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Le «lundi des clous»

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Communiqué distribué, et confirmé par le site des Forces Libanaises (8 décembre 2019)
https://www.lebanese-forces.com/2019/12/07/revolution-lebanon-government/
Au cas où la page des FL serait supprimée après le 8 décembre, une archive de constatatation est disponible en suivant ce lien : https://www.easyconstat.com/v?id=0068965JOGY5 

Un membre de ma famille a reçu ce matin le document ci-dessus, appelant à couper les routes qui mènent au palais présidentiel libanais, afin d’empêcher les députés de nommer un Premier ministre. Il me l’a envoyé sans savoir si c’était un canular ou non.

Le document cite un communiqué présenté comme émanant de « la révolution du Liban » et du « mouvement populaire ». Il appelle à fermer les routes menant à Baabda où doivent avoir lieu les consultations parlementaires, le 9 décembre 2019. Et pour empêcher les forces de l’ordre de rouvrir ces routes, il préconise des jets de clous, et insiste sur cela, soulignant l’expression qui est également mise en rouge (italiques) :

« … Désobéissance civile totale à l’aube du lundi, fermeture de toutes les routes attenantes ; répandre des clous sur toutes les routes secondaires et principales, en plus des routes traditionnelles.

« L’Acte des clous est une escalade qui rendra les forces de l’ordre incapables de rouvrir les routes.

« D’avance, nous en sommes désolés : notre ambition est un Liban meilleur. »

En lisant, j’ai, moi aussi, cru à un canular. Mais non ! C’est sérieux, du moins pour Samir Geagea. Vous trouvez sur son site un article portant ce titre : « La révolution fait tomber le gouvernement avant le lundi des clous ».

Captures d’écran prises le 7 décembre 2019. (Site web du parti des Forces Libanaises)
https://www.lebanese-forces.com/2019/12/07/revolution-lebanon-government/
Au cas où la page des FL serait supprimée après le 8 décembre, Au cas où la page des FL serait supprimée après le 8 décembre, une archive de constatatation est disponible en suivant ce lien : https://www.easyconstat.com/v?id=0068965JOGY5  

Pourtant, il ne faut pas beaucoup de monde pour fermer une route: quelques dizaines de personnes suffisent. Or le communiqué que j’ai reçu ce matin dit que c’est le peuple qui parle. Si c’est vraiment le peuple, il n’a qu’à descendre dans la rue, et les routes seront bouchées : il y a 4,4 millions de Libanais résidents.

Le « peuple » appréciera-t-il de traverser des routes parsemées de clous ?

En fait, le peuple n’aime pas les barrages du tout. Les miliciens en civil sont régulièrement obligés de refaire la tournée des routes pour les fermer avec des barricades improvisées. Et ils sont si peu nombreux qu’ils ne peuvent pas se permettre de laisser des sentinelles pour protéger l’existence du barrage. Ils laissent donc les obstacles se garder tout seuls, pendant qu’ils vont fermer d’autres routes. Mais les habitants du quartier ne collaborent pas à la fermeture de leurs routes. Les forces de l’ordre viennent rapidement les rouvrir.

Bien sûr que les gens n’ont pas envie de voir leurs routes fermées. Tous ont payé les impôts qui ont permis de les construire, et tous estiment avoir le droit de les utiliser. Ils ne voient pas pourquoi certains s’arrogeraient le droit de les priver de la liberté de déplacement que leur octroie la loi.

En désespoir de cause, les miliciens en civil ont appelé à parsemer de clous les routes, toutes les routes qui mènent à Baabda, mettant en danger les enfants qui vont à l’école et bloquant les ambulances des trois hôpitaux de Baabda (et d’autres hôpitaux aussi pour ceux qui viennent de Sayyad et vont à l’hôpital al-Hayat).

Carte Google sur laquelle sont signalés les trois hôpitaux de Baabda et leur position par rapport au palais présidentiel où ont lieu les consultations parlementaires.

Donc, lundi 9, grève des crises cardiaques. Grève des dialyses et des chimiothérapies, des radiothérapies, des accouchements. Grève des fractures du tibia. Interdit de laisser votre bébé naître ce jour-là, ou d’avoir un enfant qui tombe et se fend le cuir chevelu. Vous lui direz : « C’est ta faute ! Tu n’avais qu’à tomber jeudi ou vendredi. » Interdit d’avoir un accident du travail. Dites aux machines et aux couteaux de prendre rendez-vous avant de frapper, car lundi, c’est fermé, et il faudra attendre que les clous soient retirés et les routes rouvertes.

