Archives de catégorie : califat

Oussama Ben Laden aurait-il été esclavagiste?

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Les chefs des grandes organisations terroristes islamistes sunnites au XXe siècle, ont tous révéré Hassan el-Banna, fondateur des Frères Musulmans.

Ce fut surtout le cas des dirigeants d’al-Qaïda.

Oussama Ben Laden avait été converti par les Frères Musulmans Qutb et Azzam, et il était devenu un Frère. Il avait pour but de ramener le règne de la charia et de l’étendre sur toute la terre, en restaurant le califat. Tous les chefs d’al-Qaïda avaient ce but. Mais à partir du moment où Ben Laden autorisa Zarqawi à fonder al-Qaïda-Irak, ils eurent des discussions sans aménité, car la stratégie de Zarqawi était de massacrer les chiites pour diviser les Irakiens sur une base chiite-sunnite, afin de radicaliser les sunnites et de fonder le califat immédiatement. Ben Laden, lui, estimait qu’il ne fallait proclamer le califat qu’une fois qu’al-Qaïda et ses avatas seraient très forts.

Mais après la mort de Zarqawi, le 7 juin 2006, toutes les disputes étaient oubliées. Ben Laden envoya un discours enregistré dans lequel il louait Zarqawi. Les difficultés de communication étaient telles que le discours n’arriva et ne fut diffusé que le 30 juin.

A noter que c’est al-Jazeera qui était le destinataire privilégié des vidéos et autres enregistrements de Ben Laden. Elle joua un grand rôle dans sa propagande. Les organisations Frères Musulmans ou amies des Frères, s’entraidaient tout naturellement.

Baghdadi, le nouveau chef d’al-Qaïda-Irak, accomplit le rêve de Zarqawi, après avoir lui-même envoyé des hommes fonder al-Nosra, une branche d’al-Qaïda dont le but était de s’emparer de toute la Syrie, plus le Liban, Israël et les territoires palestiniens, et la Jordanie. D’où son nom d’al-Qaïda-Cham [al-Qaïda au Levant], ou Jabhat al-Nosra li ahl ach- Cham [Front de l’aide aux gens du Levant], et plus tard, Fatah-el-Cham [Conquête du Levant].

Mais remontons en arrière pour voir ce que disait leur mentor à tous, Hassan al-Banna, révéré par l’UOIF, Qaradawi et Tareq Oubrou:

« Nous espérons [dans le califat] une réforme totale et un salut rapide. Chaque jour qui passe et où la oumma n’accomplit pas un acte la sortant de sa décadence, la retarde en fait pour une longue période. Si les hommes comprenaient le salut qu’il y a pour eux dans l’appel des Frères Musulmans ! Et si la oumma suivait leur programme, il serait pour elle un succès, et leurs efforts, si on les y aidait, seraient couronnés de succès, la victoire ne venant que d’Allah, le puissant et le sage.

“On lit dans l’Authentique [Bokhari]… poursuit el-Banna, que le Prophète a dit à Moaz alors qu’ils marchaient ensemble : “Si tu veux, Moaz, je te parlerai de la tête de cette affaire et de sa queue. Sa tête, c’est que tu témoignes qu’il n’y a de Dieu qu’Allah, qu’il n’a pas de compagnon et que Mahomet est son esclave et son messager. Le pilier, c’est l’observance des prières et le don de la zakat. Et le summum de la queue, c’est que tu fasses le djihad dans la voie d’Allah. Car j’ai reçu l’ordre de combattre les hommes jusqu’à ce qu’ils fassent les prières, paient la zakat, et témoignent qu’il n’y a de Dieu qu’Allah, qu’il n’a pas de compagnon et que Mahomet est son esclave et son messager. S’ils font cela, ils se seront épargnés et auront épargné leur sang et leurs biens, qui ne pourront plus leur être pris, sauf contre rétribution équitable”. »

Dans la mentalité islamiste, les femmes et les enfants font partie “des biens” des hommes, au même titre que les animaux. Si Ben Laden avait vécu libre, il aurait probablement été l’homme qui aurait rétabli l’esclavage. Car c’est lui qui, sans risque de doute possible, aurait été le calife — et Baghdadi se serait soumis à lui.


Lina Murr Nehmé, le 30 juin 2019

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Le Daesh qui a réussi

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Quelqu’un a dit : « l’Arabie Saoudite, c’est un Daesh qui a réussi ». De fait, si les États-Unis reconnaissaient Daech, sa situation serait comme celle des Saoudiens.

Le pouvoir saoudien a été fondé dans un carnage horrible, jusqu’au moment où les Anglais l’ont reconnu dans les années 1920. Et ce régime continue à effrayer ou à choquer l’Occident, notamment quand il exécute des dizaines de prisonniers politiques, condamnés pour leurs opinions. Pourtant, on lui vend des missiles et des avions, tout comme les Vénitiens vendaient aux califes des canons et des navires de guerre.

Cela ne veut pas dire que la situation de guerre ne prévaut pas entre le régime saoudien et l’Occident. L’argent que l’Arabie Saoudite verse à des organisations comme l’OLP, al-Qaïda, Daech, al-Nosra, Boko Haram, pour qu’elles combattent les non-musulmans, est une série d’actes de guerre. Ils ont provoqué des guerres terribles, qui ont causé des millions de victimes. Entre autres, les occupants des tours du World Trade Center, et les victimes des guerres menées contre l’Afghanistan et contre l’Irak pour venger ces victimes. Et, bien sûr, les guerres de Daech qui en ont découlé.

Ce n’est pas la faute du régime saoudien si l’Occident ne veut pas voir tout cela.

