Au fait, le burkini est-il halal ?

burkini, Féminisme, France

Article publié dans Causeur, le 15 juillet 2019. https://www.causeur.fr/le-burkini-est-il-halal-australie-charia-piscine-grenoble-163396

En France, le burkini sert d’étendard aux islamistes dans leur lutte pour les « droits » des musulmanes en tant que telles. Reste à savoir si la piscine municipale et le burkini sont halal au regard de la charia islamique.

Le burkini a été inventé par une Australienne d’origine libanaise, qui l’a lancé en 2006 de façon foudroyante en lui donnant, en arabe, le nom de « maillot selon la charia ». Elle donnait ainsi l’impression que les autorités religieuses musulmanes l’avaient adopté — ce qui, nous le verrons, n’était pas le cas.

Le bukini ne s’est pas imposé au Liban, où il a généralement laissé les femmes indifférentes. En revanche, quand il s’est imposé en France comme signe identitaire, il s’est trouvé des femmes pour vouloir l’importer au Liban en tant que tel. Dans les établissements balnéaires, il y a généralement des piscines à part pour que les femmes voilées, se trouvant entre femmes avec leurs enfants, puissent ôter leur voile et nager à l’aise dans un maillot léger.

Le scandale éclata à Tripoli, ville majoritairement musulmane, quand une de ces femmes voilées refusa de se cantonner à la piscine des femmes voilées, pour aller, en burkini, nager dans la mer avec les hommes et les femmes en bikini ou maillot bustier. Quand des baigneurs vinrent la prier de partir, elle protesta que la mer était pour tout le monde et qu’elle avait « le droit » d’en profiter. Elle était voilée, on ne pouvait pas l’obliger à se mettre en maillot.

Des surveillants maîtres-nageurs vinrent lui demander d’aller à la piscine des femmes voilées, ou de se mettre en maillot comme tout le monde. Elle refusa, et ils la firent sortir de l’établissement balnéaire.

Elle porta plainte auprès des autorités religieuses, croyant probablement que, parce qu’on appelait le burkini maillot selon la charia, elle serait défendue par les oulémas qui imposeraient sa présence dans cette ville où il y avait tant de religieux.

Il n’en fut pas ainsi. Le cadi de Beyrouth selon la charia, cheikh Hassan Chéhadé, déclara que le burkini était haram (interdit). Il ajouta que les femmes qui voulaient se baigner, devaient choisir un espace spécial, loin des hommes, espace que définissait le propriétaire de l’établissement balnéaire… et donc, la piscine dans laquelle cette femme avait refusé d’aller.

« La première violation est d’ordre général, déclara-t-il : la femme en burkini a violé les conditions de la majorité des propriétaires d’établissements balnéaires mixtes, dont la méthode de travail n’apprécie pas la présence de femmes voilées dans leurs établissements.

« La deuxième violation est d’ordre privé. C’est que la femme voilée doit obligatoirement se dérober au regard des hommes, qu’elle porte le burkini ou non. Sinon, qu’elle ne prétende pas être pratiquante. Car où se trouve sa nudité (awra) quand elle porte un burkini ? Lorsque ses vêtements se mouillent, ils collent à sa peau, et les reliefs de ses charmes deviennent visibles pour tout le monde, de façon éclatante, ce qui en fait le point d’attraction du regard des hommes.

« Et que dire de la nudité des hommes [qu’elle côtoie en se baignant] ? Les écoles chaféi, hanbali et hanafi estiment que la nudité de l’homme va de son nombril jusqu’à ses genoux. Il n’est donc pas permis que la femme regarde l’homme quand il nage [en maillot n’allant pas du nombril aux genoux]… Une fatwa religieuse ne peut pas être taillée selon les mesures désirées par les humains. »

Cette femme aurait tout de même pu se rendre compte que le nom de « maillot selon la charia » était une vaste supercherie. Les oulémas respectés n’ont jamais admis ce vêtement collant, puisque Allah, dans le Coran, ordonne aux musulmanes de « cacher leurs charmes »[1] sous de grands voiles et non de les révéler en collant sur la peau un tissu élastique. Soit elles obéissent à ce commandement et voilent leur corps en plus de leurs cheveux, soit elles portent le burkini et moulent les détails les plus précis de leur corps après s’être mouillées. Et alors, voiler leurs cheveux est de l’hypocrisie pure.

