris la vérité.
J’ai toujours pensé que la divinité qui aurait créé l’homme, ne pouvait pas ordonner la haine et le meurtre, puisque cela détruisait son œuvre. C’est pour cela, me disais-je, que le Dieu de la Bible a dit : « Tu ne tueras pas. »
Le meurtre est un crime, il n’est pas un martyre.
En voyant tous ces peuples se venger de façon plus ou moins terrible, je pense que personne n’a souffert autant que nous autres, Libanais, et souffert, surtout, parce que notre souffrance n’était pas prise en compte, et pas même racontée. On a fait de nous des bourreaux de nos bourreaux. Il n’y a pas plus horrible que de passer pour un bourreau quand on est une victime.
Malgré tout cela, nous n’avons jamais utilisé le terrorisme contre qui que ce soit. Malgré tous les malheurs qui ont frappé le Liban au cours des âges, il n’est jamais devenu violent. Il n’a jamais agressé personne. Au contraire, il a toujours eu pitié de ses ennemis, venant à leur secours quand ils souffrent.
L’armée libanaise préfère même risquer la vie de ses membres plutôt que de tuer des civils ennemis. Elle ne se contente pas de leur donner des avertissements avant les bombardements : elle assure le transport de chacun d’eux, et ne commence la bataille que lorsqu’ils ont tous été évacués.
Et ce travail humanitaire lui coûte du sang. À Nahr al-Bared, par exemple, elle a mis une semaine à évacuer les civils ennemis. Beaucoup de soldats ont été blessés et deux d’entre eux tués en sauvant les civils de l’ennemi qui venait d’égorger et d’éborgner 20 de leurs compagnons dans leur sommeil.
Vive l’armée libanaise,
Vive le Liban.
Vive les valeurs du Liban, de son armée et de son peuple.
Avec l’espérance de la résurrection du pays dont la noblesse, la magnanimité et la moralité ne meurent jamais. Et surtout, Liban, ne change pas de symbole, ne change pas de drapeau, et ne change pas d’hymne national.
Dernière minute: Samir Khatib présente sa candidature au poste de Premier ministre, malgré tous les scandales associés à son nom!
Ingénieur et entrepreneur, Samir Khatib a conseillé les premiers ministres Rafic Hariri, Fouad Siniora et Saad Hariri. Il a fait avec eux plusieurs arrangements de gré à gré pour des marchés publics qui auraient dû être accordés suite à des appels d’offres. Le cas le plus connu est celui sur la fibre optique.
Ces petites combines s’appellent “arrangements entre amis” ou si vous voulez, “corruption”. Samir Khatib a présenté sa candidature au poste de premier ministre, étant soutenu, à l’étranger, par l’Arabie saoudite (c’est-à-dire aussi par les Etats-Unis), et localement, par tous les compères corrompus avec lesquels il a fait des affaires. Sauf qu’Hariri annonce qu’il ne publiera son choix que durant les consultations parlementaires. Visiblement, pour obtenir des avantages.
Samir Khatib au pouvoir, c’est comme si on y ramenait Fouad Siniora. On les voit sur la photo ci-dessous, à l’occasion d’une cérémonie qu’il a offerte en l’honneur de ce dernier. Il le lui doit bien, avec tout l’argent public qu’il lui a fait gagner illégalement !
On peut gager que si Samir Khatib est élu, il protègera tous les corrompus qui l’ont favorisé. Mais bien sûr, la corruption va continuer, tant que l’Arabie et les grandes puissances seront celles qui décident de l’identité d’un candidat!
Je crois pourtant qu’il ne fera pas long feu, car les printemps arabes n’ont pas pour but le salut et la fin de la corruption, mais le chaos qui favorise une corruption plus grave encore.
Joumblatt a qualifié de “racisme” le renvoi des réfugiés syriens dans leur pays, où la majorité du territoire ne connaissait plus la guerre. Pourtant, il s’agit d’une question existentielle, puisque ces réfugiés sont pour beaucoup dans la crise actuelle. Acceptant de bas salaires, ils ont pris beaucoup d’emplois qu’occupaient des Libanais qui se sont retrouvés au chômage. Ils ont leurs besoins en eau, en électricité, dont ils tirent plus de 40 % de façon illégale. Une partie du rationnement en électricité est due à cela. Plus de 200.000 enfants sont scolarisés dans les écoles gouvernementales libanaises, qui, nécessairement, n’avaient pas autant de places de libres.
