Archives par mot-clé : Liban

10 millions de réfugiés algériens ?

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Dominique Handelsman écrit : “Sur la 5, Kamel Daoud traite le Pen de charognarde parce qu’elle a dit qu’elle souhaite qu’on suspende l’attribution de visas d’Algérie vers la France, arguant que Sifaoui a dit qu’il pourrait y avoir jusqu’à 10 millions de réfugiés.”

Je voudrais poser la question suivante à Kamel Daoud, que j’estime par ailleurs : vu la situation actuelle, serait-il humain, bon et utile que la France reçoive 10 millions de réfugiés algériens (sous réserve, évidemment, que ce chiffre avancé par Mohamed Sifaoui soit réaliste) ? Serait-ce bon pour ces Algériens ?

Nous avons connu cela au Liban, quand, réfugiés palestiniens plus réfugiés syriens, nous nous sommes retrouvés avec une population aux deux tiers libanaise seulement.

Le Liban assassiné, Aleph et Taw, 2008. En France, ce livre est disponible sur commande uniquement (contacter Lina Murr Nehmé par sa page Facebook).

Personnellement, chaque fois que j’ai eu le choix, j’ai préféré me rendre là où il y avait la guerre, que de fuir. C’est pourquoi, et alors que ma famille était domiciliée à l’étranger, je me suis trouvée au Liban la plupart des périodes où il y avait la guerre, et j’ai affronté le feu des miliciens les mains nues, j’ai affronté Daech en brûlant son drapeau à cent kilomètres d’elle, j’ai même affronté l’armée libanaise en refusant de me retirer au cours d’une manifestation, au risque de me faire écraser par la troupe qui marchait sur nous.

Je comprendrais que cent, ou que mille Algériens fuient. Mais je ne comprendrais pas que 10 millions d’Algériens fuient leur pays au lieu de le servir, alors qu’ils pourraient briser n’importe quel régime, rien qu’en descendant tous ensemble dans la rue.

Lina Murr Nehmé, 12 mars 2019

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G. BENCHEIKH et Le VOILE

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Ghaleb Bencheikh a dit : «Cette affaire du voilement des filles a été réglée au lendemain du recouvrement des indépendances de quasiment tous les pays musulmans, ça n’a jamais été un problème».

Que veut-il vraiment dire? En Algérie et au Maroc, on ne se voilait pas avant l’indépendance.

Comme je sais qu’ils considèrent faussement le Liban comme un pays arabe et musulman, il se trouve qu’en 1973 j’étais dans une école dans le quartier musulman de Beyrouth, et je peux donc parler de cela. J’étais l’exception qui confirmait la règle: les autres élèves venaient du quartier, et la moitié d’entre eux au moins étaient de confession musulmane (les autres étaient orthodoxes).

Voici notre photo de promo, prise en 1973. A cette époque, oui, le voile et la mini-jupe ne posaient pas de problèmes aux musulmanes, et c’était 30 ans après l’indépendance, n’en déplaise.

Dans cette école comme dans les six autres écoles où j’ai été avant mon bac 2e partie, nous nous levions quand le professeur entrait en classe. Au Liban, on ne me croit pas quand je raconte que des professeurs, en France, sont parfois frappés en classe ou à l’école, ou encore tabassés par des parents d’élèves.

Lina Murr Nehmé, 9 février 2019

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Liban : un charnier découvert ?

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N.B. : Cet article a été publié sur Libnanews le 24 juillet 2011. Lien vers l’archive.

Lina Murr Nehmé, 24 juillet 2011, Beyrouth – On a découvert une fosse commune dans un terrain appartenant à un couvent à Chebaniyeh. Puis on nous a dit que ce ne sont que des os animaux jetés par un boucher. 

D’abord, les os animaux ne sont pas jetés (les bouchers les donnent ou les vendent pour la soupe et le bouillon).

Quelle que soit la nature de ces ossements, il est inacceptable qu’une partie de la presse n’ait pas le droit de les approcher pour les examiner.

Et de toute façon, il est inadmissible que quiconque se mêle d’affaires de ce genre avant le procureur et les ministères concernés, le premier étant le ministère de la Justice. Où est le ministère de la Justice en ce moment?

Et le témoin a parlé de 27 sacs d’ossements. Or 26 n’ont pas été trouvés. Où sont-ils?

