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Sarah Halimi : L’assassin et les textes

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Sarah Halimi, retraitée juive, a été assassinée en 2017 par son voisin Kobili Traoré qui récitait le Coran et des «Allahou Akbar». Au début, silence complet sur l’acte terroriste: l’assassin est prétendu irresponsable au moment du crime.

Sarah Halimi était femme et perçue comme étrangère par ses voisins musulmans, à cause de la propagande qui se diffusait dans la mosquée voisine. 40 pages de mon livre L’islamisme et les Femmes parlent de cette mosquée, de ses tenants, de son influence sur le quartier, de Kobili Traoré, de ce qu’il avait appris dans cette mosquée et dans les sermons et entretiens des tablighis qui la tenaient; et enfin, décrivent le meurtre et expliquent le sens religieux des paroles de Kobili Traoré au regard de l’enseignement qu’il avait reçu; la croyance au djinn, à la roqya, opération violente d’expulsion du djinn, etc., l’assassinat de Sarah Halimi ressemblant à une roqya. Et enfin, comprendre ses paroles à la lumière des textes qu’il révérait, notamment dans leurs passages concernant les juifs.

S’être donnée tant de mal, et apprendre, pour finir, que c’est pour rien, et que Kobili Traoré pourrait être déclaré pénalement irresponsable?

Non seulement c’est une injustice (car si Sarah Halimi avait été une musulmane tuée par un juif au son de phrases du Talmud, il n’y aurait pas eu ce silence), mais il y plus grave, bien plus grave: le risque que cette déculpabilisation amène une répétition de cette tragédie.

Car les candidats au meurtre religieux connaissent parfaitement les textes que j’ai épluchés dans L’islamisme et les Femmes, et que la justice française se refuse à prendre en considération.

En voyant la justice française, et ceux qui l’ont influencée, passer outre ces textes pour faire de l’effet de la drogue une “circonstance atténuante”, ils comprennent qu’il leur suffira de fumer du cannabis et d’aller tuer des juives ou des chrétiennes pour qu’on puisse dire qu’ils sont irresponsables.

Pour conclure, je cite Anne-Sophie Chazaud à laquelle il “semblait pourtant que «assassin» venait de l’arabe «Hashīshiyyīn», qui fume du haschisch… Et curieusement, d’habitude, la prise de stupéfiants ou d’alcool, est précisément considérée comme une circonstance aggravante du crime. Subitement, cela devient un quitus. Elle est pas belle la vie ?” conclut-elle avec une ironie noire.

Non, elle n’est pas belle, la vie. Elle est de plus en plus horrible. On va jusqu’à encourager la drogue en dépénalisant l’assassin de Sarah Halimi sous prétexte qu’il était drogué.

Pourtant, la drogue n’abolit pas l’antisémitisme du meurtre de Sarah Halimi. (Cf le livre précité.) Les candidats au meurtre religieux savent parfaitement que l’assassinat de Sarah Halimi était antisémite. Et que la justice française n’a pu dire le contraire, sauf en passant outre l’existence de données sociologiques et religieuses de premier plan.

Lina Murr Nehmé, 21 mars 2019

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Enfants assassins et enfants d’assassins

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Ce que j’ai vraiment dit.

J’ai beaucoup hésité à publier mon
précédent article, où je citais le cas de trois enfants tueurs. J’ai
commencé par l’enfant de la photo, un Asiatique qui venait de tuer. Il
est originaire d’Extrême-Orient. Il n’a pas intérêt à être rapatrié en
Chine, il y serait exécuté immédiatement.

J’ai cité le cas d’un
autre enfant tueur, français celui-là: le neveu de Sabri Essid, le
demi-frère de Mohamed Merah, qui a tué un Palestinien devant la caméra.

J’ai également cité le cas des enfants tueurs du théâtre de Palmyre. Presque des adolescents.

J’ai rappelé que les victimes de ces enfants avaient elles-mêmes des
enfants, et qu’étant pauvres, elles ont laissé des veuves et des
orphelins mourant de faim. Mourant de faim, surtout à cause du blocus
imposé à la Syrie, par cet Occident qui tient tellement au confort de
ses citoyens, même quand ils sont allés tuer en Syrie.

Et j’ai
posé la question de savoir si l’enfant tueur avait plus de droits que
les enfants qu’il a rendus orphelins. Je parlais sur le plan strictement
matériel et alimentaire: si ces enfants sont rapatriés, ils
bénéficieront de confort. Pendant ce temps, les autres enfants, ceux
dont ils ont tué les pères, auront de plus en plus faim en raison du
blocus, et sans que les Etats qui veulent sauver leurs ressortissants
djihadistes, pensent à réparer le tort fait par ces derniers.