Grâce aux ONG, les enfants syriens ont la priorité, et beaucoup d’enfants libanais, n’étant pas ainsi soutenus, ne trouvent plus de place à l’école. Sans compter le danger potentiel que représente l’existence, au Liban, de plus de 200.000 réservistes syriens qui pourraient être armés et se battre. Les amateurs de djihadistes levantins ne manquent pas. Or les ONG paient aux Syriens de l’argent s’ils sont au Liban, mais non s’ils rentrent chez eux. Cela les fixe au Liban.
C’est notamment en juin 2018, quand le gouvernement libanais étudiait les moyens de renvoyer ces réfugiés, que Joumblatt a parlé de “racisme”. Il y a eu un tollé au Parlement. Le ministre libanais de la Défense a publié ce fac-similé datant de 1989, d’une interview de Joumblatt disant au Figaro qu’il préférait la botte des Syriens à celle des maronites. C’est-à-dire l’occupation à la Présidence d’un chrétien maronite. Pourtant, le Président n’est maronite que parce que c’est la communauté la plus nombreuse au Liban, à condition de compter les Libanais qui exercent la liberté de déplacement que leur octroie la Constitution, en ne résident pas nécessairement au pays.
Que de trahisons anciennes ont été oubliées! Et comment expliquer que Joumblatt soit l’homme avec lequel les grandes puissances occidentales aiment le plus traiter? Nonobstant le fait que c’est le seul criminel de guerre qui, au Liban, ait commis un génocide (en 1983). Pour cela, il a accepté les ordres, l’argent et les armes fournis par la Syrie et l’Union Soviétique. Et il a introduit des armées syrienne et palestinienne dans la montagne pour massacrer ses compatriotes.
Qui est plus criminel? Joumblatt ou les chefs et les médias occidentaux qui le prennent au sérieux quoi qu’il fasse? Et qui ne signalent jamais au public qu’il est un criminel de guerre, un hors-la-loi qui échappe à la justice de son pays parce que l’Occident le soutient?
Pourquoi aiment-ils tant traiter avec lui? Probablement parce que, comme l’a raconté Yves Bonnet, ancien chef de la DGSI, Joumblatt se vend aux services secrets étrangers (et donc aussi à leurs politiciens). Il fait ce qu’ils veulent. Il est une courtisane de luxe, qui n’a même pas honte d’avouer qu’elle se vend, puisqu’il est si fort de la force procurée par les grandes puissances. (On trouvera des interviews de Joumblatt avec ses aveux concernant le fait que la Libye, la Syrie et l’Union Soviétique l’aient payé et armé, cités dans mes livres “Le Liban assassiné”, et “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”.)
A noter que Joumblatt s’est retourné quand les grandes puissances se sont retournées contre les Syriens. Il a même appelé à un génocide des druzes de Syrie, sous prétexte que ces derniers ne combattaient pas leur régime. C’est que, en Syrie, les minorités sont toutes opposées à al-Qaïda (Nosra) et à l’ASL, qui professe la même doctrine et use des mêmes méthodes. Obligatoirement, elles seront avec le régime contre ces terroristes. Contrairement aux puissances occidentales qui soutiennent Joumblatt et ses pairs, contre l’Etat libanais. Une histoire qui dure depuis des décennies.
L’Union Soviétique a changé, le régime syrien a changé, la Chine a changé, et l’Etat islamique est né. Mais l’amour des politiciens occidentaux pour Joumblatt demeure.
On ne se serait pas attendu à ce que Libération, journal fondé par J.P. Sartre, se mette à copier ce que disent les Américains. Le cycle des manifestations contre les taxes a été entamé par le Hezbollah, dont le public est très pauvre. Qu’on aime le Hezbollah ou non (et je suppose que c’est le cas de Libération), on ne peut pas dire que les manifestations se font contre l’Iran. Ni que ces manifestations sont d’une non-violence exemplaire. Quand on me dit qu’en Irak et au Chili, il y a des morts, je réponds: “Mais au Liban, il n’y en a pas eu parce que ceux qui étaient insultés ont donné l’ordre de ne pas répondre.”