Lina Murr Nehmé, 28 juin 2019

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Extrait du serment des Frères Musulmans

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C’est aujourd’hui l’anniversaire de la fondation, par Daech, du nouveau califat. Al-Qaïda étant un sous-produit des Frères Musujlmans, et Daech étant une branche d’al-Qaïda, il ne serait pas mauvais de méditer en ce jour sur cette partie du serment qu’Hassan el-Banna, grand-père de Tariq et Hani Ramadan, faisait prononcer à ses hommes lorsqu’il leur faisait subir leur initiation:

“5) Je crois que le musulman a le devoir de faire revivre l’Islam par la renaissance de ses différents peuples, par le retour de sa législation propre [la charia], et que la bannière de l’Islam doit couvrir le genre humain et que chaque musulman a pour mission d’éduquer le monde selon les principes de l’Islam. Et je promets de combattre pour accomplir cette mission tant que je vivrai et de sacrifier pour cela tout ce que je possède.

6) Je crois que tous les musulmans ne forment qu’une seule nation unie par la foi islamique et que l’Islam ordonne à ses fils de faire le bien à tous ; je m’engage à déployer mon effort pour renforcer le lien de fraternité entre tous les musulmans, et pour abolir l’indifférence qui existent entre leurs communautés et leurs confréries.

7) Je crois que le secret du retard des musulmans réside dans leur éloignement de la religion, que la base de la réforme consistera à faire retour aux enseignements de l’Islam et à ses jugements, que cei est possible, si les musulmans oeuvrent dans ce sens, et que la doctrine des Frères Musulmans réalise cet objectif.”

Cet extrait du serment qu’Hassan el-Banna faisait prononcer à ses hommes lorsqu’il leur faisait subir leur initiation, permet de comprendre la stratégie de l’UOIF (MF) et de Tareq Oubrou, qui n’ont jamais renié le fondateur.

Et de Tariq et Hani Ramadan qui le louent.

Que ces deux frères aient ou non subi une initiation importe peu, puisque leur père Saïd en a subi une, lui. Il a prononcé ces paroles, et il a éduqué ses fils en fonction de son serment. Et c’est lui qui a introduit les Frères Musulmans en Europe.

Le résultat permet de mesurer l’importance de son activité, notamment souterraine.

Lina Murr Nehmé, 29 juin 2019

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Phrase célèbre d’Hassan el-Banna, reprise avec son portrait. (AZ quotes.)

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De quelle colonisation de l’Algérie parlons-nous?

De quelle colonisation parlons-nous?

Le 15 février 2017, Emmanuel Macron crut bon d’appuyer sa candidature à la Présidence de la République française, en allant déclarer, en Algérie, que la colonisation française était un crime contre l’humanité.

Comme je venais, le même mois, de sortir “Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils cachent”, j’étais encore plongée, et dans l’histoire de l’Algérie, et dans les crimes contre l’humanité qui y ont été commis. J’ai donc écrit cette lettre à M. Macron qui, ayant l’âge de mon fils, pouvait être excusé de ne pas connaître les réalités historiques.

Un ami l’a alors réalisée en vidéo (lien ci-dessous). Mais la campagne électorale est devenue si sale, et on a tellement parlé de la colonisation française dans un but électoral totalement éloigné de la réalité, que j’ai décidé de me retirer du débat, et de mettre la vidéo au tiroir. Temporairement. Car je savais que je ressortirais cette vidéo, convaincue que j’étais qu’on ne cesserait pas de parler de la colonisation, et qu’il faudrait clarifier ce terme (et ce qu’il cache) une fois les passions de la campagne électorale calmées, et avant que ne se déchaînent de nouvelles passions à l’occasion d’une autre campagne électorale.

D’autre part, l’Algérie a été soumise depuis l’indépendance à des pressions islamistes pour des raisons financières: l’Etat qui donne de l’argent, est aussi celui qui donne des ordres. J’avais parlé de cette islamisation et de ses résultats dans “Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils cachent”. Ce que j’ignorais, c’est le degré de refus d’une grande partie des Algériens, notamment jeunes, face à la désinformation dont ils ont été victimes à l’école et dans les manuels scolaires.

C’est pour eux que je publie la vidéo aujourd’hui, pour eux qui osent reparler de leur passé pour faire éclater la vérité au grand jour. Il est temps de rappeler les crimes contre l’humanité au Maghreb et à l’Ifriqiya entre les VIIe et XVIIIe siècles. Ceux qui les ont commis se moquaient bien de la politique française qui se ferait, treize siècles plus tard, et ils se moquaient certainement de nous tous, mécréants, et des élections qui mettraient Emmanuel Macron et Marine Le Pen face à face en 2017.

Il s’agissait d’un génocide culturel total, auquel ont survécu ceux qui, retranchés dans leurs montagnes-forteresses, se sont accrochés à leurs traditions et à leur droit communal.

Les Berbères, dans leur doit coutumier, respectaient beaucoup la femme, par exemple. Ce n’est pas ce que nous avons vu pratiquer en Algérie depuis le départ des Français, de la part du gouvernement qui a tenté d’écraser la culture ancestrale berbère au profit de l’arabisme.

Je ressors donc cette vidéo. Nous la dédions aux Algériens qui, durant les années 1990, ont revécu une partie du cauchemar qu’ont connu leurs ancêtres, du VIIIe siècle au XVIIIe inclus.

Lina Murr Nehmé

Lien de la vidéo:

https://youtu.be/LEH459JKz1w

Texte de la lettre ouverte écrite à Emmanuel Macron en février 2017 :

Je comprends, monsieur Macron, que vous alliez accabler la France à l’étranger. Quand on ne dispose pas d’assez de voix pour les prochaines élections, il faut bien mendier le vote de ceux qui veulent rester étrangers en France. C’est pourquoi vous avez calomnié la France en disant que sa colonisation de l’Algérie était un crime contre l’humanité.