C’est une question qu’on ne peut pas comprendre en Occident, où il n’y a
pas eu d’enfants djihadistes tuant, avec conviction, des pères de
famille pauvres dont les enfants ont ensuite crevé de faim parce qu’ils
étaient devenus orphelins. C’est le cas de la plupart des victimes de
ces enfants.

Une personne a traité mes propos de vision “de
l’angle du ressentiment, voire de la vengeance dans ce qu’elle a
d’aveugle, de non raisonné, de barbare… Comment pouvez-vous oser, en
France, poser le problème d’un criminel, meurtrier ou assassin, mineur,
en fonction de la situation de ses victimes ou des enfants de ses
victimes?”

J’ai répondu que “si je devais avoir du ressentiment,
j’en aurais envers les Palestiniens et les Syriens, car ils ont détruit
mon pays et tué mes amis, ils ont ruiné ma vie, ils m’ont volé ma
jeunesse. Il n’y a pas, au monde, un peuple qui pour moi représente le
malheur de mon pays d’origine, autant que les Palestiniens et les
Syriens, et pourtant je défends des victimes palestiniennes ou
syriennes. Si je devais prendre les choses du point de vue du
ressentiment, je dirais: ‘Bien fait pour eux, voyez ce que leurs pères
ont fait aux enfants du Liban’. Mais je le fais sous l’angle purement
humain, en considérant des enfants palestiniens ou syriens comme égalant
des enfants français, et non comme leur étant inférieurs.
“Est-il
acceptable que des enfants meurent de faim parce que leur père a été tué
par un enfant occidental, et que ce dernier, lui, vive bien mieux
qu’eux? Ma question étant: un enfant est-il supérieur à l’autre selon sa
nationalité?
“Et si on pourvoit l’enfant tueur des mollesses de la
vie occidentale, est-il juste qu’on laisse ses victimes avoir faim? Si
vous appelez cela ressentiment, libre à vous. Moi, j’appelle cela
humanité.

Elle répond (sans avoir lu) que je verrais éventuellement bien les enfants des djihadistes, Français par filiation, exécutés.

Je réponds qu’elle me faisait “dire ce que je n’ai pas dit. Relisez mon
texte. Je parle de l’injustice de traitement entre enfants, je ne parle
pas d’exécuter les enfants tueurs. Je commence seulement le post en
parlant de l’enfant du sud-est asiatique qui est sur la photo et qui
serait tué s’il était rendu à son pays d’origine, le sud-est asiatique,
où on a moins de scrupules en la matière.”

Sa réponse: “… Il
faudrait peut-être construire des taudis plein de rats pour les mineurs
criminels auxquels on ne servira qu’un crouton de pain nageant dans
l’eau chaude… pour plus de justice ?”

Moi: “Personne, en
Occident, ne parle des enfants victimes, personne ne propose de leur
donner au moins le même niveau qu’aux enfants assassins; au contraire,
on inflige à leur camp des sanctions qui les affament. Si déjà un seul
politicien français disait: “Nous voulons rapatrier les enfants tueurs
en considérant qu’ils ont eu le cerveau lavé, et que la République, en
les adoptant, décide aussi de réparer leurs torts en donnant aux enfants
de leurs victimes au moins une vie décente,” au moins, alors, les
enfants seraient égaux. Mais ce n’est même pas le cas: les sanctions
continuent de plus belle, et madame, il y a des enfants syriens qui en
meurent chaque jour, et ce sont souvent des orphelins. Je n’ai jamais
parlé de tuer personne. Si quelqu’un venait me tuer, je ne le tuerais
pas pour sauver ma vie, alors vous voulez que dans ce post je parle de
tuer? Déduisez ce que vous voulez, j’ai écrit ce que j’ai écrit en
pensant aux victimes, et les premières des victimes ne sont pas les
tueurs (même si ceux-ci à mon avis sont des victimes aussi”

Elle:
“A l’évidence nous n’avons pas la même conception du droit français, ni
le même respect pour les lois républicaines de la France… que je
sépare totalement de la politique menée par la France.”

Mais à ma
connaissance, le droit français dit qu’en cas de meurtre, il doit y
avoir réparations envers la victime. Des ressortissants français ont tué
à l’étranger. Un crime est jugé dans le pays où il est commis, et des
réparations sont imposées au bénéfice des victimes. Est-ce que les
tribunaux français vont imposer des répérations aux victimes? A ma
connaissance, il n’en a jamais été question. La vérité est que c’est au
nom de la loi du plus fort que se fait le débat, et non au nom de la loi
tout court.

