Aujourd’hui, sur ma page, un monsieur m’expliquait qu’un maire des Yvelines était obligé de donner un permis de construire une mosquée car, dit-il, la France est un Etat de droit, contrairement à l’Arabie Saoudite et à la démocratie libanaise, qui n’en serait pas une. J’avais en effet demandé si un maire était jamais inquiété en Arabie Saoudite pour avoir refusé de donner le permis de construire une église.
J’imagine que certains ignorent que le droit saoudien interdit la construction des églises, et que c’était appliquer ce droit que de refuser le permis de construire des églises. Et je ne vois pas ce que vient faire le Liban quand on parle de l’Arabie Saoudite. Mais bon. Acceptons que le Liban, comme le Christ, soit compté parmi les assassins.
Mais un Etat qui met des visières et ne traite pas les citoyens à égalité mais les distingue selon leur religion n’est pas un Etat de droit.
Ainsi, la loi sur les fake news est-elle du droit ? Laisser les médias puissants, appartenant aux riches, libres de diffuser les informations qu’ils veulent sans contrôle, et forger une loi sur les seuls réseaux sociaux, est-ce du droit ? Quand Libération met une immense photo du candidat Emmanuel Macron la veille du second tour de l’élection présidentielle, violant la loi qui interdit la pub électorale, et que la justice n’arrête pas le journal, c’est encore du droit ?
En même temps, on arrête la chaîne Youtube du petit TV Libertés sous prétexte qu’il a violé la loi sur le copyright en faisant une citation. Combien de chaînes Youtube violent cette loi en reproduisant des films entiers, des émissions télévisées entières ?
Quand on poursuit François Fillon la veille des élections, pour un crime que François Bayrou a commis sur une plus grande échelle et que ce dernier n’est pas poursuivi parce qu’il peut apporter des voix aux élections, c’est un Etat de droit ? Et si l’affaire Fillon est si grave, comment se fait-il qu’on n’en parle plus depuis les élections?
Quand on traîne Georges Bensoussan devant la justice pour une citation qui vient d’un auteur maghrébin et non de lui-même, alors qu’on n’inquiète pas ceux qui crient sur la Place de la République à Paris en arabe: “Khaybar, Khaybar, ya yahoud, Jaych Mhammad sa yaoud”, c’est un Etat de droit ?
Quand on autorise la tenue de Salons islamiques comme le Salon de la Femme de Pontoise où on appelle à battre les femmes (gentiment, histoire de les humilier seulement et pas de leur briser les membres, ce qui les rendrait inutilisables), c’est un Etat de droit ? Et si on ne le fait pas ouvertement dans ces Salons, on le fait en recommandant les livres où c’est écrit en toutes lettres (Cf. mon livre L’Islamisme et les femmes). Est-il admissible qu’une conseillère municipale, Céline Pina, ne réussisse pas à faire empêcher ce Salon, et qu’elle démissionne, et que cela ne fasse pas plus de remous que cela ?
Et c’est dans un Etat de droit qu’un ex-Frère Musulman, Mohamed Louizi, est victime de six procès en quelques années parce qu’il a dénoncé un projet d’islamisation pourtant écrit en toutes lettres dans la littérature de ce mouvement ! Louizi a parlé de l’islamisation de la France, mais il s’agit d’une étape sur la voie de l’islamisation mondiale dont a parlé le fondateur Hassan el-Banna (voir les textes cités dans Fatwas et caricatures).
Et c’est dans un Etat de droit qu’ Alain Finkielkraut — qu’on l’aime ou non — est qualifié d'”israélite blanc” dans une vidéo mise en ligne en 2016 et reprise à de nombreux exemplaires dont chacun affiche des centaines de milliers de vues, les auteurs du titre et des commentaires n’étant pas inquiétés alors qu’ils tombent sous le coup de la loi sur le racisme, sur base à la fois ethnique et religieuse, et sous le coup de la loi sur le non respect des droits d’auteur ?
Visiblement, mon article sur l’imam de Toulouse a fait changer d’avis le recteur de la Mosquée de Paris. Il avait d’abord défendu ce dernier, comme tout le monde. Puis j’ai publié dans Causeur un article dans lequel je révélais que deux hadiths différents étaient cités et non un, et que celui cité par l’imam de Toulouse parlait bien d’exterminer des juifs désarmés et non de répondre à un combat.
Alors M. Boubakeur, interrogé publiquement, s’est rétracté : “Nous condamnons très fermement ses propos relatifs à un hadith rapporté par un auteur traditionniste (Abou Horaira) lui-même rejeté par la dynastie musulmane des Omeyyades (680/750), un hadith qui n’avait pas lieu d’être exhumé de son oublié précise le recteur de la GMP qui affirme avoir recommandé à Mohamed Tataï “de présenter ses excuses aux autorités religieuses du judaïsme toulousain et de les rencontrer dans un esprit de paix”.
La Baule + : Vous prenez beaucoup de précautions, car vos écrits sont très sensibles, vous accordez fort peu d’entretiens et vous me fixez ce rendez-vous dans un lieu confidentiel, car, depuis que vous avez brûlé un drapeau de Daech, votre vie est en danger…
Lina Murr-Nehmé : Oui, mais les gens ont bien aimé ma démarche ! La presse internationale en a beaucoup parlé, mais non la presse locale. Certaines personnes ne me parlent plus depuis…
Dans votre dernier livre, vous abordez la question des femmes, notamment à travers le Coran, et l’on observe qu’elles y sont vraiment considérées comme des êtres à part. Votre livre s’appelle « L’islamisme et les femmes » alors que vous auriez pu l’intituler « L’islam et les femmes » car, en France, quand on parle de l’islamisme, c’est toujours considéré comme quelque chose d’extrême par rapport à l’islam puisque l’on nous répète que l’islamisme ce n’est pas l’islam… Mais quand vous citez le Coran, il s’agit bel et bien de l’islam…
Je ne veux pas me prononcer sur ce sujet, je laisse les gens qui en parlent se prononcer. Je cite simplement les textes. Je connais des musulmans qui, dans le Coran, préfèrent choisir tel morceau mais pas tel autre. C’est pour cette raison que je parle de l’ « islamisme ». Car beaucoup de musulmans ont décidé de choisir les versets parlant d’amour, et c’est très bien. Mais les textes sont là : ils existent, et cela a des conséquences.