Ceci nous rappelle la tragédie de la fosse commune de Halate. On nous avait dit qu’il n’y avait pas d’ossements, car ceux qui avaient creusé la terre avaient refusé de tenir compte des indications des témoins, et ils avaient creusé là où il était impossible de trouver quelque chose.

En 2000, lors de l’enquête faite par l’Etat libanais, Joumblatt et Berri ont reconnu qu’ils avaient tué tous les otages qu’ils avaient enlevés. Dans ce cas, ils doivent être dans une (ou des) fosses communes. Si la fosse comune de Chebaniyeh n’est pas un endroit où sont enterrés des hommes, où sont les fosses communes contenant les cadavres des Libanais tués par Joumblatt, Geagea ou Berri durant la guerre?

La légèreté et la vitesse, le manque de professionnalisme avec lesquels l’affaire est menée, sont inquiétants pour le futur. Car le jour où il y aura une vraie fosse commune d’ossements humains, il y aura de fortes chances pour qu’on la bouche avant que le ministère de la Justice s’en soit mêlé.

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Justice, Etat de droit, loi “fake news” : petite mise au point

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Aujourd’hui, sur ma page, un monsieur m’expliquait qu’un maire des Yvelines était obligé de donner un permis de construire une mosquée car, dit-il, la France est un Etat de droit, contrairement à l’Arabie Saoudite et à la démocratie libanaise, qui n’en serait pas une. J’avais en effet demandé si un maire était jamais inquiété en Arabie Saoudite pour avoir refusé de donner le permis de construire une église.

J’imagine que certains ignorent que le droit saoudien interdit la construction des églises, et que c’était appliquer ce droit que de refuser le permis de construire des églises. Et je ne vois pas ce que vient faire le Liban quand on parle de l’Arabie Saoudite. Mais bon. Acceptons que le Liban, comme le Christ, soit compté parmi les assassins.

Mais un Etat qui met des visières et ne traite pas les citoyens à égalité mais les distingue selon leur religion n’est pas un Etat de droit.

Ainsi, la loi sur les fake news est-elle du droit ? Laisser les médias puissants, appartenant aux riches, libres de diffuser les informations qu’ils veulent sans contrôle, et forger une loi sur les seuls réseaux sociaux, est-ce du droit ? Quand Libération met une immense photo du candidat Emmanuel Macron la veille du second tour de l’élection présidentielle, violant la loi qui interdit la pub électorale, et que la justice n’arrête pas le journal, c’est encore du droit ?

En même temps, on arrête la chaîne Youtube du petit TV Libertés sous prétexte qu’il a violé la loi sur le copyright en faisant une citation. Combien de chaînes Youtube violent cette loi en reproduisant des films entiers, des émissions télévisées entières ?

Quand on poursuit François Fillon la veille des élections, pour un crime que François Bayrou a commis sur une plus grande échelle et que ce dernier n’est pas poursuivi parce qu’il peut apporter des voix aux élections, c’est un Etat de droit ? Et si l’affaire Fillon est si grave, comment se fait-il qu’on n’en parle plus depuis les élections?

Quand on traîne Georges Bensoussan devant la justice pour une citation qui vient d’un auteur maghrébin et non de lui-même, alors qu’on n’inquiète pas ceux qui crient sur la Place de la République à Paris en arabe: “Khaybar, Khaybar, ya yahoud, Jaych Mhammad sa yaoud”, c’est un Etat de droit ?

Quand on autorise la tenue de Salons islamiques comme le Salon de la Femme de Pontoise où on appelle à battre les femmes (gentiment, histoire de les humilier seulement et pas de leur briser les membres, ce qui les rendrait inutilisables), c’est un Etat de droit ? Et si on ne le fait pas ouvertement dans ces Salons, on le fait en recommandant les livres où c’est écrit en toutes lettres (Cf. mon livre L’Islamisme et les femmes). Est-il admissible qu’une conseillère municipale, Céline Pina, ne réussisse pas à faire empêcher ce Salon, et qu’elle démissionne, et que cela ne fasse pas plus de remous que cela ?

Et c’est dans un Etat de droit qu’un ex-Frère Musulman, Mohamed Louizi, est victime de six procès en quelques années parce qu’il a dénoncé un projet d’islamisation pourtant écrit en toutes lettres dans la littérature de ce mouvement ! Louizi a parlé de l’islamisation de la France, mais il s’agit d’une étape sur la voie de l’islamisation mondiale dont a parlé le fondateur Hassan el-Banna (voir les textes cités dans Fatwas et caricatures).