Je rappelle que Daech a été engendré par les
sanctions économiques inhumaines imposées à l’Irak. Or aujourd’hui, les
mêmes sanctions sont imposées à la Syrie. C’est ce que j’avais écrit
dans ce post qui semble avoir été si mal lu. En commentaire, j’ai
également écrit:

“Il faudrait apprendre les leçons du passé pour
ne pas créer des situations similaires. Or la politique qui a créé ces
tragédies se poursuit, tant en Orient, où on aide objectivement les
djihadistes, qu’en Occident, où on fournit une propagande
déshumanisante, misogyne, raciste, qui est interdite par la loi
française, sans que personne ne daigne appliquer la loi.”

Et dans un autre commentaire:

“Ces enfants ont subi un lavage de cerveaux. On sait ce que c’est pour avoir entendu parler des lavages de cerveaux des sectes: Moon, scientologie, etc. Les vicitmes de ce lavage de cerveaux ont pu être réhabilitées, mais parfois au prix d’un traitement très dur. Je ne rends pas ces enfants responsables. J’exige seulement qu’ils ne soient pas mieux traités que les enfants de leurs victimes. Ici je parle des enfants tueurs. Les enfants qui n’ont pas tué n’ont pas un problème psychologique aussi grave. Si on veut les réhabiliter, on doit aussi penser aux victimes.”

Lina Murr Nehmé, 20 mars 2019

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Pierre Liscia et Rachid Nekkaz

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Pierre Liscia, élu LR du XVIIIème arrondissement de Paris, qui se
plaint notamment de la situation à la Chapelle (trafic et consommation
de crack, insécurité), est copieusement insulté pour avoir dit à Rachid
Nekkaz qu’il était un “islamiste bon teint”. Depuis 2 jours, il est la
cible de réseaux “organisés” qui lui en veulent d’avoir dit ce qui
semble bel et bien correspondre à la réalité.

Rachid Nekkaz a renoncé, paraît-il, à la nationalité française, après avoir fait fortune
dans l’immobilier. Il affiche son soutien à Tariq Ramadan, s’est fait
connaître en payant les amendes des femmes en niqab sur le territoire
français, ce qui est une manière d’insulter la loi française et de se
rendre sympathique aux islamistes. Tout cela, faute de réussir
électoralement en France.

Fin novembre 2015, deux semaines après les attentats du Bataclan, il
avait instrumentalisé la fermeture de la mosquée de Gennevilliers,
cherchant à communiquer contre l’état d’urgence – “Hollande va-t-il
fermer les 2500 mosquées de France au nom de l’état d’urgence?” (sic).
Tant de mauvaise foi en si peu de mots, est-ce possible ? On ne
construit rien de bon en lâchant des phrases mensongères et en flattant
les bas instincts. Mais on sème une discorde sur laquelle les réseaux
islamistes savent tabler depuis longtemps, sous prétexte de ressentiment
social.

La violence et la quantité d’insultes reçues par Pierre Liscia est révélatrice et inquiétante: les “nik ta mere”, les photos de Hitler sur fond de tour Eiffel, les insultes en tout genre montrent hélas qu’une certaine jeunesse, qui se dit algérienne et patriote, n’arrive pas à trouver de modèles politiques et moraux autres que ceux qui étalent leur goût de l’argent et de la notoriété facile. Qu’a fait Rachid Nekkaz de valable pour ses compatriotes algériens ? Il ne leur reste que des arguments revanchards, le mépris de la loi et l’insulte. Comme dit Kamel Daoud, il serait bien triste de passer d’un cadavre à un clown.

Lina Murr Nehmé, 14 mars 2019

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A ceux qui nous font pleurer sur les malheurs des djihadistes

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A ceux qui nous font pleurer sur les malheurs des djihadistes en Syrie et non sur le sort de leurs victimes.

Journalistes, revoyez vos anciens reportages, ceux où vous aviez
glorifié ces djihadistes, où vous avez refusé de reconnaître que Daech
était un Etat combattant un autre Etat, la Syrie. Vous l’avez toujours
appelé “Organisation Etat islamique”. Ce faisant, vous avez encouragé le
djihadisme en Occident, en présentant les guerres d’invasion des
djihadistes comme des “guerres civiles”.

Et vous, politiciens, vous avez aidé Daech, non seulement en donnant
des mots d’ordres aux médias, mais aussi, militairement, en entraînant
Daech, puis Nosra et d’autres organisations djihadistes pour les
fortifier contre leurs victimes, ces minorités que vous prétendez
défendre lorsque cela vous donne un prestige moral.

