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Parlez-moi de corruption!

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Juste pour raconter ce qui s’est passé à tous ces journalistes qui répètent ce qu’on leur a dit d’écrire, et qui ne prennent peut-être pas la peine d’aller au fond des choses.

Peu après le début des manifestations, Saad Hariri a déclaré, après avoir vu le Président Aoun, qu’il allait satisfaire les demandes des manifestants, qu’il allait lever le secret bancaire, qu’il allait faire juger les corrompus. C’est alors que je l’ai applaudi en lui disant qu’il était admirable. Ce que je n’ai jamais fait pour un Premier ministre depuis Taëf.

Parce que, comme je le répète depuis 30 ans oralement et par écrit, Hariri ne peut juger la corruption sans commencer par sa propre personne, par ses amis, et par la mémoire de son père, qui est arrivé au Liban avec 1 milliard et est morts avec 17 milliards. Le Liban n’était pas endetté et avait un énorme dépôt en or et devises fortes quand Rafic Hariri est arrivé. Quand il est mort, le Liban avait des milliards de dettes. Mais parce que c’était le copain de certains, on a obligé le Liban à subir son ombre, comme si son fossoyeur avait été son sauveur. En rappelant que le traité de Taef qui prive les chrétiens de tout pouvoir, a été écrit par lui. Tout le chantage exercé sur les députés à cette époque, c’est lui.

C’était bien par bonne volonté et par désir de tout pardonner pourvu que les choses changent, que j’ai écrit ce compliment à Saad Hariri. Mais il n’a pas tenu parole, et il a refusé la levée du secret de ses comptes bancaires, et il a refusé de rendre des comptes. Et il a démissionné pour fuir.

En même temps, il a chargé sa rue de réclamer son retour. Vous savez avec quelle facilité, avec 500 dollars, on peut obtenir une manifestation. Que de gens ont faim et sont prêts à aller lancer des slogans en échange de 10, voire même de 5 dollars. Je me rappelle comment le père de Saad Hariri, ayant loué un parking à Achrafié il y a 15 ou 20 ans, et n’ayant pas réussi à le remplir avec les chrétiens du quartier, a envoyé remplir des bus avec des ouvriers syriens. Ils sont arrivés, les Syriens ont crié le nom d’Hariri, et ils sont repartis.

Ces cris permettent à Saad de minauder, exigeant la dictature: un cabinet de technocrates, c’est-à-dire lui seul représentant politique du pays, tous les autres obéissant à ses ordres parce qu’ils ne sont pas nommés par les partis, mais seulement par lui… et son parti.

Car lui n’est ni un apolitique ni un technocrate.

Il y a beaucoup, beaucoup de sunnites intègres au Liban, qui feraient de parfaits Premier ministres. Mais l’Arabie Saoudite les refuserait. Donc il n’est pas question de penser à eux. Il faut les punir d’être intègres. il faut punir toute personne intègre dans ce pays ou dans ce monde. Comme dit la chanson que Guy Béart imagina au Liban apparemment: “Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté”.

Mais même en excluant la candidature de sunnites propres, intègres et dignes de s’appeler libanais, il n’en reste pas moins que Saad Hariri n’est pas le seul corrompu au Liban. Il y en a d’autres. Et puisque la rue réclame le changement, on devra nécessairement penser à une figure nouvelle parmi ce monde de corrompus. Parmi les rivaux et égaux de Saad Hariri en corruption, il y en a un qui n’a pas encore été Premier ministre, c’est Safadi.

Pour se débarrasser de ce rival, Saad Hariri décide de le griller. Il lui annonce qu’il va charger son bloc parlementaire et ses amis de le nommer Premier ministre. Les amis de Saad Hariri font la même promesse à Safadi. La chose semble assurée, et Mohamed Safadi, tout content, monte chez le Président pour discuter des consultations parlementaires.

Mais quand vient leur tour, les trois ex-Premiers ministres (qui, comme vous le savez, sont purs et sentent bon comme des enfants qui viennent de naître et ont pris leur bain) contredisent Safadi.

Ces trois dont aucun n’est à vendre pour un poste ou pour des millions. Ces trois surgissent donc, et nomment Hariri, alors que, de notoriété publique, ils le détestent. Et Hariri, qui ne se déteste pas soi-même, se fera évidemment nommer par ses propres députés. Et le tour de prestigitation est joué. Merveilleux!

Il est vrai que ces trois ex- auront besoin de soutien, et Saad Hariri aussi a besoin de soutien. Puisqu’on parle de corruption… Ainsi, la juge Ghada Aoun s’est portée partie civile contre Mikati, son frère et son fils, pour une affaire de vol des biens publics, en l’occurence, de crédits fonciers que l’Etat avait consacré aux jeunes ménages incapables de se payer un logement pour se marier. Particulièrement criminel de la part d’un multimilliardaire comme lui, qui s’est enrichi, entre autres, sur le dos des pauvres.