Et c’est dans un Etat de droit qu’ Alain Finkielkraut — qu’on l’aime ou non — est qualifié d'”israélite blanc” dans une vidéo mise en ligne en 2016 et reprise à de nombreux exemplaires dont chacun affiche des centaines de milliers de vues, les auteurs du titre et des commentaires n’étant pas inquiétés alors qu’ils tombent sous le coup de la loi sur le racisme, sur base à la fois ethnique et religieuse, et sous le coup de la loi sur le non respect des droits d’auteur ?

Lina Murr Nehmé, 14 juillet 2018

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La propagande de l’OLP et du Hamas en France

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La puissance médiatique de l’OLP se sert de la souffrance réelle des Palestiniens, pour susciter un sentiment antijuif qui est d’autant moins mérité qu’un juif n’est pas nécessairement israélien, et que s’il l’est, il a de fortes chances d’être dans l’opposition.

Il est inadmissible que nous laissions faire ce genre de propagande. Je l’ai décrite, avec ses résultats — une guerre, cent mille morts — dans Le Liban assassiné, alors qu’elle s’exerçait contre les chrétiens cette fois, et non contre les juifs.

Mais j’ai montré que la guerre du Liban était la transposition, le déménagement de la guerre de Palestine qui durait depuis 1920, et que menait le même groupe qui s’était par la suite reconstitué, plus ou moins, sous le nom d'”OLP”. J’ai décrit le début de cette guerre dans mon autre livre Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat Islamique (Salvator, 2016), Car la hargne que nous avons subie au Liban, s’était auparavant auparavant exercée contre les juifs en Palestine, en 1920, en 1928, en 1929, provoquant ces mêmes massacres que par la suite, l’OLP a reproduits au Liban, sur une bien plus grande échelle, parce qu’elle y avait les mains libres: au lieu d’avoir une puissance mandataire pour protéger les minorités, elle avait, dans les coulisses, des puissances dirigées par des financiers, qui la favorisaient contre l’Etat du Liban multiconfessionnel, parce que telle était la volonté de l’Arabie Saoudite qui dictait les prix du pétrole.

En 1982, les Israéliens ont dévoilé ces crimes, et c’est à partir de ce moment qu’on a commencé à se retourner contre eux médiatiquement en Europe. Ils n’ont pas osé exiger que les criminels de l’OLP soient jugés pour crimes contre l’humanité, alors même que les criminels nazis continuaient à être poursuivis et jugés. Mitterrand avait exigé que les criminels de guerre partent “dans la dignité”, il a exigé une Force Multinationale pour protéger les civils palestiniens, et eux seuls, car quand, l’été suivant 1983, ce fut le tour des chrétiens d’être assassinés, il y eut un nettoyage ethnique total, un génocide dans toute la région dominée par Walid Joumblatt, qui tua tous les chrétiens, y compris ses partisans, dans une région majoritairement chrétienne. Et l’Occident traite avec Walid Joumblatt, le reçoit et l’honore. Il est pourtant coupable de crimes contre l’humanité d’après les critères occidentaux.

Dans un autre livre, L’Islamisme et les femmes, j’ai décrit comment, insidieusement, le conflit se transpose, en France, contre les juifs de France, utilisant les mêmes ressorts que dans la guerre du Liban, c’est-à-dire exploitant la souffrance réelle des Palestiniens, pour faire haïr une communauté entière. Cette fois, c’est de nouveau la communauté juive.

Tous les jours, des incidents montrent la mesure de la propagande palestinienne antijuive. J’ai démonté, dans mon livre “Le Liban assassiné”, les ressorts et les méthodes de cette propagande, comme elle s’est exercée contre les chrétiens. On les retrouve, tels quels, à Paris aujourd’hui.

Je dois finalement dire que les Palestiniens eux-mêmes rejettent ces crimes quand ils les connaissent, et quand ils sont humains — et beaucoup d’entre eux sont humains. Il y a deux ou trois ans, j’ai eu une bagarre verbale avec l’un d’entre eux, un ouvrier qui défendait tellement les chrétiens du Liban et disait tant de mal des Palestiniens que je devais le freiner.

Du reste, c’est le fait qu’un des Palestiniens qui avaient le plus souffert qui ait dit — dans un reportage diffusé sur une chaîne de télévision — qu’il était horrifié du mal que les Palestiniens nous avaient fait. C’est alors que j’ai cessé de haïr les Palestiniens en bloc, me disant: “S’il y a parmi eux un seul homme juste comme celui-ci, je dois les aimer, car il doit sûrement y en avoir d’autres aussi.”