Et qui
étaient leurs victimes? Qui soutenait et soutient Bachar el-Assad? Ne
sont-ce pas les minorités, toutes les minorités? En présentant les
guerres de Daech comme des guerres menées par des opprimés contre des
oppresseurs, des guerres civiles, vous avez aidé l’Etat islamique à
perpétrer son génocide des minorités. Vous avez ainsi présenté les
minorités (qui, toutes, défendaient le régime syrien ou se battent dans
le même camp), comme des fascistes, ce qui a préparé leur massacre. Cela
a commencé par les chiites irakiens, dont on n’a pas parlé, comme s’ils
n’existaient pas. Vous avez également tu le sort des sunnites irakiens
ou syriens qui résistaient. Et cela a continué avec le massacre des
mêmes dans les régions syriennes occupées par Daech.

Alors, le
monde occidental, qui avait ignoré le génocide des communautés
musulmanes non islamistes, s’est ému avec le génocide des yézidis. Des
yézidis et non des Kurdes, car des villages kurdes chrétiens ont été
tout aussi victimes que les yézidis, pour avoir résisté par les armes et
refusé de se convertir à l’islam. On n’en a pas parlé. Il a fallu que
Daech publie lui-même le cours des esclaves vendues sur les marchés
(voir le fac-similé et la traduction dans mon livre L’islamisme et les Femmes), pour que le public réalise que ces esclaves pouvaient être aussi bien chrétiennes que yézidies.

Et de nouveau, on nous fait pleurer sur les agresseurs et sur leur camp
; de nouveau, on nous les présente comme des combattants de la liberté.
Quand cette désinformation cessera-t-elle? Je le sais: comme pour le
Liban, une fois que le pays sera soumis à un sunnite choisi par l’Arabie
Saoudite, lorsque la constitution aura été modifiée par volonté
internationale, pour donner tous les pouvoirs présidentiels aux
sunnites.

Il se trouve qu’en Syrie, les sunnites sont la
majorité. Mais au Liban, quand la communauté internationale a imposé une
constitution, les sunnites étaient minoritaires.

En histoire, il faut toujours comparer des situations semblables pour y voir clair malgré la désinformation.

Lina Murr Nehmé, 14 mars 2019

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De la discrimination

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De la discrimination

Comment en finir avec la discrimination
médiatique et politique face aux attentats? Faudrait en arriver jusqu’à
interdire à la presse de dire l’identité des victimes et le lieu où
elles sont mortes? Dans ce cas utopique, il y aurait la justice, même au
niveau de la mort, et un civil égalerait un autre civil,
indépendamment de leur religion ou de leur nationalité.

Rappelez-vous l’affaire la plus médiatisée de 2017 en France: l’affaire
du jeune Théo, qui accusait la poilice de l’avoir violé. A-t-on demandé
la publication de la vidéo prise par la caméra de surveillance, avant de
ruer sur tout ce qui était Blanc et de tenter de tuer des policiers? A
l’occasion, des policiers avaient été incendiés, et l’un d’eux a presque
entièrement flambé durant un temps suffisant pour causer dans son corps
des dégâts irréversibles. Quelqu’un a-t-il parlé de cette tragédie
vraie? Non: un syndicat a parlé de “poulet grillé”. Quelqu’un
cherche-t-il à savoir ce qu’est devenu ce policier si gravement brûlé?
Pas à ma connaissance: les médias n’en parlent plus.

Et pendant
qu’on croyait aveuglément le mensonge de Théo sans demander à voir la
vidéo pour savoir si c’était la vérité ou une calomnie, on ignorait le
massacre de Sarah Halimi en refusant de prendre en compte les éléments
prouvant qu’elle avait été tuée parce qu’elle était juive. Ce qui m’a
obligée à faire ma propre enquête, et à consacrer 40 pages dans L’islamisme et les Femmes,
à prouver que l’assassinat était religieux et que sans la religion et
le sexe de Sarah Halimi, il n’aurait pas eu lieu, en tout cas pas de cas
pas de cette façon féroce.

Dans le même livre, j’ai montré un
autre exemple terrible de cette discrimination: comment des tags sur une
mosquée avaient mis la France sens dessus-dessous, alors que depuis un
mois, le curé de l’église voisine, et son église, subissaient des jets
de pierre quotidiens, le cruré recevant même des parpaings: cela
s’appelle de la lapidation.