Les femmes sont traitées comme des esclaves et vous semblez aussi penser que la plupart d’entre elles sont victimes de leur mari, mais vous savez aussi qu’il y a de nombreuses Françaises, dites de souche, qui se convertissent et qui acceptent de vivre dans ces conditions…
Certainement, elles acceptent cela, elles le revendiquent même, parce qu’on les a convaincues que c’était la parole divine. Je pense que Dieu ne peut pas faire de différence entre les humains. Il y a une différence sur le plan physique, puisque les corps ont des fonctions différentes. Mais il ne peut y avoir de différence sur le plan de la valeur humaine des êtres que Dieu a créés. Je reconnais les religions à leurs commandements et à la façon dont elles traitent les femmes. Ce traitement est une chose très importante pour définir une personne ou une religion. Si des Françaises acceptent d’être victimes, tant pis pour elles. Mais je connais de nombreuses musulmanes qui rejettent tout cela. Je me souviens d’une musulmane qui m’a téléphoné en me disant que son mari décrochait régulièrement le téléphone pour la fouetter avec le bout du fil. Elle pleurait en me le disant. Je lui ai conseillé de photographier ses blessures et de porter plainte.
Vous consacrez un premier chapitre à la situation en Arabie Saoudite où les femmes sont toujours esclaves au XXIe siècle, puisqu’elles doivent demander l’autorisation à leur mari pour pratiquement tout…
C’est exact et c’est l’une des raisons pour lesquelles un groupe de femmes et d’hommes vient d’être arrêté en Arabie Saoudite, parce qu’ils revendiquent justement le changement. Je raconte l’histoire des princesses, filles du roi Abdallah, qui défendaient les droits humains, et qui ont été enfermées sur demande de leur tuteur, le roi. Il les a enfermées dans une villa, un domaine dont personne ne s’occupait, et ces filles ont lancé un appel au secours au monde, grâce à leur mère qui a alerté les médias le jour de l’arrivée de Barack Obama en Arabie Saoudite. Elle a donné des interviews à la BBC et à Channel 4. L’histoire a fait le tour du monde, mais malgré cela, personne ne s’en est occupé. Et dès le moment où les princesses ont révélé ce qui leur arrivait au public, on leur a coupé les vivres. Elles n’ont plus eu le droit d’aller faire des courses deux fois par mois comme avant. On ne sait plus rien d’elles. Elles ont disparu depuis l’accession du nouveau roi.
Dans tout cela, il y a quand même une note d’humour, puisque vous expliquez les vraies raisons de la récente décision autorisant les femmes à conduire en Arabie Saoudite. En Occident, on interprète cela comme un signe de liberté et de modernisation du régime. Or, en réalité, les femmes n’avaient pas le droit de conduire, elles étaient seules avec leur chauffeur, la voiture était le seul moment où de nombreuses femmes saoudiennes se retrouvaient dans un espace clos avec un homme et finalement les enfants de ces femmes ressemblaient très souvent au chauffeur…
C’est un secret ! Il ne faut pas raconter cela ! Quand mon père travaillait en Arabie Saoudite, il était associé avec un émir. L’émir lui a un jour demandé de trouver un chauffeur pour sa femme. Mon père lui a proposé de recruter un très beau Pakistanais. L’émir lui a répondu : « Surtout pas, parce que la moitié de nos enfants sont des Philippins ! » Tout cela n’a pas beaucoup changé aujourd’hui. En ce moment, tout le monde dit que le fait d’autoriser les femmes à conduire est formidable, que c’est une libéralisation, une ouverture du régime envers les femmes. Mais le régime qui a donné aux femmes l’autorisation de conduire est justement le régime qui a fait disparaître les princesses ! Maintenant, avec l’autorisation donnée aux femmes de conduire, cela permettra aux Saoudiens d’être certains que leurs enfants sont bien d’eux…
Revenons en France : il y a quelques décennies, les musulmanes n’étaient pas voilées et ce mouvement s’est déclenché petit à petit. Or, vous révélez que c’est le fruit de l’influence de l’Arabie Saoudite en rappelant que, lors des conquêtes arabes, le conquérant arabe imposait au peuple conquis de porter un signe vestimentaire distinctif. Et, comme ils ne peuvent pas imposer un signe vestimentaire distinctif en France, ce sont finalement eux qui marquent leur différence ainsi…
Dans le temps, le signe distinctif imposé par les califes aux chrétiens et aux juifs, c’était une ceinture en laine, laide et pénible à porter. La robe longue est très confortable, mais elle l’est beaucoup moins avec une ceinture. Les ceintures étaient imposées aux juifs et aux chrétiens dhimmis, ou soumis. (Les autres étaient tués.) Les dhimmis n’avaient pas le droit de porter un turban comme les musulmans. Ils devaient porter un signe vestimentaire distinctif. À l’époque de la destruction du Saint-Sépulcre, le calife Hakem, basé au Caire, imposait aux dhimmis des objets à porter autour du cou. Les juifs devaient ainsi porter une étoile de David pesant plusieurs kilos, et les chrétiens une croix de plusieurs kilos aussi. Cela les obligeait à marcher la tête baissée. Hitler a tiré la leçon des signes vestimentaires distinctifs imposés par les califes aux chrétiens et aux juifs. C’est de là que vient l’idée de l’étoile jaune cousue sur les vêtements des juifs. En Europe aujourd’hui, les islamistes tiennent toujours à ce que les musulmans se distinguent des autres. Comme ils n’ont pas la possibilité d’obliger les chrétiens et les juifs qui vivent en Europe de porter ce signe, ce sont les musulmans qu’ils poussent à s’habiller autrement de façon à être reconnus dans la rue. Le voile est présenté comme le signe qui distingue la musulmane, et la musulmane non voilée subit souvent un véritable harcèlement dans les quartiers soumis aux islamistes. Beaucoup se voilent seulement pour avoir la paix.