Maintenant, racontons d’où vient cette idée des clous.

Wadih al-Asmar est un informaticien travaillant au Qatar. Il y a quelques semaines, il a appris qu’à Beyrouth, des gardes du corps, dans un convoi officiel, avaient tiré en l’air pour disperser des manifestants qui s’étaient jetés devant leurs voitures. Ces manifestants voulaient en effet empêcher les députés de se réunir. Du Qatar, Wadih al-Asmar écrit sur Twitter :

« J’ai entendu dire que les voitures des députés, ne peuvent plus rouler s’il y a de l’huile, du mazout et des clous sur le sol. Surtout dans les montées et les descentes. Pensez-vous que ce que je dis soit vrai ? Bien sûr, nous ne voulons faire de mal à personne. On peut mettre une pancarte pour les avertir que la route est coupée. »

Tweet de Wadih al-Asmar appelant à jeter de l’huile ou du mazout et des clous sur la route pour empêcher le passage des voitures des députés

Wadih al-Asmar s’explique dans un commentaire : l’huile et les clous ne font pas glisser, ils bloquent seulement la voiture. Puis il se contredit en disant que quand on jette des œufs sur des automobiles, cela peut les faire déraper aussi: il raconte que lorsqu’il était à Paris, il avait jeté des œufs sur la voiture de l’ex-Président Lahoud. Elle avait ainsi dérapé, et failli entrer dans un mur au Trocadéro. D’après son récit, donc, il est dangereux de répandre des matières dérapantes sur la chaussée !

Un internaute fait remarquer à Wadih al-Asmar que ce qu’il préconise n’est pas une opération pacifique, mais un comportement terroriste: l’huile et les clous peuvent tuer des gens qui ne sont pas députés, et détruire des biens publics ou privés qui n’appartiennent pas aux officiels. D’autres demandent si c’est ainsi que Wadih al-Asmar fera du Liban un endroit meilleur (comme il l’a écrit sur son statut). Une internaute s’étonne qu’une telle idée vienne d’un militant des droits de l’homme.

Wadih al-Asmar est en effet le secrétaire général du Centre libanais pour les Droits de l’Homme. Et il est le président d’Euromed, qui regroupe plus de 80 organisations de droits de l’homme des deux côtés de la Méditerranée.

Cet homme courageux milite pour donner de la visibilité aux homosexuels dans le gentil Liban. Au Qatar, par contre, Wadih al-Asmar se tait face à la persécution des homosexuels. Il se tait même quand, en violation des accords avec la Fédération internationale de Football, le gouvernement qatari fait censurer dix articles de l’édition internationale du New York Times parce qu’ils traitent des LGBT.

Tweet de Minky Worden protestant parce que le Qatar a censuré une dizaine d’articles du New York Times parlant des LGBT
New York Times: articles LGBT censurés dans l’édition destinée au Qatar

Non, visiblement, la persécution des homosexuels ne dérange pas outre mesure Wadih al-Asmar quand c’est au Qatar que cela se passe. Durant des mois, il a épinglé en tête de sa page Twitter, cette pensée très profonde : « Se regarder dans la glace tous les matins sans avoir honte de mes actes, voilà ce [sic] guide mes pas. »

On ne peut qu’admirer une telle assurance.

Pour en revenir à l’huile et aux clous sur la chaussée, le conseil de Wadih al-Asmar n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Quelques jours plus tard, des miliciens en civil s’en emparent pour couper les routes et empêcher les forces de l’ordre de les rétablir aussitôt. Mais ils estiment que les clous ne tiennent pas assez bien debout sur le bitume. Ils les remplacent par des tessons de bouteilles, qu’ils jugent plus efficaces. L’armée les arrête et publie les photos de ce gentil matériel.

Matériel pris par l’armée libanaise à des miliciens en civil, voulant fermer durablement les routes en y répandant de l’huile et des tessons de bouteilles (novembre 2019)

Alors le militant des droits de l’homme au courage infini, Wadih el-Asmar, s’empresse d’ôter son tweet qui aurait innocenté ces jeunes gens en montrant qu’ils avaient été inspirés par un homme qui a l’oreille de la communauté internationale en matière de droits de l’homme, et qui affirme travailler à « faire du Liban un endroit meilleur ».