Qu’est-ce qui est plus important?
Une personne humaine ou un mur? (Sans compter qu’en plus, l’église avait
été lapidée et endommagée, et qu’un lieu de culte est infiniment plus
important qu’un simple mur d’enceinte extérieure.)

La même
semaine que les tags, le massacre d’un Français d’origine africaine —
mais chrétien — a également fait moins de bruit que les tags sur le mur.
À cause de l’identité de ses assassins.

La révolte que j’éprouve
face au manque de sympathie que subissent les victimes qui n’ont pas la
bonne couleur, ou la bonne religion, ou la bonne nationalité, je
l’éprouve depuis près de 45 ans. Je croyais, à cette époque, que les
chrétiens du Liban (ou les musulmans quand ils étaient dans le même camp
qu’eux), seuls, étaient victimes. Mais je m’aperçois que la guerre
faite aux Libanais a essaimé dans le monde entier, même si, nulle part,
le traitement des victimes n’a été aussi flagrant que dans la guerre du
Liban. Je pourrais ainsi donner des centaines d’exemples de massacres,
tuant parfois 2000 civils (Damour), et tus par les médias occidentaux
parce que les victimes étaient chrétiennes et les assassins
palestiniens. J’en ai donné beaucoup d’exemples dans mes deux trois
livres sur ce sujet: “Le Liban assassiné”, “Du règne de la Pègre au
Réveil du Lion”, et “Les otages libanais dans les prisons syriennes”.

Un des seigneurs de la guerre du Liban, habitué à infliger ces discriminations aux chrétiens, vient de déclarer que l’assassin de Nouvelle-Zélande était un si grand criminel qu'”il n’y a pas eu dans l’histoire un criminel qui puisse représenter [ressembler à] ce criminel”.

Il a ainsi allègrement passé outre aux massacres de Daech et de ses alliés (Boko Haram, Shabab, etc.), de Nosra, de l’OLP, du Hamas, pour ne pas parler des assassinats commis par le sultan ottoman Mahomet II, à qui on attribue un million de victimes entre morts et prises d’esclaves. Et j’en passe.

Discrimination, quand tu nous tiens !

Lina Murr Nehmé, 17 mars 2019

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Plus on tue, mieux on est traité

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Cet enfant vient de tuer. Si lui ou un des siens était expatrié, il
serait probablement sous la juridiction d’un pays du sud-est asiatique,
qui n’aurait aucun scrupule à l’éliminer.

Mais il y a des
enfants ressortissants français, anglais ou belges (ou autres) qui ont
tué. Ils ont été entraînés à tuer. L’État islamique a diffusé des vidéos
terribles montrant le lavage de cerveaux dont ont été victimes ces
enfants. Rappelez-vous les enfants d’Hitler, qui voulait créer la race
supérieure en faisant élever à sa manière les enfants blonds aux yeux
bleus. Cela a, paraît-il, donné des monstres.

On se dispute en
France au sujet des enfants des djihadistes. Evidemment, quand on dit le
mot “enfant”, on pense à l’innocence et non au meurtre ou à la guerre.

Pourtant, qui a oublié la vidéo dans laquelle le neveu de Sabri Essid,
demi-frère de Mohamed Merah, tuait un Palestinien musulman agenouillé?
Seule compte l’opinion du téléspectateur occidental que les journalistes
font larmoyer à longueur de reportages? L’opinion de la famille de ce
Palestinien assassiné n’a aucune valeur concernant son fils qu’un enfant
franco-tunisien a tué? Même si c’est dans un centre de détention, cet
enfant tueur, s’il était encore en vie, coulerait, aux frais du
contribuable français, une vie bien plus douce que celle des enfants ou
des frères de sa victime, et qui sont des pauvres.

Et qui a
oublié la vjdéo des enfants assassins dans le théâtre de Palmyre? Il y
avait certainement des Occidentaux parmi eux. On a mis à leurs pieds, à
genoux dans un théâtre, une file de soldats syriens aux visages
ensanglantés, qui avaient été tellement torturés durant les jours et les
nuits préalables, que certains d’entre eux ne parvenaient pas à rester
debout ou à genoux.