En outre, il y a un point grave que le cheikh n’a pas abordé dans cette fatwa d’ordre général, probablement parce que les femmes vont souvent se baigner en famille. Mais si la femme est seule, Mahomet lui interdit de se trouver avec un homme sans la présence de son mahram (mari, frère, fils ou père, etc.)[2].

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C’est pourquoi Taous Hammouti, qui dirigea une troupe de femmes pour forcer la piscine de Grenoble, déclara : « C’est même pas par conviction religieuse. On défend notre liberté ». En d’autres termes, il s’agit d’une manifestation identitaire, puisque le vêtement est un signe identitaire. En outre, il est présenté comme étant le signe de la supériorité de la musulmane sur la non-musulmane. L’esclave est nue, la femme libre est vêtue, comme je l’ai expliqué dans “Fatwas et Caricatures” [3].

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C’est cela qui est grave. Car la citoyenneté n’implique pas des manifestations identitaires qui divisent le peuple français. Bien au contraire. Il ne faut donc pas se laisser entraîner sur ce terrain mouvant. Si le burkini irrite — et il irrite en tant que signe identitaire — il est à bannir, car la cohésion sociale est plus importante que le plaisir identitaire d’une troupe de femmes téléguidées par des hommes. Pour cela, pas besoin de bagarre, de frapper ou de se dénuder pour irriter ces femmes : la loi est là. Qu’on la fasse respecter. Sinon, on pourrait bien se réveiller, un beau jour, et la trouver modifiée.

Lina Murr Nehmé


[1] Coran, 33,59.

[2] Pour les citations et les références, voir : Lina Murr Nehmé, L’Islamisme et les Femmes, Salvator 2018, p. 20.

[3] Voir Lina Murr Nehmé, Fatwas et Caricatures, Salvator 2015, chap. 11.

Chahinez Daoud : une mort évitable

Chahinez Daoud était une Algérienne qui, en France, voulait vivre comme une Française. Elle y pensait peut-être déjà quand elle épousa Mounir Boutaa en 2015. Ce dernier, né et élevé en Algérie, avait épousé une Française et s’était disputé avec elle. Il épousa Chahinez en secondes noces, pensant qu’elle lui serait soumise et obéissante en tout.

La conception qu’il avait des droits des femmes était régie par le code de la famille algérien. Or celui-ci est calqué sur la charia, et malgré quelques modifications, il ne pouvait changer dans le fond, car la Constitution algérienne stipule que « L’Islam est la religion de l’État » (art. 2).

Selon la charia, l’homme est supérieur à la femme[1]. Il peut facilement la répudier, et il a alors l’autorité parentale complète, même si les enfants sont gardés par leur mère. Il a le droit d’être polygame, de donner à sa femme des ordres et de la battre si elle n’obéit pas. Elle n’a pas le droit de se trouver seule avec un autre homme[2]. Elle est une éternelle mineure qui ne peut pas décider de se marier sans l’accord d’un proche parent de sexe masculin, appelé par la charia « mahram »[3]. Avant 2005, il n’y avait pas de mariage sans la permission de ce tuteur. Si le père de la femme était mort, c’est son frère qui jouait ce rôle, ou même son fils. Depuis 2005, la femme peut choisir son tuteur, mais il continue à être obligatoirement présent au mariage… et à être de sexe masculin.

Durant la décennie noire de la guerre civile que les islamistes infligèrent aux Algériens dans les années 1990, beaucoup de jeunes filles furent tuées parce qu’elles ne se conformaient pas aux volontés édictées par ces fanatiques. Et même en France, on ne compte pas le nombre de femmes tuées à cause des sermons de prédicateurs islamistes qui continuent à marteler la supériorité masculine dans les mosquées. Ces morts sont présentées par la famille et des médecins complaisants comme étant naturelles. Elles ne sont signalées dans la presse que si le meurtre est spectaculaire.

Dans les quartiers, le mépris de la femme est distillé dans les livres, les prêches privés et les mosquées. L’imam Hammami, de la mosquée Omar, rue Jean-Pierre Timbaud, fut chassé de France parce qu’il prêchait, entre autres, la violence envers les femmes. Dans mon livre « L’Islamisme et les Femmes » (Salvator, 2017), j’ai traduit les prêches d’oulémas influents, et fourni les autres éléments responsables de la montée de la violence envers les femmes ou les non-musulmans (ou les deux) chez des populations masculines qui n’étaient pas violentes auparavant.