Parallèlement, l’Arabie Saoudite a mené une stratégie de conquête pour changer la présence de l’islam en Occident…
Absolument. L’argent est un moyen de conquête, parce qu’il agit sur les cerveaux. Finalement, quand une personne est vaincue par des arguments, il n’y a plus besoin de guerre. Le summum de la victoire est de pouvoir gagner la guerre sans avoir eu à livrer un combat. Les Saoudiens se vantent de payer très cher une propagande imprimée et orale. Cette propagande consiste aussi à envahir le paysage par la construction de mosquées avec minaret, par la multiplication des voiles, des librairies islamiques, des boucheries halal. Pourquoi un pays étranger paie-t-il pour que des femmes se voilent en France ? Il faut savoir que beaucoup de femmes pauvres sont payées pour se mettre à porter le voile. Il y a un tarif pour le voile et un tarif beaucoup plus élevé pour le niqab. La loi française interdit le voile intégral. Qu’à cela ne tienne : de prétendus « bienfaiteurs » financés par on ne sait qui, paient les amendes. Ils profitent de la liberté que leur octroie loi française pour faire violer la loi française de la façon la plus voyante. C’est une façon de mener la guerre, effectivement !
Beaucoup de Français ne comprennent pas cela et soutiennent que l’on ne peut rien faire. Que leur dites-vous ?
Qu’ils passent l’histoire des autres peuples en revue pour voir s’ils n’y peuvent rien, car ce n’est pas vrai. S’ils pensent que ce qui arrive n’est pas grave, qu’ils aillent voir les résultats qu’il y a eu ailleurs. Regardez l’exemple de l’Afrique du Nord. Elle est le pays de Saint-Augustin. L’Égypte est celui de très grands saints, comme Antoine, Apolline ou Catherine. C’était des pays chrétiens avant l’arrivée des Arabes. Les historiens arabes expliquent les moyens utilisés pour islamiser les populations. Le pire était l’esclavagisme. Ils infligeaient aux populations un impôt religieux annuel appelé jizya. Cette jizya était si élevée que les Maghrébins ne pouvaient pas la payer. Alors ils leur disaient de payer avec leurs enfants. Concrètement, chaque région devait donner un enfant chaque jour de l’année lunaire pour qu’il soit vendu par les Arabes sur le marché aux esclaves. Et si cette jizya n’était pas payée, le peuple était attaqué ; tous les hommes étaient tués s’ils refusaient l’islam, et les femmes et enfants étaient vendus en esclavage. C’est de cette manière que les pays d’Afrique du Nord sont devenus musulmans.
On se sert de l’occupation française comme outil contre la France. Je ne veux pas défendre les Français dans ce qu’ils ont fait de mal. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Les exactions françaises n’ont jamais privé les Algériens de leur liberté de pensée. Elles n’ont jamais opéré de lavage de cerveaux. Les Nord-Africains n’ont pas été convertis de force au christianisme ou à l’athéisme. Mais les Arabes, eux, ont commis des exactions d’une ampleur telle, que les populations se sont converties à l’islam. Les Nord-Africains ont dû devenir musulmans pour continuer à exister. Seuls ceux qui s’étaient réfugiés dans les montagnes ont gardé leur religion, leur droit coutumier, leur costume, leur culture berbères.
Vous revenez sur l’obligation de conversion au moment du mariage. L’homme chrétien a l’obligation de se convertir quand il épouse une musulmane, alors que la femme chrétienne n’a pas l’obligation de se convertir quand elle se marie avec un musulman, puisque les enfants suivent la religion de l’homme. La France, qui est une république laïque, ferme les yeux sur les mariages mixtes tout en sachant qu’il y a cette obligation de conversion puisque le mariage ne sera pas validé si l’homme ne se convertit pas. Par exemple, on voit régulièrement dans la presse people un article sur une personnalité ou un chef d’entreprise qui se marie avec une Marocaine, c’est donc qu’il s’est converti à l’islam, sinon le mariage n’aurait pas été valide…
La République française ne reconnaît aucun culte. C’est dans la Constitution. Et à partir du moment où vous ne reconnaissez aucun culte, il ne faut pas faire d’exceptions. Or il y a des textes de la Constitution qui sont acceptés ou refusés en fonction de la religion. Mais la République française n’est pas censée reconnaître des textes religieux. Alors, pourquoi continue-t-elle de respecter ces textes qui disent qu’il faut mépriser le chrétien ou le juif, qu’il faut tuer le mécréant, tuer le musulman qui ne fait pas ses prières, tuer le musulman qui refuse le djihad ou d’autres piliers de l’Islam, tuer le musulman qui refuse certains versets du Coran ? La République française autorise la diffusion de versets du Coran, alors que la loi interdit, de façon formelle, la diffusion de textes poussant au racisme, à l’esclavagisme ou à n’importe quelle violation des droits humains. Pourquoi la loi française qui ne reconnaît aucun culte, n’est-elle pas respectée dans ce cas sous prétexte que ces textes sont religieux ?
Vous avez analysé ce qui se dit dans les mosquées et les livres qui circulent… C’est édifiant alors que l’on nous explique depuis des décennies que la police surveille ce qui se dit dans les mosquées. Or, on continue de tenir des propos où l’on traite les chrétiens de porcs et les juifs de singes…
C’est évident, ils lisent le Coran dans les mosquées une fois par mois, c’est une obligation. Or il y a des versets qui disent qu’Allah a transformé en singes les juifs contre lesquels il était en colère ; dans un autre passage, il dit qu’une partie des juifs et des chrétiens ont été transformés en singes et en cochons. Ces textes existent et ils sont lus tous les mois dans toutes les mosquées. Le gouvernement parle de la modération des discours des imams. Mais ces discours sont ce qui va vraiment influencer les gens. Ce qui va les influencer, c’est la parole attribuée à Dieu.
