Tous les articles par Lina Murr Nehme

“Nul n’est prophète en son pays” !

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“Nul n’est prophète en son pays” !

Au Liban, le Dar el-Fatwa a poliment informé le ministère qu’il devait interdire la diffusion de mon livre “Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils cachent” dans le pays.

Cette institution rédige des fatwas, elle interdit des livres: elle est dans son rôle. C’est elle qui a refusé de recevoir une candidate à la Présidence de la République française sans hijab. Et ce, alors que le voile n’est pas obligatoire au Liban. Il est vrai que mes derniers livres parlent du voile, et de sujets sensibles. Impossible d’expliquer le vrai discours de Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur, sans revenir aux textes qu’ils citent.

Si on comprend que ces trois personnages soient protégés par leurs collègues oulémas qui censurent mon livre, on comprend moins facilement pourquoi cette protection s’exerce en France, en Belgique, et dans une moindre mesure, en Suisse. En effet, on vient de me faire remarquer que les bibliothèques universitaires francophones (françaises, belges et suisses) mettaient moins de mes livres à disposition du public que les universités américaines ou allemandes. Ainsi, il est plus facile à un lecteur habitant à Munich, Chicago ou à un étudiant de Harvard ou Stanford de me lire, qu’à un lecteur français, suisse, belge ou libanais !

Et cela est valable pour d’autres auteurs qui parlent un autre langage que celui d’Olivier Roy, Vincent Geisser, Alain Gresh ou François Burgat, qui continuent d’être consultés et interrogés sur leurs protégés.

Comme on ne peut pas censurer franchement, on ignore, ce qui est aussi efficace. Et si cette censure existe, c’est bon signe: c’est que le travail que l’on fait est efficace. Ce qui est inquiétant, c’est que cette censure touche des livres qui aident des pays victimes du prosélytisme et de l’islamisation agressive à y voir clair. Car toute bibliothèque universitaire ou municipale, en France, possède les livres de Tariq Ramadan, de Tareq Oubrou, de Dalil Boubakeur, ou de Ghaleb Bencheikh, pour ne citer qu’eux. Sans parler des bibliothèques musulmanes dans nombre de mosquées, à commencer par la Mosquée de Paris. Et bientôt, qui sait, Mehdi Meklat aura le prix Goncourt. En face, quels sont les livres qui fourniront aux étudiants de quoi se prémunir contre leur discours ?

Je me souviens de cet étudiant que j’avais plusieurs fois entendu, à la Bibliothèque Nationale de France, endoctriner une étudiante voilée qui le regardait avec des yeux passionnés. “Vous allez faire le djihad?”, lui demandait-elle entre deux bouchées de sandwich. C’était en 2009, l’année où j’avais posé à Tariq Ramadan la colle dont j’ai parlé dans “Fatwas et Caricatures” au sujet du mariage d’Aïcha, et de l’esclavage. Qui sait si cet étudiant, et peut-être cette étudiante, ne sont pas allés faire le djihad en Irak ou en Syrie depuis, et ne sont pas, aujourd’hui, des “revenants”?

En 1982, aux Beaux-arts de Paris, quand l’action des islamistes en France était encore assez faible. Je passais mon UV de tapisserie artistique, et face à moi, à travers la trame, un garçon et une fille réalisaient leur tapisserie; le garçon harcelait la fille en lui vantant sa religion et la beauté du chant du muezzin. Sans doute avait-il lu ou entendu les écrits du père de Tariq Ramadan, Saïd, ou ceux de Hamidullah, qui sévissait à l’époque, pour qui toute musique est interdite à l’exception de l’appel du muezzin. Et je devais ainsi subir tout au long de la journée le fredonnement: “Allahou Akbar, Mohamed est l’Apôtre d’Allah!”

Ce matraquage par le haut (lobbying auprès des politiques) et par le bas (propagande et prosélytisme) produit des convertis, des professeurs islamistes et des djihadistes. On l’a payé, des années plus tard, avec les attentats sur le sol français. Le laxisme et la censure actuels se paieront plus cher encore dans un futur proche, car ce genre de mouvement ne croît pas en ligne droite, mais de façon parabolique. Les livres des éditeurs salafistes sont bien en vue à la Fnac; après l’avoir fait remarquer à un vendeur, un de mes lecteurs s’est fait répondre: “Après tout, ce ne sont que des livres !”