Et que croyez-vous qu’il soit arrivé? A-t-on jugé Mikati? Non. On a fait des scènes à la juge en lui demandant de quel droit elle sortait le dossier maintenant. On l’a attaquée pour masquer le dossier. Le procureur Oueidate a demandé aux juges du Mont-Liban de la boycotter. Et donc, l’affaire Mikati dort dans un tiroir, et c’est la juge qui est accusée. Comme elle a répondu: “Si j’ai fait quelque chose, portez plainte contre moi.” Ils n’ont pas porté plainte contre elle, ils ont juste rangé le dossier de Mikati. Combien celui-ci a payé pour cette subtilisation?

Vous comprenez qu’il ait besoin d’un puissant protecteur et qu’il ait intérêt à nommer Saad Hariri, si celui-ci, comme il semble, arrive soutenu par les Saoudiens et les Américains! (Contrairement à ce qu’il en était quand il ne combattait pas le Président)

Et que dit Fouad Siniora, l’autre compère? Siniora aussi a besoin d’aide, car il a volé 11 milliards à l’Etat libanais. Quand il a été question de le juger (quelques semaines avant les manifestations), le mufti a dit: “Ligne rouge”. Le juge a répondu: “Pour la justice, il n’y a pas de lignes rouges”. Siniora a fini par comparaître pour la première fois il y a quelques jours. Donc vous comprenez combien il a, lui aussi, besoin d’avoir un Premier ministre plus puissant que Safadi pour le couvrir de son ombre protectrice et faire taire la justice. Car ces 11 milliards, d’où les sortira-t-il? Comment les a-t-il utilisés?

C’est donc la journée des dupes. Retournement de situation: “Non, ce n’est pas Safadi, c’est Saad Hariri que les trois ex-Premiers ont nommé.” Safadi n’en peut plus de honte. Ses gens annoncent qu’il y a eu maldonne, et qu’on a voulu le couler en prétendant qu’il avait présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas pu accepter d’être nommé car il a une maladie grave, une maladie qui empêche son cerveau de se fixer longuement sur un sujet.

Son ex-femme, scandalisée, diffuse un audio dans lequel elle explique qu’on a joué un sale coup à son ex, et que, aussi mauvais qu’il soit, il ne mérite pas cela.

Puis on apprend que non, Safadi n’est pas malade. Lui-même tient à sortir de l’ombre et à exiger qu’on le juge pour les affaires de corruption qu’on lui impute. (Si vous vous en souvenez, j’avais écrit que je ne l’attaquerais pas s’il combattait la corruption, en d’autres termes, s’il commençait par rendre lui-même des comptes.) On attend que Siniora, Hariri, Mikati, Berri et les autres lèvent aussi le secret.

Et les surprises s’amoncèlent sur le pays. Vous savez que Berri et le Hezbollah ont été les premiers à exiger l’amnistie. L’amnistie pour des trafiquants de drogue! En échange, ils ont accepté l’amnistie de mille islamistes sunnites qui font partie d’al-Qaïda ou d’autres organisations tout aussi sympathiques!

J’ai expliqué dans un article précédent que le projet de loi comporte tellement de clauses restrictives, qu’en définitive, ni les trafiquants de drogue, ni les terroristes ne peuvent être libérés. Mais comme je l’ai dit aussi, il y aura des pressions, et on trouvera moyen……… (Notez bien que je n’emploie pas le conditionnel, mais le futur.)

Moi, comme toutes les honnêtes gens, je suis pour le refus de cette amnistie. Je l’étais quand il s’agissait de Samir Geagea, amnistié en 2005 parce que Saad Hariri voulait faire libérer les islamistes assassins de Denniyé et de Majdal Anjar! Certains ont défendu Geagea parce qu’il était chrétien. Mais pour moi, un musulman honnête vaut mieux qu’un chrétien assassin, et si Geagea s’était repenti, comme sa propagande nous l’avait un moment fait croire, il aurait lui-même refusé de sortir de prison alors que d’autres, pour des crimes bien moindres, ne sortaient pas. Et surtout, il aurait refusé de sortir si, en contrepartie, on libérait les éventreurs de chrétiennes enceintes, et les décapiteurs de soldats aux noms chrétiens.

Il ne faut pas oublier cela, messieurs les journalistes français! L’autre jour, la prof française de mon adolescence, apprenant que Geagea avait été interviewé dans la presse française, m’a dit: “Mais ils ne savent pas que c’est un assassin? C’est de notoriété publique!” Je lui ai dit que la propagande ayant coulé sous les ponts, visiblement, on ne savait plus que Geagea est officiellement un criminel jugé et condamné pour au moins quatre meurtres, et qu’il a été, non pas innocenté, mais simplement amnistié!

Des députés ont campé près du Parlement pour être sûrs de ne pas être empêchés par les manifestants, de se réunir. D’autres ont boycotté la séance. Parmi eux, ironiquement, les députés de Geagea, qui ne pourrait pas leur donner des ordres ni avoir un bloc au Parlement, s’il n’avait été lui-même amnistié en échange de l’amnistie des terroristes islamistes!