Si l’un de ces enfants ou adolescents est un
ressortissant français, aura-t-il droit d’aller se couler la vie douce
en France dans une cellule de luxe avec nourriture à satiété, sachant
qu’en Syrie, les enfants des hommes qu’il a assassinés, meurent
littéralement de faim? Car, quand on vous fait larmoyer sur le sort des
djihadistes, on ne vous dit pas que les familles syriennes sont
nombreuses et pauvres, qu’une femme dont le mari est mort, n’a pas
nécessairement de quoi nourrir ses enfants. L’assassinat du père
signifie la faim pour sa femme et ses enfants. Les victimes des enfants
de Daech n’étaient pas des richards. C’étaient des pères de famille de
la classe plutôt pauvre. Leur disparition a laissé des orphelins sans
ressources qui, aujourd’hui, meurent parfois littéralement de faim parce
que les sanctions occidentales ont rendu exorbitant le prix des denrées
alimentaires.

Est-il juste que ces enfants meurent de faim, et
que les enfants djihadistes occidentaux qui ont égorgé leurs pères,
parfois devant caméra, se coulent la vie douce dans des prisons de luxe,
loin du blocus imposé par l’Occident à la Syrie? Est-il possible aux
assassins et à leurs enfants de gagner sur tous les plans, tuer en
France, tuer en Syrie, puis, une fois perdants, rentrer en France,
laissant les enfants de ceux qu’ils ont tué et dont ils ont ruiné le
pays, perdre sur tous les plans?

Non, non, ce monde est trop injuste. Il y a quelque part, quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. On m’avait dit qu’un homme égale un homme, qu’un enfant égale un enfant. Mais je m’aperçois que plus on tue, mieux on est traité, et plus on est gagnant.

Lina Murr Nehmé, 20 mars 2019

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L’imam Bajrafil et l’amour

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10 millions de réfugiés algériens ?

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Dominique Handelsman écrit : “Sur la 5, Kamel Daoud traite le Pen de charognarde parce qu’elle a dit qu’elle souhaite qu’on suspende l’attribution de visas d’Algérie vers la France, arguant que Sifaoui a dit qu’il pourrait y avoir jusqu’à 10 millions de réfugiés.”

Je voudrais poser la question suivante à Kamel Daoud, que j’estime par ailleurs : vu la situation actuelle, serait-il humain, bon et utile que la France reçoive 10 millions de réfugiés algériens (sous réserve, évidemment, que ce chiffre avancé par Mohamed Sifaoui soit réaliste) ? Serait-ce bon pour ces Algériens ?

Nous avons connu cela au Liban, quand, réfugiés palestiniens plus réfugiés syriens, nous nous sommes retrouvés avec une population aux deux tiers libanaise seulement.

Le Liban assassiné, Aleph et Taw, 2008. En France, ce livre est disponible sur commande uniquement (contacter Lina Murr Nehmé par sa page Facebook).

Personnellement, chaque fois que
j’ai eu le choix, j’ai préféré me rendre là où il y avait la guerre,
que de fuir. C’est pourquoi, et alors que ma famille était domiciliée à
l’étranger, je me suis trouvée au Liban la plupart des périodes où il y
avait la guerre, et j’ai affronté le feu des miliciens les mains nues,
j’ai affronté Daech en brûlant son drapeau à cent kilomètres d’elle,
j’ai même affronté l’armée libanaise en refusant de me retirer au cours
d’une manifestation, au risque de me faire écraser par la troupe qui
marchait sur nous.

Je comprendrais que cent, ou que mille Algériens fuient. Mais je ne comprendrais pas que 10 millions d’Algériens fuient leur pays au lieu de le servir, alors qu’ils pourraient briser n’importe quel régime, rien qu’en descendant tous ensemble dans la rue.

Lina Murr Nehmé, 12 mars 2019

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Daech : Etat ou organisation ?

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Un tribunal daechi.

Un lecteur m’écrit avoir lu que l’Etat islamique n’était pas un véritable Etat, mais une organisation, un proto-État. Depuis des années, en effet, les journaux et les politiques ont colporté l’expression “organisation Etat islamique”. Comment l’histoire, avec le recul des années, pourra-t-elle appréhender cet objet politique ? Voici quelques éléments de réponse.

Cette affirmation selon laquelle Daech ne
serait pas un Etat est une contre-vérité. Les autorités qui produisent
cet élément de langage savent parfaitement que Daech, “Etat islamique en
Irak”, puis “Etat islamique en Irak et à Cham (Liban, Syrie, Israël,
Jordanie)”, avant de s’appeler “Etat islamique” tout court, a tout d’un
Etat. Contentons-nous d’une définition classique et reconnue de l’Etat:
un être artificiel puissant, un Léviathan, capable d’assurer la paix et
la sécurité des individus qui lui ont prêté allégeance ou qu’il a
soumis (Hobbes).