On voit que vous ne savez pas de quoi
vous parlez. Je ne puis raconter ici les faits, ma lettre serait trop longue et
vous ne la liriez pas. Je vous renvoie donc à mon livre Tariq Ramadan, Tareq
Oubrou, Dalil Boubakeur : ce qu’ils cachent[1]
. Sachez seulement
que dès le début de la colonisation française, c’est une guerre de djihad qui a
été déclarée à Oran et non une résistance. Les djihadistes coupaient les têtes
des Français et des Algériens qui ne se soumettaient pas à eux. Ils les
accrochaient aux arçons des selles de leurs chevaux et ils caracolaient avec
ces trophées sanglants qu’ils exposaient sur des piques à l’entrée de leur
camp.

Vous me direz que ces djihadistes
défendaient leur pays, tout comme vous avez dit que les djihadistes de Syrie
défendaient le leur, alors que vous saviez qu’ils opprimaient les populations.
Comme eux, les djihadistes algériens se vantaient d’être des Arabes et ils
méprisaient la majorité algérienne qui était kabyle. Ils avaient livré
l’Algérie au sultan du Maroc parce qu’il était arabe lui aussi. Et en son nom,
ils avaient entrepris de transformer l’Algérie en État islamique.

Beaucoup d’Algériens subissaient ces
djihadistes, et ils les combattaient quand ils le pouvaient. Ils refusaient
qu’on leur impose l’identité arabe à la place de l’identité de leurs pères, la
langue arabe à la place du berbère, et la charia à la place de leur droit
coutumier qui respecte la femme. Et quels qu’aient été les torts de certains
Français, l’actif est si important que les Algériens qui aimaient les Français
ont toujours représenté une grande partie de la population, malgré toutes les
pressions : propagande, bakchich, menaces… Sans cela, les Français
auraient été vaincus depuis longtemps vu leur petit nombre et l’immensité de ce
pays montagneux. Mais il y a un parti pris dans la manière dont les harkis et
les pied-noir sont perçus. On dit du mal d’eux pour justifier le mal qu’on leur
fait.

Le Maghreb avait autrefois une
civilisation florissante, une civilisation multimillénaire. C’est la
colonisation arabe qui l’a détruite. Les Arabes ont tué les hommes, violé les
femmes, vandalisé les monuments, les peintures, les sculptures, les
bibliothèques et les églises de Libye, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie. Cela,
ce n’est pas moi qui le dis, ce sont leurs chroniqueurs. Lisez leurs textes
traduits dans mon livre. Ils nous montrent des monstres face auxquels les
djihadistes modernes ressemblent à des enfants de chœur.

Ces colonisateurs arabes avaient imposé
aux Maghrébins qui refusaient de changer de religion, une amende religieuse
appelée jizya. Cette jizya était si forte qu’ils ne pouvaient la payer. Les
Arabes leur avaient alors dit de payer en nature : 360 enfants par an et
par région. Les années arabes sont lunaires : 355 jours. Chaque région devait
donc payer plus d’un de ses enfants par jour pour prix de sa religion. Et vous
imaginez les cris des mères auxquelles on arrachait leurs enfants, et les massacres
qui s’ensuivaient, car les pères défendaient les enfants…

C’est cette méthode qui a changé la
religion de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. C’est cette méthode qui a
moralement fait des Maghrébins des esclaves en les obligeant à abandonner leur
foi pour adopter celle de leurs ennemis.

C’est cette méthode que la France n’a
utilisée ni en Algérie, ni ailleurs. Il est vrai qu’elle a commis des crimes
bien plus grands que vous devez absolument dénoncer : elle a financé en
Algérie des hôpitaux, des écoles, des routes, des ponts, des installations
pétrolières. C’est vrai, monsieur Macron, construire des hôpitaux est considéré
comme un crime très grave, un crime contre l’humanité. Plus grave encore :
la France avait respecté la religion des Algériens au point de financer des
écoles coraniques en Algérie, et d’interdire aux missionnaires chrétiens de
critiquer l’islam. C’est cela qui pour vous est un crime contre l’humanité,
j’imagine.

Mais comment parler d’hôpitaux, de
routes et d’écoles, quand la pensée des enfants et des adolescents maghrébins
arrachés à leurs parents par les Arabes, hante et torture, quand leurs cris
résonnent aux oreilles, lancinants et terribles ? La souffrance des
centaines de milliers de petites filles maghrébines violées pour que l’islam puisse
coloniser le Maghreb vous glace-t-elle le sang, monsieur Macron ? Que
diriez-vous, que feriez-vous si on vous réclamait vos enfants pour en faire des
esclaves parce que vous auriez refusé de devenir musulman ? Que
feriez-vous si on faisait de votre fille une bonne gratuite le jour, et une
prostituée gratuite la nuit ?

Mais si vous disiez la vérité, vous ne gagneriez pas les voix de
l’électorat qui, en France, se réclame des colonisateurs arabes… et vous
n’auriez aucune chance de gagner les élections. C’est pourquoi je ne pense pas
que vous réparerez vos torts envers notre pays. Vous y perdriez beaucoup trop
de voix et vous seriez privé du plaisir de voir flotter, pour célébrer votre
élection sur la place de la Bastille, les drapeaux algérien et turc. Avec, en
bonus, ceux des djihadistes du Jaych el-Horr syrien, dont les hommes
égorgeaient des policiers dans la rue dès le début de la guerre de Syrie, et
plus tard, mangeaient des cœurs humains devant la caméra.


[1] Salvator, 2017.

Daech : Etat ou organisation ?

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Un tribunal daechi.

Un lecteur m’écrit avoir lu que l’Etat islamique n’était pas un véritable Etat, mais une organisation, un proto-État. Depuis des années, en effet, les journaux et les politiques ont colporté l’expression “organisation Etat islamique”. Comment l’histoire, avec le recul des années, pourra-t-elle appréhender cet objet politique ? Voici quelques éléments de réponse.