Mais un tel tweet ne disparaît pas. Il en existe des dizaines de captures d’écran, et le tweet de l’huile et des clous réapparaît bien vite sur Twitter. Michel Eléftériadès publie sa capture et rappelle à Wadih el-Asmar que la loi libanaise prévoit pour la personne qui appelle à commettre un crime, le châtiment même prévu pour ce crime, qu’il ait été commis ou non.

Plusieurs commentateurs avaient accusé Wadih el-Asmar d’avoir poussé au terrorisme. Ils ne croyaient pas si bien dire ! L’idée, en effet, vient d’al-Qaïda. C’est elle qui a appelé à répandre sur les routes de l’huile et des clous en « pays mécréants ».

Al-Qaïda, on le comprend, veut tuer les mécréants. Mais Wadih el-Asmar, qui veut-il tuer ? Il se dit militant des droits de l’homme. Mais de quels hommes ?

Lina Murr Nehmé, 8 décembre 2019

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Raif Badawi et le roi saoudien

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Raif Badawi est un jeune père de famille saoudien qui a cru que le “Printemps arabe” était pour son pays aussi. Sur son blog, il a critiqué les oulémas qui prétendaient faire de l’astronomie et autres sciences de façon contraire à ce que prouvaient les faits, et il a exigé pour les chrétiens le droit de construire des églises en Arabie Saoudite, comme les Saoudiens construisaient des mosquées en Occident. Il a demandé que ne soit pas construite une mosquée à deux pas des ruines du Wolrd Trade Center, à New York, et ce, par respect envers les victimes. Etc.

Se voyant menacé, il envoya sa femme Ensaf Haidar et leurs trois enfants au refuge éternel des persécutés, le Liban. Mais ce pays étant sous occupation saoudienne ouverte ou occulte depuis 1990, ils ne pouvaient y rester que de façon temporaire.

La famille se rendit donc au Canada où, malgré l’islamisation soutenue par certains courants politiques, elle serait plus en sécurité que dans l’Ancien Monde, et pourrait s’y exprimer plus librement.

Comme prévu, Raif fut arrêté et emprisonné pour ses “crimes” littéraires, et condamné à mort en tant qu’apostat. Mais il prononça la chahada, formule de foi islamique. Sa peine fut alors commuée en une peine de prison de 10 ans, plus 1000 coups de fouet en vingt séances publiques, plus le paiement d’une amende de 200.000 euros qu’il ne pourrait pas payer, car il n’était pas riche.

Au vu de cette manifestation de clémence inouïe, le président Hollande jugea que l’Arabie Saoudite méritait de participer à la manifestation pour la liberté d’expression et de protestation contre l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo par al-Qaïda.

Al-Qaïda, rappelons-le, a été créée dans les années 1980 avec l’argent saoudien et l’aide technologique des Américains, ainsi que leur argent. L’Arabie Saoudite a fait de Ben Laden un héros. Elle lui a ouvert ses mosquées pour qu’il y fasse de la prédication en faveur du djihad et du terrorisme, et pour la promotion de son organisation, Maktab el-Khadamat. En 1989, après la fin de la guerre froide, Ben Laden et ses conseillers décidèrent de ne pas dissoudre leur organisation, devenue inutile en Afghanistan depuis le retrait des troupes soviétiques. Il décida de lui donner pour but le djihad mondial contre les mécréants. Ce djihad jusqu’à l’extinction de la mécréance, n’était pas une idée de Ben Laden. Il l’avait apprise à l’université saoudienne justement. L’organisation issue du recyclage du Maktab el-Khadamat, ayant pour but la guerre sainte pour l’islamisation du monde entier, porta le nom d’al-Qaïda (la Base).

Elle recevait l’argent saoudien à flots.

Le roi saoudien Fahd

Le régime saoudien continua à filer le grand amour avec al-Qaïda et à déverser sur elle la publicité, l’aide diplomatique et les dons financiers et militaires à outrance, jusqu’à l’été 1990. La famille royale saoudienne ayant accepté de recevoir des troupes américaines sur le sol saoudien, Ben Laden lui écrivit pour lui proposer l’aide des combattants d’al-Qaïda contre l’Irak, régime estimé impie parce que laïque. Un hadith de Mahomet n’interdisait-il pas la présence des mécréants sur le sol de la Péninsule Arabique? C’est au nom de ce hadith que le régime saoudien interdisait toute prière non islamique sur le sol saoudien. Ben Laden l’avait appris à l’université d’ingénierie saoudienne.

