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Liban : Amnistie pour les djihadistes et les criminels

L’Association des Juges Libanais vient de publier un communiqué disant que les députés libanais n’ont pas le droit de se réunir pour forger des lois, tant qu’ils n’en ont pas fini avec le Budget. Or ils se sont trouvés plein de lois à discuter dans l’immédiat, la plus grave de toutes étant celle, exigée par Saad Hariri, d’une amnistie générale des tueurs, des voleurs, qu’ils soient politiciens ou voleurs de grand chemin, mais aussi, des islamistes qui ont combattu contre le Liban, ou dont l’allégeance est simplement interdite, car ils se réclament du califat, ou d’al-Qaïda.

Seraient ainsi amnistiés et jetés sur le marché du crime, la bande d’Ahmed el-Assir qui bloqua Sidon et y fomenta une guerre contre l’armée libanaise, que celle-ci gagna — il y eut plusieurs morts. Serait libéré le père du Londonistan, le Syrien Omar Bakri Fustoq (photo), qui, devenu persona non grata en Angleterre, pourrait essayer d’exercer ses armes de prosélytisme djihadiste en France. Etc.

Pourquoi ces députés libanais sont-ils si pressés de décréter une amnistie générale? Tout simplement parce que les manifestants réclament des comptes et le retour de l’argent public volé, et qu’on leur a promis de les satisfaire. Si l’amnistie libère les voleurs de grand chemin, elle les libèrera aussi. Clic clac, le tour est joué!

Du même coup, ils imposeraient au pays ces djihadistes dont la capture a coûté tant de vies humaines — et dont la re-capture en coûterait tant d’autres.

Quel rôle jouent là-dedans les grandes puissances? Saad Hariri exige un gouvernement de technocrates, c’est-à-dire de gens apolitiques. C’est, paraît-il, l’exigence des puissances étrangères dont il redevient le fidèle serviteur. Vous rendez-vous compte de ce que cela veut dire? A Taef, les Saoudiens ont imposé aux députés libanais (imposé avec des menaces et des pressions financières) un traité selon lequel il y aurait plus de “justice” au Liban en pillant tous les pouvoirs présidentiels pour les donner au Cabinet. Ce Cabinet représentant les forces du pays. Mais si ce Cabinet ne représente pas les forces du pays — c’est-à-dire celles des grandes communautés — s’il représente seulement des hommes apolitiques dociles aux mains du Premier ministre, c’est donc que celui-ci a tous les pouvoirs, non seulement en pratique, mais en théorie aussi. Le Premier ministre qui représente une de ces forces, une de ces communautés, la sunnite. Non la partie des sunnites qui refuse l’Arabie Saoudite, mais l’inverse, puisque c’est avec de l’argent que les politiciens achètent les pauvres en leur donnant des services que l’Etat aurait dû leur donner. Et l’Arabie donne de l’argent. Des millions. Lisez les livres spécialisés ou les fuites de Wikileaks.

Donc tous les pouvoirs seraient aux mains de la communauté sunnite. Qu’il s’agisse de Saad Hariri ou de Leila Solh-Hamadé, ce sera pareil, car l’Arabie Saoudite a, pour le moment encore, le vent en poupe, et c’est elle qui désigne, de façon parfois outrageusement publique, les Premier ministres libanais. Le Liban n’est-il pas un pays occupé depuis le traité de Taef? Occupé militairement par la Syrie jusqu’en 2005, et politiquement par l’Arabie qui a ligoté peu à peu le Liban en lui imposant toutes sortes d’associations culturelles islamistes, à commencer par l’Alesco, en passant par l’Isesco, les droits de l’enfant musulman, etc. On parle des armes du Hezbollah, mais quid des armes palestiniennes? Les Palestiniens auraient le droit d’être armés au Liban, et les Libanais non? Pour l’Arabie Saoudite, oui. Elle a fait désarmer les chrétiens après Taef, mais non les Palestiniens, qu’elle considère comme sa milice sunnite personnelle face aux chrétiens. Or le nombre des combattants palestiniens armés est à peu près égal à celui des miliciens du Hezbollah. 

L’Arabie se sent tellement maîtresse du Liban, qu’elle ne ménage pas les formes, et ne ménage surtout pas l’amour-propre des Libanais. Se souvient-on de la conférence de presse où Walid Joumblatt raconta comment le roi d’Arabie lui avait dit qu’il pensait désigner Saad Hariri Premier ministre du Liban? Joumblatt lui répondit qu’Hariri n’irait pas et ne serait pas populaire. “Je propose Salam”, ajouta-t-il. Et le roi désigna Salam. Après la conférence de presse, je me suis dit: “Par pudeur, les gens du 14 mars devraient refuser.” Mais ils ont accepté, Hariri compris! 

Il faut signaler que ceux qui se donnent le nom de 14 mars, sont le parti pro-saoudien au Liban. Ils comptent le plus gros bloc parlementaire sunnite et le plus gros bloc parlementaire druze, ainsi que les plus petits blocs parlementaires chrétiens — c’est-à-dire les dhimmis. C’est avec ce bloc que l’Occident traite. 

Donc, quel que soit le Premier ministre, sa politique sera saoudienne. Donc à quoi bon discuter des mérites de tel ou tel candidat? Ces mérites n’ont aucun sens, puisqu’il va obéir aux ordres étrangers. Un peu comme Babrak Karmal en Afghanistan. 

Et à partir du moment où un tel homme dirige un gouvernement de technocrates, où les forces sur le terrain ne sont pas représentées (ou même un Cabinet à moitié technocrate à moitié politique, où ces forces ont les ailes rognées), c’est que le Premier ministre nommé par l’Arabie dans les coulisses ou ouvertement, sera un dictateur exécutant les ordres donnés par l’Arabie. 