Cette affirmation selon laquelle Daech ne
serait pas un Etat est une contre-vérité. Les autorités qui produisent
cet élément de langage savent parfaitement que Daech, “Etat islamique en
Irak”, puis “Etat islamique en Irak et à Cham (Liban, Syrie, Israël,
Jordanie)”, avant de s’appeler “Etat islamique” tout court, a tout d’un
Etat. Contentons-nous d’une définition classique et reconnue de l’Etat:
un être artificiel puissant, un Léviathan, capable d’assurer la paix et
la sécurité des individus qui lui ont prêté allégeance ou qu’il a
soumis (Hobbes).

Rappelons simplement que Daech :

– perçoit des impôts
– édicte et fait respecter ses lois
– entretient des tribunaux et des juges (photo)
– gère une administration et toute une infrastructure (routes,
hôpitaux, importations et exportations, production et raffinage de
pétrole)
– bat sa monnaie
– dispose de journaux et de chaînes de télévision
– rémunère ses fonctionnaires, ses écoles, sa police, son armée
– produit une idéologie structurée fondée sur un droit dont elle se réclame.

Si, dans ces conditions, Daech n’est pas un Etat, alors qu’est-ce qu’un
Etat ? (sachant qu’en reconnaissant à Daech ce statut d’Etat ne revient
pas à le louer.)

Pourquoi nier une telle évidence ?

Si
les puissances occidentales ont répandu ce mensonge, c’est que cela leur
permet de soutenir Daech contre l’Etat syrien, et de faire passer le
conflit qui a ravagé la Syrie pour une guerre civile, alors qu’il s’agit
d’une guerre d’invasion. Cette invasion, ces puissances occidentales
l’ont observée sans intervenir, quand elles ne l’ont pas aidée
financièrement, matériellement, diplomatiquement. Elles ont ainsi laissé
tranquillement Daech l’Irakien traverser le désert, passer la frontière
et commencer les massacres en Syrie.

Il en est de même de
Nosra, issue de Daech, implantée en Syrie par la volonté et avec
l’argent de Daech. A ce titre — et même si elle s’est coupée de son
organisation mère dans le but de s’enrichir et de fonder un jour son
propre califat — Nosra, elle aussi, est un envahisseur étranger, envoyé
par Daech pour préparer en Syrie un terrain favorable à une annexion par
Daech.

L’article que l’on me cite dit que Daech ne peut pas
battre monnaie. C’est faux: il bat monnaie. Délivre-t-il des papiers
d’identité ? Bien sûr: pourquoi ces jeunes djihadistes brûlent-ils leurs
papiers français, sinon parce qu’on leur a donné ceux du califat ? Eux
ne disent pas “Etat islamique”, ils disent tout simplement “l’État”.

Quant aux frontières internationalement reconnues, elles sont tacites: quand les grandes puissances interviennent contre la Syrie si elle dépasse une certaine ligne dans sa guerre contre Daech, il est évident qu’il s’agit de faire respecter une frontière dont on a convenu par un travail diplomatique, un peu comme les limites décidées lors des discussions entre Roosevelt et Staline à Yalta, ou comme la partition du Liban décidée en 1973-1974 (le plan Kissinger), qui a fini par échouer, parce que le peuple libanais ne s’est pas laissé faire.

Lina Murr Nehmé, 11 mars 2019

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Les 130 djihadistes sont-ils français ?

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Dans cette vidéo diffusée par Daesh (voir en fin d’article), des djihadistes français brûlent leur passeport devant la caméra et appellent les musulmans de France à renier la nationalité française et à rejoindre l’Etat islamique en Syrie… pour combattre les Syriens, les Libanais, et plus tard, les Israéliens. Ils appellent à commettre des attentats en France. (C’était en 2014, un ou deux mois avant les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher en janvier 2015, comme par hasard.)

L’un des djihadistes français a été reconnu comme ayant participé au massacre de 18 Syriens et d’un Américain (Analyse Euronews).

Parmi eux se trouve Quentin Le Brun, originaire de la région d’Albi :

“[Il] apparaît dans une vidéo de sept minutes diffusée par le forum djihadiste Al-Hayat en novembre 2014, en compagnie de deux autres Français, Kevin Chassin (mort dans un attentat-suicide à Mossoul en 2015) et Romain Garnier (prisonnier des forces kurdes depuis décembre 2017). Romain Garnier appelait les musulmans français à venir rejoindre l’Etat islamique ou bien à tuer les Français « par les armes, les voitures, le poison ».”

(Paris Match, 01/02/2019)

Malgré tout, la Syrie, et notamment les parties kurdes de ce pays, ont reçu des menaces diplomatiques très claires: ils ne doivent pas toucher aux citoyens français. C’est pourquoi ils n’y touchent pas en effet, mais évidemment, ils ne diront pas ce qui s’est passé dans les coulisses, qui les a poussés à préserver leurs assassins et à vouloir leur procurer les douceurs françaises.

Il est bien étrange d’interdire ainsi aux Kurdes et aux Syriens de juger ceux qui ont commis des crimes chez eux. D’après le droit international, un criminel est jugé d’après les lois du pays dans lequel il a tué. C’est pourquoi quand la France met la main sur un assassin syrien, elle le juge selon ses propres lois, elle ne l’extrade pas vers la Syrie. Si elle exige l’extradition de ces djihadistes, c’est au nom de la loi du plus fort. La France ayant déclaré que ces djihadistes étaient des citoyens français, ils lui sont à ce titre plus précieux que les citoyens syriens qu’ils ont assassinés.