Rappelons simplement que Daech :

– perçoit des impôts
– édicte et fait respecter ses lois
– entretient des tribunaux et des juges (photo)
– gère une administration et toute une infrastructure (routes,
hôpitaux, importations et exportations, production et raffinage de
pétrole)
– bat sa monnaie
– dispose de journaux et de chaînes de télévision
– rémunère ses fonctionnaires, ses écoles, sa police, son armée
– produit une idéologie structurée fondée sur un droit dont elle se réclame.

Si, dans ces conditions, Daech n’est pas un Etat, alors qu’est-ce qu’un
Etat ? (sachant qu’en reconnaissant à Daech ce statut d’Etat ne revient
pas à le louer.)

Pourquoi nier une telle évidence ?

Si
les puissances occidentales ont répandu ce mensonge, c’est que cela leur
permet de soutenir Daech contre l’Etat syrien, et de faire passer le
conflit qui a ravagé la Syrie pour une guerre civile, alors qu’il s’agit
d’une guerre d’invasion. Cette invasion, ces puissances occidentales
l’ont observée sans intervenir, quand elles ne l’ont pas aidée
financièrement, matériellement, diplomatiquement. Elles ont ainsi laissé
tranquillement Daech l’Irakien traverser le désert, passer la frontière
et commencer les massacres en Syrie.

Il en est de même de
Nosra, issue de Daech, implantée en Syrie par la volonté et avec
l’argent de Daech. A ce titre — et même si elle s’est coupée de son
organisation mère dans le but de s’enrichir et de fonder un jour son
propre califat — Nosra, elle aussi, est un envahisseur étranger, envoyé
par Daech pour préparer en Syrie un terrain favorable à une annexion par
Daech.

L’article que l’on me cite dit que Daech ne peut pas
battre monnaie. C’est faux: il bat monnaie. Délivre-t-il des papiers
d’identité ? Bien sûr: pourquoi ces jeunes djihadistes brûlent-ils leurs
papiers français, sinon parce qu’on leur a donné ceux du califat ? Eux
ne disent pas “Etat islamique”, ils disent tout simplement “l’État”.

Quant aux frontières internationalement reconnues, elles sont tacites: quand les grandes puissances interviennent contre la Syrie si elle dépasse une certaine ligne dans sa guerre contre Daech, il est évident qu’il s’agit de faire respecter une frontière dont on a convenu par un travail diplomatique, un peu comme les limites décidées lors des discussions entre Roosevelt et Staline à Yalta, ou comme la partition du Liban décidée en 1973-1974 (le plan Kissinger), qui a fini par échouer, parce que le peuple libanais ne s’est pas laissé faire.

Lina Murr Nehmé, 11 mars 2019

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“Nul n’est prophète en son pays” !

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“Nul n’est prophète en son pays” !

Au Liban, le Dar el-Fatwa a
poliment informé le ministère qu’il devait interdire la diffusion de
mon livre “Tariq Ramadan, Tareq Oubrou, Dalil Boubakeur: ce qu’ils
cachent” dans le pays.

Cette institution rédige des fatwas, elle
interdit des livres: elle est dans son rôle. C’est elle qui a refusé de
recevoir une candidate à la Présidence de la République française sans
hijab. Et ce, alors que le voile n’est pas obligatoire au Liban. Il est
vrai que mes derniers livres parlent du voile, et de sujets sensibles.
Impossible d’expliquer le vrai discours de Tariq Ramadan, Tareq Oubrou,
Dalil Boubakeur, sans revenir aux textes qu’ils citent.

Si on
comprend que ces trois personnages soient protégés par leurs collègues
oulémas qui censurent mon livre, on comprend moins facilement pourquoi
cette protection s’exerce en France, en Belgique, et dans une moindre
mesure, en Suisse. En effet, on vient de me faire remarquer que les
bibliothèques universitaires francophones (françaises, belges et
suisses) mettaient moins de mes livres à disposition du public que les
universités américaines ou allemandes. Ainsi, il est plus facile à un
lecteur habitant à Munich, Chicago ou à un étudiant de Harvard ou
Stanford de me lire, qu’à un lecteur français, suisse, belge ou libanais
!

Et cela est valable pour d’autres auteurs qui parlent un autre
langage que celui d’Olivier Roy, Vincent Geisser, Alain Gresh ou
François Burgat, qui continuent d’être consultés et interrogés sur leurs
protégés.