Vous revenez sur des grandes affaires, comme celle de Sarah Halimi, et l’on s’aperçoit que le meurtrier était vraiment influencé par les islamistes…
Oui, ceux de la mosquée Omar qui ont islamisé la rue Jean-Pierre Timbaud à Paris. Il y a douze librairies islamiques dans un tronçon de cette rue, entre cette mosquée et le boulevard de Belleville.
Les pouvoirs publics étaient presque gênés de découvrir l’idéologie islamiste la plus radicale…L
Bien sûr qu’ils sont gênés ! En plus, le meurtre de Sarah Halimi a eu lieu dans une période d’élections, et tous flirtaient avec les islamistes pour qu’ils donnent des consignes de vote en leur faveur. Il ne faut pas oublier que François Hollande n’aurait pas été élu si les musulmans avaient voté contre lui. Ce n’est pas le cas d’Emmanuel Macron, qui a pourtant bien courtisé les islamistes pour avoir des voix… Dans « L’Islamisme et les Femmes », j’ai publié des photos de tracts envoyés pendant les élections aux islamistes qui montrent bien la servilité des politiciens envers ces gens.
La plupart des politiques sont totalement incultes sur cette question et ils n’ont jamais lu le Coran. Comment analysez-vous tout cela depuis Beyrouth ?
Ils projettent sur l’islam ce qu’ils ont entendu. Ils ont entendu des versets rassurants. L’un d’eux dit que celui qui tue un homme, c’est comme s’il avait tué tous les hommes… Mais on ne leur dit pas que ce verset précise qu’il s’agit de ne pas tuer « un homme qui n’a rien fait ». Or la liberté religieuse est considérée comme un délit. Ce verset ne concerne donc pas les mécréants ou les apostats, puisque le Coran dit de tuer les mécréants, et le Hadith dit de « tuer celui qui change de religion ». C’est pour cette raison que sous l’Empire ottoman on tuait les juifs qui devenaient chrétiens ou les orthodoxes qui devenaient catholiques. C’est cela qui a poussé toute la communauté catholique arménienne à quitter l’Arménie pour émigrer au Liban. C’est ainsi que doivent être traités également les musulmans contestataires. Et ils sont nombreux. Que faire dans ce cas ?
Dans votre précédent livre, vous commentez les propos de Tariq Ramadan, Tareq Oubrou et Dalil Boubakeur en analysant « ce qu’ils cachent ». Mais Dalil Boubakeur est un personnage bien sympathique dans la vie médiatique française…
Il est sympathique, il ne pose pas de problème dans sa vie sociale. Ce qui pose problème, c’est quand il explique que la sourate Al-Fatiha est l’équivalent du Notre Père chez les musulmans, alors que d’après l’explication officielle, cette sourate dit qu’Allah est en colère contre les juifs et que les chrétiens se sont égarés ! Et cette explication se fonde sur les versets coraniques qui disent qu’Allah est en colère contre les juifs, et que les chrétiens ont erré. Toute personne qui connaît bien le Coran comprend aussitôt l’allusion.
Mais l’homme politique moyen ou le Français moyen est totalement incapable de déchiffrer tout cela…
Tout comme le musulman moyen. Le Coran est très difficile à lire en arabe et la plupart des musulmans en France lisent le Coran en français.
Quid de Tareq Oubrou ?
C’est une autre affaire, parce qu’un jour il dit une chose, et le lendemain il dit son contraire. En 2015, après l’assassinat de journalistes de Charlie Hebdo, d’un policier musulman, d’une policière et des clients d’un Hyper Casher tous les oulémas ont protesté en disant que ce n’était pas l’islam. Tareq Oubrou a protesté aussi. Or la même année, il a donné une conférence dans laquelle il parlait des différentes espèces de djihad. Il parlait notamment d’un « djihad physique » contre les kouffars ou kafirs. Et il se mit à bafouiller en disant que c’était compliqué. Puis il dit que les kouffars ou mécréants étaient ceux qui « ne s’étaient séparés [de Mahomet] qu’après avoir eu la preuve décisive ». Il citait ainsi, partiellement, un verset du Coran, en omettant de citer la partie de ce verset qui désignait les chrétiens et les juifs ! Mais ceux qui viennent à ses conférences connaissent ce verset et comprennent que Tareq Oubrou leur dit de faire le djihad physique contre les chrétiens et les juifs !
On entend le mot kouffars assez fréquemment dans les banlieues…
Tariq Ramadan traduit ce mot par « les négateurs », mais ce n’est pas vrai : sur le plan du sens, c’est l’équivalent du mot français « mécréants ». En tout cas, Tareq Oubrou avait dit dans les années 90, toujours dans une conférence enregistrée, qu’il fallait rétablir le califat ou État islamique et que le musulman qui ne combat pas dans ce but est un pécheur.
Combattre ne signifie pas forcément physiquement, cela peut aussi être intellectuellement et politiquement…
Il y a les deux. Tareq Oubrou a parlé d’un djihad physique tout en précisant qu’il pouvait ne pas être physique aussi, car cela dépend des circonstances. Si vous êtes en état de faiblesse, il ne faut pas faire le djihad physique, notamment si vous êtes en minorité dans une communauté. Car vous ne réussirez pas. Le djihad de Tareq Oubrou consiste donc à convaincre les mécréants qu’ils ne doivent pas avoir peur… C’est de la propagande et c’est fondé sur un verset du Coran que cite Oubrou et qui dit de « faire le djihad contre eux à l’aide du Coran ». C’est donc d’un véritable harcèlement qu’il est question. Et finalement, cela aboutit, vu le nombre de conversions à l’islam que nous constatons en France.