Et devinez quel avenir l’Arabie veut pour ce Liban qu’elle considère comme sa propriété privée achetée pour deux milliards à Taef — ce Liban qui est la seule démocratie des pays dits arabes, le seul pays à avoir servi de barrage contre l’islamisme, et le seul pays de la région dont le Président soit chrétien? 

Je vous le donne en mille. 

Il faudrait tout de même que les populations qui veulent la liberté pour elles-mêmes, fassent un peu plus pression que cela sur leurs gouvernants qui ne pensent, au contraire, qu’à priver le Liban de liberté et de démocratie. Peuples, cela se fait dans votre dos. Mais la note, c’est vous qui la paierez et non Macron, Trump et les autres. Eux se sont assez enrichis, c’est vous qui vous appauvrirez à mesure que l’Arabie s’enrichira de la dépouille du dernier pays libre de l’ancien Orient d’avant l’islam.

En ce qui concerne la loi d’amnistie dont on parle, il est vrai qu’elle comporte beaucoup de clauses restrictives. Seraient exclus de l’amnistie, par exemple, les tueurs ou ceux qui ont appelé au meurtre, et donc aussi les terroristes islamistes.

Mais ceux qui réclament le plus cette loi ne sont pas les pauvres gens qui ont passé plus d’années à attendre leur jugement, qu’ils n’auraient eu d’années de prison à faire. Ceux-là, il est juste de les amnistier, même s’ils n’ont pas été jugés, puisqu’ils ont purgé leur peine ou davantage, et restent en prison injustement.

Le problème, donc, c’est que ce ne sont pas eux qui réclament: ils n’ont pas de moyens de pression pour cela. Ils n’ont pas de milices capables de mettre une ville à feu et à sang pour obliger l’Etat à les libérer, comme ont fait les islamistes en faveur du djihadiste Chadi Mawlawi (al-Qaïda), il y a dix ans ou davantage. J’ai raconté cela dans ma dernière vidéo arabophone. Elle montre le favoritisme dont bénéficiaient les islamistes sous le régime des Premier ministres d’après Taëf, même sous celui, prétendu modéré, de Mikati. Elle montre enfin, que l’amnistie générale avait déjà été décrétée à cette époque, non pour ceux qui étaient en prison pour le vol de très petites sommes, mais pour les islamistes ayant une connection avec les tueurs d’al-Qaïda à Nahr el-Bared.

Que la même loi soit présentée sous une autre forme, et avec tant de clauses restrictives, ne signifie pas qu’ils n’en bénéficieront pas. Déjà leurs partisans ont annoncé une grève générale à Sidon (photo) ou ailleurs — c’est-à-dire, si l’on se rappelle de tristes précédents, des pneus brûlés, de la casse, des coups, et même des meurtres.

Il en est de même des Bédouins du Hermel qui ont annoncé une manifestation pour demain. Eux aussi ont des meurtriers qu’ils veulent amnistier, menaçant l’Etat d'”actions” au cas où il exclurait leurs tueurs de l’amnistie. Et on sait l’esprit tribal qui vaut chez les Bédouins en général: “il faut les libérer parce qu’ils sont les nôtres”.

Il n’est même pas certain que les politiciens aussi soient exclus de cette amnistie. Comment voulez-vous que ceux qui militent le plus pour faire passer immédiatement cette loi — Hariri et Berri — se punissent eux-mêmes et punissent leurs hommes, tout en amnistiant les pauvres voleurs de 50.000 livres? Seraient-ils pris, soudainement, d’un grand repentir? Je crois au repentir dans le cas de l’ancien milicien chrétien Assaad Chaftari. J’y ai cru dans le cas d’Hariri, quand celui-ci a osé refuser de démissionner. Mais la suite m’a montré que je ne devais pas y croire dans son cas; et je n’y crois pas non plus dans celui de Berri. Ni dans celui de leurs compères, les anciens tueurs de guerre et les profiteurs qui ont mangé le pays comme une nuée de vautours, après Taef surtout. Feu Rafic Hariri était venu au Liban avec un milliard de dollars. Il est mort, d’après Forbes, à la tête d’une fortune de 16 ou 17 milliards. D’où sont-ils venus? Et la tentative de meurtre de Moustapha Saad, le rival électoral, qui tua tant de monde, fut aussi amnistiée. L’accusé, c’était Rafic Hariri. Ironiquement, il mourut de façon semblable.

Tous ces seigeurs et voleurs de guerre se sont auto-amnistiés en 1990. Même le génocide commis par Joumblatt fut amnistié, alors que les crimes contre l’humanité ne peuvent pas être prescrits d’après les lois internationales affichées par ces mêmes gouvernements qui nous l’ont imposé comme s’il était un parangon de démocratie à l’occidentale. Ces mêmes gouvernements qui refusent de traiter avec d’autres qu’avec les seigneurs de guerre, génocideurs, tueurs, voleurs et menteurs agréés par la Syrie et l’Arabie Saoudite (jusqu’à leur brouille). Et ces collaborateurs ne sont pas agréés pour leur abnégation envers le Liban, mais parce qu’ils acceptent de travailler contre leur propre pays.

Voilà pour la loi d’amnistie. Il faut se souvenir qu’on en parle depuis une dizaine d’années. Et que l’idée de départ était d’amnistier les islamistes (et non les pauvres qui ont volé parce qu’ils avaient faim).

J’ai publié il y a quelques jours une vidéo en arabe littéraire et en libanais pour raconter cette histoire d’amnistie des islamistes et non des autres, ainsi que les méthodes utilisées pour obliger le gouvernement à libérer les islamistes d’al-Qaïda. Et autres aberrations que nous avons vécues.