Après avoir vainement envoyé plusieurs lettres pour proposer les services d’al-Qaïda au roi saoudien, Oussama Ben Laden se mit à critiquer la famille royale en public, disant que le sol sacré de l’islam ne pouvait être souillé par des soldats chrétiens ou juifs.

On lui confisqua son passeport. Alors il s’enfuit au Soudan, le pays qui faisait la traite et le génocide des chrétiens, et qui hébergea al-Qaïda quelque temps.

Sans ce différend qui n’avait rien à voir avec l’idéologie, les Saoudiens seraient restés les grands amis d’al-Qaïda. Ils ont d’ailleurs financé, par la suite, ses filles et ses avatars: le Fatah el-Islam, Daesh, Nosra, Boko Haram, Shabab, et tant d’autres…

Ce régime saoudien qui avait fabriqué al-Qaïda sur les plans financier, humain et médiatique, et qui avait été sa mère nourricière, était toujours là. Le roi Abdallah était le frère du roi Fahd, et il avait été le vrai maître du pays quand ce dernier, malade, cessa de gouverner.

Le roi saoudien Abdallah

Certes, le régime saoudien avait renié al-Qaïda. Mais il continuait à déverser son argent sur les filles d’al-Qaïda, notamment le Fatah-el-Islam, Daesh, puis Nosra…

En janvier 2015, les Saoudiens se trouvaient donc représentés par les assassins des journalistes de Charlie Hebdo, les frères Kouachi. Car sans l’argent, la protection, la propagande saoudiennes durant dix ans, les Américains n’auraient pas pu soutenir et former le Maktab-el-Khadamat, qui devint al-Qaïda.

En même temps, les Saoudiens étaient représentés dans la manifestation organisée par le président François Hollande.

Or ce même régime avait, l’avant-veille, infligé à Raif Badawi une flagellation publique à la porte de la plus grande mosquée de la ville, après le sermon du vendredi, au cri d'”Allahou Akbar”! Question humiliation, on ne fait pas mieux.

Quels purent être les sentiments de Raif Badawi, qui aimait la France, en apprenant qu’elle avait fait défiler ses bourreaux aux premiers rangs dans une marche pour la liberté d’expression?

François Hollande n’a même pas demandé aux Saoudiens de différer la première flagellation de Raïf Badawi, à un moment où le monde entier en parlait. Il a ainsi infligé aux Français et à toutes les puissances occidentales, un des pires camouflets de leur histoire.

Or le régime qui a fondé la LIM (Ligue Islamique Mondiale) et qui y préside, n’a pas changé. C’est toujours celui qui a fouetté Raif Badawi après avoir financé al-Qaïda. Recevoir la LIM à Paris de cette façon quasi officielle, après avoir laissé répandre un programme annonçant des interventions de MM. Macron et Philippe (même s’il y a eu rétractation par la suite), n’est pas sans rappeler la présence saoudienne à la manifestation présidée par M. Hollande en janvier 2015. Après tout, cela ne fait pas si longtemps que les militantes qui avaient réclamé le droit de conduire des automobiles étaient emprisonnées et torturées, et que le journaliste Khashoggi était assassiné de façon scabreuse en pays étranger…

Lina Murr Nehmé, 13 septembre 2019

Lina Murr Nehmé, Fatwas et Caricatures, tête de chapitre

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Oussama Ben Laden aurait-il été esclavagiste?

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Les chefs des grandes organisations terroristes islamistes sunnites au XXe siècle, ont tous révéré Hassan el-Banna, fondateur des Frères Musulmans.

Ce fut surtout le cas des dirigeants d’al-Qaïda.

Oussama Ben Laden avait été converti par les Frères Musulmans Qutb et Azzam, et il était devenu un Frère. Il avait pour but de ramener le règne de la charia et de l’étendre sur toute la terre, en restaurant le califat. Tous les chefs d’al-Qaïda avaient ce but. Mais à partir du moment où Ben Laden autorisa Zarqawi à fonder al-Qaïda-Irak, ils eurent des discussions sans aménité, car la stratégie de Zarqawi était de massacrer les chiites pour diviser les Irakiens sur une base chiite-sunnite, afin de radicaliser les sunnites et de fonder le califat immédiatement. Ben Laden, lui, estimait qu’il ne fallait proclamer le califat qu’une fois qu’al-Qaïda et ses avatas seraient très forts.