Mais sont-ils français? Un djihadiste est citoyen de l’Etat islamique qui, comme son nom l’indique, est un Etat. Et la double nationalité ne peut être cumulée, puisque cet Etat, le califat, est l’ennemi de la France. Le gouvernement français l’a d’ailleurs signalé après les massacres en 2015: il y a “une guerre” entre la France et Daech, et ce n’est pas la France qui a déclaré cette guerre à Daech. Dans ce cas, comment concevoir que des citoyens français, ayant renié leur citoyenneté pour adopter celle de l’ennemi, puissent être considérés comme des citoyens français? Ils ont quitté la France pour aller en Irak ou en Syrie aider le califat à envahir le monde. L’idée était de faire flotter le drapeau noir sur l’Elysée, Matignon, Downing Street, Windsor et… surtout, Saint-Pierre de Rome. L’un de ces djihadistes occidentaux, Emwazi, dit “Jihadi John”, l’a dit dans la vidéo de l’assassinat des coptes.

Si le gouvernement français l’a oublié, il n’en est pas de même des djihadistes concernés. Ils savent qu’en cas d’amnésie, leurs compagnons, citoyens du califat, les tueraient.

Lina Murr Nehmé, 1er février 2019

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1917 : la “paix honorable” de Charles Ier d’Autriche

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La Grande Guerre. On aurait pu l’arrêter avant son terme, et éviter ainsi un million de morts. En 1917, l’Autriche eut un nouvel empereur, Charles, jeune homme révolutionnaire, qui estimait que sa couronne ne méritait pas ces massacres. Il proposa donc “une paix honorable”. Son offre convenait à la France, qui commença par s’y intéresser. Mais l’Italie s’y opposa, car une paix trop précoce lui aurait fait perdre la possibilité d’agrandir ses territoires aux dépens de l’Autriche, justement. Et l’Angleterre voulait le Levant.

 

Pour résultat, l’Autriche-Hongrie, la seule qui eût voulu la paix, la seule dont le monarque était populaire parce qu’il était humain, fut aussi la plus mal traitée. Démembrée, elle vit son souverain chassé malgré la volonté du peuple, au moins en Hongrie, et privé de ses biens personnels en dépit du droit. Il mourut en exil, d’une pneumonie, parce qu’il n’avait pas les moyens de chauffer correctement la maison froide et humide qu’un ami lui avait prêtée. On ne trouva rien de convenable parmi ses vêtements, et on lui fit porter une tenue qu’il avait autrefois donnée à l’un de ses serviteurs. Pendant ce temps, le kaiser allemand, qui avait provoqué la guerre, se prélassait dans le luxe d’un château.

Le peuple de Vienne pleura dans les rues en apprenant la mort de son empereur. Charles était le premier chef d’Etat d’Europe à avoir fondé un ministère pour résoudre les problèmes sociaux. Des pauvres étant morts de froid à Vienne, l’Empereur commanda d’utiliser ses propres voitures à transporter les vivres et le charbon pour empêcher d’autres de mourir. Il lutta contre la corruption, notamment celle de la presse, combattit le principe de la guerre sous-marine, qui faisait périt des civils en mer . Et contrairement à ce qu’on prétendit, il refusa aussi l’usage des gaz; mais c’étaient les Allemands qui commandaient. Charles, voyant qu’ils utilisaient ses ports pour mener la guerre sous-marine malgré son opposition, prit l’initiative de proposer la paix aux Alliés. Il était donc très populaire en France, où Anatole France, bien qu’il fût antimonarchiste, disait qu’il était “le seul homme honnête” dans cette guerre.

Le plus regrettable ne fut cependant pas la déchéance et la mort de l’homme d’État le plus populaire de son temps, mais les trois catastrophes engendrées par son échec, et dont le monde a payé très chèrement le prix.

La première de ces catastrophes fut la vocation d’Hitler, alors un des sujets de Charles. Son succès fut rendu possible par l’unification de l’Allemagne. Car les Alliés reconnurent à la Prusse ses annexions, sauf celle de l’Alsace-Lorraine. Injustice suprême, que de faire payer aux victimes les dettes de guerre des bourreaux. Mais si on les traitait comme les Alsaciens et les Lorrains, c’est-à-dire comme des victimes de la Prusse (ce qu’ils étaient), celle-ci ne pourrait pas payer la dette de guerre que voulaient lui imposer les Alliés. En unifiant l’Allemagne tout en démantelant l’Autriche, en imposant aux Allemands exsangues une dette de guerre qu’ils ne pourraient pas honorer, on a rendu la Deuxième Guerre mondiale inévitable.

La seconde catastrophe, ce fut la série de massacres commis par Lénine et Staline. Pour se maintenir au pouvoir, Lénine fut obligé de tuer des millions de civils. Si Charles avait réussi auprès des Alliés, la guerre se serait arrêtée au printemps 1917. Sa lutte avec les Allemands au sujet de la guerre sous-marine eut lieu le 20 janvier. Il passa les jours suivants — cela fait 102 ans exactement — à élaborer un projet de paix séparée, et à étudier la proposition qu’il ferait aux Alliés.

La troisième catastrophe est l’islamisme que l’Autriche-Hongrie, au centre de l’Europe, aurait réussi à canaliser: tant Belgrade que Vienne furent des capitales qui résistèrent à l’Etat islamique de leur temps et le vainquirent. Cela arriverait-il encore aujourd’hui ?

J’avoue avoir été très négative quand Charles Ier a été béatifié. J’ai pensé: “Ils nous cassent les pieds avec leur blabla sur la paix, et ils veulent nous béatifier des politiciens, maintenant.”

