Je vois de plus en plus les gens réagir par passion et non par raison. Ou est-ce que je me trompe? Il me semblait, quand j’étais jeune, que les gens réfléchissaient davantage.
Il faut de la passion par les temps qui courent, car tout devient si horrible, et les gens se révèlent bien décevants. Mais de la passion pour une cause, pas de la passion pour des mots écrits dans un commentaire ou un chat. On n’a plus le droit d’avoir une opinion!
Malheureusement, nous allons nous cogner durement à une guerre terrible. Dans ce cas, continuera-t-on à aider une cause si la personne qui la sert nous est sympathique? Car parmi les personnes sympathiques, beaucoup passeront à l’ennemi, quand les islamistes occuperont les pays qu’ils veulent — ce n’est plus pour très longtemps. Et ils utiliseront les réseaux sociaux pour les servir.
Je me désole de voir cette génération brisée. Autrefois, on faisait des excuses, et il y a une grande noblesse à reconnaître ses torts, même si ce ne sont pas des torts, même si c’est dû à de l’incompréhension. J’ai pris pour meilleure amie une collègue musulmane parce qu’elle avait téléphoné pour s’exuser alors qu’elle n’y était pas obligée: il y avait eu un malentendu. Elle avait d’autant moins de raison de le faire que nous ne nous connaissions pas. J’ai trouvé ce comportement tellement noble, me disant: “Les étudiants ne s’excusent plus, et voilà un professeur qui s’excuse!”
chez ou à accepter que par son comportement, on ait qui cherche . Maintenant, on préfère rompre que de faire des excuses. C’est pourquoi les relations ne durent plus.
Et le pire est que sur les réseaux sociaux et les messageries, on croit dialoguer, alors qu’en fait, c’est un monologue qui se fait à tâtons. On ignore le ton, l’expression, on ignore tout, et en plus, on écrit vite et on avale les mots, et on lit des mots écrits vite et avalés.
Il fut un temps où parler signifiait voir la personne, la regarder, deviner ses sentiments à son expression, à une intonation de voix. Il n’y a plus rien de cela. Civilisation de robots.
Lina Murr Nehmé, 5 juillet 2019