En effet que feriez-vous si, ayant le sang chaud comme les Levantins, vous entendiez chanter en boucle un refrain totalement stupide, mais lancé dans le but de provoquer une guerre civile: “Héla héla héla héla ho, Gebran Bassil, le vagin de sa mère.” Ainsi de suite, des milliers de fois en un jour. Ou encore: “Mon pénis dans Gébran Bassil et dans son beau-père”. Sachant que Gebran Bassil est chef du plus grand parti du pays, même si à la vérité il a été désigné par son beau-père le général Aoun, mais qui a été critiqué par à peu près tout le monde pour ce choix. Contrairement à Bassil, Aoun est l’homme le plus populaire du pays, si l’on en croit les élections: son bloc est le plus gros de l’Assemblée nationale, et le seul grand parti qui ne soit pas confessionnel.
Ce n’est pas le cas des partis qui prétendent parler au nom des manifestants, et qui tiennent cour dans les tentes, offrant café et rafraîchissements, et recevant la presse. Aux élections, et malgré toute la publicité que leur avaient procurée les médias en 2015 à l’occasion de la crise des ordures, ils n’ont pu obtenir qu’une seule députée. Exploiter un mouvement de révolte populaire contre les impôts pour réclamer un renversement du pouvoir, est une tentative de coup d’Etat de la part d’un parti si peu populaire qu’il ne peut pas se faire élire. Car si des élections avaient lieu maintenant, elles produiraient, plus ou moins, les mêmes députés, ou du moins, les mêmes forces.
Les précédentes élections avaient été déclarées honnêtes par les observateurs envoyés par la communauté internationale. Dans le jeu démocratique, on attend son tour. En exigeant des élections immédiates pour renverser un parlement vieux de deux ans seulement, et alors que son renouvellement a lieu dans deux ans, les leaders du mouvement montrent qu’ils ne seraient pas élus s’ils ne profitaient du battage publicitaire en cours. Il est vrai qu’ils bénéficient d’une exposition médiatique inouïe depuis cinq semaines. Si l’on se souvient du battage médiatique positif dont a bénéficié le candidat Macron, et négatif subi par ses adversaires, on réalise combien l’exposition médiatique positive d’un cadidat, et négative de ses adversaires, fausse le résultat des élections. Ceci, sachant que pendant la campagne électorale française, un temps égal avait été donné dans les médias, à tous les candidats. Il pouvait y avoir de la tricherie, mais du moins, le temps de parole était comptabilité.
C’est le cas au Liban durant les campagnes électorales, mais ce n’est pas le cas maintenant. Durant des semaines, plusieurs chaînes de télévision ont couvert les manifestations 24h sur 24, sans vraiment donner à l’autre bord voix au chapitre. Les médias n’interrogent que les individus qui sont sur les places et non ceux qui sont restés chez eux. Quant aux politiciens, le chef de l’Etat a été extrêmement mal desservi, d’abord par un discours découpé de façon lamentable, ensuite, par une phrase malencontreuse qui a circulé partout, alors que les médias n’ont pas trouvé à redire aux “Héla héla héla héla ho, Gebran Bassil, le vagin de sa mère,” aux “mon pénis dans Gébran Bassil et dans son beau-père”, sans compter le reste. Une journaliste de télévision s’est même permis d’écrire sur les réseaux sociaux qu’elle sentait que ce refrain allait devenir l’hymne national!
Au Liban, ce sont des mots très, très gros qui peuvent aboutir au meurtre. Et, ainsi chantés par des foules, ils peuvent aboutir à la guerre civile. A laquelle se préparaient d’ailleurs les anciens seigneurs de guerre qui sentent déjà l’odeur du sang. C’est pourquoi de véritables barrages de guerre avaient été établis dans la région chrétienne, en prévision, probablement, de la riposte des très nombreux partisans du général Aoun (qui forment encore la majorité chrétienne, comme le prouvent les élections). Et donc, de la guerre civile qui aurait pu avoir lieu. Ce qui ne veut pas dire que les cœurs ne sont pas bouillants de colère, y compris ceux des personnes hostiles à Aoun, mais qui ont été empêchées pendant cinq semaines d’aller au travail. Et donc, qui n’ont pas été payées, ou qui ont été licenciées ou risquent de l’être parce qu’une entreprise qui a acheté des machines à crédit, ne peut payer un mois de salaires et de traites bancaires, si elle n’a rien produit, et n’a pas eu de rentrées.