Pour l’anecdote, un ami Facebook avait appelé à descendre couper la route internationale pour exiger la libération des militaires emprisonnés, relâchés, et de nouveau emprisonnés pour satisfaire les islamistes. A un moment donné, l’armée, qui obéit aux ordres, même contre nous, a reçu l’ordre d’ouvrir la route par la force. Les soldats ont tous avancé en même temps. Mes compagnons ont tous reculé, sans quoi ils auraient été écrasés par les soldats en marche comme par un rouleau compresseur. Mais comme je ne suis pas le genre à reculer, je suis restée debout. Arrive devant moi un militaire très grand et très musclé, qui allait me renverser. Je lui dis: “Walaw, vous, grand comme vous êtes, contre moi, petite et maigre?” Il a eu l’air gêné et s’est arrêté. Entre-temps, un ami qui avait vu la scène avait accouru et s’était mis à lui crier dessus: “Vous n’avez pas honte? Vous auriez pu tuer la madame!” Le militaire répond avec le même ton: “Et vous ne me parlez pas avec autant de civilité qu’elle !” En bref, je ne suis pas morte, et je suis là pour vous le raconter.

Et voici la vidéo qui raconte ces tristes épisodes que les jeunes ne connaissent pas. Je recommande aux arabophones de la voir jusqu’au bout. Il paraît que c’est la meilleure que j’aie faite.

Lina Murr Nehmé, 11 novembre 2019


Discours de Saad Hariri (22 octobre 2019)

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Excellent discours de Saad Hariri. Il y a une solution dans ses propositions, et comme il dit, cette éruption de colère aura rendu possible, pour le gouvernement, de prendre les mesures d’austérité qu’il n’osait pas prendre parce qu’elles feraient mal aux seigneurs de guerre, notamment les puissants Berri et Joumblatt. 

Saad parle ainsi de supprimer un ministère et toutes les organisations inutilement financées par l’Etat. Songer qu’il ose défaire le travail de son père qui nous a plongés dans cette dette! Et qu’il ose défier les seigneurs de guerre, Berri et Joumblatt — en privant d’argent (jusqu’à 70% du budget que leur payait l’Etat) leurs associations parallèles confessionnelles dont ils ont imposé le financement à l’Etat libanais —, alors que ces associations leur permettaient de recruter des partisans, armés ou non, et d’être aussi puissants! Bravo pour ce courage, cheikh Saad, bravo pour cette humilité avec laquelle vous avez parlé aux manifestants, et pour la première fois depuis 1990, je vois un Premier ministre du Liban. Et pour que je dise du bien d’un discours de Premier ministre, moi, qui n’ai jamais eu un seul mot positif pour un seul premier ministre depuis Taëf — y compris Saad lui-même autrefois, et même aujourd’hui jusqu’à ce soir —, il faut qu’il le mérite. 

Voilà 29 ans que je dévoile les vices, les crimes, les trahisons des Premiers ministres que nous ont imposés les grandes puissances, et que je déplore que les politiciens intègres acceptent de parler avec eux, parce que ce sont des collaborateurs. Ce soir, je n’ai plus cette impression. C’est un peu comme un cauchemar dont on s’éveille. C’était fatiguant, de toujours jouer les Cassandre et de toujours prédire des malheurs, et d’être malheureuse deux fois: une fois en les prédisant, et une fois, parce que les événements me donnaient raison. 

Reste à appliquer ce que vous avez dit, M. le Premier ministre. Et j’en connais qui vont tout faire pour vous en empêcher. Car si certains d’entre eux sont vraiment poussés par la faim, et d’autres, intègres, veulent se solidariser avec le peuple, il y a aussi un troisième parti qui est constitué d’une bande de voyous bien organisés pour casser le gouvernement et empêcher le retour des réfugiés syriens dans leur patrie. Ils sont payés. D’où vient tout l’argent jeté? Des sonos de prix inabordables, des distributions de bouteilles d’eau minérales toute la journée aux manifestants, une grosse console pour produire un Internet haut débit et gratuit, des distributions de sandwiches gratuits à volonté à des dizaines de milliers de personnes, du direct télévisé — plusieurs télévisions — 24h sur 24! Ça coûte cher, le direct, et personne ne fait du direct 24h sur 24! 

Qui paie? MBS, l’ennemi de Hariri? Il a tout fait pour le faire tomber, et il a tellement d’argent que ce n’est pas grand-chose pour lui. George Soros, dont l’organisation Otpor, a entraîné un des dirigeants du mouvement “Vous puez”, qui se retrouvent dans l’actuel mouvement, avec les mêmes méthodes et le même slogan? Bachar el-Assad, qui trouve que les réfugiés syriens sont bien chez nous, une partie d’entre eux étant islamistes? Les trois? Je n’en sais rien. Mais l’apparition soudaine de centaines de milliers de pneus, qui ont été mis à brûler dans toutes les rues des régions chrétiennes — on n’a jamais eu ça — dans tout le pays, pour asphyxier les Libanais. Puis ces manifestations organisées dans des dizaines de villes à la fois… un jour plus tard! Depuis quand une manifestation s’organise en un ou deux jours dans des dizaines de villes à la fois? 

En tout cas, monsieur le Premier ministre, je vous donne pour la première fois ce titre de tout cœur, et je souhaite que vous arriviez à mettre votre parole en pratique. Vous savez en tout cas que vous ne pourrez pas revenir en arrière. Mais je crois que beaucoup de personnes vous ont aimé après avoir entendu ce discours.

Lina Murr Nehmé, 22 octobre 2019

PS : S. Hariri va également essayer de faire rendre l’argent volé à tous les collaborateurs qui se sont succédés au pouvoirs… et les pires sont de son parti. Il y a 11 milliards de dollars réclamés par l’Etat libanais au Premier ministre Siniora. A l’époque, le mufti avait dit: “Siniora, ligne rouge”. Le tribunal avait répondu: “Devant la justice, il n’y a pas de ligne rouge.”

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Manifestations au Liban : que faire ?

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Des milliers de manifestants avec casseurs se sont rués contre le palais du Premier ministre et celui du Président de la République en criant le slogan du Printemps Arabe: “Le peuple veut la chute du système”. 