Mais après la mort de Zarqawi, le 7 juin 2006, toutes les disputes étaient oubliées. Ben Laden envoya un discours enregistré dans lequel il louait Zarqawi. Les difficultés de communication étaient telles que le discours n’arriva et ne fut diffusé que le 30 juin.

A noter que c’est al-Jazeera qui était le destinataire privilégié des vidéos et autres enregistrements de Ben Laden. Elle joua un grand rôle dans sa propagande. Les organisations Frères Musulmans ou amies des Frères, s’entraidaient tout naturellement.

Baghdadi, le nouveau chef d’al-Qaïda-Irak, accomplit le rêve de Zarqawi, après avoir lui-même envoyé des hommes fonder al-Nosra, une branche d’al-Qaïda dont le but était de s’emparer de toute la Syrie, plus le Liban, Israël et les territoires palestiniens, et la Jordanie. D’où son nom d’al-Qaïda-Cham [al-Qaïda au Levant], ou Jabhat al-Nosra li ahl ach- Cham [Front de l’aide aux gens du Levant], et plus tard, Fatah-el-Cham [Conquête du Levant].

Mais remontons en arrière pour voir ce que disait leur mentor à tous, Hassan al-Banna, révéré par l’UOIF, Qaradawi et Tareq Oubrou:

« Nous espérons [dans le califat] une réforme totale et un salut rapide. Chaque jour qui passe et où la oumma n’accomplit pas un acte la sortant de sa décadence, la retarde en fait pour une longue période. Si les hommes comprenaient le salut qu’il y a pour eux dans l’appel des Frères Musulmans ! Et si la oumma suivait leur programme, il serait pour elle un succès, et leurs efforts, si on les y aidait, seraient couronnés de succès, la victoire ne venant que d’Allah, le puissant et le sage.

“On lit dans l’Authentique [Bokhari]… poursuit el-Banna, que le Prophète a dit à Moaz alors qu’ils marchaient ensemble : “Si tu veux, Moaz, je te parlerai de la tête de cette affaire et de sa queue. Sa tête, c’est que tu témoignes qu’il n’y a de Dieu qu’Allah, qu’il n’a pas de compagnon et que Mahomet est son esclave et son messager. Le pilier, c’est l’observance des prières et le don de la zakat. Et le summum de la queue, c’est que tu fasses le djihad dans la voie d’Allah. Car j’ai reçu l’ordre de combattre les hommes jusqu’à ce qu’ils fassent les prières, paient la zakat, et témoignent qu’il n’y a de Dieu qu’Allah, qu’il n’a pas de compagnon et que Mahomet est son esclave et son messager. S’ils font cela, ils se seront épargnés et auront épargné leur sang et leurs biens, qui ne pourront plus leur être pris, sauf contre rétribution équitable”. »

Dans la mentalité islamiste, les femmes et les enfants font partie “des biens” des hommes, au même titre que les animaux. Si Ben Laden avait vécu libre, il aurait probablement été l’homme qui aurait rétabli l’esclavage. Car c’est lui qui, sans risque de doute possible, aurait été le calife — et Baghdadi se serait soumis à lui.

Lina Murr Nehmé, le 30 juin 2019

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DAECH est-il fini ?

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On vient d’annoncer que Daech ne contrôle plus qu’1% du territoire syro-irakien.

Cela n’est pas tout à fait exact. Car si Daech ne se bat plus que dans un petit réduit près de la frontière irakienne, cela ne veut pas dire qu’il soit fini, loin de là. Encore moins, que l’Etat islamique le soit. Car cet Etat, le califat, étant à vocation mondiale, peut avoir n’importe quelle organisation, n’importe quelle tribu à sa tête. Il peut être dirigé de n’importe quelle capitale. Même si Daech était fini, l’Etat islamique ne le serait pas. Il ne peut pas l’être tant que les passions actuelles dans le monde seront aussi violentes.