Ibn Taymiyya, El-Djazaïri, Qaradaoui et leurs admirateurs. Puis, les islamistes honteux, qui entretiennent la confusion sur les idées et les textes, et se font passer pour modérés dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision. S’ils l’étaient vraiment, ne devraient-ils pas commencer par dénoncer ces auteurs qui mènent à la radicalisation, demander leur interdiction ? Et on continue à les prendre au sérieux.

Est-ce normal ? Vous me direz que la France n’est pas tout à fait dans son état normal. Comment peut-on décrier un phénomène, et faire semblant d’ignorer les textes mis en application ? Dans ces conditions, les livres d’histoire qui ne sacrifient pas aux bons sentiments et au romantisme (“histoire”, rappelons-le, signifie “enquête”), ou qui n’enrobent pas les pires commandements d’une “spiritualité” imaginaire ne peuvent pas être bien accueillis.

Les concepts flatteurs, les bons sentiments, l’optimisme béat ne sont pas de circonstance. Pour que l’histoire arme la pensée, il faut qu’elle aille à la rencontre des faits et des textes qui planifient les actes à venir.

Tous mes livres contiennent des centaines de traductions inédites, des documents reproduits en fac-similé, et présentent des faits difficiles ou scientifiques dans un style lisible, pour être accessibles à des lecteurs ordinaires. Ce sont des livres sans jargon. Ce ne sont pas non plus des livres de demi-savants, bourrés d’erreurs et de contresens, sous prétexte de faire de la vulgarisation. Les propagandistes comme Tariq Ramadan ont des mécènes richissimes, et ont des complices haut placés. Je n’ai payé personne. Mais si des gens ordinaires lisent mes livres et en parlent, la cause défendue par ces livres avancera. Même si ceux qui s’en servent et les utilisent pour leur propre production n’ont pas l’honnêteté de les citer.

Lina Murr Nehmé, 10 mars 2019

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“Hijab sportif” : le comble de l’hypocrisie

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Dans les années 1970, mon père nous racontait que les femmes dans
les milieux intégristes en Syrie étaient tellement conditionnées pour se
voiler le visage ou la tête, qu’il en avait vu une, nue mais le visage
voilé. Ayant eu le choix entre cacher sa tête et son sexe à l’entrée
d’un homme, elle avait préféré relever sa jupe et cacher sa tête.

De même, Zahra Lari, la patineuse émirati, montre son fesses dans tous leurs détails… et cache ses cheveux! Je me demande en quoi mouler ses cuisses et ses fesses de noir serait pudique, et montrer ses cheveux, non.

Nike, qui a fait des études de marché sur la perception du voile en
Occident avant de lancer cette pub, sait que son hijab se vendra s’il
est présenté comme un signe de différenciation communautaire et non un
signe de pudeur.

Car les hijabs de Nike, de Décathlon, ou des
burkinis, ne sont pas halal, le but du voile étant de camoufler et non
de souligner ou d’embellir.

Sauf, bien sûr, si le voile est utilisé comme un signe politique ou communautariste…

Lina Murr Nehmé, 7 mars 2019

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Les accords de TaëF

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En 1989, le traité de Taef fut imposé au Liban au mépris de la population
qui, dans son écrasante majorité, n’en voulait pas. Rappelez-vous, diplomates,
agents et médias: le réduit libanais qui était encore libre et soumis à l’Etat
libanais manifestait tous les jours contre ce traité imposé par l’Arabie. Il
manifestait parce que ce traité légalisait l’occupation d’une partie du Liban
par l’armée syrienne.

Les manifestations durèrent plus d’un an. Puis vint la guerre du Golfe. Obtenir l’accord de la Syrie de l’époque était une étape
cruciale. Pour obtenir la participation de Hafez el-Assad contre l’Irak, il
fallait une contrepartie alléchante. Ainsi, toute la communauté internationale,
y compris le Vatican, imposa au Liban l’occupation d’une partie de son pays par
les troupes syriennes.

Ce traité commença le 30 septembre, date anniversaire des Accords de Munich
de 1938. C’est en effet à cette date que l’Arabie Saoudite réunit les députés
libanais chez elle, à Taef, et non à la Mecque, car certains d’entre eux, étant
chrétiens, auraient souillé les lieux, selon elle. Après leur avoir confisqué
leur passeport, elle leur expliqua au cours des jours suivants qu’ils ne partiraient
qu’à condition de signer ce traité fait par elle, qui dépouillait les chrétiens
de tout pouvoir dans leur propre pays.