Pendant que je travaillais à mon livre sur la Première Guerre mondiale, Quand les Anglais livraient le Levant à l’Etat islamique, je suis tombée sur un personnage qu’on ne pouvait pas ne pas admirer. En rédigeant sa biographie, indispensable à la compréhension de la politique britannique au Levant, je me suis sentie toute petite devant un homme qui osa braver ses ennemis pour arrêter un massacre, et qui, ensuite, sut rester digne jusqu’au bout. Je me suis dit: “Est-ce que par hasard c’est celui qui a été béatifié?”

C’était lui. J’étais bien attrapée: être l’admiratrice d’un homme que j’avais qualifié de “politicien”. Mais il faut m’excuser: pour moi qui travaille sur les guerres et sur les morts, les discours lénifiants que le clergé nous sert sur la paix m’enquiquinent, à dire la vérité, car les paix qu’ils proposent sont celles des plus forts, celles des cimetières. Excepté celle de Charles d’Autriche. Mais avez-vous entendu parler de lui dans votre église paroissiale?

En Autriche, j’ai demandé à un employé de musée pourquoi je ne trouvais rien sur Charles Ier dans les églises autrichiennes, alors qu’il venait d’être béatifié. Il me dit: “Nous n’aimons pas mélanger la religion et la politique.” Je lui dis: “Pourquoi? Vous n’aimez pas que vos politiciens vous aiment?” Il s’est planté, ne sachant pas que répondre, car dans le cas de Charles, ce sont ses convictions religieuses qui ont motivé sa conduite.

Ce qui ne veut pas dire qu’un non-catholique ne l’aimera pas. Après tout, je suis descendante d’une farouche famille montagnarde orthodoxe ; mon arrière grand-père était pope, et mon grand-père apprenait à ses enfants (ma mère) dans les années 1930 à réciter : “Vive Staline, le défenseur du tsar Nicolas!”

D’ailleurs, une des premières personnes que j’aie affrontées après la parution de mon livre fut une dame autrichienne protestante qui m’a chanté les louanges de Charles. Il est vrai qu’un Autrichien ne peut pas être à la fois avec Hitler et avec Charles d’Autriche.

Le film le plus célèbre de l’histoire du cinéma, “The Sound of Music” (La Mélodie du Bonheur), basé sur une histoire vraie, est indirectement lié à Charles Ier. Il s’agit de l’Anschluss imposé par Hitler et accepté de bon cœur par la haute société autrichienne, sauf par les partisans de Charles Ier, dont faisait partie Georg von Trapp, le héros du film. Von Trapp, qui avait été officier de Charles Ier, refusa de hisser le drapeau nazi sur sa demeure à Salzbourg, refusa un poste d’officier dans la marine nazie, refusa de chanter avec sa famille devant Hitler. Il préféra même prendre sa famille en exil plutôt que de faire subir à ses enfants la propagande nazie.

Lina Murr Nehmé, 24 janvier 2019

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Charlie Hebdo : a-t-on pris conscience du danger ?

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Après quelques livres parisiens, j’avais fait le choix de publier au Liban: c’était plus facile. Je faisais tout, y compris les photos, la maquette, la traduction, les contacts, et j’allais dormir à l’imprimerie pour vérifier l’encrage avant l’impression de chaque planche.

Mais après les massacres du 7 janvier 2015, je me suis dit qu’une guerre civile menaçait, et j’ai décidé d’écrire sur ce sujet pour expliquer aux Français ce qu’ils ne savaient pas des fatwas appelant au meurtre de l’insulteur de Mahomet, et de ce que peut penser un terroriste qui les applique et vient tuer en plein Paris. Car ces prescriptions et cette propagande programment un cerveau humain comme un robot.

Les djihadistes sont littéralement robotisés. Je sais que je risque d’être mal comprise, ça ne manque jamais quand je dis ces mots: “ce sont de pauvres types, la faute est à l’idéologie.” On abat, on expulse ou on emprisonne des hommes, mais l’idéologie reste intacte, parce que personne n’ose la nommer, et encore moins la combattre. Pourtant, qu’est-ce qui compte vraiment? L’idée? Ou l’être humain?

Malgré cela, j’hésitais à parler franchement de tout. De ma vie, je n’avais jamais signé de livre parlant hardiment d’islamisme, car après tout, je tiens à ma précieuse vie, contrairement aux islamistes, à qui on a appris à désirer la mort.

C’est mon éditeur, Yves Briend, qui m’a écrit en corrigeant le manuscrit: “Pourriez-vous introduire le califat ? Pourriez-vous introduire Tariq Ramadan ?” Deux sujets que j’avais contournés comme on contourne une montagne. Alors j’ai réalisé qu’à force de contourner les épines, on ne fabrique pas des perles, mais des huitres vides. On n’allait rien comprendre si je ne prenais pas l’animal à bras-le-corps. Si je voulais vraiment un résultat, il ne fallait pas être lâche. J’ai donc décidé d’ajouter des chapitres, qui sont les plus explosifs du livre.

Explosifs ? Vous avez dit explosifs ?

Pendant que nous parlions du manuscrit, Yves Briend me dit, pensif et le cou plié sur le papier :

“Et moi, on va me mettre une bombe.
— Si vous voulez, ne l’éditez pas, dis-je sèchement.
— Si, si, dit-il catégoriquement, on va le faire !”

On ne peut pas ne pas estimer un homme pareil, même si nos disputes étaient mémorables.

Trois mois plus tard, il me dit, irrité: “Vous avez montré des choses évidentes mais qu’on n’avait pas remarquées. C’est ça, la valeur de votre livre. Maintenant, je vois les émissions télévisées, je vois les rangées de livres dans les librairies, je lis les journaux et les magazines, ils disent la même chose que vous, et ils ne le disaient pas avant votre livre. Mais ils ne vous citent pas. C’est inacceptable!”