 

Lina Murr Nehmé, 20 mai 2018

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Comment Daech s’est installé au Liban

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(Publié initialement le 24 hoût 2017)

Pour ceux qui ne comprennent pas ce que vient faire Daech au Liban, il y a maintenant exactement 3 ans qu’il s’y trouve dans le cadre de son invasion mondiale, qui devait naturellement commencer par Cham (Liban-Syrie-Israël-territoires palestiniens-Jordanie) avant de se poursuivre dans les autres pays, notamment par voie maritime, par le biais des ports du littoral syrien, libanais ou israélien, notamment : Lattaquié, Tripoli, Beyrouth, Sidon, Haïfa, Jaffa, pour arriver, plus au sud, à Eilat et au canal de Suez. Pour la même raison, Nosra, qui s’est attribué Cham, tentait une invasion du Liban et de la Jordanie.
Les deux organisations, toutes deux issues d’Al-Qaïda, se combattaient en Syrie, mais au Liban, elles étaient alliées.

L’invasion aurait dû être stoppée à la frontière libanaise. Mais à l’époque, les pressions saoudiennes, qatari et autres (bakchich notamment), sur le gouvernement et sur le commandant en chef de l’armée, Kahwaji (qui espérait devenir président de la République), ont poussé ce dernier à laisser précipitamment partir en Syrie les Daech et les Nosra qui se trouvaient dans la localité d’Ersal et les prairies voisines (Jouroud Ersal), alors, pourtant, que l’armée libanaise était victorieuse. Les islamistes avaient des otages, soldats et gendarmes libanais, et dans sa précipitation, Kahwaji les a laissés partir en négligeant de leur faire d’abord rendre les otages.

Durant les jours suivants, Daech et Nosra ont exigé la libération de tous les prisonniers islamistes dans les geôles libanaises, en menaçant d’exécuter les otages si le gouvernement libanais n’obtempérait pas. Ce qu’ils firent quelques jours plus tard, en prenant soin d’envoyer des vidéos ou des photos horribles pour faire chanter le gouvernement libanais.
Le premier martyr a été un soldat libanais sunnite appelé Ali Sayyed. Daech l’avait égorgé de la façon la plus horrible et avait fait circuler la vidéo au Liban.
Furieux, des jeunes gens sont allés brûler les drapeaux de Daech et Nosra sur la place la plus fréquentée de Beyrouth par les jeunes. Ils ont diffusé les photos sur les réseaux sociaux, mais elles n’ont circulé qu’entre leurs amis.

Quelques jours plus tard intervint le ministre de la Justice Achraf Rifi, alors un des plus puissants sunnites du Liban. Son nom était proposé pour devenir Premier ministre, et son soutien était essentiellement formé par les islamistes qui terrorisent la ville libanaise de Tripoli. Pensant se faire remarquer par les Etats souteneurs de Daech (alors l’Arabie et le Qatar) qui pouvaient l’amener au pouvoir, il annonça, le 30 août 2014, que puisque les phrases de la chahada islamique étaient inscrites sur les drapeaux de Daech et Nosra, il réclamait la prison et les plus grandes peines pour châtier les jeunes gens qui les avaient brûlés.

Capture d’écran 2017-12-31 à 19.09.29

Article de Libération : “Le ice bucket challenge détourné contre l’Etat islamique”

Article paru dans le quotidien égyptien Ahram

Le pays étant révolté par les concessions faites aux terroristes et par l’horreur de la mort d’Ali Sayyed, la déclaration de Rifi fut un comble.

Il aurait dû y avoir des dizaines de manifestations, il n’y en eut aucune. Il y avait à la fois un climat de révolte et de peur. Peur parce que Daech était à moins de 100 kilomètres de Beyrouth, et parce qu’il semblait tout puissant : il avançait à toute vitesse, et annonçait qu’il allait prendre Beyrouth. Et révolte parce que le pouvoir ne donnait pas à l’armée libanaise l’ordre de poursuivre la bataille, alors qu’elle le pouvait.

