Pakistan : Exploitation de la loi anti-blasphème

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Au Pakistan, la loi antiblasphème est souvent utilisés pour vider des contentieux personnels ou se débarrasser de gens dont on convoite la propriété, ou qu’on déteste, tout simplement.

Tel fut le cas de Shahzad Masih, 28 ans, et de sa femme, Shama, 25 ans, tués à Lahore, en 2014. Tous deux étaient chrétiens. Ils avaient quatre enfants et en attendaient un cinquième.

Le couple avait déménagé en 2010 dans le village de Chak, parce que Shahzad y avait trouvé du travail dans la briqueterie du musulman Gujjar Yousaf.

Shahzad Massih contracta une dette envers son employeur Youssaf Gujjar. Il se trouva incapable de la rembourser, la maladie l’ayant empêché de travailler à temps plein. Le samedi 1er novembre 2014, Youssaf Gujjar, accompagné d’un petit groupe d’amis, pénétra par effraction dans sa maison et le battit brutalement.

Le dimanche 2 novembre, Shama brûla du matériel ayant appartenu à son défunt père, y compris des morceaux de papier. L’un des ouvriers l’accusa d’avoir brûlé des pages du Coran, alors qu’en réalité il ne s’agissait que de papiers et d’amulettes.

Le mari et la femme furent enlevés et enfermés dans une pièce près de la briqueterie. Le matin du 4 novembre, Yousaf Gujjar annonça dans la mosquée locale que le couple chrétien avait commis le crime de blasphème.

Les deux jeunes gens furent traînés par une foule d’au moins 350 à 400 personnes en colère, qu’un ouléma local souleva sur la base de la prétendue affaire de désécration du Coran. Ils furent lapidés avec des briques, puis brûlés vifs. L’événement se déroula dans une briqueterie du district de Kasur, à environ 60 km de Lahore, dans la province pakistanaise du Pendjab.

“Nous avons vu dans le passé des foules faire pression et s’arroger le droit d’exécuter la loi de leur propre initiative, dit Mgr. Rufin Anthony, évêque d’Islamabad-Rawalpindi. De tels incidents n’ont pas été condamnés par les chefs religieux, ce qui a encouragé la populace à exécuter sa propre justice. Si des mesures concrètes avaient été prises dans le passé [à l’encontre des foules meurtrières], cet incident barbare aurait pu être évité. Attaquer et brûler deux innocents sur la base de simples allégations est une parodie du système judiciaire”.

Avec une population de plus de 180 millions d’habitants (dont 97% de Musulmans), le Pakistan est le sixième pays le plus peuplé du monde, le deuxième plus grand pays musulman après l’Indonésie.

Environ 80% des musulmans sont sunnites, tandis que les chiites représentent 20%, les hindous 1,85%, les chrétiens 1,6%, et les sikhs 0,04%. Lors de la création du Pakistan, ces minorités étaient beaucoup plus nombreuses: elles sont représentées par la bande verticale blanche qui figure sur le drapeau national.

Des dizaines d’incidents violents se sont produits entre 2009 contre des communautés entières (Gojra en 2009 et Joseph Colony , Lahore, en mars 2013), des lieux de culte (Peshawar, septembre 2014) et des personnes (Sawan Masih, Asia Bibi, Rimsha Masih et Robert Fanish Masih, décédé en prison), souvent perpétrés au nom de la loi antiblasphème au Pakistan.

Info rapportée par Asianews, 2014

Lina Murr Nehmé, 21 novembre 2019

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