Comme on ne peut pas censurer franchement, on ignore,
ce qui est aussi efficace. Et si cette censure existe, c’est bon signe:
c’est que le travail que l’on fait est efficace. Ce qui est inquiétant,
c’est que cette censure touche des livres qui aident des pays victimes
du prosélytisme et de l’islamisation agressive à y voir clair. Car toute
bibliothèque universitaire ou municipale, en France, possède les livres
de Tariq Ramadan, de Tareq Oubrou, de Dalil Boubakeur, ou de Ghaleb
Bencheikh, pour ne citer qu’eux. Sans parler des bibliothèques
musulmanes dans nombre de mosquées, à commencer par la Mosquée de Paris.
Et bientôt, qui sait, Mehdi Meklat aura le prix Goncourt. En face,
quels sont les livres qui fourniront aux étudiants de quoi se prémunir
contre leur discours ?

Je me souviens de cet étudiant que j’avais
plusieurs fois entendu, à la Bibliothèque Nationale de France,
endoctriner une étudiante voilée qui le regardait avec des yeux
passionnés. “Vous allez faire le djihad?”, lui demandait-elle entre deux
bouchées de sandwich. C’était en 2009, l’année où j’avais posé à Tariq
Ramadan la colle dont j’ai parlé dans “Fatwas et Caricatures” au sujet
du mariage d’Aïcha, et de l’esclavage. Qui sait si cet étudiant, et
peut-être cette étudiante, ne sont pas allés faire le djihad en Irak ou
en Syrie depuis, et ne sont pas, aujourd’hui, des “revenants”?

En
1982, aux Beaux-arts de Paris, quand l’action des islamistes en France
était encore assez faible. Je passais mon UV de tapisserie artistique,
et face à moi, à travers la trame, un garçon et une fille réalisaient
leur tapisserie; le garçon harcelait la fille en lui vantant sa religion
et la beauté du chant du muezzin. Sans doute avait-il lu ou entendu les
écrits du père de Tariq Ramadan, Saïd, ou ceux de Hamidullah, qui
sévissait à l’époque, pour qui toute musique est interdite à l’exception
de l’appel du muezzin. Et je devais ainsi subir tout au long de la
journée le fredonnement: “Allahou Akbar, Mohamed est l’Apôtre d’Allah!”

Ce matraquage par le haut (lobbying auprès des politiques) et par le bas (propagande et prosélytisme) produit des convertis, des professeurs islamistes et des djihadistes. On l’a payé, des années plus tard, avec les attentats sur le sol français. Le laxisme et la censure actuels se paieront plus cher encore dans un futur proche, car ce genre de mouvement ne croît pas en ligne droite, mais de façon parabolique. Les livres des éditeurs salafistes sont bien en vue à la Fnac; après l’avoir fait remarquer à un vendeur, un de mes lecteurs s’est fait répondre: “Après tout, ce ne sont que des livres !”

Ibn Taymiyya, El-Djazaïri, Qaradaoui et
leurs admirateurs. Puis, les islamistes honteux, qui entretiennent la
confusion sur les idées et les textes, et se font passer pour modérés
dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision. S’ils
l’étaient vraiment, ne devraient-ils pas commencer par dénoncer ces
auteurs qui mènent à la radicalisation, demander leur interdiction ? Et
on continue à les prendre au sérieux.

Est-ce normal ? Vous me
direz que la France n’est pas tout à fait dans son état normal. Comment
peut-on décrier un phénomène, et faire semblant d’ignorer les textes mis
en application ? Dans ces conditions, les livres d’histoire qui ne
sacrifient pas aux bons sentiments et au romantisme (“histoire”,
rappelons-le, signifie “enquête”), ou qui n’enrobent pas les pires
commandements d’une “spiritualité” imaginaire ne peuvent pas être bien
accueillis.

Les concepts flatteurs, les bons sentiments,
l’optimisme béat ne sont pas de circonstance. Pour que l’histoire arme
la pensée, il faut qu’elle aille à la rencontre des faits et des textes
qui planifient les actes à venir.

Tous mes livres contiennent des
centaines de traductions inédites, des documents reproduits en
fac-similé, et présentent des faits difficiles ou scientifiques dans un
style lisible, pour être accessibles à des lecteurs ordinaires. Ce sont
des livres sans jargon. Ce ne sont pas non plus des livres de
demi-savants, bourrés d’erreurs et de contresens, sous prétexte de faire
de la vulgarisation. Les propagandistes comme Tariq Ramadan ont des
mécènes richissimes, et ont des complices haut placés. Je n’ai payé
personne. Mais si des gens ordinaires lisent mes livres et en parlent,
la cause défendue par ces livres avancera. Même si ceux qui s’en servent
et les utilisent pour leur propre production n’ont pas l’honnêteté de
les citer.

Lina Murr Nehmé, 10 mars 2019

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