Toute la communauté internationale s’inclina, un peu comme dans l’Apocalypse, toute la terre s’incline et dit: “Qui est comme la Bête?”

Le traité était saoudien, puisque Hariri l’avait écrit et imposé en tant que sujet du roi d’Arabie. Et Hafez Assad avait imposé sa clause, car un tel traité ne pouvait exister sans son accord. Quant au parrainage du traité, il fut assuré par les Américains, car sans eux cet accord n’aurait pu être imposé au Liban. Rappelons que George Bush était l’ami personnel du roi d’Arabie.

La Syrie avait déjà tenté d’imposer un tel traité quelques années plus tôt, elle avait échoué. C’est Rafic Hariri, travaillant pour les Saoudiens avec l’aide américaine, qui l’imposa grâce à l’argent saoudien et aux pressions des Américains, devenus la seule superpuissance.

Pourquoi ce parallèle avec les Accords de Munich ? Parce que de la même manière, on permit à une puissance militaire agressive, la Syrie, d’envahir un territoire qu’elle réclamait, et que l’une des conséquences de ce traité fut la chute du régime irakien, et l’apparition de Daech.

Lina Murr Nehmé, 5 mars 2019

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Une rébellion en forme de soumission

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Drôle, cette phrase illustrée par une fille avec un gros rouge à
lèvres, des lèvres sortantes et grosses, des sourcils épilés, et des
yeux maquillés. En quoi change-t-on les règles si on se peint pour
suivre les règles de la mode ?

J’y vois au contraire le summum de la soumission: soumission aux règles concernant le maquillage, et soumission aux règles concernant le hijab. Et soumission aux règles de l’argent: elle fait de sa tête une pancarte publicitaire pour Nike. Sachant que dans sa langue, le mot نيك veut dire ce qu’il veut dire.

Lina Murr Nehmé, 4 mars 2019

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Un cœur à 650000 euros

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Photo : Erwan Floc’h

Le nord de Paris est sale, sale! Allez voir autour des monuments
historiques, les papiers de sandwich, la saleté, les déchets. Il y a des
endroits où on n’ose pas vraiment aller, mais on y va contraint et
forcé. Et quand vous venez en voiture ou en autobus à la porte de
Clignancourt, vous devez vous attendre à voir une cour des miracles,
quelques centaines de mères plus loin. Soit vous passez près de la
station de Stalingrad, que les sans-papiers venus de Calais ont
transformée en campement pendant si
longtemps, en débordant sur les rues avoisinantes. Soit vous passez
directement à La Chapelle-Pajol, où les hommes islamistes ne pensent pas
à offrir des cœurs aux femmes le jour de la Saint-Valentin.

C’est pourtant en cet endroit de Clignancourt que la Mairie de Paris,
qui a le sens de l’ironie, a dressé un cœur géant, qu’elle a fait payer
au contribuable 650.000 euros.

Et ce, alors que le pays se débat
dans les crises les plus douloureuses. Pendant qu’il y a des
manifestations parfois causées par la faim, les dépenses du pouvoir
défraient la chronique, qu’il s’agisse d’un service de vaisselle de
l’Elysée payé par le contribuable, ou de modifications artistiquement
terribles de l’Elysée, payées elles aussi par le contribuable, ou même,
d’une piscine enlaidissant un monument historique dans un paysage
imprenable — également payée par le contribuable.

Et comment le
pouvoir résoud-il la crise? En distribuant des sucettes, en donnant
l’ordre de frapper les manifestants à la tête, et en leur donnant des
coups bas dans les médias.

Normaux, ces coups bas: avez-vous
remarqué que la popularité de Macron et celle des Gilets Jaunes sont
étroitement liées, comme les deux côtés d’une planche de balançoire?
Quand la popularité des Gilets Jaunes décroît, celle de Macron croît. Il
faut donc que le phénomène existe et s’amplifie, ce Président n’étant
parvenu au pouvoir qu’en faisant démolir les autres par les médias, ses
amis (on a vu les dizaines de Unes qu’il a eues).

Maintenant, il ne peut régner qu’en faisant démolir les manifestants. Au physique comme au moral.

Pendant ce temps, le soi-disant cœur de Paris made in Portugal, veille,
se moquant des femmes de La Chapelle-Pajol en leur disant: “Bonne fête
de la saint-Valentin!”