Dois-je être vexée parce que certains me pillent sans me citer ? Ou dois-je au contraire me réjouir d’avoir contribué à un mouvement de vérité et de hardiesse ? Mais qu’est-ce que le médecin cherche ? les bravos, ou l’efficacité ?

Avant “Fatwas et Caricatures”, on ne pouvait pas parler franchement de ces sujets sans se faire traiter de facho. Et beaucoup de gens, qui partageaient les analyses de ce livre en privé, avaient honte de leurs opinions en public.

Maintenant, on peut en traiter de façon humaine, rationnelle, scientifique, sans passion, mais aussi, sans fard: comme un médecin qui dit qu’un patient a le cancer. Il n’a rien contre le patient, mais il en a contre le cancer.

“Fatwas et Caricatures”, c’est le diagnostic du médecin qui aime trop le malade pour le tuer en lui disant qu’il va bien alors qu’il est cancéreux.

Oui, il y a un problème. Et je m’adresse à tous ceux, parmi les politiciens, journalistes, lecteurs ou curés qui ne m’adressent plus la parole depuis qu’il ont feuilleté (et non lu) ce livre. Il vous dérange parce qu’il introduit le scalpel de l’analyse là où les commentateurs maquillent sciemment les faits ou se répandent en flagorneries.

L’amour ne consiste pas à flatter un cancéreux. Il consiste à lui dire la vérité qui frappe comme un bistouri et qui dérange tellement qu’il a envie de se débarrasser de la tumeur en l’ôtant de son corps. Sachant que cela fait mal et qu’il lui faut du courage pour accepter cette douleur.

 

Lina Murr Nehmé, 6 janvier 2019

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Les massacreurs magnifiques

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“Le siècle magnifique” : un feuilleton qui présente l’histoire comme on aimerait la voir, avec le sultan massacreur montré comme un homme juste, qui prêche la morale de la justice, qui parle même d’égalité et de fraternité, qui couchait toujours seul, sauf parfois une de deux esclaves (et encore, pas en même temps), alors que le personnage historique en a eu des centaines au cours des ans.

Un harem avec des esclaves toutes appelées “sitt” ou “hanem” (“madame”, titre qu’on ne donnait alors qu’aux dames les plus importantes de la société). Et toutes sont vêtues de pied en cap avec des robes de luxe à traînes, au palais, dans le jardin, etc. Merveilleusement, ces traînes ne se salissent jamais. Et ces esclaves qui font le gros ménage dans un palais gigantesque, sont toujours sur leur trente-et-un. Elles reçoivent régulièrement des cadeaux, des pièces d’or, des soieries venues de Chine, extra coûteuses (avec quel argent ont-elles été payées) ?

En réalité, le costume était la nudité forcée. (Voir les explications dans Fatwas et caricatures). Mais dans ce film, c’est tout juste si ces esclaves montrent le haut, assez pour détourner l’attention du spectateur de leur visage. On n’entend jamais le mot de flagellation, c’est tabou ! Pourtant, c’était encore appliqué avant Atatürk. Et on ne voit quasiment jamais de décapitations. Comment se fait-il donc que tout ce monde baisse toujours la tête? Cela, on le sait, ne peut être obtenu que par une peur permanente due à la connaissance d’actes de violence. Ainsi, M. Macron ne pourrait pas voir tous les gardes de l’Elysée garder la tête baissée, car il n’a jamais procédé à une flagellation, ni à une décapitation pour un mot mal placé ou parce qu’une esclave s’est retrouvée enceinte. Et aussi, parce qu’il n’a jamais donné l’ordre que les gardes aient toujours la nuque baissée. Mais ces pauvres gardes n’attrapent-ils pas un disque ?

Et ni les dames libres ni les esclaves affranchies ne se montrent en niqab ou burqa, au contraire: elles affichent des décolletés.

Et le sultan recommande à son fils de bien traiter ses frères lors de son accession au pouvoir. Encore un gros mensonge: le sultan Mahomet II avait institué une loi stipulant que tout nouveau sultan doit tuer ses frères pour éviter les guerres de succession. Lui-même avait fait égorger son frère, un bébé d’un an et demi, dans son bain.

Le même feuilleton ne montre jamais comment sont venus tous ces esclaves. Il ne signale pas qu’Ibrahim pacha, l’assassin du père de Fakhreddine et de milliers de druzes libanais, était un janissaire recruté dans le cadre du devchirmé dont j’ai déjà parlé.

Et l’article ci-dessous prétend que c’est dans sa vérité que l’Empire ottoman est montré !

Concernant ce feuilleton, je suis totalement d’accord avec M. Erdogan, même si nos opinions divergent sur le plan du jugement de valeur.

C’est vrai: le sultan Suleiman ne passait pas son temps à sa table en train de fabriquer des bijoux pour ses femmes, ou à faire des entretiens amoureux avec Roxelane sur sa terrasse, ou à parler des amours des autres et des disputes entre ses exclaves. Il les passait plutôt à se battre, et ensuite, à massacrer les hommes des villes qui avaient été vaincues par les armes, à enlever leurs femmes et enfants pour en faire ces esclaves qui peuplaient le harem, et ces janissaires, dont Ibrahim pacha.

A propos, dans la version arabe, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre que “Char Kan”, c’était “Charles Quint”.

Enfin, ce feuilleton fait de la publicité à la conquête islamique, il médit des chrétiens et présente leur défaite, notamment celle des Hongrois et des Autrichiens, comme un bienfait pour l’humanité.

