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Bécassine et les Bretons

Je n’ai jamais trouvé intéressant le personnage de Bécassine, même quand j’avais sept ans, au Liban, où j’ai eu pour la première fois entre les mains ce genre d’illustrés ; dans les années suivantes j’ai essayé de nouveau de lire quand j’étais à court de lecture, ce qui était souvent le cas car en vacances je lisais trois livres par jour à partir de neuf ans.

Je ne savais pas que Bécassine était un personnage insultant pour une catégorie humaine, je le découvre en lisant ce post de Regis Le Sommier dont le livre aura probablement beaucoup de choses à nous apprendre.

J’ai donc découvert avec étonnement que les Bretons se sentaient insultés par le personnage de Bécassine. Personnellement, j’admire les Bretons et je n’ai jamais compris les critiques qu’ils subissent. Au Liban, je ne pouvais pas nommer de Français identifiables à des Bretons, à part des célébrités comme Pasteur. Par contre, je connaissais saint Yves, et j’ai toujours trouvé très drôle la façon dont il avait payé, avec des soins, un riche qui exigeait d’un pauvre le prix des bonnes odeurs qui sortaient de sa cuisine. J’ai toujours admiré cet homme qui défendait ceux qui étaient injustement accusés. Pour moi, la Bretagne, c’était saint Yves. Depuis l’âge de dix ans, j’ai eu ce rêve, ce désir d’aller au village de saint Yves, rêve que je n’ai pu satisfaire qu’à 61 ans.

Par la même occasion, j’ai ainsi découvert une merveille de pays, et j’en suis revenue totalement éblouie. Je connaissais la Normandie et le Mont Saint-Michel, revendiqué tant par les Bretons que par les Normands. Mais pour une raison ou une autre, je n’ai pas eu l’occasion d’aller plus à l’ouest, car nos voyages familiaux se sont toujours faits, depuis 1997, en fonction de mes besoins d’études et de vérifications historiques.

La visite de la Bretage a été une exception, un de mes rares voyages pour le plaisir. J’y ai trouvé de très beaux paysages — une mer au comportement et aux variations incroyables, si loin de ma Méditerranée qui ne bouge pas, qui ne change pas, qui n’envahit pas —, un granit d’une beauté fabuleuse, si loin du calcaire et des marbres libanais et des cailloux arrondis de nos plages au Liban, à Chypre, en Syrie et ailleurs. J’y ai découvert de très belles églises, et de beaux visages. Le plus beau était celui d’une servante de restaurant d’une beauté et d’une pureté extraordinaires. Je l’ai retenu juste parce que j’aime la beauté et j’aime la propreté morales. Je suppose que ce genre de jeunes filles a donné naissance au personnage de Bécassine? Mais il n’y a pas de quoi être fier d’avoir été capable de transformer une telle beauté physique et morale, en personnage ridicule.

Quelques mois plus tard, j’ai découvert la Bretagne citadine à l’occasion d’une conférence à l’université de Rennes. Ce fut l’occasion de découvrir le côté humain de la Bretagne — des gens chaleureux, hospitaliers, inoubliables. Et un personnage au dévouement que je n’avais jamais imaginé: Yves Lassale, qui avait tout organisé de son lit d’hôpital: mon arrivée, mon hébergement, mes transports, mon départ, et qui, durant des années, handicapé, avait fait cela pour des centaines d’autres conférenciers, travaillant jusqu’à sa mort… et j’étais la dernière conférencière.

Comme j’ignorais ce que le personnage de Bécassine concernait les Bretons, je n’ai pas vu, durant mes voyages les Bretons en fonction de cette bande dessinée, ni positivement, ni négativement. Je peux donc objectivement dire que je n’ai pas trouvé de type humain que je pourrais comparer au personnage de Bécassine en Bretagne.

À Paris non plus, où, nouvelle maman devant préparer mon diplôme, j’ai eu pendant quelques mois une femme de ménage bretonne, mais je ne l’ai jamais trouvée ni bête, ni ridicule, ni méprisable. La valeur humaine se jauge au cœur, aux actes et à l’intelligence, et non au niveau social ou à la profession. J’ai toujours respecté la femme de ménage qui travaille pour nourrir ses enfants, sachant combien il est plus facile et plus rentable de se prostituer.

Lina Murr Nehmé 5 juin 2018