Depuis 2005, le poids du mahram a diminué dans le code de la famille en Algérie, mais non dans les milieux islamistes. Car selon la charia, le mahram décide de tout ce qui sera important dans la vie de la femme. S’il lui dit par exemple de se voiler et de vivre recluse à la maison, elle doit obéir. Ce sujet fut une importante cause de tension entre Chahinez Daoud et son mari qui voulait qu’elle se voile comme au bled, et se fâchait en la voyant arriver vêtue d’un jean à l’occidentale. Elle se plaignait à la police parce qu’il la battait. Et lui justifiait ses violences en l’accusant de le tromper avec un autre.

Mis en prison pour ces violences, il fut libéré, et Chahinez fut mise sous ordonnance de protection. La loi de l’ordonnance de protection fait de l’homme un intrus dans son domicile. Il en sera expulsé par la force publique si nécessaire, tout en ayant l’obligation de continuer à en payer le loyer, plus une pension. Boutaa, simple ouvrier vivant selon ses moyens, se retrouva à la rue, privé du droit de s’approcher de ses enfants, et devant payer une pension à sa femme.

N’ayant pas de quoi payer deux loyers, il aménagea un fourgon en chambre de fortune en mettant un matelas. Puis il alla réclamer violemment au commissariat de police, le droit de voir ses enfants. Ne l’ayant pas obtenu, il décida, au nom des forfaits qu’il attribuait à Chahinez, de lui marquer le corps.

Il la guetta et, à sa vue, lui tira des coups de feu dans les jambes. Quand elle tomba, il s’approcha, l’aspergea d’un liquide inflammable et alluma le briquet. Ses vêtements brûlèrent comme une torche, et le voisin ne réussit pas à la sauver. Elle mourut dans des douleurs affreuses.

Mis en garde à vue, Boutaa déclara qu’il n’avait pas voulu la tuer, mais seulement « la cramer », « pour tout le mal qu’elle et la justice [lui] ont fait » ; il aurait voulu « la punir », « lui laisser des traces » en la brûlant « un peu », « lui faire la peur de sa vie ».

Quoi qu’il ait dit, il l’a tuée, et c’est irréparable.

Comment éviter de nouvelles tragédies de ce genre ?

En durcissant les conditions de l’ordonnance de protection ? Difficile. Car le magistrat doit juger, en quelques minutes, de cas très complexes en se fiant à la vraisemblance – c’est-à-dire aux apparences –, tout en balayant les preuves, car il n’a pas le temps de les examiner. Le critère est la seule « vraisemblabilité ». La plupart des hommes sont donc condamnés pour délit de sexe et de carrure, alors que l’examen de leurs preuves auraient pu les innocenter. Car tous les hommes ne sont pas des violents comme Boutaa. 25 à 30% au moins d’entre eux seraient même battus par leurs épouses. Mais parce que ce n’est pas vraisemblable, ils sont condamnés en cinq minutes sans examen de leurs preuves. Et leurs enfants sont privés d’eux, ce qui peut les marquer à vie.

Et les pères sont privés de leurs enfants, ce qui peut les faire sombrer dans le désespoir. N’ayant plus de domicile, beaucoup vont dormir dans la rue ou en voiture. Ils perdent leur travail, et parfois, se suicident.

Et on voudrait durcir encore ce processus ?

La technologie non plus n’aurait pas pu sauver Chahinez. Car à la vitesse à laquelle cela s’est passé, elle n’aurait pas eu le temps de tirer son téléphone grand danger du sac.

Quant au bracelet de signalisation, un criminel peut très bien le contourner en envoyant un copain tuer à sa place. Les hommes violents comme Boutaa côtoient les milieux de la pègre, quand ils n’y appartiennent pas.