Les chiites ne sont pas aussi patients que les chrétiens. D’où la demande de Nasrallah à ses miliciens d’évacuer les places, disant dans un demi-sourire que c’est pour qu’ils n’entendent pas les insultes adressées à lui, et qu’ils ne se sentent pas obligés de les venger. De fait, un groupe de chiites se réclamant de Berri et de Nasrallah est allé se venger des insultes que recevaient ses chefs (insultes pourtant bien moindres, en quantité, que celles que reçoivent les hommes les populaires de la communauté chrétienne), en détruisant les tentes où se tiennent les organisateurs des manifestations de Beyrouth.
Des tentes chères, mais payées par l’Arabie Saoudite: c’était écrit dessus. Elles ne furent donc pas difficiles à remplacer. Reste à savoir pourquoi l’Arabie paie des tentes à des manifestants au Liban, alors qu’elle était hostile aux manifestants de 1989-1990. Et qui paie l’Internet haut débit gratuit à des dizaines de milliers de personnes, et qui leur a payé la sono, l’électricité et le reste ? L’électricité, surtout, me pose problème. De même que cette fête de l’Indépendance qui a été faite au nez et à la barbe de l’armée libanaise qui a été empêchée de le faire par les manifestations. Une fête qui a coûté en matériel et surtout en feu d’artifice, plus de 100.000 dollars américains. Qui paie cela? Certainement pas les pauvres affamés et les chômeurs.
Le blocage des routes a forcément entraîné la fermeture des écoles et des universités. D’où la jeunesse de la foule, devant laquelle se sont extasiés les médias d’Occident. Il n’y a rien d’étonnant à voir les jeunes là où ils ont une kermesse gratuite tout le jour, et une boîte de nuit gratuite au coucher du soleil.
La destruction des tentes a davantage choqué les médias d’Occident, que le fait de voir un avocat recevoir des coups de hache au crâne, parce qu’il était venu critiquer le discours des chefs qui parlent au centre-ville. Ou de voir les gens interdits d’aller au travail ou à l’hôpital ou à l’école, par des barrages établis par des miliciens en civil. Appelez cela un parti-pris, si vous le voulez. Le fait est que l’information est rapportée en Occident comme s’il y avait des races spérieures et des races inférieures. Les races supérieures sont bichonnées: tout ce qu’elles font est admirable, et il faut occulter leurs aspects négatifs. Quant aux races inférieures, elles peuvent avoir des blessés à la hache pour délit d’expression (et un coup de hache au crâne, ça peut tuer!), on n’en parlera pas.
Jeffrey Feltman ne sait-il pas tout cela, après toutes ces années passées comme ambassadeur américain au Liban? Non, visiblement puisqu’il est un adepte de la race supérieure. Il l’a prouvé tout au long de son mandat. Il a écrit, dans son rapport au Congrès, que Nasrallah avait ordonné aux chiites de quitter les manifestations. Qu’il aime ou n’aime pas Nasrallah, son discours peut apporter au Liban une guerre dont le pays se passerait volontiers. Dans ce cas, un ancien ambassadeur américain au Liban devrait prendre la peine de se faire traduire les discours de Nasrallah: s’il l’avait fait, il aurait su qu’il a, à plusieurs reprises, appelé les manifestants à rester sur les places et à faire de la pression, mais à laisser les routes ouvertes. Et je le répète: aimer ou ne pas aimer Nasrallah n’est pas censé influer sur le travestissement ou non, de son discours. Quand on attribue une parole à Nasrallah, il faut qu’il l’ait dite. S’il a dit le contraire à plusieurs reprises, on produit une très grave désinformation.