Vous nous expliquez que nous avons une communauté musulmane importante en France et une communauté islamiste qui gagne du terrain au sein de cette communauté musulmane, aussi, lorsque les islamistes seront suffisamment importants, leur visage sera totalement différent…
C’est quelque chose que certains d’entre eux ne cachent pas. Anjem Choudary dit bien dans ses interviews télévisées que le but est de prendre l’Occident et de l’islamiser ! Il parle même du drapeau de l’islam flottant sur Downing Street…
Dès que quelqu’un arrive quelque part, il a envie de s’imposer culturellement… La responsabilité n’incombe-t-elle pas à la naïveté des politiques ?
Oui, mais les politiciens gagnent à tout cela, sinon ils ne seraient pas au pouvoir. Aucun parti politique n’est suffisamment puissant pour vaincre l’autre en se passant de l’aide des islamistes. Regardez l’élection de François Hollande. Les musulmans ont généralement suivi les consignes de vote données par les islamistes en sa faveur. Or sans l’apport de voix qu’il leur doit, François Hollande n’aurait pas gagné l’élection présidentielle…
On connaît tous des musulmans qui pratiquent leur religion tranquillement et qui sont à l’opposé de l’idéologie islamiste. Que leur dites-vous ?
J’ai des amis qui font le ramadan, qui ne mangent pas de porc, qui boivent ou ne boivent pas d’alcool, mais en tout cas, ce sont des gens qui respectent réellement l’être humain. J’ai de très bons amis qui font le bien et qui sont des musulmans. Ces gens pratiquent en donnant l’aumône ou en ne traitant pas un être humain de façon inférieure. Il y a certains chrétiens qui ne sont pas aussi bons… Les islamistes sont les pires ennemis de ces musulmans qui font le bien. D’ailleurs, les islamistes ont appelé à tuer les musulmans de l’armée libanaise avant les autres et, si Daech a été chassé du Liban, c’est grâce à l’armée libanaise. C’est le seul pays qui ait chassé Daech sans l’aide d’un pays étranger ! L’armée libanaise a beaucoup de déontologie. Avant de commencer une bataille, elle évacue les civils de l’ennemi, et elle le paie parfois par des morts et des blessés. L’armée libanaise gagne toutes les batailles parce qu’elle est soudée et parce qu’elle est aimée, car elle défend vraiment les civils. Les musulmans de l’armée libanaise sont les plus détestés par Al-Qaïda, qui a commencé par égorger des musulmans avant d’égorger des chrétiens. Daech en a plus contre ces musulmans qui n’obéissent pas aux islamistes, que contre les chrétiens.
Le 20 mai 2010, le bandit Redoine Faïd et ses compagnons manquent un braquage et fuient sur l’autoroute A4, en Seine-et-Marne. Deux policiers municipaux sont chargés de se poster près d’un restaurant de Villiers-sur-Marne et de prévenir leurs collègues s’ils les voient passer. Ils n’ont donc pas dégainé leurs armes.
Ils sont des cibles découvertes. On leur tire dessus, on tue la policière Aurélie Fouquet, mère d’un petit enfant. Une fusillade nourrie. Un des policiers, blessé au thorax, tente d’atteindre les truands. Mais aucun cadavre ne sera retrouvé.
Ce qui rend la tragédie plus horrible est que le gangster est devenu une sorte de superstar, grâce à un livre dans lequel il raconte sa vie, et qui est devenu un best-seller. Bien sûr, la loi n’interdit pas à un éditeur de se faire du fric sur le dos d’une victime, une policière fauchée dans sa jeunesse, en donnant à son assassin une tribune.
Celui-ci raconte avec complaisance à longueur d’interviews comment il a organisé ses braquages en étudiant des films à succès et en suivant exactement les stratégies décrites dans ces films. Redoine Faïd a également organisé des fuites spectaculaires s’inspirant également du cinéma. La dernière en date: il a été tiré de prison le 5 juillet 2018 par un hélicoptère. Pour se moquer de la France, il a filmé sa fuite et a diffusé la vidéo.
Donc Kobili Traoré, après un service de réhabilitation dans un département de psychiatrie, sera remis en liberté, et ni prison ni procès. À ce moment, les Français auront oublié la tragédie de Sarah Halimi, une fois de plus. On pourra alors s’attendre à voir passer inapercue cette mise en liberté d’un individu qui, psychologiquement responsable ou non, pourrait récidiver.
À ce moment, Kobili sera-t-il surveillé de façon à ne pas récidiver? Dans L’islamisme et les Femmes, j’ai expliqué, et prouvé que le principal problème de Kobili Traoré n’était pas psychique, il était beaucoup plus grave que cela. Faute d’avoir fait le bon diagnostic, on ne pourra pas le guérir de façon définitive. On le débarrassera des symptômes, non de la maladie. Ensuite se posera la question de savoir si les services débordés seront vraiment en mesure de le surveiller d’assez près pour découvrir le moment où le problème réapparaîtra.
Et c’est là la tragédie. Car nous avons vu 19 fichés “S” («sûreté de l’Etat») passer à l’acte. Les plus célèbres : Mohamed Merah à Toulouse et Montauban en 2012, les frères Kouachi à Paris en janvier 2015, Ayoub El Khazzani qui a attaqué un train Thalys en août 2015, Adel Kermiche qui a égorgé le Père Hamel en juillet 2016, Sarah Hervouët et Inès Madani qui avaient rempli une Peugeot 607 de six bonbonnes de gaz et de deux bidons de pétrole en septembre 2016 non loin de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et y avaient mis le feu pour faire tout exploser. En réalisant que le feu n’avait pas pris, elles étaient revenues vers la voiture pour reprendre l’allumage. C’est alors que, croyant voir des policiers en civil, elles avaient pris la fuite. Vainement recherchées par la police, elles avaient été retrouvées après avoir, quatre jours plus tard, attaqué des policiers au poignard. Récemment, Redouane Lakdim, lui aussi fiché « S », a commis les attentats de mars 2018 à Caarcassonne et à Trèbes, égorgeant le lieutenant-colonel Beltrame en criant « Allahou Akbar ».