Non, la solution n’est ni dans les appareils électroniques, ni dans les téléphones directs, ni dans les ordonnances de protection. Elle est dans la prévention. Et la prévention ne se fait pas en ignorant le code de la famille du peuple qui envoie le plus d’immigrés en France. Elle ne se fait pas en ignorant ce qui se dit et ce qui se lit dans les mosquées concernant l’infériorité des femmes, le droit de les battre, l’interdiction de questionner l’homme qui a tué sa femme sous les coups. La liberté des femmes ne devrait pas être inférieure à celle des hommes, même dans les quartiers. En France, il n’est pas acceptable que les tourments des femmes se cachent dans le silence des maisons ou des tombeaux.

Lina Murr Nehmé
https://www.atlantico.fr/article/decryptage/chahinez-daoud-une-mort-evitable-islam-charia-lina-murr-nehme?


[1] Le Coran 4.34.

[2] Le Coran 4.34. Ce verset est l’objet d’une polémique en France, certains francophones prétendant qu’il ne dit pas de battre les femmes. On trouvera les explications grammaticales à ce sujet dans : Lina Murr Nehmé, « L’Islamisme et les Femmes », Salvator, 2017.

[3] Le mahram, ses prérogatives, les textes qui le justifient et les implications qui en découlent, sont évoqués dans « L’Islamisme et les Femmes », op. cit.

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L’influenceur algérien Doualemn bientôt expulsé ?, Boualem Sansal, un déni de justice ?, France/Algérie : une crise sans fin ?, France-Algérie : quels leviers actionner ?, France-Algérie : les enjeux de Retailleau, France-Algérie : une crise sans fin, France-Algérie : “préserver la coopération” (Barrot). Les invités du JT de Patrice Romedenne : Lina Murr Nehmé, Jean-Sébastien Ferjou, Virginie Le Guay et Michel Fayad.

Joulani, le caïd inclusif

Article publié par Revue Politique et Parlementaire, le 12 mars 2025. https://www.revuepolitique.fr/joulani-le-caid-inclusif/

En 2021, Ahmed al-Charaa, alias Joulani, s’est présenté en veste occidentale aux côtés d’un journaliste américain. Et on a pu lire sur le compte arabe de l’ambassade des États-Unis en Syrie: «Bienvenue Joulani! Comme tu es beau! Et quel costume superbe! Tu peux changer de vêtements, mais tu restes un terroriste. N’oublie pas la récompense de 10 millions de dollars!»

Aujourd’hui, Joulani est le terroriste le plus connu, le plus intelligent et le plus redoutable de la planète. Son organisation HTS (Hayat Tahrir al-Cham), avatar d’al-Qaïda/al-Nosra, est classée comme terroriste par l’ONU, l’Union Européenne et les États-Unis, à cause de ses crimes contre l’humanité: attentats-suicides dans des lieux grouillant de civils, enlèvements, tortures effrayantes[1].

Ceci, ajouté aux violations des droits des minorités. À Idlib dont Joulani a fait un mini-État islamique depuis 7 ans, les minorités sont victimes de meurtres et kidnappings, extorsions, harcèlement et sévices divers. Le résultat: des départs en masse, et des conversions à l’islam. Il n’y a plus d’alaouites à Idlib, et presque plus de chrétiens et de druzes. Des centaines de druzes se sont convertis pour garder leurs vies, leurs propriétés et l’honneur de leurs femmes et de leurs filles.

Les prisons de Joulani ont toujours été bourrées de citoyens arbitrairement arrêtés et souvent férocement torturés. Y compris des journalistes français, espagnols, américains. L’un d’eux, Austin Tice, serait encore son prisonnier[2].

Qu’à cela ne tienne. Joulani a pris le pouvoir en Syrie? Les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Canada se précipitent pour avoir chacun sa part de contrats pour la reconstruction du pays… même si les promesses d’inclusivité de Joulani ne se réalisent pas exactement comme prévu.

Il a ainsi nommé un gouvernement exclusivement masculin, sunnite et formé de djihadistes de son équipe. Et quand les journalistes lui demandent pourquoi HTS seule est représentée dans ce gouvernement, il répond que c’est «par souci d’harmonie».

Il annonce ensuite qu’il n’y aura pas d’élections avant quatre ans, et pas de Constitution avant trois ans. Alors la France, non sans candeur, lui propose «une assistance technique et juridique pour la rédaction de la Constitution du pays». Il sourit mais ne répond pas. Il sait que parmi les juristes du gouvernement français, il n’y a pas de docteurs de la charia agréés par al-Qaïda/HTS.

