Victor Hugo a appelé “Les Misérables”, un livre parlant des Français qui ont du mal à joindre les deux bouts.
Ces mêmes Français, aujourd’hui, se recrutent parmi les chômeurs, les retraités, les soldats, les policiers, et parfois, le hasard des ordres du Président et de son préfet les placent les uns contre les autres. Comme au temps d’Hugo.
La mondialisation les a privés, non seulement de travail, mais aussi du droit de se plaindre. Car pour intéresser le public avec un roman, avec un film de cinéma, il faut de la publicité, et la publicité, qui est-ce qui la donne?
Ne me faites pas de baratin au sujet de la qualité. La qualité, on en voit tous les jours. Mais elle ne perce pas parce que c’est de la qualité, elle perce s’il y a de l’argent. Que d’œuvres d’une qualité très supérieure, dorment parce qu’elles sont du mauvais côté de la bienpensance !
La liberté et la vertu de la presse ont leurs limites très strictes et très étroites, surtout en ces temps de dèche. Vous aurez certainement plus de publicité si vous êtes un ami de MBS — ce qui est le cas des gens qui, comme Ladj Ly, font des long-métrages favorables aux émeutes des banlieues en 2005 et qui feront pleurer dans les quartiers — que si vous êtes un ami du “populo” français, du public dont parlent les “Misérables” d’Hugo et des orateurs qu’applaudit ce public.
Zineb El Rhazoui, Patrice Quarteron et Eric Zemmour se sont-ils jamais permis de qualifier les défenseurs du camp adverse de “conne”, de “conasse” et de “fils de pute”? Ici, on ne peut pas parler de racisme, puisque tous trois sont issus de l’immigration ou ont de la couleur: par définition, on ne peut pas être raciste contre ses propres origines. Et quoi qu’en disent leurs ennemis, quand est-ce qu’ils ont attisé la haine autant que Ladj Ly (fac-similé), Yassine Belattar, Médine et les autres? Car il y a eu, rien qu’en France, près d’un mort et un ou plusieurs blessés tous les trois jours pour cause de terrorisme islamiste. (Si on veut parler du reste de l’Europe, il y en a bien davantage.) Combien de ceux qui ont écouté Zineb, Zemmour et Quarteron ont tué? Moi, je trouve que ces trois sont très courageux, car il est très difficile de se faire traiter de tous les noms par des gens qui ont la même origine que soi. Il aurait été tellement plus rentable pour eux de défendre l’autre bord, celui que défendent les riches. Ils auraient entendu bien plus de miel et bien moins de fiel.
Il y a les gens qui plaisent à ceux qui ont de l’argent, et il y a les vrais misérables, qui se font même voler leur titre de misérables. Les vrais misérables, ce sont ceux qui, de nos jours, ne peuvent pas être défendus. Il n’y a pas de misère pire que celle-là. J’ai vécu cela depuis le début de la guerre du Liban. Nous avions avec nous la vérité, les preuves, mais personne ne voulait entendre, car les puissances du pétrole finançaient les autres. Et elles continuent. Si vous voulez savoir qui défend des innocents et qui défend des coupables, cherchez dans quel camp se trouvent les puissances du pétrole. Vous trouverez que c’est toujours ce camp qui bénéficie de la bonne publicité. C’est lui qui est sympathique, et ce sont ses ennemis qui sont antipathiques. Il attaque? La presse, les politiciens et l’intelligentsia ignorent ou excusent. Il subit des représailles? La presse, les politiciens et l’intelligentsia crient au scandale et aux violations des droits de l’homme.
Lina Murr Nehmé, 22 novembre 2019
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