Certes, Kobili Traoré n’était pas radicalisé comme tout ce monde, mais il n’était pas dans un état meilleur. J’ai décrit dans mon dernier livre, L’islamisme et les Femmes, dans quel état de harcèlement on l’avait mis, et j’ai expliqué, pas à pas, les raisons pour lesquels une telle situation peut exister en France.
Je pensais que mon livre aiderait la vérité à se faire au sujet de l’affaire Sarah Halimi, mais mon livre a été enfoncé dans le silence, tout comme la tragédie de Sarah Halimi elle-même. Et, je pense, pour les mêmes raisons. Car c’est l’occultation des informations que fournit l’enquête dans mon livre qui a permis à la juge de prétendre que Kobili Traoré était irresponsable. Si ces informations avaient été mises à la portée du grand public, cela n’aurait pu se faire.
Nous vivons dans une spirale suicidaire dans laquelle le signal douloureux ne parvient plus à destination parce qu’il est désagréable. Mais sans la douleur, comment saurait-on qu’il y a une blessure, un danger de mort? Si la douleur n’était pas désagréable, comment éviterait-on la mort? Je vois notre société comme un malade si gravement atteint qu’il n’a plus la notion de la douleur quand il est frappé par une arme ou par un mur. Le mal a rongé si profondément ses chairs que sa sensibilité est partie: les médias font tout oublier en parlant de football et de défilés de mode, et la société accepte cela.
Seulement, voilà. Cette lâcheté, ce refus de juger Kobili Traoré par peur de dévoiler les véritables raisons de son mal, multiplient le risque que la tragédie de Sarah Halimi se répète. Car il y a bien des femmes appartenant à des minorités religieuses qui vivent seules en France. Il y a bien des jeunes qui, comme Kobili, se croient possédés d’un djinn et se sentent désespérés à l’idée d’aller en enfer parce qu’ils n’ont pas fait la prière aux heures. Et il y a bien des moyens pour eux de pénétrer chez ces femmes pour accomplir le djihad qui, leur a-t-on dit, leur permettra de troquer les djinns de la terre contre les houris du paradis. Un djihad de vengeance. Cela existe. C’est là la pauvre histoire de Kobili, que j’explique en 40 pages denses et de grand format dans L’islamisme et les Femmes. Un petit livre, quoi, précédé de chapitres qui permettent de comprendre comment et pourquoi la France a changé.
Et si vous me dites : « À qui profitait le silence qui a entouré le meurtre de Sarah Halimi? A qui profite le silence qui entoure votre livre? » je répondrai : « Ce silence profite à ceux qui ont opéré cette transformation de la France. » Ce sont eux qui ont causé le malheur de Sarah Halimi, et avant elle, celui de Kobili Traoré.
Nader Allouche écrit : “Je demande aux autorités musulmanes en premier desquelles Al-Azhar de requérir des Patriarches chrétiens d’Orient, notamment certains bien connus, d’arrêter de chercher une protection extérieure pour laquelle ils se mettent au service d’agendas étrangers ou de la “francophonie”. C’est inacceptable. Si les chrétiens d’Orient veulent la citoyenneté alors qu’ils se lèvent contre les instrumentalisations à l’étranger et en particulier en France de leur nom et de leur cause. Tout le monde sait quels libanais tournent autour de Fillon.”
Ma réponse : Nader Allouche, ce n’est pas le chef d’Al-Azhar qui va décider ce que mon patriarche, moi, Lina Murr Nehmé, va dire et faire, et à qui nous, chrétiens d’Orient, irons demander de l’aide. Il est fini, le temps des Ottomans où, sous peine de mort, il était interdit aux chrétiens d’Orient de parler aux chrétiens d’Occident. Vous voulez ramener le temps de la dhimmitude, mais je suis désolée, ce temps est révolu.Si les autorités islamiques prétendaient peser sur les autorités chrétiennes, nous, le peuple, nous refuserions. Il est d’autant plus honteux, de votre part, de parler ainsi, qu’en tant qu’ancien journaliste de Sawt El Mada et de Tayyar.org vous savez parfaitement que le frère du patriarche grec-orthodoxe a été enlevé depuis plusieurs années, avec un autre évêque, que les deux ne sont jamais revenus. Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui les a ramenés? Est-ce lui qui a empêché leur enlèvement? Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui a empêché l’enlèvement des religieuses du couvent de Saydneya? Est-ce lui qui les a ramenées? Est-ce le recteur d’Al-Azhar qui a empêché les massacres de prêtres et de villages chrétiens entiers, enfants compris? Vous me direz que ce sont Daech et Nosra (issue de Daech) qui ont commis ces enlèvements. Je vous répondrai: pourquoi le recteur d’Al-Azhar a-t-il refusé d’excommunier Daech et Nosra, disant au contraire, qu’ils représentent l’islam ?
Le lendemain, j’ai mis ces deux captures d’écran avec le texte sur ma page Facebook. J’ai eu notamment le commentaire suivant de François Bacha, économiste et journaliste franco-libanais:
Tout cela avait été publié avec le lien à la page de l’intéressé, alors que tout cela était encore visible sur sa page: les lecteurs ont pu vérifier son texte et le mien.
Je crois que la vraie raison pour laquelle les maires taisent les 70 (ou plus) incendies de bibliothèques qui, tous, ont eu lieu dans les quartiers dits sensibles, ce n’est pas par honte, c’est pour ne pas déplaire aux islamistes qui peuvent leur faire perdre les élections. Et ces derniers détestent la littérature “mécréante”. Ils savent, ils ont lu que le calife Omar a ordonné l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, dont les manuscrits ont servi durant six mois à chauffer les étuves. Et imiter Omar c’est un but, d’après Hassan al-Banna le grand-père de Tariq Ramadan.
Aujourd’hui, où l’on parle de l’identité des peuples, la langue, la culture, l’histoire des Arabes sont imposées à la majorité d’origine berbère. La notion même d’arabisme, quand on l’applique à l’Algérie, revient à glorifier et légitimer une occupation qui a imposé sa culture dans le sang, le viol et l’esclavagisme, et qui fait encore souffrir les Maghrébins, même ceux qui se croient arabes.