Mais mystérieusement, ils ont soigneusement calculé leur trajectoire. Je traduis donc ce petit post que j’ai vu sur la page d’un ami: 

“Insurgés! Le Liban vous interroge. Vous dites que vous en avez contre tous les politiciens, et que vous voulez bien dire ‘tous’. Alors expliquez-nous comment se fait-il qu’aucune manifestation ne se soit dirigée contre Aïn Tiné (Nabih Berri), Mokhtara (Joumblatt), Meerab (Samir Geagea), Bnecheéi (Sleiman Frangié)?

C’est vrai, il serait intéressant d’avoir la réponse à cette question. Déjà, hier, Joumblatt avait attiré mon attention en disant à Saad Hariri: “Démissionnons ensemble”. Mais Joumblatt sait qu’il reviendrait au pouvoir, et que si Hariri se retirait, c’en serait fini de sa carrière. Car Joumblatt est mieux introduit auprès du roi d’Arabie, que Saad Hariri! C’est lui qui, il y a quelques années, a dit au roi de ne pas nommer Hariri, mais Salam. (Il l’a raconté dans une conférence de presse.)

MBS est furax. MBS n’aime pas Saad Hariri. Il ne veut pas de lui comme gouverneur du Liban. Il se sent le dindon de la farce. Il a ruiné Saad Hariri, mais celui-ci s’est entendu avec le général Aoun pour amener celui-ci au pouvoir. Or MBS avait jeté son dévolu sur Sleiman Frangié et empêchait depuis plus d’un an l’élection d’Aoun. Car c’est lui que voulaient la majorité des chrétiens, qui avaient voté à 55% pour lui. Mais il n’était pas question qu’un chrétien ayant un poids électoral, occupe le siège présidentiel, puisqu’il avait été décidé que les chrétiens seraient des dhimmis. L’alliance d’Aoun avec Hariri a mis MBS hors de lui. 

Il a donc obligé Hariri à démissionner. Mais encore une fois, Aoun l’a rendu furieux… en sauvant Hariri. Il a ainsi usé de la seule prérogative dont l’Arabie Saoudite n’ait pas dépouillé le Président chrétien: le pouvoir d’accepter la démission du Premier ministre. Aoun a refusé la démission d’Hariri, prisonnier avec sa famille en Arabie, et il a demandé à Macron d’aider à le libérer. Macron est intervenu auprès d’MBS et a obtenu la libération d’Hariri. Aoun a ainsi rapproché la majorité des sunnites de la majorité des chrétiens. 

Mais bien sûr, l’Arabie Saoudite ne veut pas d’union au Liban! Elle veut diviser pour démanteler, car sans cela, les chrétiens resteraient toujours forts, même s’ils n’étaient plus que cent. 

Maintenant, MBS avait sa troisième possibilité de se débarrasser d’Hariri, et aussi d’Aoun. La hausse des taxes exigée par la communauté internationale, le pillage durant des décennies ayant mis le Liban au bord de la faillite — aurait, certes, dû frapper d’abord les plus riches. 

Mais si les insurgés exigent cette justice — et ils ont raison —, ils devraient avoir la justice de frapper les plus corrompus, ceux qui ont participé au plus grand nombre de Cabinets de la corruption d’après Taëf. 

Le champion est Nabih Berri, président du Parlement. Il était pauvre, et il est riche. Les pauvres ont bien manifesté contre lui à Tyr en criant: “Berri voleur, Berri voleur”. Comment se fait-il qu’aucun d’eux n’ait songé à marcher sur son palais truffé d’objets précieux? Il n’y a pas eu un des 17 Cabinets de la corruption d’après Taëf, auquel Berri n’ait pas participé. 

Après lui vient Joumblatt, qui a avoué avoir volé l’argent des réfugiés, et qui a fait tuer, parfois à la hache, 3000 chrétiens, et qui a également tué des centaines de druzes. Il ne s’est trouvé ni chrétiens, ni druzes pour l’attaquer ! 

Après lui vient Frangié, auquel on pardonne beaucoup parce que lui-même a pardonné à Geagea, le tueur de son père, et parce qu’il a protégé ses propres ennemis chrétiens, sous l’occupation. Il n’empêche qu’il a participé à la plupart des Cabinets de la corruption. Lui non plus n’a trouvé personne pour marcher contre lui?

Et comment se fait-il que Geagea qui tuait des centaines de chrétiens en leur coulant du béton sur les pieds et en les jetant dans la mer (lire le récit de celle qui fut alors sa secrétaire, Régina Sneifer), qui a fait fortune en rackettant les passants et les camions sur le barrage de Barbara, qui a vendu le sol libanais pour y mettre la dioxine de Seveso dont aucun pays ne voulait, et qui l’a mise dans des barils qui fuyaient; qui a divisé les chrétiens et a combattu pour la Syrie contre eux en 1990 (cf. ses lettres que j’ai publiées dans mon livre “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”), comment se fait-il qu’il ne trouve personne pour manifester contre lui, alors qu’il a été condamné à mort pour l’assassinat de Tony Frangié, de Rachid Karamé, de Dany Chamoun, et qu’il a essayé d’en tuer beaucoup d’autres, dont Gébran Tuéni, qui a témoigné à ce sujet, et a probablement dû sa mort à ce fait? 

Expliquez-nous, bonnes gens, la sélectivité de votre fureur. J’aimerais bien savoir. Car dès leur éclatement, ces émeutes m’ont fait penser à celles provoquées par Geagea et Joumblatt pour faire tomber le gouvernement d’Omar Karamé et amener Rafic Hariri au pouvoir. Tragique ironie des faits, que le même scénario qui a mené le père au pouvoir, resserve aujourd’hui contre le fils. 

Quant à Aoun, ayant été exilé entre 1990 et 2005, il n’a pas participé à ces gouvernements de la corruption, y compris à celui de 2005, parce qu’ils n’ont pas voulu lui donner un nombre de ministres proportionnel à son poids électoral. Sa participation a été plus tardive, et il n’avait pas le ministère des Finances. 