Et, mes chers, il n’était pas besoin de boycotter la séance pour empêcher cette amnistie! Il suffisait de voter contre!

En revanche, l’absence de ces députés a fait sauter le quorum. Du coup, plus de loi sur la levée du secret bancaire des comptes de ces messieurs, Saad Hariri, Safadi, Mikati et Geagea compris!!!!! Ni sur la provenance de leurs biens faramineux! Ils ne risquent plus de se présenter à leur électorat comme étant ceux qui ont refusé que la corruption soit jugée, que les biens pillés soient rendus au peuple, puisque la séance n’a simplement pas eu lieu!

Parlez-moi de corruption! Cela fait deux décennies que Siniora vole l’Etat libanais, comment se fait-il qu’il ne soit jugé que maintenant, sous le régime Aoun? Sans doute parce que, comme ils le disent, Aoun est tellement corrompu qu’il faut absolument le faire sauter avant qu’il ait fait sauter le secret bancaire…

Lina Murr Nehmé, 19 novembre 2019

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Liban : un charnier découvert ?

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N.B. : Cet article a été publié sur Libnanews le 24 juillet 2011. Lien vers l’archive.

Lina Murr Nehmé, 24 juillet 2011, Beyrouth – On a découvert une fosse commune dans un terrain appartenant à un couvent à Chebaniyeh. Puis on nous a dit que ce ne sont que des os animaux jetés par un boucher. 

D’abord, les os animaux ne sont pas jetés (les bouchers les donnent ou les vendent pour la soupe et le bouillon).

Quelle que soit la nature de ces ossements, il est inacceptable qu’une partie de la presse n’ait pas le droit de les approcher pour les examiner.

Et de toute façon, il est inadmissible que quiconque se mêle d’affaires de ce genre avant le procureur et les ministères concernés, le premier étant le ministère de la Justice. Où est le ministère de la Justice en ce moment?

Et le témoin a parlé de 27 sacs d’ossements. Or 26 n’ont pas été trouvés. Où sont-ils?

Ceci nous rappelle la tragédie de la fosse commune de Halate. On nous avait dit qu’il n’y avait pas d’ossements, car ceux qui avaient creusé la terre avaient refusé de tenir compte des indications des témoins, et ils avaient creusé là où il était impossible de trouver quelque chose.

En 2000, lors de l’enquête faite par l’Etat libanais, Joumblatt et Berri ont reconnu qu’ils avaient tué tous les otages qu’ils avaient enlevés. Dans ce cas, ils doivent être dans une (ou des) fosses communes. Si la fosse comune de Chebaniyeh n’est pas un endroit où sont enterrés des hommes, où sont les fosses communes contenant les cadavres des Libanais tués par Joumblatt, Geagea ou Berri durant la guerre?

La légèreté et la vitesse, le manque de professionnalisme avec lesquels l’affaire est menée, sont inquiétants pour le futur. Car le jour où il y aura une vraie fosse commune d’ossements humains, il y aura de fortes chances pour qu’on la bouche avant que le ministère de la Justice s’en soit mêlé.

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Comment Rafic Hariri a trafiqué l’histoire du Liban

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Pour quelle raison a-t-on remplacé, au Liban, la fête des martyrs qui ont combattu les Turcs et leur calife, par celle de Rafic Hariri, qui a servi les Saoudiens et était sujet du roi saoudien (lequel n’a jamais caché sa volonté d’islamiser le monde par l’argent ou autrement) ?

Pour quelle raison a-t-on remplacé le nom de la place des Martyrs ou de Borj (Tour [de Fakhreddine]) par “Place de la Liberté” ? Comme pour éradiquer la mémoire des martyrs que commémore cette place: Fakhreddine et les martyrs du 6 mai 1916. Ce sont pourtant eux qui représentaient la liberté pour cet ilôt de résistance aux Turcs, le Liban.

Pour quelle raison Solidere a-t-elle vendu l’emplacement du martyre des opposants à l’Empire ottoman, pour y faire construire un immeuble (cependant que la statue a été déplacée pour être mise dans une sorte de blockhaus empêchant les manifestants d’être vus de la rue) ?

Pour quelle raison l’Occident nous a-t-il imposé pour ministres Berri et Joumblatt — en les reconnaissant pour intelocuteurs —, alors qu’auparavant ces deux hommes n’étaient rien, sinon des chefs de gangs coupables de crimes contre l’humanité ? Surtout Joumblatt, qui avait sur les mains le sang de milliers de civils chrétiens égorgés en 1983, nettoyage ethnique total qui a eu lieu sous le regard de la Force Multinationale au Liban ?

Cette statue dérisoire plonge ses bras dans le ciel et ne peut raconter tout ce qu’elle — et la place dans laquelle elle se trouve — ont vu et entendu.

Lina Murr Nehmé, 6 mai 2018

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