Au fond, qui était saint Valentin ? C’était un évêque, qui avait refusé d’obéir à l’empereur. Il avait marié les amoureux qui le demandaient. Alors que l’empereur voulait empêcher ces mariages pour que les hommes aillent à la guerre.

Lina Murr Nehmé, 2 mars 2019

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De l’ingratitude

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Ingratitude

Manifestations d’anciens auxiliaires de l’armée française en Afghanistan à Paris.

En décembre, on a beaucoup parlé de ces Afghans
auxiliaires de l’armée française (souvent, des interprètes), qui
demandaient à venir en France. Contrairement aux Afghans de Calais et de
La Chapelle-Pajol, ils sont menacés de mort à tout instant pour avoir
aidé la France contre les terroristes d’al-Qaïda et les Talibans, dont
on sait comment ils traitent une femme qui n’a pas mis le voile, ou un
homme qui s’est rasé le menton.

Il est tout de même scandaleux que l’on
passe tout ce temps à palabrer, et que l’on soit si frileux à leur
égard, alors qu’il suffirait de faire un transfert, et de leur donner la
place d’autres “migrants”, qu’on loge dans des hôtels. Or il a fallu
que l’affaire arrive jusqu’au Conseil d’Etat pour qu’un Afghan, déjà
blessé et recevant des menaces quotidiennes, obtienne un visa pour la
France.

Ce n’est pas le genre de la France, d’abandonner ses alliés.

Le pire est qu’en même temps, on n’a pas hésité à admettre sur le sol
français des centaines de milliers de migrants désignés par l’Union
Européenne, sachant que la plupart d’entre eux ne désirent pas vivre en
France, loin de là. Ils savent simplement qu’il y des allocations
familiales à gagner.

Ecoutez-les, ils vous le diront, s’ils se sentent en confiance. “Un Algérien en France, me disait l’un d’eux, c’est un puits de pétrole en Algérie.” Je lui ai demandé de m’expliquer ce que cela voulait dire. Et il m’a raconté tous les avantages financiers dont un Algérien bénéficiait en France, et la manne qu’il envoyait à sa famille. Heureusement, celui-là n’était pas ingrat à l’égard de la France. “Je ne comprends pas mes compatriotes, me dit-il, ils ne font que médire de la France. Si elle ne leur plaît pas, pourquoi ne retournent-ils pas au bled ?”

Lina Murr Nehmé, 2 mars 2019

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Tariq Ramadan: le viol, les femmes et le Prophète (Causeur)

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Tariq Ramadan : dans Fatwas et caricatures, la stratégie de l’islamisme, un chapitre entier (“Tariq Ramadan : mentir pour séduire”) est consacré à ce représentant des thèses de Hassan el-Banna, son grand-père. Voir aussi notre livre : Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur : ce qu’ils cachent (Salvator, 2017)

Tariq Ramadan a été fortement affaibli par l’impact de ses affaires privées. En même temps, on a laissé son enseignement intact. N’importe lequel de ses bons élèves, pour peu qu’il ait un soutien financier et soit prudent dans sa vie personnelle, pourra le remplacer en enseignant la même chose.


Quiconque travaille en profondeur sur les livres de Tariq Ramadan, sait qu’on ne peut pas comprendre son message sans tenir compte de ce que disent les livres sacrés dont il parle, et auxquels il se réfère sans cesse. L’histoire que je vais raconter date de février 2009. Elle montre comment Tariq Ramadan, rien qu’en manipulant des mots, parvient à dire à chacun ce qu’il veut entendre, et à empêcher la discussion quand elle l’embarrasse.

Tariq Ramadan, le défilement permanent

Fatwas et caricatures, la stratégie de l’islamisme, Salvator, 2015

En marge d’une conférence que Tariq Ramadan donnait avec l’islamologue Dominique Urvoy à l’Institut du Monde arabe (IMA) à Paris, je demandai la parole et dis :

— J’ai lu vos livres, Monsieur Ramadan. Vous dites qu’il faut suivre le Coran et la Sunna.

— C’est vrai.

— Eh bien, le Coran dit : « Couchez1 avec
autant de femmes que vous voudrez, deux, trois, quatre, et si vous
craignez de ne pas être équitables, alors, avec une seule ou avec ce que
possèdent vos mains droites »
, c’est-à-dire les esclaves. Et d’après le hadith, Mahomet a couché avec une petite fille, Aïcha, qui avait neuf ans.