Donc, manifestants, si je comprends bien, vous attaquez ceux qui sont le moins responsables, parce que ceux qui sont le plus responsables vous font peur ou (et) vous paient? Rappelons-nous cette dépêche de Wikileaks montrant Samir Geagea mendiant de l’argent à l’Arabie Saoudite pour avoir de quoi entretenir ses miliciens et combattre le général Aoun. Cette dépêche avait fait grand scandale il y a très peu d’années, rappelez-vous. Tout cela a été oublié, et aucun de vous ne va attaquer Meerab? Admirables, votre justice et votre irréprochabilité!

Addendum :

Ce qui confirme ma comparaison avec 1992 et les manifestations de Geagea et de Joumblatt pour faire tomber Omar Karamé et amener Rafic Hariri, ce sont les appels justement de Joumblatt et de Geagea à manifester “contre ce régime corrompu” (!)

Quant à Sleiman Frangié, il a été le seul ministre à avoir refusé l’argent de Rafic Hariri pour vendre le centre de Beyrouth et en exproprier les propriétaires au profit de la société privée d’Hariri, Solidere. Mais Sleiman a récemment été candidat à la Présidence, avec l’accord de l’Arabie. 

Quant à Joumblatt, qui appelle à une démission générale, combien de dizaines de fois a-t-il dit une chose avant de faire un revirement à 180°? S’il est capable de faire nommer par le roi d’Arabie le Premier ministre du Liban et de venir s’en vanter dans une conférence de presse au Liban, et que les gens du 14 suivent la consigne et entérinent le choix du roi d’Arabie en nommant Salam, comment espérer qu’un tel homme ne revienne pas au pouvoir ? Le pouvoir le grise, l’argent le grise, il ne peut vivre sans eux. Même le sang le grise. Plusieurs de ceux qui l’ont fréquenté racontent qu’il dit parfois en posant son arme: “Il n’y a que deux choses qui comptent: ça et le dollar”. Joumblatt sait que s’il perdait sa puissance politique, il perdrait aussi la vie. Quant à ses retournements, est-ce qu’on ne le comparait pas à une machine à laver qui ne fait que tourner? Qui leur interdira de se représenter ? Les grandes puissances? Ce sont elles qui nous les ont imposés. Le peuple? On l’a mis dans une telle situation de misère qu’il en soit réduit à accepter leur argent qu’ils lui ont volé.

Que faire ? Il faut exiger que les grandes fortunes soient taxées, que les sources de revenus des gens comme Joumblatt et Berri, qui ont participé au plus grand nombre de Cabinets, soient examinées, que les voleurs de l’occupation cessent d’être protégés en n’étant pas attaqués par une foule qui parle de justice mais ne les attaque pas. Et je propose, surtout, le civisme. Une révolution réussit quand elle a pour but l’amour, comme c’était le cas en 1989. Elle ne réussit pas quand elle a la haine pour moteur. Examinez toutes les révolutions suscitées par la haine, et vous verrez combien le peuple qui les a faites a souffert ensuite de la main de ceux qu’il a portés au pouvoir. Non. une révolution doit se faire lucidement, en réfléchissant et non en se laissant porter par les sentiments. Car les sentiments, une chaîne de télévision peut vous les susciter. Cela ne veut pas dire que ce sont vos vrais sentiments. La seule chose qui vienne vraiment de vous, c’est votre acte réfléchi, et votre décision de le suivre. Certes, le peuple a faim, mais il aura davantage faim s’ils cassent le pays et si le même scénario qu’en Tunisie, en Egypte et en Syrie se poursuit et s’ils subissent une dictature comme là-bas.

Les manifestants piétinent l’image de Berri à Nabatiéh. Mais ils n’osent pas l’attaquer chez lui, à Aïn Tiné.

Les forces de l’ordre payées par Berri, pour que ses miliciens ne soient pas inquiétés.

Lina Murr Nehmé, 19 octobre 2019

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Le slogan du printemps arabe au liban

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Au Liban, le slogan du printemps arabe: “Le peuple veut la chute du système”. Al-Jazeera, la télévision du Qatar, joue exactement le rôle qu’elle avait joué pour faire dégénérer des manifestations, en révolution. Elle a réussi en Tunisie, amenant les Frères Musulmans d’Ennahda. Elle a réussi en Egypte, amenant les Frères Musulmans de Morsi. Elle a partiellement réussi en Syrie, amenant l’ASL et al-Qaïda (Nosra et Daesh). 

Maintenant, tout le monde parle de la corruption du Liban. Je veux bien, j’ai été la première à la dénoncer et à la prouver dans mes livres. Mais cette corruption nous a été imposée par les grandes puissances pour qu’elles puissent plaire au roi d’Arabie. Il fallait que le Liban éclate pour qu’il n’y ait plus de chrétien gouvernant le plus beau pays du Moyen-Orient, la citadelle des résistants et des hommes libres. Ce calvaire décrété après la guerre de Kippour (1973), dure depuis 1975. Et vous parlez de corruption? 

Fac-similé tiré d’une page de mon livre Du règne de la Pègre au réveil du Lion, nommé ainsi à dessein, puisque la pègre a été placée au pouvoir au Liban, pour tuer le Liban. Et c’est pourquoi l’Occident a maintenant tous ces problèmes de terrorisme: parce que le rempart qui résistait au front, a été brisé et ne résiste plus.

Pour que vous compreniez cette photo, il faut que vous sachiez que dans cette église de style byzantin, les boiseries, au fond, étaient remplies d’icônes, qui ont été pillées et profanées. Le milicien musulman qui a ainsi profané cette église à l’est de Sidon, s’est accoutré des vêtements d’un prêtre de rite byzantin.