Je cherchai toute la journée à organiser une manifestation, sans succès. Alors j’ai pris sur Internet une photo d’un drapeau de Daech, je l’ai agrandie, imprimée et agrafée sur un manche à balai. Un inconnu me regardait curieusement du balcon d’en face, j’ai tiré les rideaux du balcon et j’ai collé un drapeau libanais dessus. Et j’ai commencé à brûler le drapeau agrafé en me faisant photographier, jusqu’à ce que le drapeau finisse de se consumer.

Puis j’ai mis une des photos sur Facebook. Je croyais que tout le monde mettrait, comme moi, sa photo brûlant le drapeau de Daech sur Facebook. Mais au lieu de cela, les gens partagèrent ma photo, et cela flamba à toute vitesse.

Le lendemain, tout le pays en parlait, on en parlait dans le monde entier, mais pas dans les grands médias libanais, qui avaient peur. Les journalistes en privé partageaient ma photo ou écrivaient sur des pages Internet. Mais dans les grands journaux, silence complet. Sauf dans les journaux de l’étranger : “Al-Ahram”, qui mit mon nom mais n’avait pas osé mettre ma photo, “Libération” qui publia ma photo mais pas mon nom, etc.
Un groupe de jeunes, dont des musulmans, décida d’aller brûler le drapeau devant le palais de Justice, mais pour une raison ou une autre, le drapeau fut échangé, à la dernière minute, par un faux sur lequel il était écrit: “Pas de dieu pour le terrorisme”. Et ils le brûlèrent en faisant une conférence de presse que tout le monde fut heureux de répercuter.
Les Occidentaux, qui ne lisent pas l’arabe, n’ont pas remarqué la supercherie, grâce à l’hypocrisie des médias libanais qui se sont précipités sur cette affaire pour compenser leur lâcheté face à la mienne.
Les islamistes, qui lisent l’arabe, ne s’y sont pas trompés et n’ont répercuté que ma photo. Le tweet suivant a été envoyé 11h après que j’aie publié ma photo, par un compte qui se donne le nom de « Services de renseignements de l’ASL » (Armée syrienne libre), page par la suite fermée par Twitter. La légende est une menace en soi :

« L’écrivain chrétienne Lina Murr Nehmé défie les musulmans au Liban et brûle l’étendard de l’islam. » Les deux premiers commentaires sont classiques : l’un me traite de « vieille sorcière », et l’autre dit :

« Elle a peut-être envie que sa photo fasse la Une des journaux du monde pendant qu’elle sera en train d’être égorgée. »

À signaler que l’ASL, que l’Occident a toujours appelée modérée, est une organisation formée du rebut de l’armée syrienne, les islamistes, ceux qui ont torturé ou massacré au Liban, et qui ont par la suite utilisé les mêmes méthodes en Syrie. Nosra s’est nourrie des éléments de l’ASL, qui a périclité et a d’ailleurs ouvertement montré par la suite son but véritable : le djihad armé. Cela n’empêche pas l’Occident de l’appeler modérée. Il est vrai que le régime wahhabite saoudien aussi est appelé modéré, même après avoir décapité des dizaines de personnes pour avoir manifesté.

Les islamistes ont écrit des centaines de fois sur les réseaux sociaux qu’ils allaient m’égorger. Je suis encore vivante, et ce que j’annonçais à l’époque dans mes articles et dans mes posts, se réalise: Daech n’est pas tout-puissant, et c’est pourquoi le fait de brûler le drapeau n’a pas créé de guerre civile (au contraire, il a uni), il a sauvé les jeunes gens de la prison, il a empêché quiconque de menacer notre liberté d’expression au nom de la religion. À ce jour, il n’a pas amené ma mort.

Donc, la lâcheté ne paie pas.

Ces événements (le retrait des terroristes avec les soldats libanais otages, la mort d’Ali Sayyed, les menaces envers les jeunes gens qui avaient brûlé les drapeaux de Daech et Nosra) qui se passaient il y a trois ans jour pour jour, ont laissé place à un paysage totalement différent. Le général Aoun, à l’époque était empêché d’arriver au pouvoir parce qu’il possède le plus gros bloc parlementaire chrétien, et qu’avec ses députés, il aurait été, contrairement à ses prédécesseurs nommés par l’ennemi, assez fort pour donner à l’armée libanaise l’ordre de chasser Daech et Nosra et de libérer Ersal.

Ceux qui ont financé Daech clament haut et fort que c’est le Hezbollah qui dirige les opérations, les uns pour glorifier le Hezbollah, les autres pour avilir l’armée libanaise comme ils ont toujours fait.

