Manahel al-Otaibi, citoyenne saoudienne, s’est filmée dansant en fuseau et faisant de la gymnastique en blouse courte.
Vous vous dites que le ventre n’étant pas la partie la plus belle du corps d’une femme, et qu’elle ne portait aucun décolleté, ni rien de ce qu’on voit de nos jours en France. Et que l’Arabie Saoudite s’est émancipée en reniant certains hadiths, etc. Et que la police des mœurs a été abolie, cette sinistre institution qui fouettait les femmes si elles sortaient sans abaya. Comme si l’homme était incapable de se contrôler en voyant sur les réseaux sociaux une jolie fille dansant ou faisant du sport en tenue de sport, ou marchant dans la rue sans abaya. Plus encore : Manahel eut l’outrecuidance de passer à la télévision en déclarant qu’elle s’habillerait comme elle voulait et refusait l’abaya saoudienne noire et informe, et que c’était très important pour elle, surtout dans son pays.
Tout cela, apparemment, c’était une agression contre l’ego masculin, une provocation fournie au mâle humain à tort et à travers, et de façon inadmissible.
Et dites le mot – oui, oui, dites-le ! – de façon terroriste.
Vous ne croyez pas ? C’est que vous ignorez qu’il y a des mollahs dans ce pays, et qu’ils descendent du vieil Abdel-Wahhab qui fonda le wahhabisme, et dont le pacte avec l’ancêtre de MBS reposait sur le partage du pouvoir arabe entre eux, puis leurs descendants. Ibn Saoud prenait le pouvoir temporel, et Abdel-Wahhab, le pouvoir religieux. Une sorte de califat divisé en deux si vous voulez.
C’est pourquoi MBS ne peut pas vraiment faire des réformes, et l’acte de Manahel était du terrorisme.
S’étant rincés les yeux, donc, les mollahs se révoltèrent et poussèrent des cris d’orfraie. La jeune fille fut jetée en prison, confinée et isolée comme une bête contagieuse.
Ce qui n’empêcha pas ses geôliers – ou ses bourreaux, ou les deux – de lui faire des violences, jusqu’à lui briser un os.
On lui refusa les soins médicaux, et pour finir, on la jugea et on la condamna à 11 ans de prison pour terrorisme.
Personne n’en parlera. Tout comme personne n’a parlé des princesses saoudiennes séquestrées et condamnées par leur père à mourir de faim.
Car l’Arabie Saoudite achète des avions et des armes de toute sorte. Et elle a la main sur le robinet du pétrole.
Si elle a dit que ses prisonniers d’opinion sont coupables de terrorisme, c’est qu’ils sont coupables de terrorisme. Quand on contrôle les médias, quand on les paie, on peut lancer toutes les accusations, ça marchera toujours.
Lina Murr Nehmé