Lina Murr Nehmé, 18 octobre 2019

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noce au liban, en 1954

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Une noce dans un village libanais en 1954. Il s’agit du mariage de mes parents, le 10 octobre. 

À cette époque, comme dans ma jeunesse, chaque femme faisait venir la couturière et lui expliquait comment elle voulait les manches, la forme du col, les épaules, la longueur de la robe. J’ai connu cela. J’ai même fait des robes, car nous apprenions la couture à l’école, et nous avions un examen de couture, filles et garçons. C’était au programme. Pour mon BEPC, ainsi, nous avions à couper et coudre une bavette de bébé. 

Nos robes étaient toutes originales, toutes seyantes. Et beaucoup plus seyantes qu’aujourd’hui, où elles semblent parfois faites, soit pour attirer les hommes physiquement en dénudant tellement le corps qu’il en voie tout (très antiféministe, cela), soit pour les repousser en l’habillant comme un sac de pommes de terre. Il est vrai que les modes occidentales et le prêt-à-porter qu’on achète depuis qu’on ne coud plus, sont, comme le jilbab et le tchador, des inventions d’hommes. Chacun impose à la femme le costume qu’il veut, en la flattant pour la persuader de l’accepter. L

P.S.: Le vieil homme est le grand-oncle de ma mère, qui lui donne le bras jusqu’au moment où elle verra son futur, soit à la porte du domaine de l’église. Alors elle entre à l’église au bras de ce dernier, après qu’il y ait eu une “bagarre” de village, chacune des familles tirant son rejeton pour que le conjoint ne puisse pas dire que c’est lui qui est allé au mariage le premier. C’est le grand-oncle qui lui donne le bras parce que son père était furieux de ce qu’elle ait vu son futur le jour même, et qu’ils soient allés dans une église catholique, alors que son propre père était pope. D’où les larmes de ma mère après que mon grand-père lui ait fait une scène et ait dit; “Je ne lui donnerai pas le bras pour la prendre à l’église.” Alors le grand-oncle l’a grondé et a dit: “Tu ne lui donnes pas le bras? Eh! bien, c’est moi qui vais le lui donner.”

Lina Murr Nehmé, 11 octobre 2019

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Munich 1938, Taef 1989

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Le traité de Taef fut à la troisième guerre mondiale ce que les accords de Munich furent à la seconde. 

Ce n’est pas pour rien que ces manifestants libanais brandissaient, le 4 novembre 1989, des pancartes comparant les accords de Taef aux accords de Munich. 

Les députés libanais sont en effet arrivés à Taef à l’anniversaire du traité de Munich, le 30 septembre, pour trouver, comme les signataires de Munich, un traité tout fait à signer, qui légalisait l’occupation d’un pays innocent par son voisin, lequel était gouverné et dominé par des criminels, à ceci près qu’Hiltler, en 1938, n’avait pas encore fait ses preuves, contrairement à ses admirateurs Hafez Assad et Abdel-Halim Khaddam en 1989.

En vertu de ce traité, le 13 octobre 1990, l’armée syrienne, soutenue par les Etats-Unis et la communauté internationale, occupa le palais présidentiel et le ministère de la Défense libanais.

Lina Murr Nehmé, 29 septembre 2019

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De Gaulle et le Liban

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On peut aimer ou non certaines actions politiques du général de Gaulle. Mais on ne peut nier sa stature politique et morale, à laquelle ne peut se comparer celle d’aucun de ses successeurs. Je ne parle pas seulement du fait qu’il utilisait sa vaisselle personnelle quand il ne recevait pas des officiels, afin d’être sûr de ne pas ébrécher la précieuse vaisselle payée par le contribuable français. Je ne parle pas seulement du fait qu’il refusait de faire payer à l’Etat sa note de gaz… et le reste. Je parle aussi de sa politique envers le Liban, auquel il a donné son indépendance, ce que n’avaient pas fait ses prédécesseurs, malgré la convention faite avec les Libanais en 1919-1920. Car le mandat français a été demandé par les Libanais pour être protégés des Arabes et pour avoir le temps de se constituer une armée et des institutions modernes permettant de résister aux appétits des voisins. 

Qu’ont fait du Liban les successeurs de De Gaulle, qui, après le choc pétrolier de 1973, ont tout fait pour obtenir l’amitié des potentats saoudiens? Et pour ces derniers, vous le savez, la charia prime. Et il est illégal d’après la charia, qu’un chrétien gouverne un musulman. Donc les chrétiens du Liban devaient perdre tout pouvoir pour que la charia soit appliquée. Ce fut l’origine de la guerre du Liban. Et si elle est si compliquée, c’est parce que les Libanais ne se sont pas laissé faire. La guerre qui commença le 13 avril 1975, le même jour que celle du Cambodge, aurait dû se terminer en une semaine, comme celle du Cambodge. Mais elle dure encore. Car c’est une guerre des coulisses qui se fait en Arabie. C’est pourquoi c’est la mort de Rafic Hariri le Saoudien, qui libéra le Liban de l’occupation syrienne, et non la mort d’Hafez el-Assad. Et c’est pourquoi aussi, le départ des Syriens ne changea rien à l’état du Liban. Et on vous dit: “Ça, c’est le Liban.” Non. Ça, ce n’est pas le Liban. Ça, c’est ce qu’en ont fait la volonté saoudienne et la veulerie occidentale.” 

Vous verrez la différence le jour où la famille Saoud tombera. Et ce jour est proche.

Lina Murr Nehmé, 21 juillet 2019

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Annonciation et “prières islamo-chrétiennes”

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Une partie du djihad consiste, après avoir dépouillé les chrétiens de
leurs pouvoirs, à les dépouiller aussi de leur histoire et de leur
religion. Cela s’est vu partout, et tout au long de l’histoire, quand on
dit, par exemple, que Jésus est un prophète musulman.