— Votre question, Madame ?, dit le modérateur.

— Ma question est : faut-il faire ces choses ?

Tariq Ramadan se trouvait en France : il ne pouvait pas dire qu’il fallait épouser plusieurs femmes, coucher avec des petites filles, transformer les prisonnières de guerre en esclaves et les violer.

Il ne dit donc pas qu’il ne fallait pas faire ces actions. Il fit une réponse hors sujet :

— C’est vrai qu’il y avait des esclaves, mais autrefois, il y avait de l’esclavage partout. Mais les mœurs ont changé. Aujourd’hui, l’esclavage n’existe plus.

Tariq Ramadan s’abolit de l’esclavage

Tariq Ramadan ne disait pas la vérité. L’esclavage existait à cette époque, et l’homme qui le pratiquait de la façon la plus horrible était le dictateur soudanais Hassan Tourabi. Bien avant Boko Haram et Daech, Tourabi avait utilisé l’esclavagisme comme arme durant la guerre de religion qu’il avait menée contre les chrétiens et les animistes du Soudan.

Je démentis Tariq Ramadan, mais la foule s’insurgea contre moi, ce qui
lui permit de passer la question sous silence et de ne pas dire s’il fallait faire ce que disaient ces textes : pratiquer la polygamie, avoir des esclaves et coucher avec elles sans leur consentement.

Par ce silence, il contredisait à l’avance tout ce qu’il dirait, cinq ans plus tard, pour condamner Daech et l’esclavage sexuel.

« Le Prophète a, paraît-il, épousé une jeune femme (sic) de 9 ans »

Tariq
Ramadan traita de la même manière la seconde partie de ma question.
Quelques années plus tôt, il avait reconnu par écrit, dans un de ses
livres, qu’Aïcha avait six ans quand elle avait épousé Mahomet. Cette
fois, il prétendit que « le Prophète a, paraît-il, épousé une jeune femme (sic) de 9 ans ». Puis il dit que les musulmans sunnites s’appuyaient sur le hadith, « le Sahih Bokhari et le Sahih Moslem », précisa-t-il. Et que cet épisode ne pouvait pas être pris au sérieux car il venait de la Sira
(biographie) de Mahomet. C’était faux : le récit le plus connu de ce
mariage vient bien d’un hadith authentique du Sahih Bokhari. Cette
pirouette permit à Tariq Ramadan d’éviter de répondre à la question de
savoir s’il fallait coucher ou non avec des petites filles de cet âge.

Six ans plus tard, Tariq Ramadan n’a pas contesté le récit de l’intervention que j’ai faite dans un de mes livres (Fatwas et caricatures, la stratégie de l’islamisme, Salvator, 2015). En revanche, le compte-rendu de l’IMA que j’y citais a rapidement disparu. Mais j’en ai une copie, et son existence est attestée par un huissier.

Les « textes clairs » du Coran

En réalité, Tariq Ramadan n’a pas véritablement trompé son lecteur. Disciple du Frère musulman Qaradawi et du mentor de Qaradawi, Hassan al-Banna, il a annoncé la couleur dès le début. Ainsi, il affirme que son grand-père Hassan al-Banna est un réformateur. Or Hassan al-Banna défend les châtiments corporels comme la lapidation, la flagellation, l’amputation. Ce que Tariq Ramadan appelle « réforme » est donc le concept frériste de retour aux textes et d’application littérale de ces textes. Aussi, sa demande de moratoire – annoncée sur son site internet et reformulée devant Nicolas Sarkozy lors de leur débat télévisé – n’a aucun sens, puisqu’elle contredit des « textes clairs » du Hadith.

Tariq Ramadan, en effet, dit qu’il est interdit aux humains de contredire une donnée contenue dans « des textes clairs » du Coran ou de l’un des deux recueils de hadiths authentiques (Bokhari et Moslem). Une fois qu’il a posé ce postulat, il est évident qu’il ne pourra pas interdire à son public de pratiquer l’esclavagisme, la polygamie, la pédophilie et le viol des captives, puisque tout cela se trouve énoncé dans « des textes clairs », tel celui que j’avais cité pendant notre échange.

Les viols de la place Tahrir

L’Islamisme et les femmes, Salvator, 2017

En 2017, j’ai travaillé sur les viols de la place Tahrir du Caire lors de la révolution égyptienne. J’ai lu et entendu dire dans des vidéos que le viol était endémique en Égypte. Certains disaient carrément que les Égyptiens étaient un peuple de violeurs. Mais ceux qui se souviennent de l’Égypte d’autrefois savent que c’est faux. Alors pourquoi cette épidémie de viols sur la place Tahrir, allant jusqu’à une centaine de viols déclarés en un seul jour ?