Mais ce n’est pas la seule bêtise qu’ait dite Feltman et que la presse occidentale ait reproduite aveuglément, sous prétexte qu’il a été ambassadeur omnipotent, au point de décider de la composition du parlement libanais, en interdisant au Liban, en 2005, le mois de délai demandé pour modifier la loi électorale imposée par l’occupant… après la fin de l’occupation. C’est pourquoi la corruption imposée sous les Syriens, se poursuit aujourd’hui. Car une loi électorale honnête, non imposée par Abdel-Halim Khaddam et Ghazi Kanaan aurait amené au pouvoir des députés non corrompus, un Premier ministre non corrompu, et tout ce monde aurait refusé l’argent de la corruption versé par les chancelleries. Ça, ça n’arrange pas les Américains! Comment pourraient-ils faire faire ce qu’ils veulent à des gens qui n’acceptent pas de se vendre? Mais c’est toujours la faute des autres, du tiers-monde, s’il est corrompu. Jamais la faute des grandes sociétés qui financent les campagnes électorales américaines, ouvertement ou en secret. Celui qui jette ainsi des millions, veut avoir sa contrepartie.
Juste pour raconter ce qui s’est passé à tous ces journalistes qui répètent ce qu’on leur a dit d’écrire, et qui ne prennent peut-être pas la peine d’aller au fond des choses.
Peu après le début des manifestations, Saad Hariri a déclaré, après avoir vu le Président Aoun, qu’il allait satisfaire les demandes des manifestants, qu’il allait lever le secret bancaire, qu’il allait faire juger les corrompus. C’est alors que je l’ai applaudi en lui disant qu’il était admirable. Ce que je n’ai jamais fait pour un Premier ministre depuis Taëf.
Parce que, comme je le répète depuis 30 ans oralement et par écrit, Hariri ne peut juger la corruption sans commencer par sa propre personne, par ses amis, et par la mémoire de son père, qui est arrivé au Liban avec 1 milliard et est morts avec 17 milliards. Le Liban n’était pas endetté et avait un énorme dépôt en or et devises fortes quand Rafic Hariri est arrivé. Quand il est mort, le Liban avait des milliards de dettes. Mais parce que c’était le copain de certains, on a obligé le Liban à subir son ombre, comme si son fossoyeur avait été son sauveur. En rappelant que le traité de Taef qui prive les chrétiens de tout pouvoir, a été écrit par lui. Tout le chantage exercé sur les députés à cette époque, c’est lui.
C’était bien par bonne volonté et par désir de tout pardonner pourvu que les choses changent, que j’ai écrit ce compliment à Saad Hariri. Mais il n’a pas tenu parole, et il a refusé la levée du secret de ses comptes bancaires, et il a refusé de rendre des comptes. Et il a démissionné pour fuir.
En même temps, il a chargé sa rue de réclamer son retour. Vous savez avec quelle facilité, avec 500 dollars, on peut obtenir une manifestation. Que de gens ont faim et sont prêts à aller lancer des slogans en échange de 10, voire même de 5 dollars. Je me rappelle comment le père de Saad Hariri, ayant loué un parking à Achrafié il y a 15 ou 20 ans, et n’ayant pas réussi à le remplir avec les chrétiens du quartier, a envoyé remplir des bus avec des ouvriers syriens. Ils sont arrivés, les Syriens ont crié le nom d’Hariri, et ils sont repartis.
Ces cris permettent à Saad de minauder, exigeant la dictature: un cabinet de technocrates, c’est-à-dire lui seul représentant politique du pays, tous les autres obéissant à ses ordres parce qu’ils ne sont pas nommés par les partis, mais seulement par lui… et son parti.
Car lui n’est ni un apolitique ni un technocrate.
Il y a beaucoup, beaucoup de sunnites intègres au Liban, qui feraient de parfaits Premier ministres. Mais l’Arabie Saoudite les refuserait. Donc il n’est pas question de penser à eux. Il faut les punir d’être intègres. il faut punir toute personne intègre dans ce pays ou dans ce monde. Comme dit la chanson que Guy Béart imagina au Liban apparemment: “Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté”.
Mais même en excluant la candidature de sunnites propres, intègres et dignes de s’appeler libanais, il n’en reste pas moins que Saad Hariri n’est pas le seul corrompu au Liban. Il y en a d’autres. Et puisque la rue réclame le changement, on devra nécessairement penser à une figure nouvelle parmi ce monde de corrompus. Parmi les rivaux et égaux de Saad Hariri en corruption, il y en a un qui n’a pas encore été Premier ministre, c’est Safadi.
Pour se débarrasser de ce rival, Saad Hariri décide de le griller. Il lui annonce qu’il va charger son bloc parlementaire et ses amis de le nommer Premier ministre. Les amis de Saad Hariri font la même promesse à Safadi. La chose semble assurée, et Mohamed Safadi, tout content, monte chez le Président pour discuter des consultations parlementaires.