D’ailleurs, Daesh n’est pas du tout fini, il a juste fait un redéploiement. Il s’est retiré du Proche-Orient pour envoyer ses forces conquérir du terrain ailleurs, en Asie orientale et en Afrique. Partout, il fait des alliances avec les terroristes locaux, comme il avait autrefois fait en Irak et en Syrie. Il reconstitue ainsi ses forces, il remplace ses morts et ses déserteurs syriens et irakiens, par des Asiatiques et des Africains. Tant lui que les chefs d’Etat occidentaux ont intérêt à ne pas mettre ceci en lumière. Lui y a intérêt parce qu’il a besoin de travailler dans le secret avant de se dévoiler soudain dans sa puissance. Et eux y ont intérêt parce qu’ils ne veulent pas passer pour des perdants, ils perdraient les élections, après tout ce qu’ils ont fait payer au contribuable pour mener la guerre en Syrie et en Irak. Obnubilés par les approvisionnements en pétrole, ils laissent Daech gagner des territoires aux Philippines, au Myanmar, au Nigéria, au Tchad et ailleurs. Comme si ces pays, leurs citoyens et leur souffrance, n’avaient pas de valeur. Pour le califat, d’ailleurs, ils représentent des conquêtes plus importantes que les territoires que Daech a perdus en Irak et en Syrie. À partir de ces pays, il compte reprendre l’offensive mondiale une fois que les Américains se seront retirés du Proche-Orient. Ce qui arrivera tôt ou tard.

Cette carte montre la situation de Daech en Syrie fin 2018, c’est-à-dire il y a quelques semaines. Cela n’a pas beaucoup changé: plus que d’une présence sur le terrain, Daech dispose de régions amies en Syrie ou en Irak. Ce sont essentiellement celles dont l’EI a “nettoyé” la population, et où il a distribué du bakchich aux chefs, et des vivres aux habitants.

Ces régions amies se rabattront sur Nosra si le califat de Daech venait à disparaître. Ce n’est pas le cas, nous l’avons dit : Daech, existe encore. Vous pourrez dire que Daech est fini le jour où Nosra se donnera le nom de califat. Tant qu’elle ne l’aura pas fait, c’est que Daech sera encore le plus fort, et il ne peut y avoir deux califats au monde. Les médias occidentaux peuvent raconter ce qu’ils veulent. Les habitants, les terroristes, les islamistes savent ce qu’il en est réellement.

Il faut se rappeler qu’à terme, le but du fondateur d’al-Qaïda Oussama Ben Laden — tout comme celui d’Hassan al-Banna et de Saïd Ramadan (respectivement grand-père et père de Tariq Ramadan) — a toujours été l’établissement du califat pour une invasion mondiale. Le différend entre Ben Laden et Zarqawi, chef de la branche “al-Qaïda en Irak”, reposait sur un problème de “timing”. Ben Laden voulait ne proclamer le califat qu’une fois devenu très fort, alors que Zarqawi voulait le proclamer immédiatement. Finalement, Zarqawi est mort avant Ben Laden, et c’est le successeur de Zarqawi, Baghdadi, qui proclama le califat en donnant ce nom à “al-Qaïda-Irak”.

Auparavant, al-Qaïda-Irak avait obligé les organisations sunnites irakiennes à s’allier avec elle, et elle a donné à l’ensemble le nom d'”Etat islamique-Irak”. Puis elle s’est donné le nom de Daech, acronyme d'”Etat islamique en Irak et à Cham”. (“Cham”, c’est l’ensemble formé par le Liban, la Syrie, la Jordanie, Israël et la bande de Gaza.)

Daech a pris ce nom parce que la branche qu’elle avait envoyée fonder un Etat islamique à Cham, s’était révoltée contre Baghdadi. Cette organisation s’est révélée au public en se donnant deux noms: “al-Qaïda-Cham”, et “Jabhat Nusrat ech-Cham”, c’est-à-dire “Front d’aide aux gens de Cham”. Elle s’est donné plusieurs noms par la suite, mais le peuple continue à l’appeler “Nosra”.

Daech demeure la plus puissante des branches d’al-Qaïda, si l’on tient compte de ses conquêtes orientales et africaines — et Daech sait qu’en se dispersant ainsi, elle entraîne l’Occident à se battre sur un terrain sur lequel il ne peut pas le suivre. Ce qui le prouve, c’est l’effacement de Nosra, la rivale qui, au Levant, fait le nécessaire pour remplacer Daech. Son but est le califat et l’invasion mondiale. Car Nosra, comme Daech, demeure une branche d’al-Qaïda. Toutes deux ont porté le nom d'”al-Qaïda” durant des années, et ne se sont coupées de l’organisation mère que pour des raisons stratégiques.

Tant que le chef de Nosra ne se sera pas fait plébisciter calife comme avait fait celui de Daech avant lui, c’est que le califat de Daech est encore assez puissant pour ne pas pouvoir être supplanté.

Lina Murr Nehmé, 7 février 2019

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