Lina Murr Nehmé, 7 octobre 2018
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Lien de l’article AFP et extraits:

teleobs.nouvelobs.com/…/le-siecle-magnifique-la-serie-qui-d…

“Le siècle magnifique” : la série qui défrise le gouvernement turc
Où Soliman le Magnifique apparaît comme un buveur et un coureur de jupons.
Par TéléObs
Publié le 28 novembre 2012 à 15h45
“C’est l’une des séries les plus populaires de la télé turque mais elle n’a pas échappé aux foudres du Premier ministre. Réputé pour ses sorties tonitruantes, Recep Tayyip Erdogan s’en est pris cette fois à un feuilleton qui décrit les turpitudes de Soliman le Magnifique, le jugeant contraire à l’Histoire et aux bonnes moeurs musulmanes.
“L’objet de l’ire du chef du gouvernement s’appelle “Le siècle magnifique”. Depuis maintenant un an, cette série dépeint sans fard le règne du plus fameux sultan de l’empire ottoman (1520-1566), entre conquêtes militaires, intrigues de palais et rivalités de harem. Des millions de téléspectateurs s’en régalent chaque semaine, en Turquie comme dans les pays du Maghreb ou d’Europe de l’Est où elle a été vendue.
“Mais apparemment, cette chronique romancée et décadente, qui montre Soliman un verre d’alcool à la main ou en plein ébats avec ses promises, n’est pas du goût du chef du gouvernement turc, qui l’a fait savoir dimanche au détour d’une pique adressée à ceux qui critiquent sa politique étrangère. “Ils demandent pourquoi nous nous occupons de ce qui se passe en Irak, en Syrie ou à Gaza. Mais nous nous intéressons à tout ce qui est lié à nos ancêtres. Ils ne connaissent nos pères et nos ancêtres que par ‘Le siècle magnifique’ mais ce n’est pas le Soliman que nous connaissons”, s’est exclamé Recep Tayyip Erdogan
“ ‘Il a passé trente ans de sa vie à dos de cheval et non dans des palais comme on nous le montre à la télé’, a-t-il poursuivi. “Je maudis et condamne les réalisateurs de ces séries et les propriétaires de cette chaîne de télévision”, a menacé Erdogan avant d’ajouter : “ceux qui jouent avec les valeurs du peuple doivent recevoir une leçon”. Le chef du gouvernement n’est pas le premier à critiquer “Le siècle magnifique”. Dès ses premiers épisodes, la fiction a créé de nombreux remous, dans les milieux religieux mais également politiques – parfois très liés entre eux.
“La semaine dernière encore, un des vice-Premiers ministres du gouvernement islamo-conservateur est monté au créneau lors du débat parlementaire consacré au budget de l’audiovisuel. “Ceux qui veulent humilier nos ancêtres et nos valeurs sur les écrans de télévision doivent d’une manière ou d’une autre être punis”, s’est emporté Bülent Arinç. Dès le début de l’année, l’organisme de supervision de l’audiovisuel a adressé un avertissement à Star TV pour “atteinte à la vie privée du Sultan” sur la base de dizaines de milliers de plaintes de simples citoyens.
“Les producteurs de la série se sont défendus en soulignant que leur fiction décrivait “l’une des facettes d’un sultan et la grandeur qu’il incarne”. Et ils ont rappelé que le goût de Soliman pour le vin était historiquement avéré. Sans surprise, les critiques du Premier ministre ne sont pas passées inaperçues dans les rangs de l’opposition, qui y a vu un nouveau coup de canif contre l’héritage laïc du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. “Nous ne savions pas que le Premier ministre comptait dans ses fonctions la supervision des émissions de télé”, a raillé le vice-président du principal parti d’opposition (CHP), Umut Oran. (AFP/TéléObs, 28 novembre 2012)


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Nation française et nation islamique (oumma)

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“Aujourd’hui, les définitions positives de la nation restent très contestables. Michael Walzer propose l’une des plus acceptables : “une communauté historique, liée à un lieu symbolique, instituant et révisant un mode de vie, en vue d’une autodétermination politique et culturelle”.”

(Gil Delannoi, La Nation contre le nationalisme, PUF, 2018, p. 27, citation relevée par Jérôme Maucourant).

 

Parlez de la France comme d’une nation liée à une même histoire et à une même culture, et on vous traitera de “nazi”, même si votre peau est d’un noir d’ébène. Faites le même discours en employant le mot arabe “oumma”, et on ne vous traitera pas de nazi.

Or “oumma” veut littéralement dire “nation”. L’appartenance à la oumma est un concept national à l’échelle mondiale qui est spécifiquement basé sur une culture commune, la culture islamique charriée à travers une langue commune, l’arabe. Et sur une histoire commune: celle que racontent les hadiths, la Sira, Tabari et Baladhori. Et aussi, celle des califats successifs, qui sont à la oumma ce que sont les rois à la France.

Le concept de “oumma” n’est pas géographique, mais uniquement historique et culturel (religieux). Les islamistes affirment qu’on appartient de facto à la oumma quelle que soit sa nationalité, à condition qu’on partage une même culture religieuse et une même histoire. Ils disent aussi que si on appartient à la “oumma“, il est impossible d’appartenir à une autre nation. Selon eux, le patriotisme est un crime (passible de mort).

D’après le concept islamique de oumma, tel qu’il est présenté dans le monde entier y compris en France, il est caduc, pour un Maghrébin né en France, de se dire français sur la base de sa naissance. Car l’appartenance nationale est culturelle ou historique et non géographique.

Il y a donc quelque chose de faux dans le jeu de ceux qui exigent qu’on les considère comme des Français quand il s’agit d’implémenter des éléments de charia (loi de la oumma) comme le voile en France, et non quand il s’agit d’accepter la culture et la façon de s’habiller françaises, puisqu’en arabe, “nation” est obligatoirement la communauté historique et culturelle qui inclut le vêtement, la nourriture halal, la séparation des sexes, le meurtre de l’apostat, etc.

Est-ce que par le plus grand des hasards il n’y aurait pas une toute goutte de racisme dans ce “deux poids deux mesures” ?

Lina Murr Nehmé, 19 septembre 2018

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