Je peux
croire en la bonne foi du musulman du peuple, qui ne connaît pas ses
textes — et en la bonne foi des chrétiens qui ne les connaissent pas non
plus. Je ne peux pas croire en celle des oulémas qui ont travaillé à la
transformation de la fête chrétienne de l’Annonciation, en fête
islamo-chrétienne. Car eux savent très bien ce qu’ils font.

Durant ces prières communes qu’ils ont organisées aujourd’hui dans un
grand nombre d’églises au Liban et ailleurs, pourquoi se sont-ils
empêchés de réciter les versets suivants au sujet de Jésus et Marie? Car
ils les récitent bien dans leurs mosquées, et ils montrent que pour
eux, le 25 mars n’est pas, comme disent les chrétiens, “l’anniversaire
du jour où Dieu est devenu un homme pour sauver les autres hommes en
portant leurs péchés et en priant et pardonnant sur la croix.”

Il y a dans cette omission quelque chose d’inquiétant. Car aujourd’hui,
ça va, les chrétiens sont en position de force au Liban: ce sont les
lieux de pèlerinage chrétiens qui sont les fréquentés, non ceux des
musulmans. Qu’arrivera-t-il, en revanche, quand les chrétiens seront au
creux de la vague comme durant les années 1990? A ce moment, il y a de
fortes chances pour qu’on continue à nous dire que l’Annonciation est
une fête commune, et qu’on ressorte alors les versets suivants qu’on
omet maintenant de signaler:

1- Les versets qui disent que Jésus n’est pas le Sauveur des hommes et qu’il n’est pas mort sur la croix:

« Ils ne l’avaient pas tué et ils ne l’avaient pas crucifié, mais il leur a seulement semblé qu’ils le faisaient. Et certainement, ceux qui pensent autrement restent dans le doute. Ils n’ont pas de science à ce sujet, mais suivent seulement des conjectures : ce qui est sûr, c’est qu’ils ne l’ont pas tué.» (Coran, 4.157-158)

2- Les versets qui disent que Jésus n’est pas la seconde personne de la Trinité, que Jésus n’est pas Dieu, et que les chrétiens sont des mécréants parce qu’ils y croient:

« Ils sont des mécréants, ceux qui disent : “Dieu est le Christ, fils de Marie !”… Ils sont des mécréants, ceux qui disent : “Dieu est le troisième de trois,” quand il n’y a, en matière de divinité, qu’un seul Dieu ! » (Coran, 5.72-73)

3- Les versets qui disent que l’annonciation de Jésus n’est pas l’annonciation de l’Incarnation de Dieu (selon les chrétiens), mais celle de la conception de l’annonciateur de Mahomet (selon les musulmans):

« Jésus, fils de Marie, a dit : “Ô fils d’Israël ! Je suis, en vérité, l’Apôtre [ou prophète] d’Allah, envoyé pour confirmer la partie de la Thora que vous avez déjà, et pour annoncer la bonne nouvelle d’un Apôtre qui viendra après moi et dont le nom sera : Ahmed”. Mais quand il vint à eux avec les preuves évidentes [les miracles], ils dirent : “Voilà une sorcellerie évidente.” » (Coran, 61.6.)

Messieurs les oulémas, c’est votre opinion, et nous la respectons: nous sommes au pays de la liberté d’opinion. Mais de grâce, respectez-nous en nous citant aussi les versets ci-dessus. Car ils montrent que nous ne parlons pas du tout de la même chose. Et que vous le savez.

Lina Murr Nehmé, 25 mars 2019

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10 millions de réfugiés algériens ?

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Dominique Handelsman écrit : “Sur la 5, Kamel Daoud traite le Pen de charognarde parce qu’elle a dit qu’elle souhaite qu’on suspende l’attribution de visas d’Algérie vers la France, arguant que Sifaoui a dit qu’il pourrait y avoir jusqu’à 10 millions de réfugiés.”

Je voudrais poser la question suivante à Kamel Daoud, que j’estime par ailleurs : vu la situation actuelle, serait-il humain, bon et utile que la France reçoive 10 millions de réfugiés algériens (sous réserve, évidemment, que ce chiffre avancé par Mohamed Sifaoui soit réaliste) ? Serait-ce bon pour ces Algériens ?

Nous avons connu cela au Liban, quand, réfugiés palestiniens plus réfugiés syriens, nous nous sommes retrouvés avec une population aux deux tiers libanaise seulement.

Le Liban assassiné, Aleph et Taw, 2008. En France, ce livre est disponible sur commande uniquement (contacter Lina Murr Nehmé par sa page Facebook).

Personnellement, chaque fois que
j’ai eu le choix, j’ai préféré me rendre là où il y avait la guerre,
que de fuir. C’est pourquoi, et alors que ma famille était domiciliée à
l’étranger, je me suis trouvée au Liban la plupart des périodes où il y
avait la guerre, et j’ai affronté le feu des miliciens les mains nues,
j’ai affronté Daech en brûlant son drapeau à cent kilomètres d’elle,
j’ai même affronté l’armée libanaise en refusant de me retirer au cours
d’une manifestation, au risque de me faire écraser par la troupe qui
marchait sur nous.

Je comprendrais que cent, ou que mille Algériens fuient. Mais je ne comprendrais pas que 10 millions d’Algériens fuient leur pays au lieu de le servir, alors qu’ils pourraient briser n’importe quel régime, rien qu’en descendant tous ensemble dans la rue.

Lina Murr Nehmé, 12 mars 2019

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“Nul n’est prophète en son pays” !

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“Nul n’est prophète en son pays” !

Au Liban, le Dar el-Fatwa a
poliment informé le ministère qu’il devait interdire la diffusion de
mon livre “Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils
cachent” dans le pays.

Cette institution rédige des fatwas, elle
interdit des livres: elle est dans son rôle. C’est elle qui a refusé de
recevoir une candidate à la Présidence de la République française sans
hijab. Et ce, alors que le voile n’est pas obligatoire au Liban. Il est
vrai que mes derniers livres parlent du voile, et de sujets sensibles.
Impossible d’expliquer le vrai discours de Tariq Ramadan, Tareq Oubrou,
Dalil Boubakeur, sans revenir aux textes qu’ils citent.