Il se donne pourtant beaucoup de mal pour plaire aux diplomates occidentaux. À son arrivée à Alep, il a donné des consignes très strictes à ses salafistes. Ainsi, ils ne doivent pas broncher s’ils voient les cheveux d’une fille ou si elle est en pantalon ou en mini-jupe. Même si elle veut s’approcher d’eux pour prendre un selfie.

Ils ont également l’ordre de ne pas razzier les maisons chrétiennes, druzes ou alaouites dans les endroits spécifiques que fréquentent les journalistes et les diplomates étrangers.

Lui-même reçoit des femmes non voilées et se fait photographier avec elles, mais elles sont occidentales. Car quand une Syrienne demande à faire un selfie avec lui, il lui dit de se voiler, et aussitôt, elle se couvre la tête. Interrogée à la télévision, elle déclare avec dévotion: «Je comprends le caïd! Le caïd a raison!»

Non qu’elle ait peur! Qui aurait peur d’un djihadiste dont le costume occidental, les chaussures et la montre ont coûté des fortunes, et qui s’arrose de parfums précieux? Les filles des familles salafistes sont folles de lui.

Ses hommes ont reçu l’ordre de parler avec modération devant les caméras des agences de presse. Mais un Syrien, haranguant la foule, déclare: «Nous ne devons pas accepter l’aide des pays collaborateurs régionaux, ni des Américains.» Aussitôt, on lui coupe le micro et on le fait descendre de l’estrade de force.

Des HTS brûlent un sapin de Noël sur une place publique? Ils profanent un cimetière chrétien? Ils tuent un alaouite ou deux en prenant Damas? Joulani, un peu gêné, déclare que «ce sont des éléments incontrôlés» et qu’il les «châtiera sévèrement», tout en ajoutant que ceux qui maltraitent les minorités sont des étrangers… Par ailleurs, il annonce qu’il va donner la nationalité syrienne à tous ces étrangers parce qu’ils l’ont aidé à «libérer la Syrie».

Donc il va naturaliser ceux qui brûlent les sapins de Noël et maltraitent les minorités syriennes.

Des chrétiens manifestent en masse pour leur religion? Joulani laisse faire, et les Occidentaux louent son inclusivité et sa tolérance. On ne leur a pas dit qu’ensuite, il a fait secrètement coffrer les manifestants. C’est pourquoi ces manifestations chrétiennes ont totalement disparu, alors que les profanations qui en avaient été les causes, se sont multipliées, décuplant le mécontentement qui se transforme en désespoir.

Quant aux tortures que ces détenus subissent en ce moment, elles valent celles des prisons d’Assad, avec un plus: chez Joulani, on éduque les enfants à la torture dès leur jeune âge. On les fait assister au travail de papa le bourreau, et on les force parfois à torturer eux-mêmes les détenus. Comme ils sont petits, il faut, pour qu’ils leur fassent mal, qu’ils emploient de petits fouets fabriqués avec des barbelés, qui arrachent des morceaux de chair. Ou l’électricité. Le journaliste américain Théo Padnos fut ainsi torturé par des enfants de 6 ans[3].

Pendant ce temps, les bonnes manières de Joulani ravissent les journalistes. Ils lui posent une question compliquée? Il s’en tire admirablement: «Il y a un comité pour ça!» ou: «Il y a des experts!» Ou: «Il y a des spécialistes!» Ou: «Il y a des juristes!»

Il est si humble! À croire qu’il ne fait rien que d’écouter les spécialistes, se contentant, pour sa part, de leur obéir et de recevoir les délégations étrangères, en attendant les chefs d’entreprise qui viendront tout reconstruire.

Avec quel argent? Oh! L’argent, il n’a jamais eu de problème à en trouver. Avant, il volait, rançonnait, tout en se faisant financer par Abou Bakr Baghdadi à hauteur de 50 à 60.000 dollars par mois, et par des forums extrémistes en ligne alignés sur al-Qaïda; et dès ses premiers attentats spectaculaires, les monarques du Golfe qui – comme le dit Joe Biden en 2014 –, ont lourdement financé et armé les terroristes en Syrie depuis le début.