Mais quand vient leur tour, les trois ex-Premiers ministres (qui, comme vous le savez, sont purs et sentent bon comme des enfants qui viennent de naître et ont pris leur bain) contredisent Safadi.
Ces trois dont aucun n’est à vendre pour un poste ou pour des millions. Ces trois surgissent donc, et nomment Hariri, alors que, de notoriété publique, ils le détestent. Et Hariri, qui ne se déteste pas soi-même, se fera évidemment nommer par ses propres députés. Et le tour de prestigitation est joué. Merveilleux!
Il est vrai que ces trois ex- auront besoin de soutien, et Saad Hariri aussi a besoin de soutien. Puisqu’on parle de corruption… Ainsi, la juge Ghada Aoun s’est portée partie civile contre Mikati, son frère et son fils, pour une affaire de vol des biens publics, en l’occurence, de crédits fonciers que l’Etat avait consacré aux jeunes ménages incapables de se payer un logement pour se marier. Particulièrement criminel de la part d’un multimilliardaire comme lui, qui s’est enrichi, entre autres, sur le dos des pauvres.
Et que croyez-vous qu’il soit arrivé? A-t-on jugé Mikati? Non. On a fait des scènes à la juge en lui demandant de quel droit elle sortait le dossier maintenant. On l’a attaquée pour masquer le dossier. Le procureur Oueidate a demandé aux juges du Mont-Liban de la boycotter. Et donc, l’affaire Mikati dort dans un tiroir, et c’est la juge qui est accusée. Comme elle a répondu: “Si j’ai fait quelque chose, portez plainte contre moi.” Ils n’ont pas porté plainte contre elle, ils ont juste rangé le dossier de Mikati. Combien celui-ci a payé pour cette subtilisation?
Vous comprenez qu’il ait besoin d’un puissant protecteur et qu’il ait intérêt à nommer Saad Hariri, si celui-ci, comme il semble, arrive soutenu par les Saoudiens et les Américains! (Contrairement à ce qu’il en était quand il ne combattait pas le Président)
Et que dit Fouad Siniora, l’autre compère? Siniora aussi a besoin d’aide, car il a volé 11 milliards à l’Etat libanais. Quand il a été question de le juger (quelques semaines avant les manifestations), le mufti a dit: “Ligne rouge”. Le juge a répondu: “Pour la justice, il n’y a pas de lignes rouges”. Siniora a fini par comparaître pour la première fois il y a quelques jours. Donc vous comprenez combien il a, lui aussi, besoin d’avoir un Premier ministre plus puissant que Safadi pour le couvrir de son ombre protectrice et faire taire la justice. Car ces 11 milliards, d’où les sortira-t-il? Comment les a-t-il utilisés?
C’est donc la journée des dupes. Retournement de situation: “Non, ce n’est pas Safadi, c’est Saad Hariri que les trois ex-Premiers ont nommé.” Safadi n’en peut plus de honte. Ses gens annoncent qu’il y a eu maldonne, et qu’on a voulu le couler en prétendant qu’il avait présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas pu accepter d’être nommé car il a une maladie grave, une maladie qui empêche son cerveau de se fixer longuement sur un sujet.
Son ex-femme, scandalisée, diffuse un audio dans lequel elle explique qu’on a joué un sale coup à son ex, et que, aussi mauvais qu’il soit, il ne mérite pas cela.
Puis on apprend que non, Safadi n’est pas malade. Lui-même tient à sortir de l’ombre et à exiger qu’on le juge pour les affaires de corruption qu’on lui impute. (Si vous vous en souvenez, j’avais écrit que je ne l’attaquerais pas s’il combattait la corruption, en d’autres termes, s’il commençait par rendre lui-même des comptes.) On attend que Siniora, Hariri, Mikati, Berri et les autres lèvent aussi le secret.
Et les surprises s’amoncèlent sur le pays. Vous savez que Berri et le Hezbollah ont été les premiers à exiger l’amnistie. L’amnistie pour des trafiquants de drogue! En échange, ils ont accepté l’amnistie de mille islamistes sunnites qui font partie d’al-Qaïda ou d’autres organisations tout aussi sympathiques!