En fait, le Hezbollah n’a pas attaqué Nosra à Ersal au Liban de sa propre initiative, mais seulement, quand il a su qu’une opération avait été décidée par l’armée libanaise sur ordre du gouvernement. Car c’est la première fois depuis l’occupation syrienne du ministère de la Défense (1990), que le commandant en chef de l’armée n’est pas choisi par les ennemis du Liban. C’est quand le commandement de l’armée a changé qu’il a été possible d’envisager une libération totale du Liban, et non quand le Hezbollah l’a voulu. En trois ans, ce dernier n’a jamais osé faire ce mouvement vers Ersal. Il est exclusivement chiite, et il a besoin du soutien des autres communautés, que représente l’armée libanaise. C’est elle qui commande au Liban sur le plan militaire, même si ce n’est pas elle qu’on voit. Et cela a toujours été le cas. Elle est la seule institution dans laquelle la majorité des Libanais de toutes confessions se sentent représentés. Elle ne se donne pas le nom de chrétienne ou musulmane, comme font les milices. Elle est nationale et multiconfessionnelle, mais de discipline et de comportement laïques.
Les milices confessionnelles passent, l’armée libanaise reste. C’est la seule armée qui n’a jamais été vaincue, même par les Israéliens. C’est aussi la seule qui n’a jamais pris les territoires d’autrui. Ce n’est pas parce qu’elle ne l’a pas pu : elle seule, en 1948, a occupé des territoires israéliens : la Galilée durant 6 mois. Puis elle s’en est retirée sans être chassée, mais en signant un armistice.

Je pense que si l’armée libanaise perdait son éthique, elle perdrait aussi des batailles. En 2007, c’est sa victoire qui a empêché que l’Etat islamique ne commence au Liban. A l’époque, les terroristes du Fatah-el-Islam avaient égorgé et éborgné 20 soldats libanais dont un officier, dans leur sommeil. Au lieu de rendre la pareille, l’armée libanaise (contre la volonté du gouvernement qui protégeait alors les islamistes) a mis le siège autour du camp de Nahr el Bared, QG du Fatah-el-Islam, et pendant une semaine, a utilisé ses véhicules militaires pour évacuer les civils de l’ennemi sous sa protection, non pour les prendre en otages, mais pour les libérer et leur éviter la mort. Cette opération de sauvetage des civils de l’ennemi a coûté à l’armée libanaise deux morts de plus.

A signaler que l’armée libanaise est la seule institution non-confessionnelle au Liban, totalement laïque, où il est interdit de prier ouvertement, où il est interdit d’avoir une barbe islamiste ou un signe religieux comme un crucifix, alors, pourtant, que c’est l’institution où, probablement, dans leur cœur, les hommes prient le plus. Mais chacun dans son cœur. C’est la seule institution qui n’a pas pu être brisée. La seule qui représente tous les Libanais, et qui est toujours la cible des ennemis du Liban, quelle que soit leur nationalité et quelle que soit leur confession.

Pour sauvegarder ces principes de liberté morale et d’humanité, il y a eu les sacrifices de chrétiens, chiites, sunnites, druzes, alaouites, chacun frappé par des milices de sa propre communauté, mais debout moralement, même quand ils tombaient. Car ils tombaient pour que vive le Liban de Fakhreddine, celui dans lequel ce n’est pas la terreur, le bakchich et le clientélisme, mais l’amour entre les confessions qui fait l’unité nationale.

Nous, Libanais, nous nous aimons au-delà des différences. Ceux qui ne rentrent pas dans cette définition, ne sont pas libanais. J’espère qu’ils le deviendront, car plus on est nombreux avec cet état d’esprit, plus on est heureux. Sinon, ce n’est pas à eux qu’appartient l’avenir.
Ceux qui, les voyant si puissants, se mettent à désespérer, devraient se rappeler le proverbe qui dit: “Il y a un jour pour toi, ô injuste.” Et: “Celui qui creuse une fosse pour son frère, tombera dedans.”

J’aurais le même message à transmettre à ceux qui désespèrent de mon autre pays, la France, qui ne peut être sauvée que par l’amour. Et qui le sera.