Une partie de la raison est assez simple : pendant des années, les
Egyptiens ont subi la diffusion massive de vidéos de sermons ou d’appels
encourageant à rétablir l’esclavagisme pour résoudre les problèmes
financiers du pays, ou pour permettre à l’homme de satisfaire ses
instincts sexuels sur des femmes qui n’étaient pas les siennes « sans pécher » et sans « aller en enfer ».4
Considérer les femmes des autres religions comme des esclaves, ou les
musulmanes non voilées et non cloîtrées comme des dévergondées qui
peuvent être violées, entraîne l’homme à estimer qu’il a le droit de
leur infliger le « viol punitif » voire à les tuer.

Ce que doit entendre Décathlon

Dans ces conditions, croit-on que ce soit innocemment que ceux qui s’opposent au hijab de running de Décathlon ont été victimes d’un tel tollé ? Savez-vous ce qui arrive aux femmes non voilées dans certains quartiers ?

Par une coïncidence tragique, l’actualité nous présente l’affaire du hijab de running, puis la plainte portée par Tariq Ramadan contre des femmes qui disent avoir été violées par lui, la veille du 25e anniversaire de l’assassinat de Katia Bengana. Cette jeune fille de 17 ans a été tuée par des islamistes en Algérie, le 28 février 1994, parce qu’elle refusait de porter le voile.

Katia Bengana, assassinée par un islamiste algérien, est devenue un symbole de résistance aux islamistes

Ce qu’on ne raconte pas en France, c’est qu’en Algérie toujours, « des imams sont la cible d’agressions quotidiennes de la part d’éléments salafistes cherchant à prendre le contrôle de ces lieux de culte dans plusieurs wilayas du pays »5 : des éléments qui veillent et rêvent de reprendre la main à la manière de Mohamed Morsi.

Lina Murr Nehmé

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Katia Bengana, assassinée pour avoir refusé le voile

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En 1994, en Algérie, les islamistes, désireux d’imposer à l’Algérie l’Etat islamique, avaient imposé aux étudiantes et aux lycéennes le port du voile.

Katia Bengana refusa et déclara ce qu’elle pensait. Traitée de dévergondée par certains camarades pour avoir refusé ce symbole de “pudeur”, elle fut plusieurs fois menacée de mort, et apparemment dénoncée, puisque, le 28 février 1994, alors qu’elle marchait dans la rue avec une amie, un homme armé fit signe à l’amie de partir, et tira sur Katia. Cela se passait en plein jour, dans une rue de sa ville natale de Meftah, à Blida.

Katia était une enfant: elle avait 17 ans seulement.

Une pensée pour sa mémoire: elle est morte il y a 25 ans, jour pour jour.

Lina Murr Nehmé, 27 février 2019

Voici la lettre posthume que lui écrivit son père, publiée dans Le Matin d’Algérie en 2010 :

Le 28 février 1994 – le 28 février 2010, voilà déjà 16 ans depuis ton assassinat par l’intégrisme religieux pour avoir refusé de porter le voile… Et depuis cette date, ta mère n’a pas cessé de te pleurer chaque jour que Dieu fait. Aujourd’hui ma chère Katia, je tiens à t’annoncer que ta mère est venue te rejoindre pour de bon dans sa dernière demeure en cette date du 23.01.2008 vers 23 heures environ.

Prends soin de ta mère, ma chère Katia. Fasse Dieu qu’elle ne manque de rien avec toi. Rassure-la que de notre côté tout va bien, et qu’elle n’a pas à se faire de soucis surtout pour Celia, la dernière de la famille. Car ici-bas, tu lui as beaucoup manqué, Katia. Elle a manqué de tout à cause de cette politique favorable à l’intégrisme religieux de la part de ceux qui sont censés nous protéger et nous rendre justice. Ta perte cruelle, son chagrin, son désespoir, ses souffrances, ton deuxième assassinat à travers cette réconciliation nationale ont fait que ta mère et moi-même n’avons pas pu tenir le coup. La non-prise en charge de notre situation dramatique par l’Etat, les difficultés matérielles et sociales suite à ta disparition ont fait que ta mère n’a pas pu résister à sa maladie qui n’a pas été prise en charge afin de la sauver d’une mort prématurée par manque de moyens et de désespoir.