On aurait pu croire que les fils du chanteur kabyle Ferhat Mehenni échapperaient, en France, à la mort que promettait le régime algérien à leur père dans leur pays. Ce ne fut pas le cas.
Il est vrai qu’en avril 2004, en effet, Ferhat Mehenni a publié à Paris un ouvrage dérangeant : Algérie, la question kabyle(Michalon).
Le mois suivant, deux hommes de type maghrébin se dirigent vers son fils Ameziane, 30 ans, et lui donnent un coup de poing au visage au niveau du 100 rue de Clichy (XVIIIe). Ameziane tombe. L’un des agresseurs fait le guet et l’autre donne à sa victime un coup de pied. Plusieurs passants avaient vu la scène, mais aucun d’eux n’avait vu le coup de poignard qui le frappa au cœur.
Quand fut-il frappé ? Comment ? Par qui ? De façon experte, l’assassin avait repéré en un clin d’œil l’endroit auquel il devait frapper à travers les habits pour atteindre le ventricule, entre les côtes et le sternum. Le coup, aussi précis que violent, sectionna la quatrième côte et provoqua une hémorragie d’abord interne.
Les deux tueurs s’enfuirent, et le blessé parvint à se relever et à saisir ses affaires. Il marcha quelques mètres et s’affala sur le terre-plein qui sépare les deux voies de circulation, entre le 104 et le 106 boulevard de Clichy, non loin de la place Blanche. Son sang s’écoula soudain, formant une mare de sang autour de lui.
Qui étaient ces deux hommes ? Des tueurs à gages ? Des djihadistes ?
Comment un crime pareil a-t-il pu être commis dans ce quartier rempli de bars de nuits, de cabarets et de discothèques, animé en juin, même à cette heure, devant plusieurs personnes qui avaient témoigné par la suite ?
Transporté à l’hôpital Bichat, Ameziane mourut le jour même vers midi.
Le meurtre était aussi embarrassant pour les autorités françaises — qui cultivaient l’amitié du régime algérien — que le sera celui de Sarah Halimi en 2017. La police française déclara que c’était un crime dû à l’ivresse ou à la drogue, et il n’y eut pas de procès.
Et pourtant, les ivrognes ont tendance à ne pas maîtriser leurs mouvements. Ils ne visent pas si bien et de façon aussi précise. Et les assassins n’avaient rien volé. Le crime ne pouvait être que religieux ou politique étant donné les circonstances, qu’expliqua son père dans la lettre ouverte adressée au président Chirac en 2006 (en annexe à cet article).
Les suites de l’événement aussi sont troublantes. En effet, un des hommes qui avaient été présents et a témoigné, a été menacé d’être envoyé “dans un cercueil comme l’avait été Ameziane”.
Pour les personnes qui ne connaîtraient pas encore les problèmes de la majorité algérienne berbère ou kabyle, j’ai expliqué dans Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils cachent, comment en Algérie, les droits de cette majorité sont brimés au profit des colons d’origine arabe, demeurés minoritaires. J’ai traduit dans ce livre les textes arabes de première main qui racontent ces horreurs.
Lina Murr Nehmé, 1er juillet 2018
_______
Lettre de Ferhat Mehenni au président Chirac en 2006
Monsieur le Président,
Il m’est très pénible de vous adresser cette lettre, tant ma culture et mon statut de résident étranger sur le territoire français m’obligent à un devoir de réserve auquel, jusqu’ici, je tenais par-dessus tout. Je suis extrêmement reconnaissant à la France qui, il y a plus de dix ans, m’avait accueilli au moment où des assassins au service soit d’officines occultes du pouvoir algérien, soit de l’islamisme, cherchaient à m’atteindre. Nous étions en septembre 1994 lorsque des menaces de mort m’étaient adressées par des milieux se réclamant des services algériens. Ils me reprochaient d’avoir pris la responsabilité d’organiser, en Kabylie, un boycott scolaire du primaire au supérieur dès le premier jour de la rentrée afin d’exiger l’enseignement de tamazight, notre langue maternelle. Ils me disaient en substance : “A la première marche à laquelle vous allez participer nous vous descendrons. Dans tous les cas, si nous n’y arrivons pas, n’oubliez pas qu’il y a vos enfants sur lesquels nous pouvons nous rabattre à n’importe quel moment et qui sont des proies et des cibles très faciles !” Entre temps, quelques terroristes abattus à un barrage de police, dans une voiture volée à une entreprise publique à 50 mètres de chez moi, avaient sur eux ma photo. En moins de trois mois j’avais échappé à deux tentatives d’assassinat. Je m’étais alors adressé à un diplomate français, en poste à Alger, pour mettre ma famille hors de portée des tueurs. J’avais poussé un soupir de soulagement lorsque, le 13 février 1995, mes enfants, accompagnés de leur mère, arrivèrent pour la première fois sur le sol français. En effet, j’assume en toute logique tous mes combats et le fait d’exposer ma vie aux dangers qui en découlent. En revanche, je ne me sentais pas, et à ce jour je ne me sens toujours pas, avoir le droit d’exposer celle des miens. Et tant pis pour l’accusation infondée dont mes adversaires allaient m’accabler par voie de rumeur selon laquelle j’avais envoyé mes enfants étudier en France au moment où j’avais mis les enfants kabyles en grève de plusieurs mois déjà. Mon peuple me comprendra lorsqu’il saura la vérité, me disais-je. Je tiens, par conséquent, à exprimer ma gratitude à la France de m’avoir permis de m’établir chez elle pour sauver mes enfants de deux morts : l’assassinat et l’arabisation. Je suis resté quatre ans sans retourner dans mon pays.