 

Lina Murr Nehmé

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Lettre ouverte à M. Mikati, par Lina Murr Nehmé

En juillet 2012, les événements accompagnant la libération de Chadi Mawlawi étaient tellement scandaleux que j’ai alors publié une lettre ouverte au Premier ministre de l’époque, Nagib Mikati.
La tragédie qui se déroule en ce moment à Tripoli, et les déclarations de Mikati me poussent à la publier de nouveau.
Car l’homme qui vient de diriger la bataille contre l’Armée libanaise à Tripoli est ce même Chadi Mawlawi qui avait été libéré deux ans plus tôt, de façon à la fois incroyable et inacceptable:

Monsieur le Premier Ministre

Il y a quelques semaines, Chadi Mawlawi fut arrêté dans un immeuble appartenant au ministre Safadi. Les salafistes, outrés, mirent votre ville, Tripoli, à feu et à sang.

Ce n’est pas à moi, c’est au corps judiciaire de dire si les accusations contre Mawlawi sont fondées. Cependant, j’ai le droit de refuser de croire qu’un homme est innocent quand il consent à ce que ses amis le libèrent de prison en plongeant sa ville dans la guerre, tuant cinq personnes, et en blessant beaucoup d’autres. Un homme qui n’a rien à voir avec le crime, ne remercie pas ses amis parce qu’ils ont tué des innocents pour le servir. Car cela fait de lui leur complice et lui fait porter la responsabilité de leurs meurtres.

Le corps judiciaire a libéré Chadi Mawlawi à cause de pressions venant de vous, M. Mikati, et de M. Muhammad Safadi. Vous êtes, tous deux, des hommes très riches. Chacun de vous craint de perdre une partie de sa fortune. Chacun de vous prépare  les élections. Je peux comprendre tout cela. Mais mon devoir est de vous dire la vérité, aussi riches que vous soyez, aussi proches que les élections soient. Il n’est pas à l’honneur d’un Premier ministre libanais de fortifier les assassins des innocents, aux dépens de la sécurité publique, de l’Armée libanaise, et des citoyens de Tripoli. Votre devoir est de punir ces meurtriers et d’imposer la loi et l’ordre, comme le désire la majorité silencieuse à Tripoli. Et Tripoli est la seconde ville du Liban. Elle mérite la paix comme Beyrouth, monsieur le Premier ministre.

Lebanese Army Tripoli

Et vous ne vous êtes pas contenté de protéger des assassins en faisant pression sur le corps judiciaire afin de libérer Chadi Mawlawi. Vous avez encore plus affaibli l’autorité de l’Etat en opposant, à Tripoli, l’Armée libanaise aux Forces de Sécurité libanaises. Mawlawi put donc dire que “L’Etat libanais ne peut se permettre de ne pas plaire aux sunnites”, comme si l’honorable communauté à laquelle il appartient était supérieure aux autres communautés libanaises.

Et les ministres de se précipiter à la porte du tribunal, et chacun d’eux d’offrir à Chadi Mawlawi les services de sa voiture. C’est ainsi que se précipitent les chauffeurs de taxi à l’aéroport, quand ils voient un voyageur.

Safadi gagna: c’est sa voiture ministérielle que Mawlawi élut pour se transporter à Tripoli.

Shadi Mawlawi free

Votre voiture, monsieur le Premier ministre, fut refusée. Mais vous avez reçu Mawlawi à votre domicile. Nous avons lu dans certains journaux que vous lui avez offert 10.000 dollars. Votre bureau a démenti l’information par la suite : vraie ou fausse, elle vous aurait fait beaucoup de tort, si elle avait circulé en ville.

Et vint le temps de la commémoration annuelle du massacre de Halba. Mais les salafistes décidèrent d’organiser une autre cérémonie dans un endroit non loin de là. L’armée fut donc envoyée pour empêcher les hommes d’apporter des fusils, afin de protéger toute personne voulant participer à une des deux cérémonies.

Nous savons tous que, quand l’Armée est envoyée dresser un barrage sur la route, elle reçoit l’ordre de tirer sur les pneus de tout véhicule dont le conducteur refuse d’arrêter son moteur. Et de tirer sur les occupants dudit véhicule, si, malgré les pneus crevés, ils continuent à circuler ou tirent sur les soldats.

Un convoi de deux voitures passa devant le barrage dressé par l’Armée à Koueikhate. Le coffre arrière d’une de ces automobiles contenait un grand nombre de fusils, et son conducteur ne s’arrêta pas quand les soldats lui en donnèrent l’ordre. Les occupants de la voiture tirèrent sur les soldats, et en blessèrent un. Les autres soldats ripostèrent et tuèrent les deux oulémas salafistes. L’un d’eux était le cheikh Ahmad Abdul-Wahed, célèbre parce qu’il avait fait passer en contrebande des armes pour le Fatah al-Islam (organisation palestinienne relevant d’al-Qaïda) alors en guerre contre l’Armée libanaise à Nahr al-Bared.