Aussi, j’accuse le pouvoir algérien de nous avoir abandonnés à notre sort. J’accuse ceux qui ont relâché et pardonné à ces sanguinaires aux mains tachées de sang. J’accuse le pouvoir algérien pour ses sympathies avec les bourreaux de nos parents. J’accuse cette réconciliation pour la paix qui a glorifié et amnistié ces monstres assassins de plus de deux cent mille civils innocents et autres corporations confondues. J’accuse tous ceux qui ont voté pour ce référendum de la honte. J’accuse cette réconciliation qui a consacré l’impunité et qui a ignoré la justice. J’accuse tous ceux qui ont été indifférents à notre douleur. J’accuse tous ceux qui ont été favorables à cette mascarade de vente concomitante d’êtres humains, de civils et autres pour simplement plaire aux maîtres et par la même occasion obtenir quelques miettes en contrepartie de leur soumission et servitude. J’accuse cette réconciliation qui nous a assassinés une deuxième fois à travers cette idéologie arabo-baâthiste pour faire de nous des Arabes par la force et malgré nous. J’accuse tous ceux qui instrumentalisent la religion pour se maintenir au pouvoir en sacrifiant des civils et autres. J’accuse tous ceux qui utilisent la religion pour y accéder en assassinant des innocents. J’accuse tous ceux qui utilisent la religion pour nous détourner de nos racines, de nos coutumes, de nos traditions et de notre langue historique et ancestrale (…)

M. Bengana

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Décapitation de la statue du poète Aboulalaa al-Maarri

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Aboulalaa al-Maarri, poète syrien aveugle du Moyen Age, était athée. Il avait écrit un livre parodiant le Coran, et on l’avait estimé mécréant. Poète très célèbre, les enfants l’apprennent à l’école.

Le livre fut interdit par les autorités califales. Il
disparut durant des siècles, pour réapparaître sous la forme d’un
manuscrit poussiéreux dans un grenier. Il fut réédité, au grand dam des
islamistes.

Le gouvernement syrien lui avait élevé une statue dans sa ville de Maarrat en-Noaman, entre Hama et Alep.

Durant la guerre, Nosra (financée par l’Arabie Saoudite et entraînée par les Américains) envahit Maarra et y massacra les chrétiens. Faute de pouvoir couper la tête d’Aboulalaa vivant, elle trancha celle de sa statue.

NB : Nosra, émanant de Daech, a pris les combattants de l’ASL en leur payant davantage. Voyez cette vidéo (sans craindre l’avertissement de Facebook: il est dû au fait que l’ASL a dû se plaindre des scènes que j’ai tirées de ses vidéos).

www.youtube.com/watch?v=bR0Vc568je0&bpctr=1551019218

Lina Murr Nehmé, 24 février 2019

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Mort de Fabien Clain

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Fabien
Clain, un des deux frères qui avaient été des inspirateurs, des mentors
de Mohamed Merah, n’est pas devenu un des hommes de Daech en France par
hasard. Dès le début des années 2000, il travaillait pour al-Qaïda, et
après les attentats de septembre 2001, “al-Qaïda en Irak”,
l’organisation de Zarqawi, qui est par la suite devenue Daech. En fait,
il avait toujours travaillé pour les mêmes: les gens de Ben Laden et de
Zarqawi. Quand ces derniers ont changé de nom et se sont coupés
d’al-Qaïda, il est resté avec eux.

Son expérience djihadiste en
France depuis le début des années 2000, lui a permis d’organiser le
massacre du Bataclan, des cafés avoisinants, et le massacre avorté du
stade de France où était supposé mourir François Hollande.

Il
n’était pas le seul à s’être rangé du côté de Daech contre al-Qaïda: son
ami Sabri Essid, le demi-frère de Mohamed Merah, avait fait de même, et
il avait même fait assassiner un Palestinien en Syrie par un enfant
toulousain, en direct devant la caméra, qu’il avait fait diffuser à
temps pour qu’elle passe aux infos le jour de la commémoration de
l’assassinat, par Mohamed Merah, du soldat français Imad ben Ziaten.

Pour plus de détails concernant cette histoire et ses racines, lire le chap. 25 de mon livre Fatwas et caricatures (Salvator, 2015).

Lina Murr Nehmé, 23 février 2019

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