Joumblatt a qualifié de “racisme” le renvoi des réfugiés syriens dans leur pays, où la majorité du territoire ne connaissait plus la guerre. Pourtant, il s’agit d’une question existentielle, puisque ces réfugiés sont pour beaucoup dans la crise actuelle. Acceptant de bas salaires, ils ont pris beaucoup d’emplois qu’occupaient des Libanais qui se sont retrouvés au chômage. Ils ont leurs besoins en eau, en électricité, dont ils tirent plus de 40 % de façon illégale. Une partie du rationnement en électricité est due à cela. Plus de 200.000 enfants sont scolarisés dans les écoles gouvernementales libanaises, qui, nécessairement, n’avaient pas autant de places de libres.
Grâce aux ONG, les enfants syriens ont la priorité, et beaucoup d’enfants libanais, n’étant pas ainsi soutenus, ne trouvent plus de place à l’école. Sans compter le danger potentiel que représente l’existence, au Liban, de plus de 200.000 réservistes syriens qui pourraient être armés et se battre. Les amateurs de djihadistes levantins ne manquent pas. Or les ONG paient aux Syriens de l’argent s’ils sont au Liban, mais non s’ils rentrent chez eux. Cela les fixe au Liban.
C’est notamment en juin 2018, quand le gouvernement libanais étudiait les moyens de renvoyer ces réfugiés, que Joumblatt a parlé de “racisme”. Il y a eu un tollé au Parlement. Le ministre libanais de la Défense a publié ce fac-similé datant de 1989, d’une interview de Joumblatt disant au Figaro qu’il préférait la botte des Syriens à celle des maronites. C’est-à-dire l’occupation à la Présidence d’un chrétien maronite. Pourtant, le Président n’est maronite que parce que c’est la communauté la plus nombreuse au Liban, à condition de compter les Libanais qui exercent la liberté de déplacement que leur octroie la Constitution, en ne résident pas nécessairement au pays.
Que de trahisons anciennes ont été oubliées! Et comment expliquer que Joumblatt soit l’homme avec lequel les grandes puissances occidentales aiment le plus traiter? Nonobstant le fait que c’est le seul criminel de guerre qui, au Liban, ait commis un génocide (en 1983). Pour cela, il a accepté les ordres, l’argent et les armes fournis par la Syrie et l’Union Soviétique. Et il a introduit des armées syrienne et palestinienne dans la montagne pour massacrer ses compatriotes.
Qui est plus criminel? Joumblatt ou les chefs et les médias occidentaux qui le prennent au sérieux quoi qu’il fasse? Et qui ne signalent jamais au public qu’il est un criminel de guerre, un hors-la-loi qui échappe à la justice de son pays parce que l’Occident le soutient?
Pourquoi aiment-ils tant traiter avec lui? Probablement parce que, comme l’a raconté Yves Bonnet, ancien chef de la DGSI, Joumblatt se vend aux services secrets étrangers (et donc aussi à leurs politiciens). Il fait ce qu’ils veulent. Il est une courtisane de luxe, qui n’a même pas honte d’avouer qu’elle se vend, puisqu’il est si fort de la force procurée par les grandes puissances. (On trouvera des interviews de Joumblatt avec ses aveux concernant le fait que la Libye, la Syrie et l’Union Soviétique l’aient payé et armé, cités dans mes livres “Le Liban assassiné”, et “Du règne de la Pègre au réveil du Lion”.)
A noter que Joumblatt s’est retourné quand les grandes puissances se sont retournées contre les Syriens. Il a même appelé à un génocide des druzes de Syrie, sous prétexte que ces derniers ne combattaient pas leur régime. C’est que, en Syrie, les minorités sont toutes opposées à al-Qaïda (Nosra) et à l’ASL, qui professe la même doctrine et use des mêmes méthodes. Obligatoirement, elles seront avec le régime contre ces terroristes. Contrairement aux puissances occidentales qui soutiennent Joumblatt et ses pairs, contre l’Etat libanais. Une histoire qui dure depuis des décennies.
L’Union Soviétique a changé, le régime syrien a changé, la Chine a changé, et l’Etat islamique est né. Mais l’amour des politiciens occidentaux pour Joumblatt demeure.
Lina Murr Nehmé
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