J’ai choqué beaucoup de monde en disant que le bakchich était légal du point de vue religieux islamique.
Pour justifier le bakchich, en effet, les puissances islamiques se servent du verset coranique suivant:
Je ne parle évidemment pas de mon point de vue ni de celui des personnes qui rejettent le bakchich, mais bien du point de vue des oulémas et de leurs textes de référence.
“Les aumônes sont pour les pauvres; pour les indigents; pour ceux qui prélèvent ces aumônes et les distribuent; pour ceux dont les cœurs sont à rallier; pour l’affranchissement des esclaves; pour la voie d’Allah [mot synonyme de djihad dans le Coran]; pour le passant. Tel est l’ordre d’Allah!” (Coran, 9, 60)
Ce verset du Coran désigne le partage des aumônes en huit, une de ces parts étant réservée au bakchich. Ce verset est descendu lorsque Mahomet a, après la bataille d’Honein, offert des cadeaux de 100, ou même 300 chameaux (chaque chameau égalant 10 moutons quand il faisait le partage du butin), aux riches Mecquois qui n’en avaient pas besoin, privant les pauvres de Médine qui s’étaient battus et ne l’avaient pas quitté.
Depuis, le huitième des aumônes est consacré au bakchich. En fait, cette somme est gardée à la discrétion du chef, qui peut décider, comme après la bataille d’Honein, de priver les pauvres pour essayer d’acheter un riche chrétien pour qu’il trahisse sa communauté. C’était très fréquent, et ce l’est encore. La politique des chefs de l’Arabie Saoudite, qui consiste à payer les politiciens libanais pour qu’ils trahissent le pays, au lieu d’améliorer la condition des pauvres d’Arabie Saoudite (beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit!), est ce qu’il y a de plus orthodoxe. Leurs oulémas la justifient par ce verset, dont voici l’explication officielle par Ibn Taymiyya, l’ouléma le plus influent aujourd’hui, à cause de la propagande saoudienne, de celle des Frères Musulmans, et de celle des organisations islamistes. Ils occupent l’essentiel du paysage religieux médiatique.
Pour plus d’explications, mes critiques ponrront se reférer à la compilation que le professeur de droit islamique Sami Aldeeb a faite, non seulement de l’ouléma que je cite, Ibn Taymiyya (qui est aujourd’hui le plus influent), mais de dizaines d’autres, dans son livre intitulé “Zakat, corruption et jihad, Interprétation du verset coranique 9:60 à travers les siècles”.
L’interprétation que font ces oulémas, après tout, est basée sur l’exemple donné par Mahomet, d’après les textes officiels. On peut contester ces textes, et des personnes très respectables le font; mais dans ce cas, que faire du verset coranique qui dit: “Vous avez dans l’Apôtre d’Allah un excellent exemple à suivre?” ou de celui qui dit: “Celui qui obéit à l’Apôtre (Mahomet) obéit à Allah”? Comment obéir à Mahomet si on ne reconnaît aucun texte transmettant ses ordres? Comment l’imiter si on ne reconnaît aucun texte racontant comment il vivait?
Voilà un dilemne que je ne peux pas résoudre. Et franchement, je ne me serais jamais attaquée à ce sujet s’il n’avait servi à tuer, à asservir, non seulement des personnes, mais des communautés entières. Très exactement, je ne me serais pas emparée publiquement de ce sujet s’il n’y avait pas eu le massacre de Charlie et la nécessité d’expliquer les textes pour que les gens comprennent que ce ne sont pas les musulmans qui sont à blâmer, ni même les terroristes, mais les textes et ceux qui les répandent et les imposent. Je suis désolée de peiner tant de monde: mais si je me tais, les autres continueront à tuer et à tromper.
Lina Murr Nehmé, le 16 septembre 2019
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