Si on
comprend que ces trois personnages soient protégés par leurs collègues
oulémas qui censurent mon livre, on comprend moins facilement pourquoi
cette protection s’exerce en France, en Belgique, et dans une moindre
mesure, en Suisse. En effet, on vient de me faire remarquer que les
bibliothèques universitaires francophones (françaises, belges et
suisses) mettaient moins de mes livres à disposition du public que les
universités américaines ou allemandes. Ainsi, il est plus facile à un
lecteur habitant à Munich, Chicago ou à un étudiant de Harvard ou
Stanford de me lire, qu’à un lecteur français, suisse, belge ou libanais
!

Et cela est valable pour d’autres auteurs qui parlent un autre
langage que celui d’Olivier Roy, Vincent Geisser, Alain Gresh ou
François Burgat, qui continuent d’être consultés et interrogés sur leurs
protégés.

Comme on ne peut pas censurer franchement, on ignore,
ce qui est aussi efficace. Et si cette censure existe, c’est bon signe:
c’est que le travail que l’on fait est efficace. Ce qui est inquiétant,
c’est que cette censure touche des livres qui aident des pays victimes
du prosélytisme et de l’islamisation agressive à y voir clair. Car toute
bibliothèque universitaire ou municipale, en France, possède les livres
de Tariq Ramadan, de Tareq Oubrou, de Dalil Boubakeur, ou de Ghaleb
Bencheikh, pour ne citer qu’eux. Sans parler des bibliothèques
musulmanes dans nombre de mosquées, à commencer par la Mosquée de Paris.
Et bientôt, qui sait, Mehdi Meklat aura le prix Goncourt. En face,
quels sont les livres qui fourniront aux étudiants de quoi se prémunir
contre leur discours ?

Je me souviens de cet étudiant que j’avais
plusieurs fois entendu, à la Bibliothèque Nationale de France,
endoctriner une étudiante voilée qui le regardait avec des yeux
passionnés. “Vous allez faire le djihad?”, lui demandait-elle entre deux
bouchées de sandwich. C’était en 2009, l’année où j’avais posé à Tariq
Ramadan la colle dont j’ai parlé dans “Fatwas et Caricatures” au sujet
du mariage d’Aïcha, et de l’esclavage. Qui sait si cet étudiant, et
peut-être cette étudiante, ne sont pas allés faire le djihad en Irak ou
en Syrie depuis, et ne sont pas, aujourd’hui, des “revenants”?

En
1982, aux Beaux-arts de Paris, quand l’action des islamistes en France
était encore assez faible. Je passais mon UV de tapisserie artistique,
et face à moi, à travers la trame, un garçon et une fille réalisaient
leur tapisserie; le garçon harcelait la fille en lui vantant sa religion
et la beauté du chant du muezzin. Sans doute avait-il lu ou entendu les
écrits du père de Tariq Ramadan, Saïd, ou ceux de Hamidullah, qui
sévissait à l’époque, pour qui toute musique est interdite à l’exception
de l’appel du muezzin. Et je devais ainsi subir tout au long de la
journée le fredonnement: “Allahou Akbar, Mohamed est l’Apôtre d’Allah!”

Ce matraquage par le haut (lobbying auprès des politiques) et par le bas (propagande et prosélytisme) produit des convertis, des professeurs islamistes et des djihadistes. On l’a payé, des années plus tard, avec les attentats sur le sol français. Le laxisme et la censure actuels se paieront plus cher encore dans un futur proche, car ce genre de mouvement ne croît pas en ligne droite, mais de façon parabolique. Les livres des éditeurs salafistes sont bien en vue à la Fnac; après l’avoir fait remarquer à un vendeur, un de mes lecteurs s’est fait répondre: “Après tout, ce ne sont que des livres !”

Ibn Taymiyya, El-Djazaïri, Qaradaoui et
leurs admirateurs. Puis, les islamistes honteux, qui entretiennent la
confusion sur les idées et les textes, et se font passer pour modérés
dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision. S’ils
l’étaient vraiment, ne devraient-ils pas commencer par dénoncer ces
auteurs qui mènent à la radicalisation, demander leur interdiction ? Et
on continue à les prendre au sérieux.

Est-ce normal ? Vous me
direz que la France n’est pas tout à fait dans son état normal. Comment
peut-on décrier un phénomène, et faire semblant d’ignorer les textes mis
en application ? Dans ces conditions, les livres d’histoire qui ne
sacrifient pas aux bons sentiments et au romantisme (“histoire”,
rappelons-le, signifie “enquête”), ou qui n’enrobent pas les pires
commandements d’une “spiritualité” imaginaire ne peuvent pas être bien
accueillis.

Les concepts flatteurs, les bons sentiments,
l’optimisme béat ne sont pas de circonstance. Pour que l’histoire arme
la pensée, il faut qu’elle aille à la rencontre des faits et des textes
qui planifient les actes à venir.

Tous mes livres contiennent des
centaines de traductions inédites, des documents reproduits en
fac-similé, et présentent des faits difficiles ou scientifiques dans un
style lisible, pour être accessibles à des lecteurs ordinaires. Ce sont
des livres sans jargon. Ce ne sont pas non plus des livres de
demi-savants, bourrés d’erreurs et de contresens, sous prétexte de faire
de la vulgarisation. Les propagandistes comme Tariq Ramadan ont des
mécènes richissimes, et ont des complices haut placés. Je n’ai payé
personne. Mais si des gens ordinaires lisent mes livres et en parlent,
la cause défendue par ces livres avancera. Même si ceux qui s’en servent
et les utilisent pour leur propre production n’ont pas l’honnêteté de
les citer.

Lina Murr Nehmé, 10 mars 2019

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