Sheikh Abdel Wahed

Les photos du soldat libanais blessé n’ont pas été communiquées à la presse. Pourquoi? Parce qu’elles auraient prouvé que l’armée a fait son devoir, et qu’on lui a tiré dessus avant qu’elle ne tire?

Des pressions ont alors été exercées par la populace dans la rue, et par vous aussi, monsieur le Premier ministre. Et les militaires qui avaient obéi aux ordres, furent arrêtés.

L’Armée ne fit rien pour les défendre. Pourquoi ? Peut-être par peur de certains politiciens dont la puissance et le financement viennent de pays étrangers. Mais les militaires libanais aussi ont besoin de sécurité. Sécurité quand ils obéissent aux ordres. Si ces ordres étaient mauvais, il fallait punir ceux qui les avaient donnés, pas ceux qui les avaient exécutés.

Ainsi, vous avez libéré l’homme inculpé pour crime, et jeté en prison ceux qui avaient obéi aux ordres. Après cela, monsieur Mikati, vous avez décidé de libérer les salafistes qui avaient été arrêtés après les événements de Nahr el-Bared.

Pour justifier l’intérêt que vous et le ministre de l’Intérieur portiez à ces prisonniers et non aux autres, on a dit qu’ils avaient été en prison durant cinq ans.

Mikati_Tripoli

Nous voulons que la loi soit appliquée. Nous voulons que les inculpés soient libérés après une certaine période, s’ils n’ont pas été jugés. Mais pourquoi voudriez-vous libérer les musulmans salafistes et non les musulmans qui ne sont pas salafistes ? Pourquoi libérer les musulmans salafistes et non les hommes appartenant aux autres communautés ? Dans cette même prison of Roumieh, il y a des hommes qui attendent depuis sept ans, et ils n’ont pas encore été jugés. Parmi eux, certains ont été arrêtés pour avoir volé 100.000 livres libanaises seulement (50 €) et non parce qu’ils appartiennent à une organisation terroriste qui a tué des civils et des militaires libanais.

Quelques jours plus tard, le Premier Juge d’Instruction militaire, Riad Abou Ghida, libéra les officiers qui avaient été arrêtés après la mort du cheikh Ahmad Abdul-Wahed et son compagnon. Alors les salafistes menacèrent de mettre de nouveau à feu et à sang Tripoli et le Nord. Alors vous êtes intervenu, vous, monsieur le Premier ministre qui ne cessez de craindre pour votre popularité électorale à Tripoli, et pour vos milliards de dollars investis en Arabie Saoudite. Et le Premier Juge d’Instruction militaire arrêta de nouveau les officiers.

Aucun pays ne peut tolérer un acte aussi tyrannique, monsieur Mikati. Son but est de ruiner le moral de l’Armée pour qu’elle cesse de protéger le pays. Ainsi, le Liban devient sans défense quand vient le temps de le transformer en… en quoi ? Peut-être en cette République islamique salafiste que réclament la plupart de ceux qui ont manifesté contre la libération des officiers.

Il aurait été moins nuisible pour la réputation de l’Etat, de ne pas libérer les officiers du tout.

Maintenant, la majorité au Liban, toutes religions confondues, est en colère. Mais écouterez-vous sa voix, la voix de la conscience, davantage que celle de la minorité qui brûle des pneus et tue des innocents?

Monsieur Mikati, régnez-vous sur la République d’Al Capone, qui défendait les assassins et abandonnait la majorité innocente?

 Lina Murr Nehmé

Cette lettre ouverte fut publiée par Elnashra, le 16 juillet 2012. Le ministre Safadi me répondit par le biais du même média. Il ne démentit rien de ce que j’avais écrit, excepté ceci: selon lui, Chadi Mawlawi n’aurait pas utilisé sa voiture pour aller à Tripoli.
Dans ce cas, pourquoi le ministre Safadi n’a-t-il pas contredit les reporters des télévisions qui avaient retransmis en direct la libération de Mawlawi, et avaient dit que Mawlawi avait utilisé sa voiture? C’est d’eux que je tiens le renseignement.

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