Joulani avait séduit ces donateurs en parlant un langage islamiste. Il entre dans la mosquée des Omeyyades le 8 décembre 2025 comme un futur calife qui annonce que sa victoire est non celle de la Syrie, mais «celle de toute la nation islamique». La charia est au tournant.

Joulani ne peut évidemment pas permettre que des phrases aussi franches soient captées par les micros des chaînes de télévision. Il choisit donc de faire son discours de la victoire à huis clos, ou presque, dans la mosquée des Omeyyades. Là, tout de même, les amateurs ont filmé de petits bouts avec leurs portables. Certains ont eu la présence d’esprit de capter la première partie du discours, celle qui comprenait cette phrase. Ils ont dû la vendre très cher aux agences de presse et aux chaînes américaines de télévision qui l’ont publiée en version originale.

Car Joulani veut que les Occidentaux lèvent les sanctions. Il s’attache à les séduire en prétendant défendre les minorités, en parlant de nationalisme syrien, d’inclusivité, et en invitant les évêques à une réunion cordiale.

Ils sont venus, chacun d’eux sachant qu’à Idlib, Joulani interdit depuis sept ans aux chrétiens de sonner les cloches et de montrer des croix sur les églises. Et il a enlevé toutes les religieuses du couvent de Maaloula, avec leurs auxiliaires et leurs jardiniers. Les hommes ont été tués, probablement parce qu’ils ont refusé de devenir musulmans. Joulani a jeté leurs cadavres à Ersal, localité libanaise qu’il avait occupée en 2014, et où il avait également fait décapiter un soldat libanais musulman. Quant aux religieuses et aux autres auxiliaires, il les a libérées sans croix sur la poitrine, contre 150 terroristes détenus par le régime syrien, et 5 millions de dollars payés par le Qatar.

Mais les chrétiens de Syrie sont habitués aux brimades. Ils n’en veulent pas à Joulani pour si peu: eux et lui sont maintenant copains. Vous avez besoin d’un curé? Il vous en enlève un, et avec vingt paroissiens encore, et il les garde cinq jours en immersion parmi les djihadistes. Ce n’est pas inclusif, ça?

Depuis, il les protège. Et qui saura mieux les protéger contre Joulani, sinon Joulani lui-même? Peuvent-ils ensuite refuser de dire que «le chef des rebelles tient parole»?

Non, ils ne peuvent pas. Et ils ne le font pas. Excellent pour la communication.

Il y a pourtant des couacs dans cette communication. Exemple: quand Joulani envoie massacrer les Kurdes, les chrétiens, les alaouites, les druzes et les chiites et les yazidis pendant que les diplomates occidentaux sont en visite à Damas. C’est censé se passer en grand secret, et Joulani interdit que les journalistes aillent dans ces coins. Mais ses djihadistes déguisés en forces de l’ordre inondent les réseaux sociaux de vidéos où ils vantent en riant les tortures et les humiliations qu’ils infligent à des gens désarmés[4].

Les organisations de droits de l’homme s’émeuvent. Le 9 février, l’une d’elles parle à Marianne de «97 meurtres et 516 disparitions[5]» documentés.

Mais ce n’est que le 8 mars que le reste du monde politico-médiatique se met en mouvement et commence à se scandaliser en découvrant des déchaînements de cruauté, familles tuées parce qu’alaouites (ou chrétiennes), les bébés, mamans, grands-parents, médecins et curés, comparables à ceux du 7 octobre. On n’aurait pas songé à inviter le Hamas à Bruxelles. Pourtant, Ursula von der Leyen vient de confirmer que Joulani sera bel et bien invité à Bruxelles pour une conférence de donateurs.

Lina Murr Nehmé


[1] Lire à ce sujet le récit du journaliste américain Théo Padnos, prisonnier de Joulani durant presque deux ans : https://www.nytimes.com/2014/10/28/magazine/theo-padnos-american-journalist-on-being-kidnapped-tortured-and-released-in-syria.html

[2] https://edition.cnn.com/politics/live-news/trump-tariffs-doge-news-03-09-25#cm81psu6700063b6mc4upcqbo

[3] https://youtu.be/oqmHid2Moaw?si=TrZDtpkBmUSmh0Lk&t=1209

[4] https://www.youtube.com/watch?v=H827TBXGQo0&rco=1

[5] Marianne, 9/2/2025.