J’ai expliqué dans un article précédent que le projet de loi comporte tellement de clauses restrictives, qu’en définitive, ni les trafiquants de drogue, ni les terroristes ne peuvent être libérés. Mais comme je l’ai dit aussi, il y aura des pressions, et on trouvera moyen……… (Notez bien que je n’emploie pas le conditionnel, mais le futur.)
Moi, comme toutes les honnêtes gens, je suis pour le refus de cette amnistie. Je l’étais quand il s’agissait de Samir Geagea, amnistié en 2005 parce que Saad Hariri voulait faire libérer les islamistes assassins de Denniyé et de Majdal Anjar! Certains ont défendu Geagea parce qu’il était chrétien. Mais pour moi, un musulman honnête vaut mieux qu’un chrétien assassin, et si Geagea s’était repenti, comme sa propagande nous l’avait un moment fait croire, il aurait lui-même refusé de sortir de prison alors que d’autres, pour des crimes bien moindres, ne sortaient pas. Et surtout, il aurait refusé de sortir si, en contrepartie, on libérait les éventreurs de chrétiennes enceintes, et les décapiteurs de soldats aux noms chrétiens.
Il ne faut pas oublier cela, messieurs les journalistes français! L’autre jour, la prof française de mon adolescence, apprenant que Geagea avait été interviewé dans la presse française, m’a dit: “Mais ils ne savent pas que c’est un assassin? C’est de notoriété publique!” Je lui ai dit que la propagande ayant coulé sous les ponts, visiblement, on ne savait plus que Geagea est officiellement un criminel jugé et condamné pour au moins quatre meurtres, et qu’il a été, non pas innocenté, mais simplement amnistié!
Des députés ont campé près du Parlement pour être sûrs de ne pas être empêchés par les manifestants, de se réunir. D’autres ont boycotté la séance. Parmi eux, ironiquement, les députés de Geagea, qui ne pourrait pas leur donner des ordres ni avoir un bloc au Parlement, s’il n’avait été lui-même amnistié en échange de l’amnistie des terroristes islamistes!
Et, mes chers, il n’était pas besoin de boycotter la séance pour empêcher cette amnistie! Il suffisait de voter contre!
En revanche, l’absence de ces députés a fait sauter le quorum. Du coup, plus de loi sur la levée du secret bancaire des comptes de ces messieurs, Saad Hariri, Safadi, Mikati et Geagea compris!!!!! Ni sur la provenance de leurs biens faramineux! Ils ne risquent plus de se présenter à leur électorat comme étant ceux qui ont refusé que la corruption soit jugée, que les biens pillés soient rendus au peuple, puisque la séance n’a simplement pas eu lieu!
Parlez-moi de corruption! Cela fait deux décennies que Siniora vole l’Etat libanais, comment se fait-il qu’il ne soit jugé que maintenant, sous le régime Aoun? Sans doute parce que, comme ils le disent, Aoun est tellement corrompu qu’il faut absolument le faire sauter avant qu’il ait fait sauter le secret bancaire…
En bas, le tunnel de Nahr-el-Kalb, bouché par Samir Geagea pour couper la route principale du Liban durant sa guerre contre le pouvoir en 1990.
En haut, le tunnel de Nahr-el-Kalb maintenant. Il a été bouché par Samir Geagea ou ses alliés avec des travaux de béton à l’intérieur du tunnel… — qui ont fini par être démantelés après avoir scandalisé tout le pays.
Le responsable des relations extérieures du parti de Geagea a reconnu sur la chaîne al-Hadass que ce sont les gens de son parti qui ferment toutes les routes des régions chrétiennes. Il a dit aussi: “Nous sommes à l’origine de la révolution”. C’est peut-être pourquoi Macron le soutient… tout comme il soutenait Bouteflika en Algérie, contre le peuple.
Et quelle est l’utilité d’emprisonner les gens chez eux en fermant toutes les routes des régions chrétiennes? Mauvais, mauvais souvenir.
Lina Murr Nehmé, 18 novembre 2019
PS : Les Occidentaux traitent avec Samir Geagea, oubliant qu’il est condamné à mort pour meurtre, et qu’il a été amnistié pour que puissent être amnistiés les assassins islamistes de Denniyé et de Majdal Anjar.