Le Premier ministre libanais Saad Hariri, avait eu un moment de courage, quand il avait osé refuser de démissionner.
Mais les pressions étaient apparemment trop importantes, et il y a cédé, les puissances lui ayant promis qu’il reviendrait Premier ministre.
Et le slogan “Tous, c’est-à-dire tous”, est devenu “tous à l’exception de Saad”. Mais Saad Hariri est l’homme de l’Arabie. Il avait résisté à MBS quelque temps. Il rentre maintenant dans sa bergerie. Il annonce bien sagement qu’il refuse d’être Premier ministre s’il ne satisfait pas les volontés des puissances étrangères, entendez: l’Arabie Saoudite et les États-Unis, en passant par la France de Macron. Et ces exigences sont: un gouvernement de technocrates.
Technocrates, c’est-à-dire, pas de politiciens. Mais lui, Saad, en quoi est-il un technocrate? N’est-il pas un politicien héritier de son père saoudien, et parachuté par l’Arabie Saoudite en 2005 parce que son frère Baha, élu par le parti d’Hariri au Liban, déplaisait aux Saoudiens?
Un gouvernement de technocrates, comprenez bien ce que cela veut dire: c’est toute la puissance aux Saoudiens, puisque ce sont eux qui, depuis des années, cherchent à faire tomber le gouvernement de Saad Hariri, parce qu’il était allié à Aoun. Et allié à Aoun dans un cadre de gouvernement où ce dernier avait sa représentation politique parlementaire, qui est énorme. Cette représentation compensait le pillage des pouvoirs du président libanais dans la ville saoudienne de Taef, où le roi d’Arabie paya, d’après les confidences de Saoudiens du plus haut niveau au journaliste du “Mondo”, plus de deux milliards de dollars en 1989.
Ces deux milliards de dollars — ou davantage, d’après les fuites rendues publiques bien avant l’article du “Mondo” — servaient à acheter la signature des députés libanais sur un traité saoudien auquel ils n’avaient pas collaboré, et qui était appelé “document d’entente nationale”.
Ce traité pille les pouvoirs du président au profit du Cabinet. Mais dans les faits, cela se fait au profit du Premier ministre, puisque c’est lui qui impose l’ordre du jour, et qu’il est sûr de revenir au pouvoir s’il démissionne. Le même traité spécifie que ce Président sans pouvoir sera toujours chrétien (seul poste supérieur réservé aux chrétiens), alors que le Premier ministre aux superpouvoirs, sera toujours musulman sunnite.
Un “gouvernement de technocrates” prive le Président de ministres pouvant contrebalancer la politique d’islamisation des Premier ministres d’après Taëf, imposés par la Syrie (Hoss, Omar Karamé), ou par l’Arabie (Hariri, Siniora). Le puissant bloc parlementaire du Président permettait de contourner le traité de Taef. Un gouvernement de technocrates laisserait les chrétiens sans aucun pouvoir. C’est ce que les politiciens occidentaux se gardent d’expliquer à leur public. Ils ne peuvent leur dire que c’est à ce prix qu’ils gagnent les gros contrats, et parfois aussi, les commissions.
Les chiites, comme les chrétiens, ne voudraient pas être privés de leur mot à dire. Ils se rappellent comment Siniora a régné en dictateur, alors que les ministres chiites avaient quitté le gouvernement. D’après cette même constitution de Taëf, le gouvernement saute si une communauté n’y est pas représentée. Et Siniora a continué à régner sans les chiites, malgré le sit-in que ces derniers organisèrent, aidés aussi par les chrétiens, qui étaient solidaires.
Et en même temps, Siniora finançait les groupes islamistes sunnites et imposait au Liban la convention des “droits de l’enfant musulman”, qui spécifie que l’enfant musulman a le droit qu’on ôte de son entourage ce qui nuit à sa religion. En d’autres termes, il aurait fallu supprimer les croix au sommet des églises, les cloches, les statues de la Vierge, les croix qu’on trouve à tous les coins de rue dans les quartiers chrétiens… où des musulmans ont choisi de vivre. Il n’est évidemment pas question de respecter les droits de l’enfant chrétien en ne lui imposant pas les hauts-parleurs retransmettant la voix du muezzin qui, jour et nuit, nie la divinité de leur Dieu, le Christ.
C’est petit à petit, comme ça, que s’est faite l’islamisation de tout le Moyen-Orient. Restait le Liban où avaient fui ceux qui avaient refusé de courber le front. Il semble que le temps soit venu pour le rouleau compresseur d’y passer aussi.
Pour ceux qui demandent des nouvelles, je signale que toutes les sociétés qui avaient contracté des emprunts (le cas de beaucoup), mais gagnaient assez pour payer à la fois leurs traites et le salaire de leurs employés, sont au bord de la faillite ou en faillite après 23 jours de “révolution” avec les routes coupées et l’interdiction pour leurs ouvriers de venir au travail. Juste pour que l’Occident sache bien de quoi il s’agit: si la moitié des Libanais étaient au-dessous du seuil de la pauvreté avant cette “révolution”, la moitié des travailleurs de cette moitié n’ont pas touché de salaire ce mois, ou ont touché un demi-salaire. Qu’est-ce que ça fait à un père de famille d’apprendre qu’il n’a pas de salaire ce mois?
Lina Murr Nehmé, 8 novembre 2019