En 2001, lorsque Bouteflika avait pris la décision de tirer sur les enfants kabyles qui avaient l’outrecuidance de revendiquer pacifiquement le droit à la vie, je réalisai à ce moment-là, comme d’autres intellectuels kabyles, que l’Algérie ne saurait devenir un Etat-nation à la française, c’est à dire, en suivant les mêmes étapes chronologiques d’évolution que la France. J’avais de nouveau relevé le défi de l’Histoire de mon pays en revendiquant le 5 juin 2001 une autonomie régionale pour la Kabylie afin de tourner la page de ce bras de fer qui dure entre elle et Alger depuis près de quarante ans et qui déstabilise en permanence l’ensemble de l’Algérie, et par voie de conséquence l’ensemble du bassin méditerranéen. Cette autonomie était et demeure pour nous, la meilleure voie pour apaiser les tensions entre la Kabylie et le pouvoir algérien pour mieux s’occuper des problèmes de développement à travers une meilleure gestion de notre quotidien, une autre projection de notre avenir et un meilleur usage de nos ressources dans le cadre d’une démocratie de plus en plus enracinée. Malheureusement, des tenants du régime en place n’ont rien trouvé de mieux à faire que de recourir aux anciens réflexes de menaces et d’intimidations, comme au temps du boycott scolaire de 1994/95.
Monsieur le Président,
Au lendemain d’une conférence de presse, tenue en Kabylie à l’occasion du 3e anniversaire de cette revendication autonomiste, je fus abordé dans l’enceinte de l’aéroport d’Alger par un homme qui, visiblement, n’était pas un voyageur (normalement, depuis l’attentat du 26 août 1992, ne peuvent y avoir accès que les personnes munies d’un billet d’avion ou qui y travaillent) pour m’affubler d’un certain nombre noms d’oiseaux et autres agressions verbales qu’il ponctua avec cette terrible phrase : “Puisque vous revendiquez l’autonomie de la Kabylie, vous allez regretter d’être venu au monde !” Sur le champ, je crus que le “vous” désignait tous les Kabyles et pensai à un génocide que des cercles occultes étaient en train de planifier dans ma région. Je n’en percutai le sens véritable que le 19 juin 2004, quinze jours plus tard. Mon fils aîné Ameziane, 30 ans, venait d’être abattu au moyen d’une arme blanche à Paris.
Monsieur le Président,
J’ai été choqué, martyrisé dans ma chair et mon esprit, de lire dans la presse française qui en avait rapporté l’événement, dans la rubrique des faits divers que, selon les services de police, ce meurtre n’avait d’une part aucun lien avec mes activités politiques, et d’autre part qu’il était survenu à la suite d’une rixe “à la sortie d’un dancing” !!! Il se trouve qu’aucun ticket de boîte de nuit n’a été trouvé sur mon fils, à sa mort. Les nombreux gardiens, à l’entrée de “La Locomotive” devant laquelle avait eu lieu le crime, et les cassettes vidéo de surveillance saisies sur place et mises sous scellés ont infirmé une telle version. Autrement, on aurait identifié les meurtriers depuis longtemps. Pour moi et ma famille, c’est un autre coup de couteau dans l’honneur et la mémoire d’Ameziane. En vérité, même si les investigations n’ont jamais voulu, depuis deux ans, retenir la piste politique, mon fils est bel et bien victime d’un attentat politico-terroriste commis par des professionnels de la mort. L’affaire est étouffée. Par qui ? Pourquoi ? Nous l’ignorons. Y a-t-il, derrière ce silence, une raison d’Etat ? L’échec des investigations policières ne fait que nourrir un tel sentiment et une foultitude de supputations que la déférence avec laquelle je vous écris m’interdit de détailler.
Monsieur le Président,
Vous comprenez la douleur d’une famille qui n’entamera son travail de deuil que lorsque toute la vérité sera connue, preuve(s) à l’appui. Je suis convaincu que pour vous, un assassinat à Paris est une insulte au Droit, lorsqu’il est politique, un affront à la France ! C’était pour cela que le Général de Gaulle, à l’assassinat de Ben Barka, avait mis à mal les relations diplomatiques avec le Maroc qu’il soupçonnait d’être derrière le crime. J’ai été admiratif devant votre indignation et votre intransigeance face à la Syrie dans l’assassinat de Rafik Hariri à Beyrouth. Dans le cas de mon fils, je cherche à dissiper mes craintes d’une réédition de l’affaire Mecili. Nous attendons de votre Excellence que l’enquête qui est en passe d’être clôturée, sans résultat, redémarre de manière plus conséquente et au plus vite. Nous tenons tant, ma famille et moi, à l’image et à l’honneur de la France que nous ne pouvons nous résoudre à l’idée que ce meurtre puisse entacher la réputation d’efficacité des services de police français.
Dans l’attente d’un geste naturel et historique de votre part, je vous prie, Monsieur le Président de la République Française, d’agréer l’expression de ma plus haute considération.
Tareq Oubrou est pressenti pour remplir le rôle de représentant des musulmans français sous Emmanuel Macron. Dans un entretien publié par Libnanews en 2016, Lina Murr Nehmé alertait déjà sur le profil de l’imam bordelais.
“Que veut dire l’expression « charia de minorité » dans la bouche de Tareq Oubrou ?
Il s’agit tout simplement de vivre dans la société occidentale en renonçant à ce qui, dans la charia, ne s’y adapte pas. Donc les musulmans, minoritaires en France, peuvent renoncer à la lapidation, à l’ablation des mains, à la décapitation de l’apostat et du blasphémateur, etc.
C’est cela, la charia de minorité. S’il faut une charia de minorité à une minorité musulmane en Europe, c’est qu’il lui faudra une charia de majorité si elle devient un jour majoritaire — ce qui peut arriver, aux dires de cheikh Youssef Qaradawi, qui affirme que l’Occident sera conquis sans violence, parce que le taux de natalité des familles d’immigrés, généralement musulmanes, est supérieur à celui des Européens de souche.
Dans ce cas, la charia de majorité remplacera la charia de minorité, qui ne sera plus nécessaire. C’est cette charia de majorité qui régit en effet le califat prôné par Tareq Oubrou.“